LES ÉCHOS DE VALCLAIR

 

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MOIS de JUILLET (2°quinzaine)

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15/07/03 : Maison de famille :

Je me suis installé dans le jardin, j'ai ouvert le portable mais j'hésite à me mettre à écrire. J'ai certaines choses en tête que je voudrais retranscrire, en même temps je me sens une grande envie de farniente, de laisser courir le temps, j'ai du mal à faire l'effort que réclame la mise en mots. Je m'interroge toujours, de façon récurrente, sur le sens de cette écriture, le jeu en vaut-il la chandelle, ce que cela apporte à moi-même ou aux autres vaut-il les heures que j'y consacre. Mais ensuite j'écris. Et je me laisse prendre dans la difficulté et le plaisir d'écrire, j'ai envie d'aller au bout, au texte accompli.

Le temps d'aujourd'hui n'aide pas. Il fait une chaleur éprouvante. En plus depuis ce matin le vent s'est levé, un vent très violent lorsqu'il se met à souffler, caractéristique de ce coin, un vent sec et chaud qui n'amène pas une impression de fraîcheur, qui abrutit au contraire et coupe toute énergie. Il y a des moments où ça s'apaise puis les rafales reprennent de plus belles. Je me souviens que mon grand-père lorsqu'il y avait " le vent " restait calfeutré dans la maison, toutes fenêtres et tous volets fermés mais nous, nous avons du mal, nous avons envie d'être dehors quand même.

Nous avons voyagé hier. Je déteste ces grands parcours en auto dans ces temps de migration saisonnière, dans cette circulation dense de vacanciers, de camping-cars et de caravanes. Nous choisissons toujours d'éviter les dates de grands départs. Il n'empêche, j'ai l'impression de faire partie du troupeau et je déteste ça. C'est une réaction étrange, un peu élitiste, comme si j'avais en moi une espèce de nostalgie d'autre mode de voyage, d'autre temps que je n'ai pu connaître, comme si je me rêvais en voyageur aisé d'avant les congés payés ! Mais j'en fais bien partie du troupeau, de ces salariés à horaires fixes et à vacances à date obligées !

Je ne sais pas jusqu'à quel point je suis content d'être ici. J'ai un rapport un peu ambivalent avec ce lieu, avec des vacances passées ici en tout cas. Il est marqué par le passé, peut-être trop, j'aime y venir pour y retrouver certains souvenirs, pour y retrouver un peu mes grands-parents en esprit. Je ne veux pas perdre contact avec cet endroit, je tiens à y venir régulièrement, au moins une fois par an. Je n'exclus pas à terme de m'installer dans la région, cette année même il y a eu une ouverture pour une mutation près d'ici mais je ne l'ai pas saisie. Pas par hasard. Tout ça n'est pas mûr, n'est pas clair dans mon esprit.

Nous avons retrouvé Papa qui est ici depuis la fin juin, nous sommes venus aussi parce qu'il était là, que j'étais sûr de lui faire plaisir en venant avec Constance et Bilbo (Taupin lui est parti de son côté). Il n'est pas seul. Il est accompagné de la jeune femme qu'il avait pris à domicile pour s'occuper de Maman dans les derniers temps et qu'il a finalement décidé de garder bien que lui même soit parfaitement autonome. Du coup nous sommes comme des coqs en pâte : nous n'avons jamais eu quelqu'un à domicile s'occupant du ménage, prévoyant les repas, faisant les courses, nous n'avons pas l'habitude de nous retrouver devant le repas prêt et la table mise. C'est à la fois très agréable et un peu lourd, cela nous enlève une part de liberté, de légèreté, il me semble aussi que ce regard extérieur permanent, même si cette personne est très gentille et très discrète, fait en partie écran dans nos relations avec Papa et je m'en sens un peu gêné.

Nous sommes dans une petite ville agréable, pas très loin de Toulouse. La maison est très spacieuse, en plein cœur de la bourgade, il y a un grand jardin, des dépendances aménageables, c'est un lieu dont je crois qu'on pourrait faire quelquechose de très bien et je suis très content que nous l'ayons gardé. Mais pour l'instant c'est une maison entre-deux, encore marquée par mes grands-parents même s'ils n'y sont plus depuis des années, même si avec mon père on a fait des tris, éliminé des objets, procédé à quelques réparations et transformations. Mais pour l'essentiel l'aménagement, le mobilier restent comme autrefois. Nous sommes trop loin pour investir véritablement cette maison, on y vient trop rarement, on a pas le temps, l'énergie ni l'argent pour la transformer, pour se l'approprier vraiment.

Ce n'est pas encore tout à fait une maison de famille. Elle n'a pas vu des générations de mes ancêtres y passer. Je ne l'ai pas connue enfant. Mes grands-parents l'ont acheté lorsque eux-mêmes ont pris leur retraite et quitté la grande ville, j'étais déjà un jeune adulte, dans une période où l'on se tourne plus vers l'avenir que vers le passé, j'y suis très peu venu à cette époque, l'idée même d'une maison de famille me paraissait incongrue pour ne pas dire réactionnaire. Mais mes garçons y sont venus bébés, il y ont connu leur arrière grand-père, Taupin surtout qui s'en souvient encore. Mon neveu y est né, ma sœur ayant habité cette maison quelque temps à une époque ou elle voulait quitter Paris. Ma mère par contre n'a jamais aimé cet endroit, peut-être parce que c'était le lieu de ses beaux-parents, elle n'y est venue que pour de brèves périodes et a toujours exclu de s'y installer pour la retraite, mon père maintenant n'y songe plus.

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16/07/03 : Le vrai et le faux :

Juste avant notre départ de Paris, j'ai fait un dernier tour chez les diaristes avant de les abandonner pour quelque temps.
La dernière entrée d'Aglaia est un scoop. On y apprend que cette jeune fille attachante n'existe pas, que son histoire est entièrement inventée par un auteur inconnu qui ne se révèle pas.

Lorsque j'ai découvert ce journal je dois dire que j'ai eu des doutes sur son auteur. Je trouvais ce texte bien tourné, jamais fastidieux, se développant comme un vrai récit d'apprentissage plein de rebondissements avec les figures attendues du genre, montrant à la fois une grande maturité et une fraîcheur touchante, presque trop bien écrit et construit pour pouvoir émaner d'une jeune fille de dix-sept ou dix-huit ans. J'ai donc sérieusement pensé que ce pouvait être un faux.

Mais à continuer de la lire tout de même je me suis de plus en plus persuadé de la réalité d'Aglaia. La fraîcheur du texte et de ce qui était raconté, des quantités de petits détails très précis donnés me semblaient difficilement inventables. Si c'est tout de même le cas, chapeau l'auteur, il est vraiment bon dans la supercherie littéraire et montre des qualités exceptionnelles pour pénétrer dans le monde d'une ado.

Mais Aglaia est-elle inventée ? Je n'en suis pas sûr. Car pourquoi ferait-on plus confiance à ce texte où Aglaia se renvoie au monde de l'imaginaire qu'à ceux où elle affirme son existence.

Aglaia peut aussi bien exister et déclarer qu'elle n'existe pas que l'inverse. Une seule chose est sûre : il y a un mensonge quelquepart. Mais où est-il ?

Les raisons de cette soudaine déclaration d'inexistence ne sont pas données. Pourquoi l'auteur choisirait-il de ne pas poursuivre une supercherie qui semblait fonctionner parfaitement et pourquoi à ce moment précis ? Aglaia elle, dans une récente entrée, évoquait des problèmes qui pouvaient très logiquement la conduire à arrêter son journal, à essayer de se mettre entre parenthèses ou à l'écart ou bien à chercher à brouiller les pistes sur elle-même. Se déclarer inexistante : quelle façon plus radicale de brouiller les pistes pourrait-il y avoir ?

J'ai envie qu'Aglaia existe. Alors je m'appuie sur ce vague indice pour dire qu'elle existe en effet. Je me trompe peut-être. Tant pis. Je crois ce que j'ai envie de croire.

Il se pourrait aussi que la vérité soit dans l'entre-deux. Peut-être Aglaia existe-t-elle mais n'est-elle pas tout à fait conforme à ce qu'elle dit d'elle. Comme ce peut-être le cas pour n'importe quel diariste, plus largement pour n'importe quel autobiographe...

Peut-être y a-t-il aussi des situations dans lesquels l'identité est si brouillée que se forger des identités d'emprunt devient un besoin fondamental. Je ne sais plus qui parlait " des virtuaux " définis comme des personnes pour lesquelles l'identité virtuelle compte plus que l'identité réelle : celle-ci dans ce cas devient vraiment une part d'eux-mêmes, il importe peu finalement qu'elle soit effectivement vécue. Où s'arrête le réel ? La littérature et l'écriture ont été de grands vecteurs de construction d'identités d'emprunt, mais notre société, société du spectacle, société de l'image, société des jeux de rôles, enfin société de l'internet contribue certainement à développer ces tendances à la multi-identité au cœur de la psychologie de chaque individu.

A priori je ne suis pas un lecteur soupçonneux, a priori je fais confiance, j'estime que ce qui est présenté comme vrai l'est (ou du moins que c'est en tout cas ce que croit sincèrement celui qui écrit, car bien entendu il y a certainement des points sur lesquels on s'illusionne soi-même). Je fais l'hypothèse en tout cas que la majorité des diaristes se veulent sincères et tant pis si je me laisse embarquer par les quelques-uns qui cherchent sciemment à mener leurs lecteurs en bateau. Peut-être suis-je naïf mais je préfère cela au soupçon généralisé.

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20/07/03 : Jours de canicule :

Ce matin je me suis réveillé très tôt, j'ai regardé, depuis la fenêtre de notre chambre qui reste grande ouverte toute la nuit, le jour commencer à se lever sur le jardin, j'ai humé longuement la fraîcheur du matin puis je suis sorti silencieusement et je me suis installé de l'autre côté de la maison dans l'ancien bureau de mon grand-père et j'ai commencé à écrire ces mots. Tout dort encore. Peu à peu cependant sur la place des mouvements se devinent, des camionnettes arrivent et manoeuvrent, des gens s'interpellent, ce sont les brocanteurs qui commencent à s'installer, il y a aujourd'hui foire à la brocante sur la place.

Les jours se succèdent et se ressemblent. Il fait parfaitement beau, ciel sans nuages, ciel pur et qui le reste tout au long du jour, il fait extrêmement chaud mais pas orageux pour autant. Le temps est d'une totale stabilité à part l'épisode de vent du premier jour qui fort heureusement n'a pas duré.

La campagne est sèche. À la mi-juillet elle a déjà l'aspect de fin août, les verts sont sans éclat, les prairies déjà jaunissantes, les vaches se regroupent à l'ombre, se tassent sous les arbres au bout des près, l'arrosage est intense sur les maïs et les tournesols mais où en sont les nappes phréatiques, un peu de pluie sûrement serait bienvenue.

Dés le milieu de matinée il faut fermer fenêtres et croisées pour tenter de garder un peu de fraîcheur dans la maison. Nous allons à la piscine municipale, au lac qui est à quelques kilomètres, nous nous promenons un peu mais moins que d'autres années. Les vélos en particulier ne sont pas souvent de sortie, nulle envie d'aller pédaler sur les routes surchauffées. Notre activité cycliste est plutôt passive. Cette année on suit plus ou moins le Tour de France à la télévision ce qui n'est pas vraiment dans nos habitudes.

Le Tour est d'ailleurs passé dans la région ces derniers jours, nous avons été nous poster comme tout le monde en bord de route pour regarder. La vie était comme suspendue, plus personne sur la place centrale, certains commerces avaient même fermé pour l'occasion, la ville s'est déplacée vers ses boulevards, là où vont passer les coureurs. Des gens de toutes sortes sont là, les gens du coin au parler rocailleux et les estivants de toute provenance, des français et des étrangers, certains qui arborent fièrement des drapeaux de leur pays pour encourager leurs coureurs nationaux, des papis et des mamis qui ont installés les pliants sur le trottoir, des familles avec les gamins surexcités, des groupes de jeunes en colonie de vacances qui meublent l'attente et manifestent leur enthousiasme en donnant vigoureusement de la voix au passage du moindre véhicule. Et il y en a des véhicules! L'attente est longue, passent des centaines et des centaines de voitures et de motos, caravane publicitaire, presse et télévisions, sécurité, véhicules de l'organisation… Enfin voici une dernière voiture avec une sono qui annonce les coureurs à quelques minutes, voici les hélicos qui passent au-dessus de nos têtes puis des motos de la gendarmerie qui ouvrent la route et puis les voilà enfin, un petit groupe d'échappés d'abord puis l'ensemble du peloton. Ils passent en un éclair, on n'a absolument pas le temps de voir les visages et de reconnaître éventuellement des coureurs, derrière chaque groupe de nouveaux voitures et motos, directeurs sportifs, voitures de ravitaillement et d'appui, motos de presse encore, c'est fini, presque fini, encore deux attardés très distancés que l'on applaudit vigoureusement puis la voiture balais, cette fois c'est vraiment fini et la foule commence à se disperser lentement en commentant. Nous rentrons nous aussi, nous nous sommes pris au jeu finalement, il y a eu peut-être dix ou vingt secondes à voir passer les coureurs mais il y a eu tout le reste, toute cette ambiance qui l'accompagne. Le Tour c'est un peu la France estivale…

Hier nous avons été à Cap Découverte, nous allions rendre visite à un petit neveu qui est en colonie de vacances là-bas, c'est un vaste parc de loisirs qui vient d'ouvrir dans une ancienne mine à ciel ouvert de la région de Carmaux, c'est une tentative pour revivifier une région qui a été très touchée par la fin de l'exploitation il y a plusieurs années déjà des mines de charbon qui avaient fait sa prospérité pendant la première moitié du 20° siècle. Le fond du vaste cratère creusé par les mineurs au cours des ans est occupé par un lac artificiel, les pentes accueillent diverses activités, piste de ski sur herbe, luge d'été, dévalkart, etc… un roller park est installé sur un replat de même que des restaurants, une boutique, quelques structures d'hébergement, un espace pour festivals. On accède au fond du cratère, environ 150m plus bas que la zone d'accueil par un télésiège. L'endroit a quelquechose d'irréel. C'est une greffe qui est tentée. Prendra-telle ? Rien d'évident à voir la fréquentation vraiment modérée du lieu pour un samedi d'été, l'immense parking presque vide. L'investissement parait surdimensionné, les activités offertes restent modestes et semblent insuffisantes pour drainer une clientèle nombreuse. Le lieu est très austère. Peut-être est-ce volonté d'éviter de trop modifier le paysage, d'essayer de marquer une continuité avec l'activité passée. Peut-être est-ce simplement que la transformation de l'espace prendra du temps, le remodelage d'un paysage ne se fait pas en une ou deux années, les plantations ne sont pour l'instant que des pousses fragiles enserrées dans leurs grillages protecteurs. En tout cas la quasi absence d'arbres me parait pour le moment rédhibitoire, ce n'est pas un lieu où l'on peut venir juste pour le plaisir de la balade, pour un pique-nique et pour piquer une tête dans le lac. La chaleur au fond du trou en l'absence de tout vent et avec l'effet de la réverbération de la lumière sur les pentes du cratère était difficilement supportable.

Nous avons quitté Cap Découverte recru de canicule. Nous nous sommes arrêtés ensuite dans la bourgade où sont enterrés mes grands-parents, cela faisait plaisir manifestement à Papa de faire cet arrêt, puis nous avons été boire un verre sur la place principale du village, il nous a montré la maison de ses grands-parents, nous a raconté des anecdotes du temps où il venait ici enfant pour les vacances dans les années trente.

La journée qui commence sans doute sera pareille au précédente, la chaleur va monter peu à peu, de nouveau la canicule écrasera tout. Pas de projet précis pour aujourd'hui. Sans doute y aura-t-il beaucoup de farniente, un peu de lecture, une baignade peut-être, avec ce soir un repas un peu plus élaboré, un gâteau et des bougies, un cadeau que nous essaierons de dénicher à la brocante, ce soir nous fêtons l'anniversaire de Papa…

Sur la place l'animation est de plus en plus vive. La brocante est en place. Huit heures sonnent au beffroi au dessus de la halle. Les cyclotouristes se rassemblent pour leur sortie hebdomadaire, je les regarde qui se préparent puis démarrent profitant des heures à peu près fraîches du matin.

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22/07/03 : Sexualité :

Je viens de terminer le livre de Willy Pasini " Les nouveaux comportements sexuels ".

Le sujet m'interpelle mais le livre m'a plutôt déçu. Il décrit l'évolution des pratiques sexuelles dans notre société, il montre les enrichissements que celle-ci peut apporter mais souligne surtout les difficultés et les traumatismes qui peuvent en résulter dans la mesure où sexualité et sentiments ne peuvent se dissocier aussi facilement que le laisserait entendre un discours convenu sur la libération sexuelle. Il s'appuie sur une multitude de cas décrits de façon très sommaire en utilisant des considérations qui me paraissent parfois relever de la psychologie de bazar. Son analyse reste purement descriptive, elle ne cherche pas à introduire une discussion ou poser des fondements de ce que serait une éthique nouvelle et peut-être était-ce ce que j'attendais. Il me semble que certains textes littéraires comme " La conversation amoureuse " d'Alice Fernay ou les bouquins de Camille Laurens par exemple parlent de ces questions avec infiniment plus de finesse et de richesse.
Je suis gêné par le fait que lorsqu'il évoque des relations sexuelles hors du couple constitué il parle " d'infidélité ", de " trahison ", termes très connotés négativement, comme si la monogamie était pour lui un horizon moral indépassable même si d'autres éléments de son texte montrent que ce n'est pas sa pensée.

Je note pour mémoire quelques passages, idées ou formules qui m'ont paru intéressants :
L'évolution du couple depuis le 19° siècle du couple institutionnel au couple romantique puis au couple sensoriel (p 8) ; la recherche croissante de " l'émotion forte " qui fait se sentir en vie.
Le développement des transgressions douces, des " perversions soft ", celles qui amènent à tester, expérimenter des situations nouvelles mais sans que se crée une dépendance ou des comportements compulsifs caractéristiques des " perversions hard " (p 36-38).
" L'ennemi du couple n'est pas le changement mais l'habitude " dans un temps où " le diktat de l'époque c'est le changement. La fidélité devient la transgression de ce siècle. " (p 90-92) ; Notre société valorise à l'excès" le désir du désir " (p 94).
La difficulté est que certains peuvent se trouver confrontés " à un changement sexuel proposé ou imposé sans ajustement correspondant au niveau sentimental " (p 136) ; Les couples doivent donc " apprendre à gérer le changement " (p 154).
Il peut y avoir une tyrannie du sexe menant à une véritable dépendance, à une sexualité compulsive, à " la prison du sexe " (p 189) ; " la compulsion conduit à une sexualité centrée sur des pulsions urgentes et non sur la relation " (p 208).
Une jalousie modérée est normale, dès lors qu'il y a lien entre sexualité et sentiments, mais elle peut prendre un tour exacerbé et pathologique : " l'infidélité prend une signification profonde dans la mesure où elle réveille des sentiments d'insécurité, d'abandon, de colère, de façon d'autant plus intense que l'estime de soi est défaillante " (p 236).
Face aux difficultés " il vaut mieux inciter les partenaires à rajouter quelquechose pour vivre mieux plutôt qu'à éliminer une pathologie du couple " (p 254)
La société actuelle développe " la tyrannie du plaisir ", " la liberté sexuelle semble un nouveau devoir " (p 259).
La métaphore de la noix et de l'abricot : les individus ayant des difficultés en matière de contacts sont des personnes qui, comme une noix, protégent par une coque dure un noyau mou alors que le partage de l'intimité affective nécessite un noyau dur qu'entoure une surface perméable comme dans l'abricot, afin " de pouvoir partager les parties périphériques sans mettre en péril le noyau individuel " (tiré de Winnicott), (p 266).

En fait, à bien y réfléchir, c'est peut-être là le point central sur lequel l'auteur veut insister : ce qui est nécessaire pour affronter les changements qu'induisent ces nouvelles normes sociales plus ouvertes, sur le plan de la sexualité comme dans bien d'autres domaines d'ailleurs, c'est un moi solide, un moi fort. Cela c'est indubitable, c'est la rançon des progrès de l'individualisme.

Et si " morale " il devait y avoir ce pourrait être même si ce n'est pas dit tel quel dans le bouquin: construisez-vous, faites émerger votre moi, conforter le.

Lu comme cela le livre m'agrée mieux et s'efface l'impression plutôt négative que j'ai eue au départ.

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23/07/03 : Pénétrer la vie des autres :

Le second étage de la maison est partagé en trois appartements qui sont occupés par des locataires. Un jeune couple avec enfant dans l'un, une vieille fille dans le second, une jolie jeune femme dans le troisième.La dernière fois que nous étions venu elle vivait en couple, cet été elle semble seule. Mais ce soir elle reçoit quelqu'un. Les voix descendent sur le jardin par les fenêtres grandes ouvertes..

Moi, je suis installé dans un transat devant la maison, plongé dans la lecture de Simenon. Je ne peux m'empêcher de me détourner de mon livre, de tendre l'oreille, de chercher à saisir ce qui se dit. J'entends sa voix sonore et chaleureuse, à l'accent chantant d'ici, son compagnon dont la voix est plus étouffé est moins audible. La conversation n'est pas très passionnante, ils semblent parler de projets professionnels, d'une affaire à monter, il y a beaucoup de chiffres, peut-être attendais-je vaguement une conversation plus tendre sinon plus chaude, il n'empêche j'ai du mal à me détourner et à revenir à mon livre.

C'est une vieille tendance chez moi ce goût voyeuriste de pénétrer l'intimité des autres. Comme une volonté de tenter de m'approprier des vies sans m'y impliquer, en restant à distance. Cette pulsion avait même pris à certains moments de mon adolescence un tour contraignant, pendant plusieurs mois j'ai joué de la jumelle depuis la fenêtre de ma chambre plongée dans l'obscurité, tout en gardant l'oreille aux aguets, prêt à bondir sur mon lit tout proche si j'entendais mes parents approcher… cela a disparu ensuite d'abord parce que je me suis trouvé dans des conditions moins favorables, puis parce que j'ai trouvé fort heureusement d'autres aliments à ma libido. Mais j'ai l'impression que cette tendance se manifeste à nouveau avec plus de force. La lecture des autres diaristes répond à ce goût mais sans doute aussi contribue à l'attiser. Peut-être que l'affadissement progressif de ma vie sensuelle et relationnelle avec Constance y a aussi sa part, j'ai plus qu'avant besoin et envie de regarder ailleurs, de m'évader à partir de ce que je devine des autres, des histoires que je me construis à partir de ce que je vois, j'entends ou je lis d'eux.

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24/07/03 : Mariage cauchemar :

Papa se marie. Cela ne ressemble pas du tout à un mariage. C'est à la campagne, il y a peu de monde, surtout il n'y a pas de mariée mais curieusement ce point ne parait pas surprenant, ne remet pas en cause le fait que c'est bien au mariage de Papa que nous assistons. Le décor est flou. Nous sommes à l'extérieur, au sommet d'un terrain en pente. Il y a des discours. Jacques Toubon, ancien ministre et ancien maire de notre quartier est présent et parle en premier. Aucun souvenir de ce qu'il dit mais il laisse transparaître dans son ton le caractère purement protocolaire de sa présence, son profond ennui et son regret à être là pour si peu. Papa parle ensuite. Lui qui d'habitude s'exprime avec clarté et brio, parle de façon hésitante, se répète, bute sur les mots. Son discours semble ne pas devoir finir et je commence à m'impatienter. Il s'est éloigné, parlant toujours, il est en bas du terrain, il ramasse des brassées de grandes herbes, des orties peut-être, qu'il dépose sur une brouette devant lui. Je suis atterré. Qu'est-ce qu'il lui arrive ? il est devenu gâteux ? il est devenu fou ? Les gens manifestent leur désarroi, leur exaspération, commencent à s'en aller. Il était prévu que je parle ensuite, je voulais manifester mon admiration et ma gratitude à son égard, formuler des souhaits de bonheur, je cherche mes mots pour essayer de l'interrompre en douceur et pour tenter d'effacer l'impression détestable qu'il donne.

Je m'éveille sur ces mots que je m'apprête à prononcer…

Je n'ai pas de ce rêve des images visuelles ou sonores extrêmement fortes comme parfois et qui me semblent alors incontestables, il y a beaucoup de flou, c'est plutôt un rêve d'ambiance, un rêve sensation. Peut-être est-ce parce que je ne l'ai pas saisi au moment même de mon réveil mais un peu plus tard, peut-être l'ai-je laissé s'affadir, peut-être a-t-il déjà été en partie transmuté par l'effort fait pour le retrouver. Pourtant, malgré ce flou, c'est un rêve puissant, incontestable dans l'impression qu'il me laisse.

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25/07/03 : Apathie :

Je me suis traîné toute la journée. Je n'aime pas ça. En fait nous attendions un artisan avec lequel nous devons prévoir quelques travaux dans la maison, il n'est pas venu et n'a pas même pris la peine de téléphoner. Très grosse chaleur aujourd'hui encore. J'ai tourniqué sans parvenir à me mettre à rien, ni rangement ou bricolage dans la maison, ni écriture alors que j'avais des envies pourtant, ni même lecture. Finalement sur le soir on est monté se baigner au lac, cela nous a fait du bien…

J'avais aussi le projet d'améliorer l'indexation de ce journal. C'est le genre de tâche fastidieuse que je m'impose par je ne sais quel perfectionnisme. Cela m'occasionne des prises de tête, parfois je ne sais pas quel parti prendre, je commence d'une façon sans être très sûr, j'hésite, je reviens en arrière. Rien de plus débilitant. Un exemple sur l'hésitation du jour : j'ai fait jusque là un index basé sur les noms d'auteurs, je me demande maintenant s'il ne vaudrait pas mieux se baser sur le titre des œuvres !

Maintenant le dîner pris, alors que la nuit tombe, je me suis installé dans le jardin, il fait délicieusement bon, Constance et Bilbo vaquent je ne sais à quoi dans la maison, je suis seul en bas, je me sens un peu mieux sans être pour autant dans l'enthousiasme, je suis en paix, j'écris sans me presser, je bricole vaguement mes index, je regarde le jardin qui s'assombrit, je rêvasse mais désormais sans trop de déplaisir, ce n'est plus comme tout à l'heure ce sentiment mêlé d'agacement, d'impuissance et d'ennui, cette envie de faire les choses sans pouvoir les concrétiser.

Papa est rentré à Paris depuis quelques jours. Nous-mêmes repartons après-demain. Ce séjour ici s'achève. Il s'est passé sur un rythme lent, avec de petites activités et de petits plaisirs habituels que je ne boude pas et le temps est passé très vite. C'est un séjour neutre. Je me sens plus reposé qu'à notre départ de Paris. Mais je ne sais pas si je suis mieux. Je ne crois pas. Le temps est passé c'est tout. Je n'y vois pas plus clair sur rien (idée d'essayer de venir m'installer dans la région? toujours un vague fantasme, sans plus, pas un projet ; relance dans ma vie professionnelle ? je préfère ne pas y penser ; relations avec Constance ? pas plus de dialogue, pas d'ouverture, le calme plat, l'indifférence, le fonctionnement selon l'habitude ; mes envies d'écriture ? rien, pas un projet à l'horizon, juste une vague envie et pas une ligne évidemment sinon celles que j'écris ici…).

D'ailleurs je me demande si je n'écris pas trop dans ce journal, si je n'en ai pas l'esprit trop occupé y compris en dehors des moments où j'écris : ainsi il n'est pas rare que je m'éveille lors d'une insomnie avec la tête encombrée d'idées et de mots que je me propose de retranscrire ici. C'est ce risque d'envahissement dont j'ai déjà parlé. Le journal alors risque de faire écran, de détourner d'activités à entreprendre, de décisions à prendre, d'autres écritures éventuelles à inventer et construire. En partant en vacances je parlais d'un break salutaire. Je l'ai effectué par rapport aux journaux que je lis, à l'actualité diaristique, pas du tout par rapport à celui que j'écris et peut-être que j'aurais dû. Mais j'ai l'impression de ne pas pouvoir, cette écriture devient presque une compulsion. Que l'équilibre est difficile à trouver !

Non ce n'est pas l'enthousiasme !

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27/07/03 : Samedi, jour de marché :

Il y a ici tous les samedis un magnifique marché, spécialement animé l'été où il regorge des fruits et légumes de saison, où s'ajoute à la population locale venue nombreuse des villages avoisinants de nombreux estivants. Toute la place est occupée par les commerces d'alimentation, sous la halle s'installent des petits producteurs locaux de fromage, de miel, de charcuterie, des paysans qui apportent au marché quelques produits du jardin, des volailles et des lapins qu'on peut acheter vivants mais aussi désormais des stands où l'on peut acheter des produits cuisinés, paella, couscous, aligot et même cuisine vietnamienne. Au-delà de la place, sur les boulevards se tiennent des commerces non alimentaires, quincaillerie, vêtements, chaussures. Les cafés étendent leur terrasse pour l'occasion et ne désemplissent pas de toute la matinée. Toutes les activités de la petite ville fonctionnent à plein régime, les gens des campagnes profitent du marché pour aller à la pharmacie ou chez le médecin, à la banque ou chez l'assureur.

On se délecte de ce marché. Il est juste sous nos fenêtres. On en suit l'activité du moment où il s'installe tôt le matin jusqu'au moment où il achève de replier en début d'après-midi. On y va et on y revient à divers moments de la matinée, faire le marché ici est un plaisir en soi.

Du temps de mon grand-père, je me souviens, il y avait les visites aussi, des cousines de la campagne ou d'autres connaissances, une fois les courses faites, déposaient leur cabas dans le grand hall frais de la maison et montaient prendre un café ou l'apéritif avec mon grand-père.

Après le déjeuner comme on le fait souvent ici on a été prendre notre café en terrasse sur la place. Il n'y a plus que quelques consommateurs attardés. Le marché est achevé, les derniers commerçants achèvent de remballer. C'est l'heure où les nettoyeuses municipales se mettent en branle. C'est sympa aussi ce moment où la ville, après la frénésie du matin, bascule dans l'engourdissement du début d'après-midi.

Il fait très chaud aujourd'hui encore. Je me suis allongé dans la chambre pour un moment de sieste sommeilleuse. Les fenêtres ouvertes, les volets presque clos laissent deviner l'été dehors. Je suis nu sur le lit, je m'étire voluptueusement, je me sens bien entre veille et sommeil mais je suis seul, Constance s'est installée au fond du jardin,.je n'ai pas eu spécialement envie de lui dire de venir près de moi, mais j'ai la nostalgie pourtant de ces moments où nous aimions tant, d'autres années, rapprocher nos corps dans la sieste partagée, dans la lumière douce et la chaleur.

Bilbo s'est mis devant la télé pour suivre le Tour de France, je vais le rejoindre pour la dernière heure, pour assister au duel entre Ulrich et Armstrong. Là-bas, pas loin, tout est noyé de pluie, nous regardons presque incrédules ces gros nuages noirs, ces halos de gouttes d'eau qui environnent cyclistes et spectateurs, nous allons sortir tout à l'heure sous le ciel toujours aussi bleu, dans la chaleur qui décroît à peine.

Nous montons au lac. L'eau est délicieuse, elle rafraîchit mais n'agresse pas, je nage longuement avec délectation, je me concentre sur mes sensations, j'essaie de profiter au mieux de l'eau qui m'environne, qui glisse autour de moi, du plaisir de flotter, de l'ampleur et de la régularité de mes mouvements, de l'air que j'inspire puis que je rejette par une expiration dans l'eau que je m'efforce de faire lente et profonde, pour me vider entièrement. Je me sens bien avec moi-même. Je voudrais parfois faire du yoga seul à la maison mais en dehors du groupe avec lequel je pratique une fois par semaine sous la conduite d'un prof je n'y parviens pas, je n'arrive pas à trouver la concentration nécessaire. En nageant ainsi, en faisant communier mon corps et cette eau dans laquelle il baigne, j'ai l'impression d'y parvenir, de faire du yoga comme Mr Jourdain faisait de la prose. Un peu de vent s'est levé. De toutes petites vagues virevoltantes agitent la surface. J'aime aussi à me laisser porter, à rester immobile sur le dos, bras écartés, à me laisser secouer comme un bouchon, en regardant le ciel, la ligne d'arbres qui borde le lac.

Après le bain nous restons un long moment sur la berge, allongé au soleil, moins brutal désormais, les bords du lac se vident peu à peu, les couleurs changent, il fait très bon, on resterait volontiers là jusqu'à la nuit. On parle un peu avec Constance. On parle d'ici, de l'idée de venir s'installer dans la région, on ne va pas très loin, cela reste flou, mais on parle de la maison, des aménagements que l'on souhaiterait y faire, on est pas tout à fait d'accord, c'est agréable, on est dans l'échange, on est dans le partage même si rien de décisif ne se dit.

Constance et Bilbo se sont installés devant la télé et se laissent prendre aux péripéties de Fort Boyard, moi, je me suis couché tôt, mon bouquin me tombe des mains, j'ai laissé les fenêtres et les volets ouverts, je regarde la nuit de mon lit, le feuillage des arbres du jardin qui se découpent sur le ciel, l'air qui vient du dehors reste chaud et ne rafraîchit pas la pièce.

Je m'éveille au milieu de la nuit. Il est trois heures. Je me lève sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Constance et vais m'installer dans le bureau de l'autre côté de la maison, j'allume l'ordinateur et voici, j'écris ces mots, ma journée d'hier défile, une journée toute simple, une belle journée au final. Comme souvent je vais sentir le sommeil qui revient au moment où pâlit la nuit, nous y sommes, je vais me glisser à nouveau dans le lit, me rendormir une ou deux heures…

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29/07/03 : Passage éclair :

Nous avons quitté hier matin notre maison du sud. Le départ n'a pas été facile puis la route m'a paru ennuyeuse, interminable. Je n'avais pas envie de quitter cet endroit. J'ai eu un peu de mal à me sentir bien ici au moment de notre arrivée mais maintenant refermer cette maison, la replonger dans l'obscurité et la mort après l'avoir réveillée pour quelques semaines, me serre le cœur. C'est très concret, c'est remettre en place dans l'immobilité figée où l'avait laissée la mort de mes grands parents tout ce qu'on a pu bouger et déranger dans le mouvement de la vie, dans le temps de notre bref séjour ici, c'est vider le frigidaire, débrancher le appareils, c'est enfermer à la cave mobilier de jardin et vélos, c'est enfin, alors même que commence une nouvelle journée glorieuse, fermer et coincer les quatorze paires de lourds volets, fermer hermétiquement les fenêtres, plonger dans la nuit les pièces, les meubles, les livres, les cadres sur les murs et les photos qui nous regardent.

Ce n'est pas une nostalgie de fin de vacances. Mes vacances continuent et j'ai très envie de ce qui nous attend pour la suite, la Bretagne et la mer. C'est plutôt le sentiment d'abandonner non pas une maison de vacances mais ce qui, dans mon esprit, pourrait, devrait être ma vraie maison, mon lieu véritable, mon port d'attache.

C'est clair, je me rends compte de plus en plus que j'aimerai m'installer ici.

Nous voici à Paris pour une journée entre Sud-ouest et Bretagne.

Première déconvenue : impossible de me connecter à internet ! Ce n'est pas que nous soyons repassés à Paris pour cela mais il vrai que puisqu'on repassait je comptais bien aller voir mes mails, lire les dernières entrées de mes diaristes favoris, envoyer mes propres mises à jour. L'agacement que je ressens de ne pouvoir le faire me montre bien à quel point j'attendais ce moment, combien j'étais impatient. Je ne suis pas à proprement parler web-dépendant, je supporterai cette absence de connexion mais tout de même je n'en suis pas loin !

L'après-midi j'ai fait un tour à vélo à Paris-Plage, cet espace sur les quais mis en place par la municipalité avec apport de sable, de pelouses artificielles, d'arbres en pots, complété par de multiples animations sportives, musicales ou culturelles. Nous avions convenu d'y aller avec Constance mais une fois encore elle s'est laissé prendre dans ses angoisses de veille de départ, avec l'impression qu'elle ne serait jamais prête. Inutile de tenter de collaborer dans ces situations, c'est l'énervement mutuel assuré. J'ai donc préféré partir seul. Il faisait bon. Profiter de ces quais désertés des voitures, remplacé par des piétons innombrables, des cyclistes et des gens en rollers est un vrai plaisir. Evidemment il y a beaucoup de monde, trop, ceux qui veulent profiter des services mis en place (prêt d'un transat, initiation à divers sports, activités pour les enfants) doivent faire une longue queue. Mais le paysage du fleuve et des bâtiments qui le longe, les bords du quai où s'asseoir, le soleil qui brille, sont à tout le monde et chacun peut en profiter à tout moment. C'est là l'enjeu véritable d'une telle opération, au-delà des animations ponctuelles, que ces quais à terme soient définitivement arrachés à la circulation automobile, qu'ils deviennent de façon permanente lieux de promenade.

 

J'ai fait un rêve cette nuit qui je crois était très riche, long, avec diverses phases successives très variées, je m'en veux de ne pas l'avoir saisi au réveil, quelques heures plus tard il ne m'en reste que des bribes principalement dans la partie finale : Il me semble qu'il y avait d'abord quelquechose avec Papa et Maman, Maman semblait comme surgie de sa maladie, redevenue comme avant et nous la regardions incrédule, nous demandant si c'était bien elle ou si c'était un fantôme, elle avançait lentement, paisiblement, s'allongeait sur le canapé, posait sa joue contre la chatte, une chatte blanche qui ne ressemblait pas du tout à sa vraie chatte, la suite se perd dan le flou, puis je suis avec Constance, nous sommes en voiture, elle conduit, nous sommes dans Paris, nous ne retrouvons pas notre chemin, nous partons à l'opposé de la direction pour revenir chez nous, nous allons vers la Porte des Ternes, c'est l'autre bout de Paris, ça ne fait rien, on prendra le périphérique, au moins là on ne sera pas perdu puis je me retrouve sur un quai de gare de banlieue, je vais revenir à la maison en train finalement, je suis seul maintenant, un train arrive, il est bondé, une jeune femme en mini-jupe est assise sur une banquette, depuis le quai je vois sa cuisse très largement découverte, je parviens à me glisser près d'elle, je pose ma main sur sa jambe, elle a un mouvement de recul mais me laisse faire néanmoins, je la regarde, elle ne dit rien, son visage n'est pas très beau, inexpressif, des yeux dans le vague, la bouche entrouverte, je glisse ma main dans son entrejambe, touche son sexe, elle se retrouve cul par-dessus tête, je la vois d'en dessus car je suis toujours debout, je me regarde la caresser et la pénétrer de mes doigts, nous sommes toujours dans ce train, on en ressent le mouvement, nous sommes toujours au milieu des voyageurs, mais ils semblent lointains et ne semblent pas nous voir. Je suis dans mon lit, Constance est près de moi, ma main est posée sur sa cuisse, il me semble que je l'entends sangloter doucement, comme si elle pleurait mon infidélité.

Je m'éveille. Et je ne sais dans ces dernières sensations ce qui est dans le rêve et ce qui est dans la réalité. Me suis-je rapproché d'elle et l'ai-je caressé ? A-t-elle pleuré ? Cela lui arrive parfois dans son sommeil, à la suite d'un cauchemar ou sur un coup de cafard. Est-ce que ce sont ses sanglots qui m'ont éveillé et qui ont induit la fin de mon rêve ? Ma main n'est plus sur elle. Est-ce que je viens de la retirer ou ne l'y ai-je posé à aucun moment de la nuit ? Je ne sais pas.
Je m'éveille un peu plus. Il me semble que Constance dort paisiblement.

Rêve ? Réalité ?

Je repense au philosophe chinois qui disait, je ne sais si je suis ce philosophe chinois qui rêve qu'il est un papillon ou si je suis ce papillon qui rêve qu'il est un philosophe chinois.

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30/07/03 : Suicide :

Hier soir une nouvelle effrayante…

Une de nos anciennes voisines qui était aussi une amie, vient de se suicider. Ce sont d'autres voisins qui nous ont appris ça. Nous étions prêts. Tout était bouclé pour notre départ le lendemain matin vers la Bretagne. Constance était dans le jardin, occupée à arroser. J'ai entendu des cris. Puis des voix affolées...

Je n'ai pas réagi tout de suite. Je tentais pour la énième fois de joindre le service technique de Free, je venais juste de parvenir à les avoir, j'étais en attente lorsque j'ai entendu ces cris. Je suis resté occupé à ma petite affaire en me disant que les gens se débrouilleraient bien sans moi puis, parce que le bruit s'était calmé et que je me sentais un peu mal à l'aise à apparaître maintenant, j'ai été prendre tranquillement une douche.

Lorsque j'en suis sorti je me suis décidé enfin à aller dans la cour. Constance et nos voisins discutaient encore. Ils m'ont appris la nouvelle. Constance tout à l'heure avait été si bouleversée qu'elle avait eu un malaise et s'était affalée de tout son long dans la cour. Maintenant elle a repris ses esprits mais elle tremble et parle avec des sanglots dans la voix. Moi même je suis atterré. Et je me sens en plus un peu minable de n'avoir pas bougé tout à l'heure, d'être resté de côté, dans ma bulle, d'être resté accroché à mon téléphone, peut-être inconsciemment satisfait d'être ainsi occupé ce qui me permettait de ne pas aller voir ce qui se passait dehors.

Rien ne pouvait laisser présager une telle issue. Cette amie vivait depuis des années des situation très difficiles mais elle nous apparaissait comme une personne forte, combative, dont on ne pouvait imaginer qu'elle renoncerait à se battre. Elle avait été victime il y a déjà quelques années d'un gravissime accident d'équitation qui l'avait laissée disloquée, elle avait réussi, après de grandes souffrances, grâce justement à une énergie, une volonté qui forçait l'admiration, au prix de multiples opérations, d'interminables rééducations à retrouver une vie à peu près normale. Elle s'était installée depuis deux ans avec son compagnon et leur petite fille dans une maison en pleine campagne, complètement isolée dans un superbe coin de Drôme. Nous étions passés les voir à l'occasion pendant des vacances, l'endroit était superbe, la maison nécessitait des travaux considérables que son compagnon tentait de mener à bien. Elle avait gardé son appartement à Paris où vivait sa fille aînée étudiante, elle y venait régulièrement et nous avions ainsi l'occasion de la voir et Constance en particulier avait eu avec elle de longues discussions très personnelles. Au cours de la dernière année les drames s'étaient accumulés, elle avait accompagné la longue maladie puis le décès d'une sœur très proche d'elle, avait du gérer des problèmes compliqués et douloureux avec le reste de sa famille à la suite de ce décès, avait été confrontée elle-même à de sérieuses difficultés financières. Et elle ne se sentait pas si bien dans sa belle maison, par trop isolée, elle réalisait que cela avait été avant tout le projet de son compagnon, entre eux ce n'était plus tout à fait ça, puis plus du tout ça, finalement il l'avait laissé, et la maison était à vendre et les rêves qui allaient avec étaient définitivement envolés. Elle semblait faire face pourtant, la dernière fois que nous l'avions vue elle avait des projets et des envies pour elle-même, avait réussi à retrouver certaines activités professionnelles, elle s'efforçait de mettre au point des modalités de vie permettant de préserver pour sa petite fille un contact à peu près équilibré entre les deux parents. Ce n'était pas simple, rien n'était réglé mais, disait-elle, les choses s'amélioraient, elle voyait le bout du tunnel.

Il y a des cas où le désespoir des gens est si profond, la dépression si ancrée qu'on ne s'étonne pas d'une issue fatale, qu'on peut presque en ressentir du soulagement, la personne a cessé de souffrir, elle a choisi d'en finir, au moins elle a su accomplir d'elle-même cet acte libre. Là ce n'était pas le cas et du coup on s'interroge . Que s'est-il passé dans la dernière période ? Y a-t-il eu un événement particulier qui a tout déclenché ? S'était-elle tant et tant battu, de façon tellement volontariste, qu'à un moment la coupe a débordé, qu'elle n'a plus pu ? Se battait-elle aussi contre d'autres fantômes dont elle ne parlait pas ? Peut-être aurait-il suffi de pas grand-chose alors, une main tendue, une parole, pour éviter le drame ? Comment a-t-elle pu se sentir à ce point inutile pour que ses proches, ces deux filles surtout, n'aient pas, par leur seule existence et l'amour qu'elle leur portait, suffi à la retenir ?

On s'est couché. La nuit n'a pas été bonne, l'un comme l'autre nous nous sommes réveillés à de multiples reprises. Ce suicide est tellement inattendu, on en reste incrédule, on se demande si cela s'est vraiment passé, si ce n'est pas un mauvais rêve mais l'on sait bien que non. Par moment j'entends Constance pleurer silencieusement. Je me rends compte qu'elle est terriblement affectée, au-delà de ce que j'aurais pu supposer, son propre état à demi dépressif la rend particulièrement fragile et sensible à ce genre de drame, elle n'avait vraiment pas besoin de ça…

Nous sommes partis comme prévu, il n'aurait servi à rien de rester à Paris mais l'ambiance n'y était pas.

Arrivés ici nous avons posé nos affaires et fait comme à chacune de nos arrivées notre petite promenade rituelle du premier soir sur la plage. Mais on a marché silencieusement et sans légèreté. Et on n'a même pas mis les pieds dans l'eau !

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