LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de Mai 2005 (1° quinzaine)

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01/05/05 : Marché aux fleurs :

Ce matin la place est couverte de fleurs. C’est la journée annuelle des pépiniéristes et fleuristes de la région qui viennent proposer leurs productions. Un marché d’une autre sorte, plus exceptionnel que le marché hebdomadaire du samedi, mais un marché tout de même… Le pavé de la place est tapissé de plantes en pots multicolores, le pourtour sous les galeries est habillé de hautes plantes exotiques, d’oliviers et d’autres jeunes arbres en pots, des vendeurs spécialisés présentent, qui une collection d’agrumes, qui un ensemble de bonsaï, qui des cactées dont certaines ont des formes et des couleurs étonnantes. Des suspensions fleuries sont accrochées aux poutres de la halle et aux parasols dont les vendeurs protégent leurs étals. Tout ça est beau, gai, pimpant, l’ambiance parmi les visiteurs et les acheteurs est admirative et détendue. Nous participons à cette ambiance et restons longuement, sans nous lasser de déambuler entre les stands et sans presque rien acheter à part quelques plantes aromatiques pour nos respectives plates-bandes ou jardinières de balcon parisiennes. Et ce joli dimanche contribue bien sûr à me renforcer dans mes envies de venir par ici… Quel pays de cocagne… Èvidemment le vent d’autan aurait pu être déchaîné ou il aurait pu pleuvoir à torrents, oui bien sûr, mais justement ce n’est pas ce qui se produit, il n’y a que du beau depuis que je suis ici, j’en profite et tout naturellement j’en suis influencé.

La journée d’hier a été particulièrement chaude, on est monté au lac et à notre grande surprise on a pu se baigner, dans de l’eau encore fraîche, disons stimulante, mais tout à fait baignable. Et aujourd'hui on va remettre ça en faisant ce qu’on appelle notre triathlon. On part en vélo, on fait deux kilomètres pour sortir de la petite ville, on pose les bicyclettes contre une haie au pied de la colline, on grimpe à pied la pente assez raide d’une sente qui mène au lac, on pique une tête dans l’eau, on nage un peu et puis retour par les mêmes moyens. C’est Papa qui a eu l’idée de cette association il y a quelques étés. Il y participe toujours. Constance et moi, lui, mon petit neveu, c’est sacrément sympa de faire ça à trois générations, il n’y a guère que ma sœur anti-sportive absolue qui ne vient pas avec nous. Et chapeau pour la vitalité de ce vieux monsieur qui va avoir quatre-vingt ans…

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02/05/05 : Romans :

Ce que j’aime lorsque je suis en vacances c’est que j’ai le temps de lire des romans : pas de lectures professionnelles, pas de zapping sur internet et pas de lecture des diaristes, et même la presse quotidienne je la lis plus en diagonale, je la survole, à tous les niveaux je me déconnecte…

Alors malgré les sorties, les promenades, les rangements et les petits bricolages dans la maison, j’ai du temps pour me plonger dans des romans, suffisamment pour avaler de grandes tranches d’un coup ce qui est nécessaire pour y rentrer suffisamment, s’y immerger, ne pas perdre de vue l’ensemble des personnages et les ambiances créés par le romancier. Un roman ça doit être lu dans la foulée.

J’avais lu une centaine de pages de « Bienvenue au club » de Jonathan Coe au cours d’une insomnie il y a presque un mois puis dix ou vingt pages par ci par là, avant de décrocher. Là je l’ai repris, revenant en peu en arrière pour m’y retrouver et j’ai terminé en deux soirées. Moi qui suis si souvent dans les écritures autocentrées, la mienne ou celle des autres, j’envie cette capacité à brasser des personnages divers, à recréer des milieux de vie et des ambiances. On devine que les souvenirs d’adolescence de l’auteur sont là bien sûr, mais élargis, transcendés. Tout un pan d’histoire ressurgit, on assiste à la fin d’un monde, celui de l’Angleterre de la vieille industrie avec sa classe ouvrière et son syndicalisme puissant mais travaillé déjà par les ferments de sa dissolution. Le point de départ est situé aujourd'hui ce qui ne manque pas de porter une ombre de nostalgie sur ce qu’on lit ensuite, nostalgie de la jeunesse avec ses hésitations, ses fragilités et même ses drames mais jeunesse enfuie tout de même et forcément regrettée et nostalgie d’un monde qui n’est plus. L’humour quasi constant, parfois la franche drôlerie atténuent ce qui sur le fond est plutôt sombre. Les histoires qui s’entrecroisent peuvent au début paraître un peu confuses mais elles s’articulent à mesure qu’on avance, c’est justement ce côté un peu patchwork qui fait la force du bouquin grâce à la capacité de Coe de parler de plusieurs points de vue et avec des mots et des styles d’écriture différents. Si j’ai bien compris ce n’est qu’un début, Coe prépare une suite, on retrouvera les mêmes personnages dans les années Thatcher. Je les attends…

J’ai lu aussi « Les fausses innocences » d’Armel Job, ça c’est un bouquin découvert et acheté grâce à une diariste, je ne me serais pas arrêté de moi-même sur cet auteur inconnu. Je ne regrette pas. Sacrée ambiance pas gaie mais rudement bien rendue qui suppure de tous les mots, de toutes les phrases. Ça se passe dans un bout du monde, aux confins de la Belgique et de l’Allemagne, dans les années 60, en un temps où pèsent encore très fort les souvenirs et les traumatismes de la guerre. Le narrateur est un célibataire entre deux âges, bourgmestre de son village, qui vit auprès et sous la tutelle de sa vieille mère acariâtre et autoritaire et qui se trouve confronté à un mystère qui le ramène à son passé et à ses amours manquées. L’ambiance est glauque à souhait, le mystère se révèle par épisodes, non sans rebondissements faisant surgir un passé douloureux et de lourds secrets de famille. Monstruosités familiales et familières ! On pense à Bazin, à Mauriac et à Simenon bien sûr plus encore, au Simenon le plus noir, pas celui de Maigret, celui plutôt du « Bourgmestre de Furnes ». Dans ce désert affectif qu’est sa vie, à travers le drame qui se noue, le narrateur croit voir un instant la possibilité de revivre, mais le livre s’achève en queue de poisson, est-ce trop tard, à chacun d’interpréter comme il l’entend les signes contradictoires dont l’auteur parsème les dernières pages…

Et puis comme chaque fois que je viens ici j’ai été farfouiller dans la bibliothèque, j’ai exhumé des bouquins que je ne connaissais pas, lu quelques pages de-ci, de-là, j’ai fait de belles découvertes ainsi certaines années d’auteurs à demi oubliés. Cette fois j’ai pioché entre autres dans cette fameuse collection des prix Nobel. J’ai mis le nez dans « Le propriétaire » de Galsworthy. J’imaginais un roman bourgeois au style compassé et bien ennuyeux dont je m’apprêtais à lire quelques pages juste pour voir. Et bien pas du tout. C’est une satire féroce d’une certaine bourgeoisie anglaise du dix-neuvième siècle, brillamment écrite. Chaque personnage est croqué et rendu très vivant, très visuel par une plume habile de caricaturiste. Et puis l’on devine aussi comment la vraie vie et les passions vont s’inviter dans ce monde compassé et tout occupé de calculs patrimoniaux en lisant ces quelques lignes :

« Une grande femme, d’une ligne admirable … se tenait debout regardant les fiancés avec un sourire ombré de tristesse. Ses mains gantées de gris étaient croisées l’une sur l’autre, son visage grave et charmant s’inclinait de côté, il retenait les yeux de tous les hommes. Sa taille était pliante, d’un équilibre si juste et si léger que l’air même semblait la mettre en mouvement. Ses joues étaient chaudes quoique pâles ; il y avait une douceur de velours dans ses grands yeux sombres ; mais c’étaient ses lèvres … qui retenaient les regards des hommes, lèvres sensibles, tendres, suaves, entre lesquelles semblaient s’échapper, comme d’une fleur, la chaleur et le parfum. »

Quel style ! Que de choses qui se devinent, se supputent à travers ces quelques lignes toutes simples. Comme l’imagination est mise en branle, l’attente créée, comme est attirante l’image que nous nous créons nous-mêmes à partir de ces mots. C’est ça la littérature et c’est chouette. Je n’ai lu qu’une cinquantaine de pages mais me voici accroché, je vais emporter ce livre à Paris…

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04/05/05 : Oh, Toulouse…

Hier nous avons fait un saut à Toulouse. Nous allions dîner chez des cousins de Constance qui y habitent. Je sais que j’aime bien cette ville mais mon impression cette fois a été encore plus positive. Est-ce parce que je cherche à tout crin à valider mon envie de m’en rapprocher et que du coup j’y vois tout beau, tout rose (c’est la cas de le dire !) ? Impression de jeunesse et de gaîté, de vivacité rien qu’à marcher dans ses rues. Quelquechose comme un piment. Il fait un temps mitigé pourtant mais ça sent le sud. Ça sent un peu l’Espagne. « C’est l’Espagne en toi qui pousse un peu sa corne » chantait Nougaro, comme si la ville après tant d’années pourtant restait encore marquée par l’afflux de républicains espagnols d’après la guerre d’Espagne.

Nous étions là pour la soirée. En fait en nous garant dans l’un des parkings proche du centre un méchant voyant s’est allumé sur le tableau de bord indiquant que nous chauffions dangereusement. Du coup en route pour un garage. Le ventilateur en effet est out. Ils peuvent réparer mais demain matin. Affaire entendue, on restera dormir de façon totalement improvisée chez les cousins de Constance. Ils nous accueillent très gentiment, il y a Constance et moi mais mon père aussi qui aujourd'hui encore suivait le mouvement : repas délicieux et bien arrosé, soirée qui se prolonge, rumeurs de la ville qui montent jusqu’à leurs fenêtres, on regarde le ciel de Toulouse depuis leur balcon, ils nous laissent leur propre chambre, la pièce la plus agréable, ils nous fournissent brosses à dents et tee-shirts pour la nuit nous qui étions là mains dans les poches, quel accueil, cet impromptu aura été un moment vraiment sympathique…

Et le matin nous déambulons encore en attendant de récupérer la voiture. Saint Sernin, les quais, les Jacobins, le lycée Fermat ou Papa a fait ses classes il y a plus de soixante ans, il a plaisir à passer devant, à entrer dans la cour, il nous raconte à chaque pas des anecdotes de son adolescence…

Moi qui depuis quelques jours suis loin des blogueurs, je pense soudain à des diaristes de par ici qui savent, entre bien d’autres choses, faire découvrir leur ville avec leurs mots et parfois leurs photos, profiter des riches marchés du coin pour être d'imaginatives cuisinières et confiturières, bonjour Samantdi et Eclat du Soleil, qui sait, je les ai croisées peut-être, la prochaine fois il faudrait que je m’annonce et peut-être alors aurais-je le plaisir de m’attabler sur une de ces terrasses de café dans la douceur d’un soir avec quelqu'un(e) de mon autre monde…

Demain retour à Paris. J’ai la sotte obligation de travailler vendredi, entre le jeudi de l’Ascension et le week-end, quelle drôle d’idée… En attendant le lundi de la Pentecôte... Grr.. J’aurais bien prolongé un peu…

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08/05/05 : Instants :

J’ai passé un bon moment cet après-midi et j’y ai connu quelques instants presque magiques. Tout ça un peu grâce à Obso...

Cette chère Azulah part dans quelques jours pour ce qui est un peu plus qu’un voyage, elle part pour plusieurs mois vivre en Afrique dans une région peule. L’atelier en cours chez Obso avait pour consigne de produire un texte dont le sujet soit « l’éphémère » et intégrant un certain nombre de mots obligés dont précisément « peul ». En me promenant seul cet après-midi en vélo, le long de la Seine, me venait des mots, l’envie d’un petit texte tout spécialement dédié à Azu. Je me suis arrêté finalement dans le Parc André Citroën, ce beau jardin récent de Paris, organisé autour d’une vaste pelouse centrale largement ouverte sur le fleuve, mais qui comporte aussi des micro espaces écartés, paisibles. Je me suis installé dans l’un d’entre eux, légèrement surélevé, donnant directement au-dessus d’un mur d’eau cascadant doucement, isolé de la partie principale du jardin par des buissons fleuris. J’avais mon petit carnet de notes sur moi bien sûr. Alors j’ai organisé et mis sur le papier les mots qui m’avaient couru dans la tête pendant que je pédalais. Je n’ai produit que quelques lignes mais là n’est pas l’important, j’ai vraiment voyagé pendant ces quelques minutes, voyagé loin de moi et tout au fond de moi. Ce n’était pas le fleuve Niger, ni le fleuve Casamance qui coulait tout près mais la Seine, le ciel pommé au-dessus de ma tête et la fraîcheur cascadante d’un petit vent frais quand le soleil se cachait n’avait rien d’africain mais il n’empêche j’étais là-bas aussi. Je parlais et je parlais à quelqu'un dont j’avais le sentiment, en cette minute même, d’être très proche. C’était des lignes dédiées, dédiées à une personne que je ne connais pas, sinon par ce que j’ai su d’elle, ce que j’ai deviné ou ce que j’ai inventé depuis que je lis plus ou moins régulièrement son journal. Mais j’ai eu le sentiment que mes mots étaient justes, qu’ils collaient parfaitement à elle et à l’aventure dans laquelle elle s’engage. Peut-être est-ce une totale illusion mais là encore qu’importe, ce que j’ai ressenti était bien là, je me sentais en communion, j’ai pris un extrême plaisir à rédiger ces mots, un plaisir sans mélange, simplement parce que moi aussi j’étais totalement dans le moment que je vivais, dans cette éternité de l’éphémère.

Après cela j’ai repris ma promenade, détendu et joyeux, j’ai pris plaisir à faire quelques photos celle-ci, j’aime bien, ce petit cheval fringant qui semble s’élancer vers le sommet de la Tour Eiffel.

Lorsque je suis rentré à la maison, j’ai basculé tout de suite mes mots sur Obso, j’espère qu’Azu les lira avant son départ proche, ils sont vraiment pour elle.


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12/05/05 : Journées contraintes :

Quel temps hier, aujourd'hui encore… Luminosité extraordinaire le matin, ciel très bleu, soleil brillant, air vif, un peu bousculé de vent qui fait plaisir à respirer. Mais toute la journée je suis enfermé entre mes quatre murs, j’ai une fenêtre heureusement mais à ras de terre, en rez-de-chaussée entre les immeubles, il faut que je me contorsionne pour voir le ciel. J’ai même dû manger sur place sans le temps d’une vraie coupure. Et quand je sors en fin d’après-midi c’est déjà différent, l’air n’a plus la même fraîcheur, on sent qu’il s’est chargé de la pollution de la ville, ça râcle même au fond de la gorge si l’on veut inspirer fortement… Ça c’est le paradoxe de Paris, on attend le soleil avec impatience, dès qu’il vient, qu’il brille avec un peu trop de constance, on ressent plus fortement la pollution et on se dit qu’il faudrait un grand coup de vent et de pluie ! Envie de m’arrêter à une terrasse au soleil en rentrant et d’y jouir un moment de l’après-midi finissante ? Du coup, même pas vraiment, je préfère aller jusque chez moi, dans mon quartier un peu à l’écart des grandes avenues, m’installer sur la petite terrasse de ma cour, un peu préservée entre les murs d’immeubles et sous la verdure de quelques arbres et arbustes. Je n’y suis pas mal, mais je suis à l’ombre et dans mon cocon, pas sous la caresse du soleil, pas dans le flux vivant de la ville et des passants.

Lourdeur de ces journées enfermées. J’ai trop de boulot. Trop de boulot surtout hors champs de mes intérêts véritables. Je nage en ce moment dans quantité de contraintes et lourdeurs administratives, mon service doit être réorganisé cet été, les locaux vont être restructurés, j’ai des dossiers à élaborer, du mobilier à choisir, je me promène téléphoniquement (plutôt on me promène !) de services en services qui se renvoient la balle. Je fais du tri aussi, il faut se préparer à faire du vide, en profiter pour se débarrasser de quantités de choses, vieilleries diverses, papiers accumulés par strate, je plonge dans l’histoire du service, pas très marrant de voir tout ce qui a défilé depuis une dizaine d’années que je suis là, je remue des paperasses qui noircissent mes doigts, c’est fou comme la poussière s’insinue jusque dans les armoires fermées ! Et puis il faut penser la réorganisation ensuite, essayer de la penser collectivement, ce n’est pas évident, il faut se mettre dans des dispositions d’esprit de changement, l’équipe en général est assez déstabilisée, et il y ceux de surcroît qui sont par principe hostile à tout changement risquant de remettre un tant soit peu en cause les petits conforts qu’ils se sont construits. Du coup il y a beaucoup de discutailleries avec les uns et les autres et pas vraiment sur le fond. Des éléments parfois infiniment dérisoires deviennent des affaires d’état !

Et puis, il faut bien dire que mes propres intérêts véritables, je les sens ailleurs. Moi-même je subis plus que je n’initie. Disons que par fonction je propose, j’essaie de faire qu’on tente d’aller de l’avant mais sans avoir le feu sacré, c’est le moins qu’on puisse dire, par moments sans trop le montrer, j’ai les bras ballants et au fond de moi-même je me dis : tout ça… pour quoi ?

Je sens le temps tourner. Les jours, les mois, les années. Je bascule dans cet autre temps de la vie où l’on se dit de plus en plus que le temps qui reste se réduit. On se le disait avant mais c’était une considération générale, une abstraction. Plus maintenant, demain n’est pas seulement demain et demain ne durera pas toujours, il y a urgence. J’ai envie, ici et maintenant, d’être dans l’air, dans le mouvement, dans la vie. Dans l’essentiel...

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