MOIS
de Mars 2004 (2°quinzaine)
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18/03/04
: Beau temps, sale temps :
Le printemps explose avec une formidable
brusquerie, ciel bleu, soleil clair, 20° degrés à Paris d'un
seul coup, les vêtements qui s'allègent, les terrasses de café
qui se remplissent. Hier et aujourd'hui j'ai été bousculé
de réunions en réunions, d'un bout de Paris à l'autre. Ce
midi j'ai mangé un sandwich debout à un comptoir alors que j'aurais
bien lézardé à une terrasse puis j'ai dû m'enfermer
dans un métro parce que je n'avais pas le temps de gagner à pied
l'autre lieu où je devais me rendre. Quel crèvecoeur !
L'ambiance
est lourde. On ne peut pas ne pas être affecté par tout ce qui rôde
autour de nous. L'attentat de Madrid évidemment. Mais s'il n'y avait que
ça. Il n'est que le symptôme le plus tragique de ce que le monde
va mal, de ce que les fossés entre les hommes, générés
par un système qui semble immaîtrisable, ne font que s'accroître.
Les éléments positifs, il y en a, ne paraissent que des gouttes
d'eau dans une évolution globalement très inquiétante. Je
ne suis pas passéiste, j'aurais envie de regarder vers l'avenir avec enthousiasme,
je suis fasciné par ce que permet le développement extraordinaire
de la science et des techniques mais force est de constater que des nuages noirs,
il y en a beaucoup, beaucoup
Sur l'affaire irakienne c'est bien à
peu près le pire qui est arrivé. Oui Saddam est tombé assez
vite, oui la guerre proprement dite ne s'est pas éternisée mais
la paix ne se gagne pas, les tensions persistent et s'aggravent, terreau idéal
de recrutement des extrémistes, les " libérateurs " sont
des occupants, incapables d'aider à faire surgir une société
équilibrée et démocratique, ils ne font qu'exaspérer
les peuples par leur arrogance de riches.
Dans ce gâchis monstrueux
le vote des espagnols est bien une des rares bonnes nouvelles. Indépendamment
même du fond, le fait que le mépris et la manipulation soient sanctionnés
sans appel par une mobilisation dans les urnes est une bonne chose pour la démocratie.
Et puis il y a Kerry qui dans quelques mois pourrait éventuellement battre
Bush. Tout ça pourrait peut-être amorcer un changement de climat,
éloigner le pire. Personne n'a la solution, il n'y a aucune réponse
magique. Les vieilles recettes ont fait long feu et je ne crois plus depuis belle
lurette aux " y a qu'à " d'extrême gauche. Et puis il y
a cette espèce de dynamique même du système, comme un emballement,
vis-à-vis de laquelle les acteurs quels qu'il soient semblent avoir bien
peu de poids. Mais quand même, il y a des politiques pires que d'autres,
éliminons celles-là. Je vais voter dimanche, et je vais voter utile,
et sans états d'âme quelles que soient les préventions que
j'ai pu avoir pour les uns ou les autres. On sait trop depuis un certain 21 avril
où peuvent mener l'abstention sanction, l'abstention fatigue, l'abstention
blasée ou les raffinements tactiques du style au premier tour je choisis,
au second tour j'élimine
Aux urnes, citoyens !
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22/03/04 :
Éveil dans la nuit :
Insomnie majeure. Il est deux
heures du matin. Pourtant j'ai pris un somnifère vers minuit et demi quand
je me suis éveillé après une brève phase de sommeil
et que j'ai senti que j'aurai les plus grandes difficultés à retrouver
le sommeil. Et c'est la deuxième nuit consécutive. Déjà
hier je n'ai dormi que trois heures !
Ce n'est pas de la mauvaise insomnie
d'angoisse et de déprime. C'est plutôt de l'insomnie d'exaltation.
Il me passe des tas de choses dans la tête, un tourbillon que je n'arrive
pas à maîtriser, lié à des projets, à une surcharge
de projets qui ont surgi les uns après les autres ces derniers jours. C'est
qu'il se passe des évènements dans ma vie tout à coup, des
choses importantes, qui pourraient même se révéler essentielles,
orienter ma vie un peu différemment. Je me méfie car je sais combien
de fois déjà j'ai cru trouver des pistes de vie qui se sont ensuite
dégonflées comme des baudruches. Mais il me semble que cette fois
je tiens du précis, du concret, du réel. Je ne veux pas en parler
plus pour le moment car j'ai besoin d'un petit temps de latence, d'un peu de distance
avec l'évènement pour savoir comment en parler, comment organiser
tout cela pas même dans le concret mais dans ma tête, pour laisser
mûrir certains aspects contradictoires avant de savoir quelles priorités
je me donne entre diverses envies que j'ai, entre divers projets, donc aussi pour
savoir quels autres j'abandonne ou du moins met sur la touche pour un moment.
Ce qui en fera les frais sans doute dans l'immédiat ce sont mes lectures
et préoccupations diaristiques, mes envies de collaboration un peu plus
active à Obsolettres et peut-être
même mon écriture ici même qui risque de se faire plus rare.
Cette
insomnie tout de même va entraîner j'imagine pour la journée
qui commence un état où je ne serais pas au mieux de ma forme et
de ma vivacité. J'ai un travail professionnel plutôt lourd qui s'annonce
pour aujourd'hui et les tous prochains jours. Curieusement je ne m'affole pas
comme ç'aurait été le cas en d'autres circonstances similaires.
On verra bien, je serai vaseux ou pas, je ferai ce que je peux et basta. En plus
j'ai eu quelques déconvenues saignantes la semaine dernière qui
vont se traduire par d'autres difficultés à venir. Je prends tout
ça sans angoisse particulière. Est-ce parce que les perspectives
nouvelles positives que j'évoquais au début font masque, est-ce
plus profondément parce que je parviens, sur ce plan là au moins
à un certain détachement. J'ai fait ce que j'avais à faire,
les résultats ne seront pas à la hauteur en raison de circonstances
extérieures, et bien je ne vais pas me mettre martel en tête pour
autant, c'est ainsi, j'apprends peut-être un tout petit peu, comme dirait
le prof de yoga, à " me détacher des fruits de l'action ".
Tiens
à part ça, c'est quand même pas mal ce premier tour électoral,
à l'exception de ce foutu Front National qui persiste toujours à
afficher des scores impressionnants.
Je vais me recoucher, ma tête
commence à tomber e n avant, mes yeux se ferment, allez peut-être
une petite resucée de sommeil avant le réveil déchirant
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25/03/04 :
Détestable colère :
Cela faisait longtemps
que ça ne m'était pas arrivé. Il ne faut pas que ça
se reproduise. Je déteste ça, cette perte de contrôle, cet
aveu de faiblesse...
Les difficultés professionnelles auxquelles
je m'attendais ce sont en effet produites, entraînant tension et agressivité
dans l'équipe. Je savais qu'il en serait ainsi mais je me sentais détaché
par avance des turbulences inévitables.
Mais sur un autre terrain,
sur une question parfaitement futile j'ai été mis en cause. L'affaire
ne valait pas même que je réponde ou alors par un dégagement
en touche, par un sourire et un peu d'humour. Pourquoi diable ai-je commencé
à argumenter, me suis-je pris à la discussion, l'ai-je laissé
se développer vers d'autres terrains dérisoires, pourquoi ai-je
moi-même fait monter le ton, suscitant inévitablement des répliques
de plus en plus agressives, pourquoi en un mot me suis-je laissé aller
à la colère ?
Je supporte mal les mises en cause personnelles,
surtout lorsque je les perçois comme injustes et spécialement lorsqu'elles
viennent comme c'est le plus souvent le cas d'une personne précise, qui
a le don de m'exaspérer, quelqu'un qui se donne peu dans l'activité
commune mais qui est toujours habile et virulent dans la critique. Je sais très
bien que ma réaction est absurde, à la fois mauvaise physiquement
pour moi (je mets mes nerfs à rude épreuve, je me fiche des palpitations)
et parfaitement inadaptée (tout le monde finit par s'exaspérer ou
se détourner, on n'avance pas sur les vrais problèmes, ma colère
est perçue comme une réaction de faiblesse et de fait affaiblit
ma position dans l'équipe). Tout ça je le sais et je l'ai même
présent à l'esprit au moment où je sens que je dérape.
Et je me dis stop, stop, attention, tu vas glisser, et je me regarde glisser,
et je suis impuissant, il ne restera ensuite qu'à le regretter. Je suis
hors de moi, l'expression dit bien ce qu'elle veut dire. Heureusement je ne suis
pas quelqu'un qui bascule dans la violence physique, il m'est arrivé (rarement)
de lever la main vers quelqu'un, jamais, jamais de ma vie, de frapper, mais je
comprends ce qui peut se passer chez certains, j'y pense à propos du drame
Cantat-Trintignant mais cela est vrai sûrement dans une multitude d'autres
cas qui ne débouchent pas sur des catastrophes immédiates et apparentes.
Cela dit l'absence de violence physique, même si elle est importante
du point de vue de la vie en société, n'est qu'un détail
du point de vue de sa signification morale. Je n'ai pas à me glorifier
de ce qu'il n'y ait pas de passage à l'acte. Bien sûr c'est mieux
pour les autres, bien sûr j'évite le risque de drames ou de catastrophes.
Mais cela relève plus d'une inhibition générale plutôt
négative, à mettre mon corps en jeu plutôt que d'un comportement
qui serait véritablement maîtrisé. Ce n'est que cette même
inhibition qui me rend incapable de m'exprimer vraiment sur une piste de danse,
qui souvent m'a empêché de manifester mon désir par le mouvement
même de mon corps ou en faisant le geste de tendresse qui aurait convenu
au moment où il aurait fallu.
La violence est là et bien
là. Elle est contenue, elle ne s'exprime que par des mots, que par des
tentatives d'argumentation (ruses raisonnantes !), mais elle est là, elle
est en moi, elle bouillonne, elle détruit sans le dire, elle me détruit
moi, peut-être me bouffe-t-elle insidieusement des mois, peut-être
des années de vie !
Pourquoi est-ce que je me laisse aller à
la colère ? Était-ce en l'occurrence parce que j'étais soucieux
pour d'autres raisons, parce que je suis objectivement fatigué ces jours-ci
où la barque est à tous points de vue très chargée
et où j'accumule des nuits de mauvais sommeil. Il y a de ça sûrement.
Mais il y a d'autres choses aussi sans doute, plus profondes. Peut-être
au cur de ma personne, un vrai doute, une vraie insécurité,
un vrai manque d'assurance. Les murs semblent solides, les fondations ne le sont
peut-être pas. Je vis avec cela depuis toujours, pas trop mal, je m'accommode
mais tout de même l'unité profonde n'est pas là, je n'adhère
pas tout à fait à qui je suis, où est vraiment le centre
Si je suis atteint, si une critique portée déclenche autant d'irrationnel
c'est sans doute qu'elle dit vrai, sans rapport direct peut-être avec ce
qui était en cause, c'est qu'elle touche juste, qu'elle touche profond,
qu'elle révèle de vraies fêlures, inconnues et mystérieuses,
habituellement masquées par l'assurance superficielle intellectuelle et
sociale dont mon personnage est capable de faire preuve.
Eradiquer la colère
! Définitivement, radicalement. Ce serait beau. Je n'ai pas fait d'analyse.
Peut-être est-ce un de mes regrets. Je ne me vois pas commencer cela maintenant,
mes névroses ne me font pas souffrir au point de me sentir contraint d'y
avoir recours. J'ai l'impression d'avoir tant d'autres choses à faire par
ailleurs que je ne me vois pas mettre de l'énergie à cela. Mais
l'intérêt que je porte au yoga, les tentatives que je fais, plutôt
décousues et irrégulières, pour essayer de m'en approcher
un peu, visent sûrement aussi, au-delà du bien-être immédiat
que je peux ressentir au sortir d'une séance, à chercher d'une autre
façon, bien moins intellectuelle qu'avec un éventuel psy, à
me rapprocher de mon centre, à me réconcilier avec lui.
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27/03/04
: Les vipères :
Nous randonnons dans le
désert. Notre petit groupe aux figures imprécises arrive au lieu
d'hébergement qui est une maison basse au sol de terre battue, une maison
ou peut-être plutôt un habitat troglodyte mais lumineux cependant,
bien éclairé de l'extérieur, cela ne donne pas l'impression
d'une caverne, c'est une grande pièce nue, sur laquelle ouvrent d'autres
pièces plus petites, au fond ont été porté les matelas,
les couvertures, la réserve de nourriture et les bidons d'eau, les gamelles
où l'on va préparer le repas, bref tout ce qu'il faut pour l'installation
de la nuit. Chacun commence à s'affairer aux préparatifs, nous les
voyageurs et nos accompagnateurs locaux. Au milieu de la pièce, on dirait
qu'il y a quelquechose, ce n'est pas très net, c'est à demi enfoui,
immobile d'abord cela commence à bouger doucement, c'est un animal que
notre arrivée a réveillé.
Une vipère ! C'est
une de ces redoutables vipères du désert dont la morsure est mortelle,
je ne distingue pas vraiment la forme de l'animal, encore à demi recouvert
de sable, je perçois seulement son mouvement, elle se glisse en rampant
vers notre cambuse, une vipère, non deux, le mouvement s'est dédoublé,
l'un des serpents est devant, l'autre suit un peu en arrière. Je crie pour
alerter. Personne ne réagit. Certains pourtant semblent avoir vu comme
moi mais personne ne prend d'initiative, nos accompagnateurs semblent parfaitement
indifférents, non concernés. Je grimpe sur un tabouret soudain apparu
à côté de moi, je continue à essayer d'ameuter mes
compagnons. Je m'étonne presque, connaissant ma phobie des serpents, que
ma terreur ne soit pas encore pire qu'elle n'est, que je n'aie pas été
totalement figé sur place, paralysé et sans voix, que je ne me sois
pas évanoui, est-ce parce qu'au moins les vipères ne viennent pas
vers moi, elles s'éloignent plutôt.
Quelqu'un d'autre est apparu
à l'entrée de la pièce. Il parle calmement, tranquillement,
il donne des informations et des conseils mais il me semble sur autre chose, il
n'évoque même pas les serpents, mon regard se tourne vers lui, il
faudrait faire quelquechose, ces serpents sont mortels, on va les retrouver sous
nos gamelles, dans nos couvertures mais tout de même il me semble que je
m'apaise et d'ailleurs je m'éveille du cauchemar plutôt en douceur,
je n'ai pas de sueur sur le front, ni la poitrine oppressée.
Ce quelqu'un
qui est apparu, aux contours très nets et précis est une personne
réelle qui fait partie de mes connaissances. C'est quelqu'un aussi de relativement
connu dans certains milieux. Je ne pense pas que son surgissement soit tout à
fait anodin dans l'interprétation que je peux faire de ce rêve. Et
se pose une fois de plus la question de l'anonymat dans ces écrits jetés
à tous les vents de l'internet. Dans mes carnets d'avant, tenus pour moi
seul, j'aurais noté ce nom, pour dans un an, dans dix ans, comprendre d'autres
choses peut-être en le retrouvant à l'occasion d'une relecture. Vais-je
l'écrire ailleurs, dans une petite note secrète ? Ce serait la première
fois depuis que j'ai basculé vers le diarisme en ligne, jusqu'à
maintenant je suis resté fidèle à mon projet de départ,
garder un seul journal, ne pas aller vers un double texte, le public et le privé.
Je sais bien que c'est porteur de contradictions. Jusqu'à présent
j'ai pu les maîtriser sans trop de difficultés. J'ai l'impression
d'arriver dans une autre phase où cela va devenir plus difficile. Je sais
déjà qu'il y a des choses survenues dans le dernier mois sur lesquelles
j'aurais aimé écrire et réfléchir et je ne l'ai pas
fait.
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29/03/04
: Printemps :
Temps extraordinaire depuis trois
jours. Le printemps en pleine explosion, le forthysia dans notre cour s'est chargé
de toutes ses perles jaunes, les arbres des jardins se couvrent de vert, les gens
s'attablent aux terrasses des cafés
Dimanche nous avons fait
une promenade sympa dans Paris, autour du Luxembourg. Je me suis régalé
de l'expo de photos du journal l'Express sur 50 ans accrochées aux grilles
du parc, certaines photos sont très belles, de vrais tableaux, d'autres
sont simplement parlantes, ce bain de photojournalisme fait remonter à
soi des événements passés, oubliés ou mis entre parenthèse.
C'est toujours curieux de voir comme il est difficile de resituer avec exactitude
les événements, certains nous paraissent plus proches qu'ils ne
sont et pour d'autres c'est l'inverse. Cela tient sans doute à la façon
dont on les a vécu, à l'importance qu'ils ont eu pour nous. Par
exemple je n'en revenais pas que le premier vol de Concorde et l'inauguration
du centre Pompidou à Beaubourg soit quasi contemporains, pour moi Concorde
me paraissait une vieille chose perdue dans le vague de mon adolescence, alors
que la création de Beaubourg me paraissait bien plus proche, je me souviens
des polémiques au moment de son ouverture, de ma réticence lors
de mes premières visites puis de mon enthousiasme face à cette entrée
de la modernité au cur du vieux Paris. Et cela date d'il y a près
de 30 ans !
Dans le parc il faisait délicieusement bon, le lieu est
magnifique et là encore très parlant pour moi, parce que tout chargé
des souvenirs des innombrables promenades que j'y ait fait du temps de mes écoles
puis plus tard. En plus il y avait réparti dans tous les coins du parc
une exposition temporaires de sculptures et d'installations contemporaines, certaines
très belles.
Autour du Panthéon il y avait l'opération
monté par l' Institut Curie pour récupérer des fonds, des
plaques de gazon étaient installées tout autour du monument et jusque
sur ses escaliers, des treillages grimpaient le long des colonnes, tout cela piqué
de milliers et de milliers de jonquilles. C'était un peu magique le Panthéon
dans cet écrin de vert et de jaune. Chacun cueillait sa jonquille et versait
un petit don. Un groupe de musiciens, tout de blanc vêtu avec juste de petits
foulards jaunes pour s'accorder aux jonquilles faisaient l'ambiance. Les gens
étaient détendus, il y avait plein d'enfants, pleins de touristes,
des promeneurs à pied et des cyclistes
Tout ça sentait
fort le renouveau.
Et on n'a pu que vivre comme cela le résultat
des élections le soir. Oh que ça a fait du bien, cette claque magistrale
! Que ça a fait du bien le sourire éclatant de Ségolène
- ce sourire aussi il faisait printemps - face aux tronches décomposées
et constipées des Raffarin et des Juppé. Je ne me fais pas de grandes
illusions. Je n'adhère pas avec enthousiasme au projet du PS, d'abord il
n'y en a pas, je sais aussi qu'une telle victoire va réveiller toutes sortes
de corporatismes, je sais que des réformes difficiles sont indispensables
et qu'il faudra bien aller contre des avantages acquis. Je sais que les marges
de manuvres des politiques ne sont pas très larges, qu'une part des
décisions, et une part de plus en plus importante, est prise par d'autres
que les gouvernants. Je me souviens de Jospin, face à je ne sais plus laquelle
des vagues de licenciements avouant son impuissance face à la mondialisation,
c'était affreusement maladroit, c'est un jour comme celui-là qu'il
a perdu les élections sauf qu'il avait raison malheureusement. Je sais
que les caciques du PS sont là aussi pour faire carrière, je sais
qu'ils appartiennent à peu près au même monde que ceux de
l'autre bord, qu'ils sortent des mêmes écoles et que leurs enfants
sont dans les mêmes lycées des centre-ville, dans ces lycées
où sont mes garçons aussi d'ailleurs, loin, très loin de
la France hors circuit des usines qui ferment ou de la France des cités
en désespérance. Qui serait capable de briser les immobilismes,
de moderniser réellement la société, de l'ouvrir, de la rendre
plus fluide, sans laisser les plus faibles en chemin, en redonnant espoir et cohésion
à la société au contraire ? Est-ce une équation impossible
? Je me suis laissé aller à croire que non, un soir comme celui-là.
Oui, je veux croire que non.
Hier et aujourd'hui au bureau j'ai croulé
sous le boulot, j'ai passé de longues heures dans une réunion insipide,
dans une salle quasi aveugle et je pensais au soleil dehors. J'avais envie d'être
loin de tout ça, loin de Paris même, et je l'aime ce Paris pourtant,
j'avais envie d'être dans la vraie nature, avec de vastes espaces devant
moi, avec des arbres qui ne soient pas alignés, avec des herbes sauvages
et des buissons, avec un grand, grand ciel au-dessus de moi, pas ce ciel étriqué
entre les immeubles
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