LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de DECEMBRE 2003(1°quinzaine)

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06/12/03 : Les yeux dans les yeux :

Encore une semaine qui s'achève pendant laquelle j'ai été envahi par le boulot. Nous sommes samedi matin, je suis tranquillement à la maison mais il faut encore que je termine des travaux pour le bureau dont j'ai besoin lundi matin, ça me gave et ça me détourne de quantités de choses que j'aurais envie de faire.

Avec tout ça je n'ai pas mis le nez chez les diaristes de toute la semaine et je n'ai pas écrit alors que l'envie m'en a souvent traversé mais le soir en rentrant je n'avais plus trop l'énergie. Le peu que j'ai fait a été de répondre à des mails privés, cela au fond me parait le plus important, le virtuel lointain et impersonnel du site devient dans les correspondances particulières un virtuel plus proche, qui se personnalise, où se construisent lentement des relations.

J'ai envie tout de même de raconter une petite anecdote, un petit moment minuscule que sans doute je n'aurais même pas remarqué si je n'avais pas cette espèce d'attention constante à moi-même qu'implique ma démarche d'écriture.

Il y a quelque temps j'ai cassé mes lunettes. Hier enfin j'ai eu rendez-vous chez l'opthalmo, j'ai pu constater avec fatalisme l'évolution de ma vision, aux problèmes que j'ai toujours eu se rajoutent maintenant les effets de la " vieillerie ", inévitable évidemment, il faut faire avec, passer aux verres progressifs, tout cela n'a rien d'enthousiasmant… Nanti de ma toute fraîche ordonnance je suis descendu au centre optique pour commander ces nouvelles lunettes. La jeune opticienne qui m'a reçu était vive, gaie, très jolie et surtout elle avait de très beaux yeux. J'ai choisi les montures puis elle a procédé à divers contrôles : pour cela, lunettes d'essai sur le nez, il me fallait la fixer dans les yeux. C'était délicieux. Juste les yeux dans les yeux. Sans fantasme, sans aucune idée de drague, juste ce petit plaisir immédiat de la contemplation, juste quelques secondes où je ne pensais plus à mes lunettes, à ce magasin autour de moi, à tout ce quotidien qui m'attendait en rentrant ensuite à la maison, un moment où je naviguais simplement sur les rebords de ce joli visage, au fond de ces yeux clairs. J'ai su accrocher ce petit moment de plaisir, après tout on n'a pas si souvent l'occasion de se sentir autorisé à regarder d'aussi près et avec autant d'intensité une jolie jeune femme…

Se sentir autorisé ! C'est peut-être là que la bât blesse, après tout il n'y a rien de forcément inconvenant à se faire le plaisir de regarder avec intensité ce qui est beau, à chercher à accrocher un regard en offrant un sourire, le regard que l'on porte peut-être être respectueux, il n'est pas forcément agressif, déshabilleur, graveleux. C'est dans sa propre tête que l'on se met parfois des barrières inutiles, néfastes, que l'on s'interdit d'oser cette chose aussi simple qu'un regard au fond des yeux.

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07/12/03 : Un dimanche mal emmanché :

Tout a été de travers aujourd'hui malgré le beau soleil sur Paris.

D'abord ce matin j'ai été avec Constance pour un premier tour d'achats de cadeaux. (Ça y est on est en décembre, les magasins dans les centres commerciaux ont l'autorisation d'ouvrir le dimanche pour que la frénésie consommatrice puisse se donner libre cours !). On s'y prend tôt, c'est encore assez calme, ça n'a rien à voir avec la bousculade des derniers jours précédent Noël mais enfin il y a déjà les stands de babioles installés dans les coursives du centre commercial (bijoux fantaisie, savons parfumés, cartes et décors à personnaliser, etc, etc…), les animateurs de vente grotesquement déguisés qui improvisent ( !) de vagues spectacles pour les enfants. Je ne suis pas du tout sur le même rythme que Constance. Pour moi c'est un peu un pensum d'aller faire ce genre de courses, j'ai envie de faire vite, tel bouquin pour machin, tel cd pour truc et basta, elle, elle est beaucoup plus lente, j'ai tendance à m'impatienter, cela l'agace. Une vague agressivité se manifeste entre nous qui n'aide pas. Je trouve aussi qu'on dépense beaucoup pour certains, je ne le dis pas franchement, je ne veux pas paraître radin mais je ne peux m'empêcher de compter, d'établir des comparaisons, qui donne quoi, pour qui, est-ce qu'on recevra autant qu'on donne. Mon malaise vient de là aussi, tout ce climat fait remonter des aspects de ma personnalité que je déteste. Je me sens pétri de contradictions. Je refuse ces obligations du don et du contre-don mais lorsque je suis finalement entraîné moi aussi par l'esprit du temps, par la pression sociale dans le tourbillon consommationniste alors j'aimerais que ma part ne soit pas moindre que celle des autres. J'aimerais arriver à dire : tout ça m'agace, ne m'achetez rien, faites un don à une association à la place mais je n'y parviens pas.

J'aime bien faire un petit cadeau à l'occasion quand je trouve quelquechose dont je me dis ah oui, ça précisément, ça va vraiment faire tilt pour telle ou telle personne, ça lui sera un vrai plaisir, j'aime bien recevoir aussi dans de telles conditions, certains cadeaux m'ont touchés, émus, je me souviens encore du don même si l'objet lui-même n'existe plus. Mais c'est rarement à l'occasion de ces grandes frénésies d'échanges calibrés et obligés que cela se produit.

Bref je suis sorti de là d'assez mauvaise humeur. Il était tard. Le temps de déjeuner et déjà l'après-midi était bien avancée.
Mes projets de sorties et de ciné du coup sont tombés à l'eau, je n'ai pas beaucoup de temps car ce soir Papa vient dîner à la maison. J'essaie de me mettre à écrire, je voudrais terminer la mise en forme de l'ensemble de documents que je veux envoyer à l'Association pour l'Autobigraphie. Pour cela je dois reprendre un ancien texte que j'avais laissé inachevé. Rien à faire. Je ne parviens pas à m'y mettre. C'est toujours difficile de se raccrocher à quelquechose commencé et interrompu bien avant. Je n'arrive pas à me concentrer. Constance en vaquant à ses propres affaires va et vient autour de moi, cela m'insupporte. En plus elle a mis les musiques écrites par Preisner pour les films de Kieslowski, ça m'arrive d'aimer ça quand j'ai envie de l'écouter mais ce n'est vraiment pas une musique qui permet une concentration sur autre chose. Je ne vais quand même pas imposer que toute la maisonnée fasse silence pendant que le " maître " travaille !

Mais je repense à mon week-end de célibataire la semaine dernière, je me souviens combien je me suis senti alors maître de mon temps. Je me rends compte que j'aimerais bien avoir mon petit trou rien qu'à moi, tout près de la maison mais tout à fait indépendant, un lieu où je pourrai me retirer en toute quiétude. Ça à Paris c'est un vrai luxe, vu les prix des logements, nous sommes déjà des privilégiés avec notre appart maison relativement spacieuse, notre petit bout de terrasse et nos quelques arbres, donc je n'ose pas trop rêver à autre chose mais je le devrais peut-être…

Bref je n'ai pas fait grand-chose, le week-end touche à sa fin, j'ai l'impression de l'avoir perdu, demain je redémarre une semaine qui s'annonce encore très chargée...

Encore une fois j'ai l'impression d'une course perdue entre mes envies, mes projets et le temps qui file.

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13/12/03 : Un sas :

Samedi matin déjà. J'en viens à n'être plus qu'un écrivant du week-end. Je ne vois pas passer les semaines…

Je me sens surchargé au bureau et ça m'envahit bien au-delà du temps que j'y consacre effectivement, cela m'occupe par exemple indûment dans certains de mes réveils nocturnes. Il faut dire qu'en dehors des activités professionnelles quotidiennes, j'ai un projet à remettre. Ça traîne depuis des semaines, j'ai déjà beaucoup de retard, les chefs commencent à s'impatienter mais c'est l'avantage de la fonction publique (ou la faiblesse selon le point de vue où l'on se place), ce n'est pas pour autant que je perdrai un client, que je serai moins payé ou que cela aura la moindre conséquence en terme de carrière. Enfin moi je veux en finir, que ce travail se concrétise enfin, je me fixe les congés de Noël pour terminer, je veux que mon travail soit prêt et diffusé à la rentrée de janvier, inévitable donc que cela envahisse mon temps libre, je vais essayer d'avancer pas mal ce week-end à la maison.

Mais pour autant j'ai besoin de basculer par moments dans mon autre monde, comme je le fais ce matin en écrivant ces lignes, comme je l'ai fait hier en allant à la réunion de mon groupe de l'Association pour l'Autobiographie.

En sortant du bureau vers midi, je suis repassé à la maison, j'ai déjeuné rapidement, je me suis changé, j'ai vidé ma sacoche des documents professionnels, je l'ai remplie de ceux nécessaires à ma réunion de l'après-midi. C'était assez jouissif de ressentir avec netteté les étapes de ce basculement de ma personne professionnelle vers ma personne privée, de mon temps contraint vers mon temps choisi. J'ai rejoint le RER en traversant le Parc Montsouris. C'était agréable là aussi, malgré le temps gris et humide, l'endroit est peu fréquenté en ce début d'après-midi de semaine, quelques vieilles personnes qui se promènent, quelques joggers mais si peu par rapport aux week-end, pas d'enfants, le mouvement paisible des canards sur le petit lac, un grand calme, je serai volontiers resté là un moment pour jouir de l'endroit, du sentiment là encore d'être dans le sas entre ma vie professionnelle avec ses contraintes et le temps de ma liberté. Mais il fallait me hâter et filer vers la banlieue. Voilà, les stations défilent. Les quartiers pavillonnaires remplacent les immeubles tassés, le tissu urbain se fait plus lâche, les arbres plus présents. C'est un minuscule voyage mais c'est un grand voyage dans ma tête et il est bienvenu.

Je me retrouve chez notre hôtesse. Les autres sont déjà là, nous faisons circuler entre nous les documents adressés au groupe, nous les commentons, tout à l'heure chacun en remportera quelques uns chez soi pour les lire, éventuellement pour en rédiger le commentaire. Des vies défilent. J'ai embarqué les souvenirs d'une enfance pauvre dans un village de montagne dans les années 20, une jeunesse dans une riche famille sépharade en Algérie, un récit d'un artisan compagnon du Tour de France reconverti dans le tourisme rural dans un hameau quasi reconstruit de ses mains… Une infime parcelle du kaléidoscope de la vie. J'aime ça, cette variété des expériences mais aussi des styles, des façons de se dire ou de se dérober. Tout évidemment n'est pas intéressant, il y a des personnages attachants et d'autres à qui le sont moins à cause d'un ego boursouflé ou parce que des problèmes non maîtrisés envahissent leur écriture au point de la rendre peu accessible. Exactement d'ailleurs comme ce que l'on rencontre dans le diarisme en ligne. Mais se rajoutent dans ces documents évoquant des temps révolus un apport historique qui ne peut être présent dans les journaux en ligne expression du présent.

Je reviens chez moi porté par cette promenade loin de mon quotidien. Elle m'a fait du bien. Même si je retrouve en rentrant ma difficulté à gérer tout ce que je dois/veux faire.

Allez, c'est dit, je ne repense pas au boulot, au moins jusqu'à dimanche midi. Tant pis pour mes résolutions du début de cette entrée, je reste dans le sas, je reste dans la parenthèse…

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