16/05/03
: Vacarme :
J'étais
déjà plus qu'au trois quart endormi. L'espèce d'ouate cotonneuse
dans laquelle j'étais en train de glisser s'est déchirée,
mise en lambeaux par des sons stridents. J'ai émergé, me sentant
mal, estomac noué, sensation d'oppression, esprit confus, anxiété
latente
Une bande de jeunes s'était installée sur la place
avec un instrument qui devait être une guitare électrique. Ils ne
jouent pas vraiment. Ça démarre, ça monte, volée de
sons, une mélodie peut-être s'amorce mais non, ça s'arrête
aussitôt, derrière des voix, des rires, des cris, puis ça
reprend, et ainsi de suite, dix fois, vingt fois, cinquante fois, ça n'en
finit plus.
Je m'éveille tout à fait.
Je me sens agressé. Je me prends à penser : " bon sang, est-ce
que quelqu'un va se décider à appeler les flics pour faire arrêter
ce tapage
". Et je m'en veux de cette pensée. Ce n'est pas si
grave. Un peu indélicat seulement. Ils vont bien finir par s'arrêter.
Ce ne devrait pas être si difficile de s'abstraire. C'est ma propre réaction
violente qui me fait souffrir, tout à coup elle me fait me sentir vieux
et je déteste ça.
Des boules quiès
bien tassées dans les oreilles devraient éliminer le bruit. Ma hargne
va au-delà du bruit. Le vrai motif c'est peut-être que je suis jaloux,
au fond je souhaiterais être au milieu de ces fêtards, peut-être
que leurs cris et leurs rires me font mal simplement parce que j'ai l'impression
que plus jamais je ne me trouverais dans ces situations où l'on picole
et déconne sans penser, juste dans la simple euphorie du moment (et même
si les retombées le matin ne sont pas toujours drôles, j'en ai quelques
souvenirs !)
La seule façon que j'ai de contourner
l'agression c'est d'attraper mon petit carnet à côté de mon
lit, d'écrire ces mots que je transcrirai demain.
Constance,
elle, ne bronche pas. Elle a ouvert un il lorsque le boucan a démarré
puis elle s'est rendormie. Je la regarde dormir et je ressens pour elle un mélange
de tendresse et d'acrimonie.
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18/05/03
: Refonte :
Ouf, ça y est, j'arrive pratiquement
au bout de mes peines. J'ai profité de ce dimanche pluvieux pour avancer
de façon décisive. Jusque là j'étais entre deux ce
qui était vraiment désagréable, je faisais quelques essais,
commençant à refaire une page puis m'interrompant, ne sachant pas
si j'allais aboutir ou renoncer.
Peut-être la montagne a-t-elle accouchée
d'une souris
Ce site rénové n'a rien de bien neuf dans son
design, mes envies de produire aussi un bel objet graphique se heurtent à
ma maîtrise insuffisante des logiciels, tant pis, j'ai passé assez
de temps déjà, on verra (peut-être) plus tard.
Mes lecteurs
gagnent un clic puisque désormais l'accueil et la dernière mise
à jour constituent une même page. J'ai surtout développé
les systèmes de repérage et d'indexation au sein du site. C'est
pour moi aussi. J'aime pouvoir retrouver ce que j'ai dit sur telle ou telle chose,
ce que j'ai écrit à propos de telle ou telle lecture
Mais
il y a aussi un danger. L'indexation est une tâche sans limite précise,
tout est dans tout, ou presque. Il faut donc à tout prix que j'évite
le perfectionnisme, que je me contente d'avoir simplement quelques repères
supplémentaires sans chercher à vouloir classer l'exhaustivité
du contenu.
J'ai créé une page de liens vers quelques diaristes,
je voudrai essayer de ne pas me contenter de donner des adresses mais dire aussi
pourquoi j'apprécie. Ce n'est pas évident. Là encore j'espère
que je ne me lance pas dans un challenge impossible. J'ai peur aussi que mes mots
soient maladroits et mal interprétés, qu'ils donnent une image fausse
de la façon dont je perçois ce qu'ils écrivent et que du
coup cela pèse sur la façon dont eux-même me perçoivent,
si d'aventure ils me lisent. Enfin cette page là n'est pas tout à
fait finie, il me faudra encore quelques jours.
En attendant, basta, en
route pour le cinéma.
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21/05/03 : Retour nocturne
:
Il m'a réveillé en rentrant vers 3h cette
nuit. Mais peut-être ne dormais-je pas tout à fait ? En tout cas
j'ai senti tout de suite quelquechose d'inhabituel : dans sa façon bruyante
d'ouvrir puis de refermer la porte d'entrée, dans la précipitation
de son pas, dans les allées et venues entre la salle de bains, les toilettes,
la cuisine ou plusieurs fois il ouvre bruyamment le frigo et se sert de l'eau
à boire...
Taupin a terminé aujourd'hui le plus gros des écrits
de ses concours. Il a droit à une petite phase de relâche avant d'attaquer
les oraux (s'il est admissible). Déjà en sortant de la dernière
épreuve de Polytechnique il s'est offert avec quelques amis une bouteille
de champagne et ce soir ils fêtaient dans une soirée entre copains
cette quille toute provisoire.
Lorsqu'il rentre la nuit Taupin est habituellement
un modèle de discrétion. Cette rentrée bruyante me met d'emblée
en alerte, je ressens immédiatement un vague malaise, une sourde inquiétude,
j'ai l'impression que quelquechose ne va pas
Je descends moi aussi boire
un verre d'eau et le croise au moment où il rentre dans sa chambre.
"
Ça va ? "
" Ça va
Je t'ai réveillé,
excuses
" La voix est claire, le sourire franc mais il ne poursuit pas
le dialogue et ferme la porte derrière lui.
Je remonte dans ma chambre.
Sans doute n'y a-t-il rien. Ma vague inquiétude vient peut-être simplement
d'avoir été tiré au mauvais moment d'un sommeil commençant.
L'agitation un peu intempestive de Taupin provient sans doute tout simplement
d'un trop plein d'excitation ou de ce qu'il a peut-être bu un petit coup
en trop. Ce qui n'a rien que de normal dans ce genre de situation. Mais je n'ai
pu m'empêcher de penser l'espace d'un instant à des choses bien plus
difficiles
Taupin est un grand ado presque trop parfait. Il ne fume
pas, il ne boit pas, il ne se drogue pas, il est bon élève parfaitement
adapté au moule scolaire, il est sérieux mais sait rigoler, bon
camarade, apprécié de tous, gentil avec son jeune frère et
avec ses parents
Est-ce qu'il n'y a pas une faille derrière cette
apparence si lisse ?
Je me demande parfois où il en est de ses relations
affectives. On ne lui connaît pas de petite copine, il est vrai que dans
cette année d'investissement scolaire un peu démentiel, il n'a guère
eu de temps de consacrer aux sorties et aux rencontres mais je me demande si cela
ne cache pas des difficultés plus profondes, des failles et des peurs que
justement l'investissement scolaire peut avoir pour fonction de masquer...
Je
me suis revu, moi aussi adolescent un peu trop raisonnable, un peu trop sage et
j'ai revu les difficultés de ma sortie d'adolescence, les lézardes
qui sont apparues peu à peu dans les apparences trop bien construite, les
douleurs qui en ont résulté et qui, pour certaines, ont traversé
les années, m'ont accompagné jusque dans mon âge adulte, qui
peut-être, sous d'autres formes, m'accompagnent toujours.
Que sais-je
de lui ? Pas grand-chose ! Qu'il y ait de l'ombre c'est normal et souhaitable.
Un ado n'a pas à se construire sous l'il de ses parents mais tout
de même je me demande si la culture familiale de la pudeur et du silence
ne va pas trop loin.
Car là aussi il y a beaucoup de silence derrière
ces relations sans aspérités
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23/05/03
: Patraque !
Réveil intempestif cette
nuit encore. Il est trois heures et cette fois il n'y a aucun bruit dans la maison.
Les insomnies en ce moment sont de retour. Je crois bien, si le titre n'était
déjà pris, que j'aurais pu être moi aussi " l'insomniaque
" de service! Car c'est souvent à ces petites heures que je prends,
sinon mon clavier, du moins le petit carnet de notes qui est à côté
de mon lit, c'est à ces heures que les mots coulent le mieux, rapides et
fluides
Je me sens patraque. Léger mal de gorge. Vague douleur
dans la nuque et les épaules. Douleurs baladeuses dans les articulations.
Rien de précis. Rien à dire vrai qui fasse mal à proprement
parler. Plutôt une espèce de halo de malaises divers
Et
qui ne mériteraient pas d'être notés s'ils n'étaient
l'exact contrepoint de mon état d'esprit en ce moment. Je ne me sens pas
vraiment malheureux, triste ou déprimé mais je ne me sens pas non
plus heureux, gai et plein d'allant. Je me sens plutôt flottant, comme à
la dérive. Non que je sois cyclothymique, je ne passe pas brusquement d'un
état à l'autre. J'oscille sans grande amplitude, tantôt vaguement
mal, tantôt plutôt bien, sans grande douleur et sans joie profonde,
j'oscille autour d'une ligne médiane mais ce n'est pas une ligne de crête,
c'est juste la ligne minimale de flottaison. Á vrai dire cet état
n'est pas inhabituel chez moi, c'est même une donnée de long cours
de ma vie mais il me semble que cette sensation d'entre deux est encore accentuée
en ce moment.
C'est que je ne sais pas exactement où je suis ! Mon
indétermination est encore plus patente que d'habitude. Je baigne dans
la soupe de mes questionnements existentiels à peine formulés et
toujours plus ou moins les mêmes. Je ne sais où est mon centre. J'ai
l'impression de ne pas avoir de colonne vertébrale, je suis un corps mou
seulement soumis aux pressions de ce qui le ballote
Suis-je dans ces
mots écrits ici, au plus près du vrai mais qui ne sont pas dans
la " vie terrestre ", suis-je dans mes promenades chez ces inconnus
lointains croisés au hasard de la Toile ?
Suis-je dans cette vie quotidienne,
chaque jour renouvelée et semblable à elle-même avec ses petits
plaisirs, ses insatisfactions, ses silences ?
Suis-je dans ma vie professionnelle
et dans les conflits sociaux en cours auxquels je prends part, impliqué
fortement pour ceux qui me voient de l'extérieur, porteur de doutes et
de réserves au fond de moi ?
Car, dans ces combats, sommes nous sur
les vrais enjeux d'avenir ? Est-ce que l'essentiel, porté par la dynamique
même des systèmes, n'échappe pas à ces poussières
d'humanité que nous sommes, à nos agitations dérisoires ?
Je me déteste d'écrire cela. Tant de gens ont combattu, combattent
encore pour un monde meilleur. Mais peut-on peser réellement dans ce qui
compte vraiment ? Peut-on faire le choix d'un mode de production et de distribution
respectueux de l'humain et de la terre ? Peut-on rééquilibrer le
monde, inverser sa course ?
Et même, question plus dérangeante,
le veut-on vraiment, pris que nous sommes dans nos routines, dans nos habitudes
de consommation et nos comportements de nantis ? Et la plupart des hommes au demeurant
ne sont-ils pas mus par d'archaïques pulsions de puissance, de domination,
d'appropriation ?
Est-ce que tous ces mouvements dans le monde du dehors
désormais m'importent vraiment ?
Est-ce que ma vie est là ?
Oui
ma vie est là aussi, et pourtant l'essentiel n'est pas là, je ne
sais pas où est l'essentiel
Hier soir était le jour
de mon cours hebdomadaire de yoga. Je n'y suis pas allé, prétextant
de ma fatigue bien réelle. Mais, outre qu'en général ça
défatigue, ces deux heures visent aussi à pemettre de se concentrer
sur l'intérieur, à se recentrer donc. C'est peut-être parce
que ça me paraissait ce soir un objectif par trop éloigné
de moi que je n'y suis pas allé ?
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25/05/03
: Finalement, des lumières dans la nuit :
Á
l'approche du matin les oiseaux se mettent à pépier dans la cour.
C'est plutôt sympathique d'entendre ça, de l'écouter même
un moment, les yeux fermés et la pensée flottante mais c'est signe
une fois de plus que je me suis réveillé à une heure indue
et que mon déficit de sommeil va s'accentuant.
Hier encore journée
languissante, peut-être aussi conséquences de ces insomnies récurrentes.
Je n'ai pas fait grand-chose de mon temps libre pendant ce samedi ou plutôt
pas grand-chose qui trouve grâce à mes yeux. Je fourmille de projets,
d'idées de choses à faire mais je flemmarde, je traîne et
je me fais piéger par mes indécisions, par mon déficit d'énergie,
par l'heure qui tourne.
Sur le soir enfin nous sommes allés au bord
du canal St Martin où se tenait un festival de quartier. Sous le ciel sombre,
avec la pluie menaçante, je n'en avais pas tellement envie. C'était
l'envie de Constance plutôt que la mienne propre, moi je me serais vu plutôt
tranquillement au ciné. J'ai suivi pourtant parce qu'il fallait faire quelquechose
de cette soirée et en me disant : il faut bien partager des activités
autre que la cohabitation quotidienne et les contraintes de la vie matérielle
car sinon, sinon, où va-t-on, je sais que je sors avec Constance ce soir
aussi parce que je n'ose pas aller au bout de toutes ces questions. Mais je pensais
à tout cela pourtant, en chemin, dans le métro, en regardant Constance
presque comme une étrangère
Nous déambulons
au bord du canal, il ne se passe pas grand-chose dans la rue, nous allons sous
le chapiteau installé dans le square Villemin, il y a de la musique, rien
qui ne m'accroche, nous ressortons, il se met à pleuvoir, sinistre, j'ai
l'impression de me traîner
Nous nous installons dans un petit
resto. On a parlé. Un peu. Forcément. Le resto c'est favorable pour
parler ! On ne peut pas y supporter de la même façon que dans la
cuisine familiale un repas dans un quasi silence. Nous avons parlé de l'organisation
des vacances pour cet été, nous n'avions encore rien mis au point
contrairement aux autres années à la même époque ce
qui est sans doute un signe. J'ai parlé aussi un peu de mon rapport à
l'écriture, de mon engagement depuis un an mais du bout des pieds dans
l'Association pour l'Autobiographie (j'hésite encore à aller
aux journées de rencontre que cette association organise début juin),
j'ai évoqué même mes intérêts pour le diarisme
en ligne mais sans aller jusqu'à dire que je me suis moi-même lancé
dans cette aventure depuis quelques mois. Mais je ne vais pas au cur de
ce dont je voudrais parler. Mais est-ce que je le veux ou est-ce que je me dis
qu'il serait bien, qu'il serait sensé de parler de certaines choses, qu'on
le devrait. Car le devoir ce n'est pas le désir. Il manque le désir
véritable de l'échange peut-être parce qu'il manque tout simplement
le désir...
Après le repas la pluie a cessé. Le ciel
est devenu moins uniforme, avec des zones d'éclaircie, avec des nuages
mouvants sur fond de ciel plus clair et de nuit tombante. La compagnie Carabosse
a commencé à allumer les premiers des centaines et des centaines
de pots de feu destinés à illuminer le canal et ses alentours. Des
gens de plus en plus nombreux commencent à s'agglutiner sur les quais,
observant le lent manège des allumeurs qui, par petits groupes répartis
sur les différents endroits du site, versent un peu d'essence dans les
pots remplis de cire et équipés d'une large mèche puis communiquent
la flamme avec une torche enflammée au bout d'une longue perche. Cela prend
du temps de tout allumer. Mais l'attente participe à la magie du moment.
Peu à peu, et maintenant que la nuit a achevé de tomber, des guirlandes
entre les arbres, des grosses boules flottant sur le canal, des alignements de
pots le long de l'écluse se sont allumés les uns après les
autres. C'est une lumière de flamme, bien plus vivante que n'importe quelle
ampoule, qui tourbillonne sous les effets du vent. Chaque pot au sol est comme
un petit brasero auprès duquel on peut se réchauffer et ceux accrochés
aux arbres qui sont au-dessus de nos têtes semblent presque menaçants,
certains se consument avec d'impressionnants gargouillis d'ébullition.
Et puis soudain, une voix est montée, au bord de l'écluse, juste
sous la passerelle, une voix puissante aux modulations étranges, c'est
une jeune femme de la troupe, elle chante en italien et s'accompagne d'un instrument
étrange qui ressemble vaguement à un accordéon et produit
une plainte lancinante. Nous restons là un long moment, je me sens bien
et je sais que je me sens bien aussi d'être là auprès de Constance
et de la sentir fascinée comme je le suis moi-même par cette performance
un peu magique et je me dis que tout de même nous communions en quelquechose
et cela dans l'instant me suffit
Et ce soir dimanche, après
une journée pour le coup bien chargée mais là encore peut-être
pas tout à fait de la façon dont je l'aurais souhaité, je
reprends mes gribouillis de la nuit...
J'ai fait la manif bien sûr.
Mais toujours avec le même état d'esprit partagé. C'était
puissant certes et j'étais ravi de cette puissance. Mais encore une fois
j'étais un peu à la marge, un peu dehors, un peu dedans. Nous avions
invité la mère de Constance à déjeuner pour la fête
des mères et mon père s'était joint à nous. Ce qui
fait que je n'ai pas rejoint le rendez-vous prévu au départ et je
ne savais pas lequel des trois cortèges emprunteraient les groupes avec
qui j'envisageais de manifester. Donc une fois de plus je me suis déplacé
à contre-courant cherchant sans chercher des visages connus, n'en trouvant
pas et revenant ensuite un peu au hasard. C'était un peu Fabrice à
Waterloo...
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26/05/03
: Envie de fuite :
Journée encore assez incohérente
au bureau aujourd'hui. C'est la confusion la plus totale, on fonctionne au jour
le jour, entre grève et manifs, tensions ente catégories de personnel,
grévistes et non grévistes
Je voudrais arrêter
tout cela.
Me retrouver neuf et pur, dans un village loin de tout.
Me
lever le matin, me mettre à mon travail sans recevoir d'ordre de personne,
produire de mes mains, être rémunéré pour ce que je
fais et non en fonction d'un statut conquis de concours en promotion
Sous
un ciel différent être un vigneron qui taille ses plants, un jardinier
qui tire ses allées et plante ses roses, un ébéniste qui
réalise un meuble
Images purement fantasmatiques, je le sais,
mais lorsque c'est l'overdose de tout ce qui m'agresse, les conflits inutiles,
les langues de bois (la langue hiérarchique mais aussi la langue syndicale)
j'aime à rêvasser sur ce genre de choses.
J'ai quitté
le bureau tôt dans l'après-midi et de façon impromptue et
de ce temps gagné j'ai profité pour aller au cinéma.
J'ai
vu " Swimming pool ", je n'ai pas trouvé que c'était un
très bon film, il m'a paru souvent trop long et appliqué, il ne
génère à aucun moment de véritable émotion,
il est plombé par sa gratuité et son artificialité même
si le scénario est bien construit, habile, trop habile peut-être.
Mais cela a été quand même un plaisir, un divertissement au
sens premier, je me suis éloigné pour un moment du bureau, de mes
difficultés et de mes questionnements.
Et je me suis senti plus moi
même à regarder ce film qu'à participer à toutes mes
activités habituelles, simplement parce que là au moins j'étais
dans l'instant, dans les images qui défilent, dans les corps qui glissent
souplement dans l'eau translucide, dans les beaux visages des actrices.
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28/05/03
: Manif encore
et quelques diaristes :
Hier encore
manif. Je ne pensais pas y aller et puis finalement comme une bonne partie de
mes collègues s'y rendaient j'ai suivi le mouvement. Cette fois j'ai vraiment
fait la manif dans le bon sens et dans son intégralité et au fond
je m'en suis senti mieux sans pour autant que mes doutes intimes se soient évanouis.
La
manif était tonique, avec des slogans très radicaux, nous étions
juste derrière les jeunes de l'institut de formation qui mettaient de l'ambiance
: on s'accroupit puis l'on se relève sur une vigoureuse hola, on s'arrête
puis on redémarre au pas de course, j'ai pris un plaisir tout simple, un
peu ludique à me laisser entraîner dans ces tempos. Globalement on
a l'impression que ceux qui poursuivent appartiennent aux franges les plus radicalisées
et leur énergie auto-entretenue peut masquer le fait que par ailleurs ceux
qui sentent bien que le gouvernement sur le fond ne cédera pas commencent
à se démobiliser, que pour beaucoup la fatigue et la lassitude dominent
désormais.
J'ai suivi sans trop me poser de questions, il faisait
beau, j'ai discuté avec des collègues que je ne vois pas souvent,
finalement ce n'était pas un mauvais moment.
Et puis je suis tombé
par hasard sur un vieux camarade (le terme est là à dessein, nous
avons partagé les mêmes ardeurs militantes), perdu de vue depuis
très longtemps, vingt ans peut-être. Je suis frappé de la
façon dont on se retrouve facilement lorsque l'on a partagé de tels
engagements, indépendamment du parcours ultérieur des uns et des
autres on retrouve d'emblée des connivences très fortes et ça
c'était un vrai bonheur.
A part ça j'ai enfin fait
ma page sur les diaristes. Ce n'est pas si simple de donner en quelques mots une
impression sur un journal ou la raison qui fait que je l'apprécie ou qu'il
m'intéresse. Mais je tenais à faire cette page car il me semble
que ces gens donnent en m'offrant leurs mots, il me semble que c'est la moindre
des choses de donner à mon tour en le disant. Cette sélection est
très parcellaire et forcément en grande partie issue du hasard mais
la voici telle qu'elle est, au jour d'aujourd'hui
.
Je me suis rendu
compte en la faisant que ce qui me poussait à lire ces diaristes pouvait
être très différent selon les cas.
D'abord il y a la curiosité.
J'aime découvrir des personnalités tout à fait différentes
de moi, des modes de vie et des modèles relationnels qui ne sont pas les
miens. J'aime écouter des voix différentes par leur ton, leur style
et leur modalité d'écriture. Incontestablement derrière tout
cela il y a chez moi un petit côté voyeur. Mais cette curiosité
si elle n'est pas aussi accompagnée d'autre chose s'émousse vite
ou du moins ne donne lieu qu'à des petits coups d'il un peu diagonal
de temps à autres juste pour voir où en sont les choses. Cette curiosité
tient aussi sans doute au fait que je suis encore un promeneur récent dans
le monde diariste, peut-être à la longue me laisserais-je moins porter
de clics en clics vers de nouveaux sites.
Les diaristes vers lesquels je
reviens plus régulièrement sont évidemment ceux avec qui
je partage certains modes de fonctionnement ou certains questionnements. Les situations
peuvent être différentes, les réponses apportés à
celles-ci également, ce sont justement ces différences qui sont
passionnantes parce qu'elles m'interpellent, elles contribuent à enrichir
mes propres réflexions.
Certains diaristes sont installés
dans des modes de fonctionnement stables qu'ils questionnent pas ou peu (même
si l'instabilité est le mode de leur stabilité). D'autres sont en
recherche et avancent ou tentent d'avancer, leur écriture a aussi pour
vocation d'accompagner, de rendre compte et même de participer à
ces changements qu'ils espèrent. Ce sont évidemment ceux-là
que je lis de la façon la plus régulière, qui deviennent
mes favoris au sens propre alors que je tends à me lasser de bons journaux
de diaristes pourtant sympathiques mais chez lesquels je ne perçois pas
de la même façon cette volonté d'avancer
Je n'ai pas
mis tout à fait tous les sites que je voulais, je n'ai pas fait les commentaires
sur tous mais j'envoie cette page telle quelle, je n'ai pas envie de passer plus
de temps à ce travail pour le moment.
C'est une page ouverte, je
pourrais à l'occasion y introduire mes découvertes.
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30/05/03
: All kind of people :
C'était le slogan
d'une pub, il y a quelques années pour une marque de bière: on voyait
dans un bar une accorte serveuse portant à des clients d'âge, de
sexe, de race, de styles vestimentaires complètement différents
des bières mousseuses autour desquels tous communiaient.
Hier j'ai
fait avec Constance une grande rando en vélo. Nous avons longé la
Seine puis la Marne par les pistes cyclables qui maintenant sont presque continues
depuis le centre de Paris et avons été jusqu'à Noisiel et
à l'ancienne usine Menier superbement restaurée. Les activités
multiples sur la rivière (les bateaux de croisière et de plaisance,
les rameurs en canot ou à l'aviron, des skieurs nautiques même
)
les nombreux cyclistes et promeneurs à pied, les groupes installés
au bord de l'eau pour pique-niquer et la bonne chaleur du jour, tout cela avait
déjà un fort parfum de vacances. Au retour nous nous sommes arrêtés
pour déjeuner dans l'une des célèbres guinguettes de Joinville
qui poursuivent les traditions des dimanches en bords de Marne si superbement
mises en image autrefois par les impressionnistes. Et c'est là que j'ai
repensé à cette pub qui sans doute ne m'avait pas marquée
par hasard.
Nous étions installés pour déguster fritures
de poisson et petit blanc bien frais à une table en terrasse sur le quai
juste en bordure du flot de passants. Quelle variété d'humanité!
Les familles de tous types, les sportifs en vélos ou en roller tentant
de se frayer un passage dans la foule compacte, les danseurs endimanchés
qui arrivent pour l'ouverture du bal
Je regarde en particulier ces couples
qui entrent au dancing et qui sont si loin de moi dans leur façon d'être
et de vivre. Pour la majorité ils sont loin d'être jeunes, ils ne
sont pas beaux selon les canons habituels mais ils dégagent pourtant une
espèce d'énergie, de joie de vivre qui fait envie. Voici ce type
bedonnant et rubicond à la chemise gris électrique qui tient par
le bras une femme que son âge plus qu'entre deux et un certain embonpoint
n'empêchent pas d'arborer une robe rouge près du corps et plutôt
mini ; voici cet autre, du genre vieux beau, aux cheveux blancs, sec comme une
trique, très droit dans son costume qu'accompagne une grande femme en robe
jaune canari et à la démarche chaloupée ; voici ce couple
plus jeune avec un gars énorme en chemisette jaune aux bras tatoués
qui porte le canotier au nom du Petit Robinson et sa partenaire toute fluette
dans une robe rouge très légère et presque transparente
Ils vont s'élancer les uns et les autres sur la piste de danse.
Je me sens envieux de ces corps qui vont vibrer ensemble au son du musette, de
ces gens qui savent se donner ce plaisir simple.
Le monde est fait de cette
multiplicité. Je suis gourmand de toute cette humanité. J'adore
la regarder et tenter de me projeter en elle. Le goût de la lecture d'ailleurs
est du même ordre, il nous permet de pénétrer des mondes qui
ne sont pas les nôtres, des êtres qui ne sont pas nous. Mes explorations
diaristiques relèvent évidemment de ce même goût.
Mais
cet intérêt porte aussi en lui des germes d'insatisfaction et de
frustration. Un voyeur n'est jamais seulement un voyeur, sa fascination à
mon sens s'explique en réalité par le désir fantasmatique
de tout embrasser, de ne rien laisser échapper et finalement d'être
ce que l'on n'est pas...
Quand j'étais ado j'avais noté ce
précepte mis en avant par Gide avec la volonté d'en faire une règle
de vie: "Assumer le plus possible d'humanité" Et je m'imaginais
pouvoir le mettre en pratique, pouvoir passer aisément d'un milieu à
un autre, d'une relation à une autre, d'une façon de fonctionner
à une autre. Redoutable illusion!
Et vaut-il mieux s'accepter tel
qu'on est ou tenter sans cesse, de changer d'évoluer, de progresser? J'ai
souvent été écartelé entre ces deux orientations,
alternant des phases d'acceptation parfois un peu trop passives et des phases
de mises en mouvement parfois trop volontaristes, porteuses de cruelles déceptions
lorsque je m'aperçois que je ne parviens pas à avancer autant que
je l'espérais. A moins que l'acceptation en profondeur de ce que nous sommes
soit, plus que le refus crispé, le gage d'évolutions effectives?
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31/05/03
: Intimité :
Schéma classique de
bien des soirées désormais
Après le dîner
je monte et m'installe devant l'ordinateur, je rédige ou peaufine l'entrée
du jour, je fais un tour chez quelques diaristes. Constance, elle, est restée
en bas et s'est installée devant la télévision et regarde
ce qui se présente au hasard de son zapping. Le sommeil me gagne. J'éteins
la machine et vais me coucher. Je somnole sans m'endormir tout à fait.
J'aimerais bien que Constance monte, vienne s'allonger près de moi. Peu
à peu je sens que le sommeil si présent tout à l'heure s'éloigne.
Les idées commencent à rouler dans ma tête et les mots pour
les dire. Constance monte enfin. Elle va dans la salle de bains, elle se prépare,
cela me parait long, enfin elle vient se coucher. Nous échangeons quelques
mots : " Tu ne dors pas encore ? " " Qu'est-ce que tu as vu à
la télévision ? " " C'était bien ? " Discussion
formelle juste pour briser le silence ! Ma main se porte vers elle, juste une
caresse légère à laquelle elle ne réponds pas ou à
peine, juste une pression de sa main sur la mienne, nos lèvres se frôlent
Parfois il m'arrive d'insister. Parfois il lui arrive de répondre.
Parfois c'est bien. Alors en nous quittant nous nous disons : " c'était
bien, c'était agréable, cela nous fait du bien, vraiment il faudrait
que nous fassions l'amour plus souvent
" Et nous le faisons de plus
en plus rarement !
Ce soir je n'insiste pas. Je n'ai même pas envie
d'insister. Ma main se retire, nous nous retournons dos à dos, chacun s'éloigne
sur sa part du grand lit conjugal. Elle lit un peu. Je ferme les yeux pour tenter
de me rendormir. Elle éteint, elle s'endort. Et moi je me réveille
tout à fait.
Voilà, il est presque deux heures. J'ai rallumé
ma lampe de chevet. J'écris ces mots.
Je ferais mieux de prendre
un bouquin ; par exemple ce Maigret que je suis en train de lire, je viens de
m'offrir Simenon en Pléiade et je redécouvre certains de ces bouquins
que j'avais lus adolescent. Je ferais mieux
Mais non, j'ai envie d'écrire.
Les mots sortent sans hésitation, ils coulent de source, je ne rature presque
pas. Ce n'est pas comme la laborieuse description de notre promenade en bord de
Marne que j'ai écrite tout à l'heure
Mais écrire
jusqu'où ?
Mettre en ligne jusqu'où ?
J'ai dit que je veux
continuer mon journal au plus près de ce qu'il aurait été
avant la mise en ligne. Or ces mots je les aurais écrits sûrement.
Si je veux rester fidèle à mon projet il faut donc que je les donne
aussi, que je les offre en partage.
Mais j'ai des lecteurs maintenant, quelques
uns même, avec qui j'ai échangé des mails, ne sont donc plus
tout à fait des identités abstraites, ne sont plus uniquement virtuels.
Je
me sens indécent à descendre ainsi au fond de l'alcôve, indécent
de jeter tout ça en pâture à la face du monde.
Je me sens
indécent vis-à-vis de Constance, ai-je le droit, même si elle
n'en sait rien, de dire à ces autres qui sont au loin ce que je ne dis
à personne ?
Ma souffrance même me parait indécente, il
y a tellement de chose plus graves.
Et j'ai peur moi-même de me mettre
ainsi à nu.
Jamais on ne le ferait devant une personne à peine
rencontrée, alors devant ces lecteurs inconnus! Il y a les bienveillants
sans doute mais il y a, j'imagine, ceux qui rigolent en coin, je me dis que je
me fiche d'eux mais quand même
Le plus difficile peut-être
c'est d'accepter de donner de soi l'image de la faiblesse, de l'impuissance, du
ridicule, de la souffrance, c'est de se mettre d'emblée en position désarmée...
Est-ce
que ce cahier - ce n'est plus ce cahier, ce sont ces mots jetés au loin
- est-ce que ces mots donc seraient ceux que je lancerais à un thérapeute
que je n'ai pas. ? Depuis des années, par moments, je me suis dit que,
peut-être, ce serait bien, il faudrait
je n'ai jamais franchi le pas
par un mélange d'orgueil (je n'ai pas besoin de ça, moi), de méfiance
(ces psys que valent-ils ?) et de radinerie (et maintenant il faudrait en plus
acheter ce droit à vivre mieux !). Constance, elle, voit un psy, un peu
à son corps défendant, contrainte presque par sa lutte contre la
dépression. Moi, mes défenses superficielles sont plus solides,
je n'ai jamais craqué, je repars comme il faut tous les matins en bon petit
soldat de la vie sociale mais est-ce que pour autant cela va bien ? Non, cela
ne va pas bien.
Est-ce que ces mots seraient ceux que je dirais en confidence
à un ami, à une amie ? Je n'ai pas d'amis. Je n'en ai plus. Nous
nous sommes perdus de vue, les uns et les autres, au fil des années. Il
ne resterait que Baladine, précieuse Baladine, mais elle est loin. Nous
avons des amis, des amis de couple qui d'ailleurs le plus souvent sont d'abord
des amis de Constance mais je n'ai plus d'ami qui soit mon ami en propre, mon
amie à moi
Je ne suis pas solitaire, pas du tout, je suis
très entouré, femme, enfants, famille, amis, relations, collègues
mais je me sens seul
Trop entouré ? Tout cela est précieux,
tout cela rassure mais au-delà ? Peut-être ai-je besoin d'un peu
plus de solitude pour être moins seul ! En même temps je frémis
à ce que je dis, c'est odieux, ils sont si nombreux ceux qui dans ce monde
subissent la vraie solitude, les vieux, les isolés, les rejetés,
comment puis-je faire la fine bouche sur ce qui à moi est donné
et ne le sera peut-être pas toujours
Les yeux me piquent, le
sommeil revient, je vais clore
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