LES ÉCHOS DE VALCLAIR

 

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MOIS DE MAI 2003 (2°quinzaine)

 

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16/05/03 : Vacarme :

J'étais déjà plus qu'au trois quart endormi. L'espèce d'ouate cotonneuse dans laquelle j'étais en train de glisser s'est déchirée, mise en lambeaux par des sons stridents. J'ai émergé, me sentant mal, estomac noué, sensation d'oppression, esprit confus, anxiété latente… Une bande de jeunes s'était installée sur la place avec un instrument qui devait être une guitare électrique. Ils ne jouent pas vraiment. Ça démarre, ça monte, volée de sons, une mélodie peut-être s'amorce mais non, ça s'arrête aussitôt, derrière des voix, des rires, des cris, puis ça reprend, et ainsi de suite, dix fois, vingt fois, cinquante fois, ça n'en finit plus.

Je m'éveille tout à fait. Je me sens agressé. Je me prends à penser : " bon sang, est-ce que quelqu'un va se décider à appeler les flics pour faire arrêter ce tapage… ". Et je m'en veux de cette pensée. Ce n'est pas si grave. Un peu indélicat seulement. Ils vont bien finir par s'arrêter. Ce ne devrait pas être si difficile de s'abstraire. C'est ma propre réaction violente qui me fait souffrir, tout à coup elle me fait me sentir vieux et je déteste ça.

Des boules quiès bien tassées dans les oreilles devraient éliminer le bruit. Ma hargne va au-delà du bruit. Le vrai motif c'est peut-être que je suis jaloux, au fond je souhaiterais être au milieu de ces fêtards, peut-être que leurs cris et leurs rires me font mal simplement parce que j'ai l'impression que plus jamais je ne me trouverais dans ces situations où l'on picole et déconne sans penser, juste dans la simple euphorie du moment (et même si les retombées le matin ne sont pas toujours drôles, j'en ai quelques souvenirs !)

La seule façon que j'ai de contourner l'agression c'est d'attraper mon petit carnet à côté de mon lit, d'écrire ces mots que je transcrirai demain.

Constance, elle, ne bronche pas. Elle a ouvert un œil lorsque le boucan a démarré puis elle s'est rendormie. Je la regarde dormir et je ressens pour elle un mélange de tendresse et d'acrimonie.

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18/05/03 : Refonte :

Ouf, ça y est, j'arrive pratiquement au bout de mes peines. J'ai profité de ce dimanche pluvieux pour avancer de façon décisive. Jusque là j'étais entre deux ce qui était vraiment désagréable, je faisais quelques essais, commençant à refaire une page puis m'interrompant, ne sachant pas si j'allais aboutir ou renoncer.

Peut-être la montagne a-t-elle accouchée d'une souris… Ce site rénové n'a rien de bien neuf dans son design, mes envies de produire aussi un bel objet graphique se heurtent à ma maîtrise insuffisante des logiciels, tant pis, j'ai passé assez de temps déjà, on verra (peut-être) plus tard.

Mes lecteurs gagnent un clic puisque désormais l'accueil et la dernière mise à jour constituent une même page. J'ai surtout développé les systèmes de repérage et d'indexation au sein du site. C'est pour moi aussi. J'aime pouvoir retrouver ce que j'ai dit sur telle ou telle chose, ce que j'ai écrit à propos de telle ou telle lecture… Mais il y a aussi un danger. L'indexation est une tâche sans limite précise, tout est dans tout, ou presque. Il faut donc à tout prix que j'évite le perfectionnisme, que je me contente d'avoir simplement quelques repères supplémentaires sans chercher à vouloir classer l'exhaustivité du contenu.

J'ai créé une page de liens vers quelques diaristes, je voudrai essayer de ne pas me contenter de donner des adresses mais dire aussi pourquoi j'apprécie. Ce n'est pas évident. Là encore j'espère que je ne me lance pas dans un challenge impossible. J'ai peur aussi que mes mots soient maladroits et mal interprétés, qu'ils donnent une image fausse de la façon dont je perçois ce qu'ils écrivent et que du coup cela pèse sur la façon dont eux-même me perçoivent, si d'aventure ils me lisent. Enfin cette page là n'est pas tout à fait finie, il me faudra encore quelques jours.

En attendant, basta, en route pour le cinéma.

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21/05/03 : Retour nocturne :

Il m'a réveillé en rentrant vers 3h cette nuit. Mais peut-être ne dormais-je pas tout à fait ? En tout cas j'ai senti tout de suite quelquechose d'inhabituel : dans sa façon bruyante d'ouvrir puis de refermer la porte d'entrée, dans la précipitation de son pas, dans les allées et venues entre la salle de bains, les toilettes, la cuisine ou plusieurs fois il ouvre bruyamment le frigo et se sert de l'eau à boire...

Taupin a terminé aujourd'hui le plus gros des écrits de ses concours. Il a droit à une petite phase de relâche avant d'attaquer les oraux (s'il est admissible). Déjà en sortant de la dernière épreuve de Polytechnique il s'est offert avec quelques amis une bouteille de champagne et ce soir ils fêtaient dans une soirée entre copains cette quille toute provisoire.

Lorsqu'il rentre la nuit Taupin est habituellement un modèle de discrétion. Cette rentrée bruyante me met d'emblée en alerte, je ressens immédiatement un vague malaise, une sourde inquiétude, j'ai l'impression que quelquechose ne va pas… Je descends moi aussi boire un verre d'eau et le croise au moment où il rentre dans sa chambre.

" Ça va ? " … " Ça va… Je t'ai réveillé, excuses…" La voix est claire, le sourire franc mais il ne poursuit pas le dialogue et ferme la porte derrière lui.

Je remonte dans ma chambre. Sans doute n'y a-t-il rien. Ma vague inquiétude vient peut-être simplement d'avoir été tiré au mauvais moment d'un sommeil commençant. L'agitation un peu intempestive de Taupin provient sans doute tout simplement d'un trop plein d'excitation ou de ce qu'il a peut-être bu un petit coup en trop. Ce qui n'a rien que de normal dans ce genre de situation. Mais je n'ai pu m'empêcher de penser l'espace d'un instant à des choses bien plus difficiles…

Taupin est un grand ado presque trop parfait. Il ne fume pas, il ne boit pas, il ne se drogue pas, il est bon élève parfaitement adapté au moule scolaire, il est sérieux mais sait rigoler, bon camarade, apprécié de tous, gentil avec son jeune frère et avec ses parents… Est-ce qu'il n'y a pas une faille derrière cette apparence si lisse ?

Je me demande parfois où il en est de ses relations affectives. On ne lui connaît pas de petite copine, il est vrai que dans cette année d'investissement scolaire un peu démentiel, il n'a guère eu de temps de consacrer aux sorties et aux rencontres mais je me demande si cela ne cache pas des difficultés plus profondes, des failles et des peurs que justement l'investissement scolaire peut avoir pour fonction de masquer...

Je me suis revu, moi aussi adolescent un peu trop raisonnable, un peu trop sage et j'ai revu les difficultés de ma sortie d'adolescence, les lézardes qui sont apparues peu à peu dans les apparences trop bien construite, les douleurs qui en ont résulté et qui, pour certaines, ont traversé les années, m'ont accompagné jusque dans mon âge adulte, qui peut-être, sous d'autres formes, m'accompagnent toujours.

Que sais-je de lui ? Pas grand-chose ! Qu'il y ait de l'ombre c'est normal et souhaitable. Un ado n'a pas à se construire sous l'œil de ses parents mais tout de même je me demande si la culture familiale de la pudeur et du silence ne va pas trop loin.

Car là aussi il y a beaucoup de silence derrière ces relations sans aspérités…

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23/05/03 : Patraque !

Réveil intempestif cette nuit encore. Il est trois heures et cette fois il n'y a aucun bruit dans la maison. Les insomnies en ce moment sont de retour. Je crois bien, si le titre n'était déjà pris, que j'aurais pu être moi aussi " l'insomniaque " de service! Car c'est souvent à ces petites heures que je prends, sinon mon clavier, du moins le petit carnet de notes qui est à côté de mon lit, c'est à ces heures que les mots coulent le mieux, rapides et fluides…

Je me sens patraque. Léger mal de gorge. Vague douleur dans la nuque et les épaules. Douleurs baladeuses dans les articulations. Rien de précis. Rien à dire vrai qui fasse mal à proprement parler. Plutôt une espèce de halo de malaises divers…

Et qui ne mériteraient pas d'être notés s'ils n'étaient l'exact contrepoint de mon état d'esprit en ce moment. Je ne me sens pas vraiment malheureux, triste ou déprimé mais je ne me sens pas non plus heureux, gai et plein d'allant. Je me sens plutôt flottant, comme à la dérive. Non que je sois cyclothymique, je ne passe pas brusquement d'un état à l'autre. J'oscille sans grande amplitude, tantôt vaguement mal, tantôt plutôt bien, sans grande douleur et sans joie profonde, j'oscille autour d'une ligne médiane mais ce n'est pas une ligne de crête, c'est juste la ligne minimale de flottaison. Á vrai dire cet état n'est pas inhabituel chez moi, c'est même une donnée de long cours de ma vie mais il me semble que cette sensation d'entre deux est encore accentuée en ce moment.

C'est que je ne sais pas exactement où je suis ! Mon indétermination est encore plus patente que d'habitude. Je baigne dans la soupe de mes questionnements existentiels à peine formulés et toujours plus ou moins les mêmes. Je ne sais où est mon centre. J'ai l'impression de ne pas avoir de colonne vertébrale, je suis un corps mou seulement soumis aux pressions de ce qui le ballote…

Suis-je dans ces mots écrits ici, au plus près du vrai mais qui ne sont pas dans la " vie terrestre ", suis-je dans mes promenades chez ces inconnus lointains croisés au hasard de la Toile ?
Suis-je dans cette vie quotidienne, chaque jour renouvelée et semblable à elle-même avec ses petits plaisirs, ses insatisfactions, ses silences ?
Suis-je dans ma vie professionnelle et dans les conflits sociaux en cours auxquels je prends part, impliqué fortement pour ceux qui me voient de l'extérieur, porteur de doutes et de réserves au fond de moi ?

Car, dans ces combats, sommes nous sur les vrais enjeux d'avenir ? Est-ce que l'essentiel, porté par la dynamique même des systèmes, n'échappe pas à ces poussières d'humanité que nous sommes, à nos agitations dérisoires ? Je me déteste d'écrire cela. Tant de gens ont combattu, combattent encore pour un monde meilleur. Mais peut-on peser réellement dans ce qui compte vraiment ? Peut-on faire le choix d'un mode de production et de distribution respectueux de l'humain et de la terre ? Peut-on rééquilibrer le monde, inverser sa course ?
Et même, question plus dérangeante, le veut-on vraiment, pris que nous sommes dans nos routines, dans nos habitudes de consommation et nos comportements de nantis ? Et la plupart des hommes au demeurant ne sont-ils pas mus par d'archaïques pulsions de puissance, de domination, d'appropriation ?

Est-ce que tous ces mouvements dans le monde du dehors désormais m'importent vraiment ?
Est-ce que ma vie est là ?
Oui ma vie est là aussi, et pourtant l'essentiel n'est pas là, je ne sais pas où est l'essentiel…

Hier soir était le jour de mon cours hebdomadaire de yoga. Je n'y suis pas allé, prétextant de ma fatigue bien réelle. Mais, outre qu'en général ça défatigue, ces deux heures visent aussi à pemettre de se concentrer sur l'intérieur, à se recentrer donc. C'est peut-être parce que ça me paraissait ce soir un objectif par trop éloigné de moi que je n'y suis pas allé ?

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25/05/03 : Finalement, des lumières dans la nuit :

Á l'approche du matin les oiseaux se mettent à pépier dans la cour. C'est plutôt sympathique d'entendre ça, de l'écouter même un moment, les yeux fermés et la pensée flottante mais c'est signe une fois de plus que je me suis réveillé à une heure indue et que mon déficit de sommeil va s'accentuant.

Hier encore journée languissante, peut-être aussi conséquences de ces insomnies récurrentes. Je n'ai pas fait grand-chose de mon temps libre pendant ce samedi ou plutôt pas grand-chose qui trouve grâce à mes yeux. Je fourmille de projets, d'idées de choses à faire mais je flemmarde, je traîne et je me fais piéger par mes indécisions, par mon déficit d'énergie, par l'heure qui tourne.

Sur le soir enfin nous sommes allés au bord du canal St Martin où se tenait un festival de quartier. Sous le ciel sombre, avec la pluie menaçante, je n'en avais pas tellement envie. C'était l'envie de Constance plutôt que la mienne propre, moi je me serais vu plutôt tranquillement au ciné. J'ai suivi pourtant parce qu'il fallait faire quelquechose de cette soirée et en me disant : il faut bien partager des activités autre que la cohabitation quotidienne et les contraintes de la vie matérielle car sinon, sinon, où va-t-on, je sais que je sors avec Constance ce soir aussi parce que je n'ose pas aller au bout de toutes ces questions. Mais je pensais à tout cela pourtant, en chemin, dans le métro, en regardant Constance presque comme une étrangère …

Nous déambulons au bord du canal, il ne se passe pas grand-chose dans la rue, nous allons sous le chapiteau installé dans le square Villemin, il y a de la musique, rien qui ne m'accroche, nous ressortons, il se met à pleuvoir, sinistre, j'ai l'impression de me traîner…

Nous nous installons dans un petit resto. On a parlé. Un peu. Forcément. Le resto c'est favorable pour parler ! On ne peut pas y supporter de la même façon que dans la cuisine familiale un repas dans un quasi silence. Nous avons parlé de l'organisation des vacances pour cet été, nous n'avions encore rien mis au point contrairement aux autres années à la même époque ce qui est sans doute un signe. J'ai parlé aussi un peu de mon rapport à l'écriture, de mon engagement depuis un an mais du bout des pieds dans l'Association pour l'Autobiographie (j'hésite encore à aller aux journées de rencontre que cette association organise début juin), j'ai évoqué même mes intérêts pour le diarisme en ligne mais sans aller jusqu'à dire que je me suis moi-même lancé dans cette aventure depuis quelques mois. Mais je ne vais pas au cœur de ce dont je voudrais parler. Mais est-ce que je le veux ou est-ce que je me dis qu'il serait bien, qu'il serait sensé de parler de certaines choses, qu'on le devrait. Car le devoir ce n'est pas le désir. Il manque le désir véritable de l'échange peut-être parce qu'il manque tout simplement le désir...

Après le repas la pluie a cessé. Le ciel est devenu moins uniforme, avec des zones d'éclaircie, avec des nuages mouvants sur fond de ciel plus clair et de nuit tombante. La compagnie Carabosse a commencé à allumer les premiers des centaines et des centaines de pots de feu destinés à illuminer le canal et ses alentours. Des gens de plus en plus nombreux commencent à s'agglutiner sur les quais, observant le lent manège des allumeurs qui, par petits groupes répartis sur les différents endroits du site, versent un peu d'essence dans les pots remplis de cire et équipés d'une large mèche puis communiquent la flamme avec une torche enflammée au bout d'une longue perche. Cela prend du temps de tout allumer. Mais l'attente participe à la magie du moment. Peu à peu, et maintenant que la nuit a achevé de tomber, des guirlandes entre les arbres, des grosses boules flottant sur le canal, des alignements de pots le long de l'écluse se sont allumés les uns après les autres. C'est une lumière de flamme, bien plus vivante que n'importe quelle ampoule, qui tourbillonne sous les effets du vent. Chaque pot au sol est comme un petit brasero auprès duquel on peut se réchauffer et ceux accrochés aux arbres qui sont au-dessus de nos têtes semblent presque menaçants, certains se consument avec d'impressionnants gargouillis d'ébullition. Et puis soudain, une voix est montée, au bord de l'écluse, juste sous la passerelle, une voix puissante aux modulations étranges, c'est une jeune femme de la troupe, elle chante en italien et s'accompagne d'un instrument étrange qui ressemble vaguement à un accordéon et produit une plainte lancinante. Nous restons là un long moment, je me sens bien et je sais que je me sens bien aussi d'être là auprès de Constance et de la sentir fascinée comme je le suis moi-même par cette performance un peu magique et je me dis que tout de même nous communions en quelquechose et cela dans l'instant me suffit…

Et ce soir dimanche, après une journée pour le coup bien chargée mais là encore peut-être pas tout à fait de la façon dont je l'aurais souhaité, je reprends mes gribouillis de la nuit...

J'ai fait la manif bien sûr. Mais toujours avec le même état d'esprit partagé. C'était puissant certes et j'étais ravi de cette puissance. Mais encore une fois j'étais un peu à la marge, un peu dehors, un peu dedans. Nous avions invité la mère de Constance à déjeuner pour la fête des mères et mon père s'était joint à nous. Ce qui fait que je n'ai pas rejoint le rendez-vous prévu au départ et je ne savais pas lequel des trois cortèges emprunteraient les groupes avec qui j'envisageais de manifester. Donc une fois de plus je me suis déplacé à contre-courant cherchant sans chercher des visages connus, n'en trouvant pas et revenant ensuite un peu au hasard. C'était un peu Fabrice à Waterloo...

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26/05/03 : Envie de fuite :

Journée encore assez incohérente au bureau aujourd'hui. C'est la confusion la plus totale, on fonctionne au jour le jour, entre grève et manifs, tensions ente catégories de personnel, grévistes et non grévistes…

Je voudrais arrêter tout cela.

Me retrouver neuf et pur, dans un village loin de tout.
Me lever le matin, me mettre à mon travail sans recevoir d'ordre de personne, produire de mes mains, être rémunéré pour ce que je fais et non en fonction d'un statut conquis de concours en promotion…
Sous un ciel différent être un vigneron qui taille ses plants, un jardinier qui tire ses allées et plante ses roses, un ébéniste qui réalise un meuble…

Images purement fantasmatiques, je le sais, mais lorsque c'est l'overdose de tout ce qui m'agresse, les conflits inutiles, les langues de bois (la langue hiérarchique mais aussi la langue syndicale) j'aime à rêvasser sur ce genre de choses.

J'ai quitté le bureau tôt dans l'après-midi et de façon impromptue et de ce temps gagné j'ai profité pour aller au cinéma.

J'ai vu " Swimming pool ", je n'ai pas trouvé que c'était un très bon film, il m'a paru souvent trop long et appliqué, il ne génère à aucun moment de véritable émotion, il est plombé par sa gratuité et son artificialité même si le scénario est bien construit, habile, trop habile peut-être. Mais cela a été quand même un plaisir, un divertissement au sens premier, je me suis éloigné pour un moment du bureau, de mes difficultés et de mes questionnements.

Et je me suis senti plus moi même à regarder ce film qu'à participer à toutes mes activités habituelles, simplement parce que là au moins j'étais dans l'instant, dans les images qui défilent, dans les corps qui glissent souplement dans l'eau translucide, dans les beaux visages des actrices.

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28/05/03 : Manif encore…et quelques diaristes :

Hier encore manif. Je ne pensais pas y aller et puis finalement comme une bonne partie de mes collègues s'y rendaient j'ai suivi le mouvement. Cette fois j'ai vraiment fait la manif dans le bon sens et dans son intégralité et au fond je m'en suis senti mieux sans pour autant que mes doutes intimes se soient évanouis.

La manif était tonique, avec des slogans très radicaux, nous étions juste derrière les jeunes de l'institut de formation qui mettaient de l'ambiance : on s'accroupit puis l'on se relève sur une vigoureuse hola, on s'arrête puis on redémarre au pas de course, j'ai pris un plaisir tout simple, un peu ludique à me laisser entraîner dans ces tempos. Globalement on a l'impression que ceux qui poursuivent appartiennent aux franges les plus radicalisées et leur énergie auto-entretenue peut masquer le fait que par ailleurs ceux qui sentent bien que le gouvernement sur le fond ne cédera pas commencent à se démobiliser, que pour beaucoup la fatigue et la lassitude dominent désormais.

J'ai suivi sans trop me poser de questions, il faisait beau, j'ai discuté avec des collègues que je ne vois pas souvent, finalement ce n'était pas un mauvais moment.

Et puis je suis tombé par hasard sur un vieux camarade (le terme est là à dessein, nous avons partagé les mêmes ardeurs militantes), perdu de vue depuis très longtemps, vingt ans peut-être. Je suis frappé de la façon dont on se retrouve facilement lorsque l'on a partagé de tels engagements, indépendamment du parcours ultérieur des uns et des autres on retrouve d'emblée des connivences très fortes et ça c'était un vrai bonheur.

 

A part ça j'ai enfin fait ma page sur les diaristes. Ce n'est pas si simple de donner en quelques mots une impression sur un journal ou la raison qui fait que je l'apprécie ou qu'il m'intéresse. Mais je tenais à faire cette page car il me semble que ces gens donnent en m'offrant leurs mots, il me semble que c'est la moindre des choses de donner à mon tour en le disant. Cette sélection est très parcellaire et forcément en grande partie issue du hasard mais la voici telle qu'elle est, au jour d'aujourd'hui ….

Je me suis rendu compte en la faisant que ce qui me poussait à lire ces diaristes pouvait être très différent selon les cas.
D'abord il y a la curiosité. J'aime découvrir des personnalités tout à fait différentes de moi, des modes de vie et des modèles relationnels qui ne sont pas les miens. J'aime écouter des voix différentes par leur ton, leur style et leur modalité d'écriture. Incontestablement derrière tout cela il y a chez moi un petit côté voyeur. Mais cette curiosité si elle n'est pas aussi accompagnée d'autre chose s'émousse vite ou du moins ne donne lieu qu'à des petits coups d'œil un peu diagonal de temps à autres juste pour voir où en sont les choses. Cette curiosité tient aussi sans doute au fait que je suis encore un promeneur récent dans le monde diariste, peut-être à la longue me laisserais-je moins porter de clics en clics vers de nouveaux sites.

Les diaristes vers lesquels je reviens plus régulièrement sont évidemment ceux avec qui je partage certains modes de fonctionnement ou certains questionnements. Les situations peuvent être différentes, les réponses apportés à celles-ci également, ce sont justement ces différences qui sont passionnantes parce qu'elles m'interpellent, elles contribuent à enrichir mes propres réflexions.

Certains diaristes sont installés dans des modes de fonctionnement stables qu'ils questionnent pas ou peu (même si l'instabilité est le mode de leur stabilité). D'autres sont en recherche et avancent ou tentent d'avancer, leur écriture a aussi pour vocation d'accompagner, de rendre compte et même de participer à ces changements qu'ils espèrent. Ce sont évidemment ceux-là que je lis de la façon la plus régulière, qui deviennent mes favoris au sens propre alors que je tends à me lasser de bons journaux de diaristes pourtant sympathiques mais chez lesquels je ne perçois pas de la même façon cette volonté d'avancer

Je n'ai pas mis tout à fait tous les sites que je voulais, je n'ai pas fait les commentaires sur tous mais j'envoie cette page telle quelle, je n'ai pas envie de passer plus de temps à ce travail pour le moment.

C'est une page ouverte, je pourrais à l'occasion y introduire mes découvertes.

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30/05/03 : All kind of people :

C'était le slogan d'une pub, il y a quelques années pour une marque de bière: on voyait dans un bar une accorte serveuse portant à des clients d'âge, de sexe, de race, de styles vestimentaires complètement différents des bières mousseuses autour desquels tous communiaient.

Hier j'ai fait avec Constance une grande rando en vélo. Nous avons longé la Seine puis la Marne par les pistes cyclables qui maintenant sont presque continues depuis le centre de Paris et avons été jusqu'à Noisiel et à l'ancienne usine Menier superbement restaurée. Les activités multiples sur la rivière (les bateaux de croisière et de plaisance, les rameurs en canot ou à l'aviron, des skieurs nautiques même…) les nombreux cyclistes et promeneurs à pied, les groupes installés au bord de l'eau pour pique-niquer et la bonne chaleur du jour, tout cela avait déjà un fort parfum de vacances. Au retour nous nous sommes arrêtés pour déjeuner dans l'une des célèbres guinguettes de Joinville qui poursuivent les traditions des dimanches en bords de Marne si superbement mises en image autrefois par les impressionnistes. Et c'est là que j'ai repensé à cette pub qui sans doute ne m'avait pas marquée par hasard.

Nous étions installés pour déguster fritures de poisson et petit blanc bien frais à une table en terrasse sur le quai juste en bordure du flot de passants. Quelle variété d'humanité! Les familles de tous types, les sportifs en vélos ou en roller tentant de se frayer un passage dans la foule compacte, les danseurs endimanchés qui arrivent pour l'ouverture du bal… Je regarde en particulier ces couples qui entrent au dancing et qui sont si loin de moi dans leur façon d'être et de vivre. Pour la majorité ils sont loin d'être jeunes, ils ne sont pas beaux selon les canons habituels mais ils dégagent pourtant une espèce d'énergie, de joie de vivre qui fait envie. Voici ce type bedonnant et rubicond à la chemise gris électrique qui tient par le bras une femme que son âge plus qu'entre deux et un certain embonpoint n'empêchent pas d'arborer une robe rouge près du corps et plutôt mini ; voici cet autre, du genre vieux beau, aux cheveux blancs, sec comme une trique, très droit dans son costume qu'accompagne une grande femme en robe jaune canari et à la démarche chaloupée ; voici ce couple plus jeune avec un gars énorme en chemisette jaune aux bras tatoués qui porte le canotier au nom du Petit Robinson et sa partenaire toute fluette dans une robe rouge très légère et presque transparente…

Ils vont s'élancer les uns et les autres sur la piste de danse. Je me sens envieux de ces corps qui vont vibrer ensemble au son du musette, de ces gens qui savent se donner ce plaisir simple.

Le monde est fait de cette multiplicité. Je suis gourmand de toute cette humanité. J'adore la regarder et tenter de me projeter en elle. Le goût de la lecture d'ailleurs est du même ordre, il nous permet de pénétrer des mondes qui ne sont pas les nôtres, des êtres qui ne sont pas nous. Mes explorations diaristiques relèvent évidemment de ce même goût.

Mais cet intérêt porte aussi en lui des germes d'insatisfaction et de frustration. Un voyeur n'est jamais seulement un voyeur, sa fascination à mon sens s'explique en réalité par le désir fantasmatique de tout embrasser, de ne rien laisser échapper et finalement d'être ce que l'on n'est pas...

Quand j'étais ado j'avais noté ce précepte mis en avant par Gide avec la volonté d'en faire une règle de vie: "Assumer le plus possible d'humanité" Et je m'imaginais pouvoir le mettre en pratique, pouvoir passer aisément d'un milieu à un autre, d'une relation à une autre, d'une façon de fonctionner à une autre. Redoutable illusion!

Et vaut-il mieux s'accepter tel qu'on est ou tenter sans cesse, de changer d'évoluer, de progresser? J'ai souvent été écartelé entre ces deux orientations, alternant des phases d'acceptation parfois un peu trop passives et des phases de mises en mouvement parfois trop volontaristes, porteuses de cruelles déceptions lorsque je m'aperçois que je ne parviens pas à avancer autant que je l'espérais. A moins que l'acceptation en profondeur de ce que nous sommes soit, plus que le refus crispé, le gage d'évolutions effectives?

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31/05/03 : Intimité :

Schéma classique de bien des soirées désormais…

Après le dîner je monte et m'installe devant l'ordinateur, je rédige ou peaufine l'entrée du jour, je fais un tour chez quelques diaristes. Constance, elle, est restée en bas et s'est installée devant la télévision et regarde ce qui se présente au hasard de son zapping. Le sommeil me gagne. J'éteins la machine et vais me coucher. Je somnole sans m'endormir tout à fait. J'aimerais bien que Constance monte, vienne s'allonger près de moi. Peu à peu je sens que le sommeil si présent tout à l'heure s'éloigne. Les idées commencent à rouler dans ma tête et les mots pour les dire. Constance monte enfin. Elle va dans la salle de bains, elle se prépare, cela me parait long, enfin elle vient se coucher. Nous échangeons quelques mots : " Tu ne dors pas encore ? " " Qu'est-ce que tu as vu à la télévision ? " " C'était bien ? " Discussion formelle juste pour briser le silence ! Ma main se porte vers elle, juste une caresse légère à laquelle elle ne réponds pas ou à peine, juste une pression de sa main sur la mienne, nos lèvres se frôlent …

Parfois il m'arrive d'insister. Parfois il lui arrive de répondre. Parfois c'est bien. Alors en nous quittant nous nous disons : " c'était bien, c'était agréable, cela nous fait du bien, vraiment il faudrait que nous fassions l'amour plus souvent… " Et nous le faisons de plus en plus rarement !

Ce soir je n'insiste pas. Je n'ai même pas envie d'insister. Ma main se retire, nous nous retournons dos à dos, chacun s'éloigne sur sa part du grand lit conjugal. Elle lit un peu. Je ferme les yeux pour tenter de me rendormir. Elle éteint, elle s'endort. Et moi je me réveille tout à fait.

Voilà, il est presque deux heures. J'ai rallumé ma lampe de chevet. J'écris ces mots.

Je ferais mieux de prendre un bouquin ; par exemple ce Maigret que je suis en train de lire, je viens de m'offrir Simenon en Pléiade et je redécouvre certains de ces bouquins que j'avais lus adolescent. Je ferais mieux…

Mais non, j'ai envie d'écrire. Les mots sortent sans hésitation, ils coulent de source, je ne rature presque pas. Ce n'est pas comme la laborieuse description de notre promenade en bord de Marne que j'ai écrite tout à l'heure…

Mais écrire jusqu'où ?
Mettre en ligne jusqu'où ?

J'ai dit que je veux continuer mon journal au plus près de ce qu'il aurait été avant la mise en ligne. Or ces mots je les aurais écrits sûrement. Si je veux rester fidèle à mon projet il faut donc que je les donne aussi, que je les offre en partage.

Mais j'ai des lecteurs maintenant, quelques uns même, avec qui j'ai échangé des mails, ne sont donc plus tout à fait des identités abstraites, ne sont plus uniquement virtuels.

Je me sens indécent à descendre ainsi au fond de l'alcôve, indécent de jeter tout ça en pâture à la face du monde.
Je me sens indécent vis-à-vis de Constance, ai-je le droit, même si elle n'en sait rien, de dire à ces autres qui sont au loin ce que je ne dis à personne ?
Ma souffrance même me parait indécente, il y a tellement de chose plus graves.
Et j'ai peur moi-même de me mettre ainsi à nu.
Jamais on ne le ferait devant une personne à peine rencontrée, alors devant ces lecteurs inconnus! Il y a les bienveillants sans doute mais il y a, j'imagine, ceux qui rigolent en coin, je me dis que je me fiche d'eux mais quand même…

Le plus difficile peut-être c'est d'accepter de donner de soi l'image de la faiblesse, de l'impuissance, du ridicule, de la souffrance, c'est de se mettre d'emblée en position désarmée...

Est-ce que ce cahier - ce n'est plus ce cahier, ce sont ces mots jetés au loin - est-ce que ces mots donc seraient ceux que je lancerais à un thérapeute que je n'ai pas. ? Depuis des années, par moments, je me suis dit que, peut-être, ce serait bien, il faudrait… je n'ai jamais franchi le pas par un mélange d'orgueil (je n'ai pas besoin de ça, moi), de méfiance (ces psys que valent-ils ?) et de radinerie (et maintenant il faudrait en plus acheter ce droit à vivre mieux !). Constance, elle, voit un psy, un peu à son corps défendant, contrainte presque par sa lutte contre la dépression. Moi, mes défenses superficielles sont plus solides, je n'ai jamais craqué, je repars comme il faut tous les matins en bon petit soldat de la vie sociale mais est-ce que pour autant cela va bien ? Non, cela ne va pas bien.

Est-ce que ces mots seraient ceux que je dirais en confidence à un ami, à une amie ? Je n'ai pas d'amis. Je n'en ai plus. Nous nous sommes perdus de vue, les uns et les autres, au fil des années. Il ne resterait que Baladine, précieuse Baladine, mais elle est loin. Nous avons des amis, des amis de couple qui d'ailleurs le plus souvent sont d'abord des amis de Constance mais je n'ai plus d'ami qui soit mon ami en propre, mon amie à moi…

Je ne suis pas solitaire, pas du tout, je suis très entouré, femme, enfants, famille, amis, relations, collègues mais je me sens seul… Trop entouré ? Tout cela est précieux, tout cela rassure mais au-delà ? Peut-être ai-je besoin d'un peu plus de solitude pour être moins seul ! En même temps je frémis à ce que je dis, c'est odieux, ils sont si nombreux ceux qui dans ce monde subissent la vraie solitude, les vieux, les isolés, les rejetés, comment puis-je faire la fine bouche sur ce qui à moi est donné et ne le sera peut-être pas toujours …

Les yeux me piquent, le sommeil revient, je vais clore…

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