LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS d'OCTOBRE 2003 (1°quinzaine)

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02/10/03 : Courir après le temps !

J'ai l'impression de plus en plus que le temps s'accélère et m'échappe. J'ai l'impression de toujours m'escrimer après lui dans une course sans fin. J'ai mille choses à faire, à peine en ai-je accompli une que déjà d'autres s'imposent et me pressent.

Pourtant il ne me semble pas que je veux en faire trop, je connais bien des gens qui me semblent s'inscrire dans bien plus d'activités que moi, qui ont une vie professionnelle plus prenante, qui prennent comme moi du temps pour leur vie de famille, qui sortent beaucoup et qui trouvent au surplus le moyen d'avancer sur toutes sortes de projet. Je m'en culpabiliserais presque. Font-ils illusion ? Sont-ils dans l'erreur d'un activisme débridé ? Est-ce moi qui suis particulièrement lent ou qui le devient de plus en plus en vieillissant ?

Aujourd'hui j'ai profité d'une réunion annulée pour prendre mon après-midi. J'aurais dû revenir au bureau, j'aurais trouvé mille choses à faire qui m'attendront de toute façon demain ou la semaine prochaine. Ce n'est que reculer pour mieux sauter. Mais ça me fait plaisir cette escapade imprévue, cette rupture dans le temps contraint, cette respiration que je m'accorde…

Mais demi respiration seulement. J'ai hésité avec ce temps si doux qui persiste, cette chaleur incroyable pour la saison (les gens sont attablés aux terrasses des cafés et déjeunent dehors!) à déambuler dans la ville, à descendre en bord de Seine, à aller là où me mèneraient mes pas. Mais j'ai choisi de rentrer et de m'installer paisiblement devant l'ordinateur, de faire mes mises à jour.

Dimanche soir puis lundi j'ai eu envie d'écrire, de parler de notre week-end mais justement je n'ai pas su en dégager le temps. L'envie de m'allonger, la fatigue envahissante, les yeux qui se ferment tout seuls ont été les plus forts. Mais c'est aussi la marque d'un week-end réussi que cette bonne fatigue physique, qui vous abstrait de tout, des envahissantes préoccupations du quotidien mais aussi des interrogations oiseuses et la volonté maniaque de l'écriture et du compte-rendu. Moments magiques ! La nature, la forêt, notre marche à la tombée du jour puis dans la nuit noire à la recherche des cerfs et à l'écoute du brame ! A deux heures de Paris, tout à coup, on se sent très loin, ailleurs vraiment, dans cet air odorant que l'on respire, dans le mouvement même de nos corps, dans cette forêt autour de nous toute bruissante de vie, dans le remuement des bêtes et les brames puissants qui se répondent au-dessus de nos têtes.

Mais l'envie de marquer l'instant est restée. Et elle me rattrape aujourd'hui, elle vient s'inscrire dans ce moment de liberté qui s'est dégagé de façon impromptue. Et plutôt que de l'occuper à du neuf, j'éprouve le besoin de rattraper ce qui n'a pas été fait sur l'instant, le besoin de combler le retard. Et le cycle s'entretient. C'est Sisyphe et son rocher !

J'avais écrit pourtant qu'il ne fallait pas m'obliger… C'est vrai mais la pulsion est forte, en voici encore la preuve même si je me contente d'une courte évocation loin de la description plus détaillée de ce beau week-end que j'avais eu envie de faire sur le moment.

Il me faudrait vraiment apprendre à prendre le temps du présent et tant pis pour le reste. Je sens bien cela à travers les discussions que j'ai avec le prof de yoga. Je n'arrive absolument pas à développer une pratique personnelle, en dehors de l'heure et demi que j'y consacre chaque semaine dans le groupe. J'ai trop le sentiment que ce serait encore une contrainte de plus, encore du temps ravi à tout ce qu'il me reste sans cesse à faire. Or, si je parvenais ne serait-ce que dix minutes par jour à m'installer dans une pratique simple, peut-être verrais-je les choses autrement et percevrais-je ce temps comme un temps plein de lui-même m'aidant à mettre à la bonne distance trop d'activités poursuivies en vain.

Les difficultés techniques de tous ordres que génère l'informatique (surtout pour un novice comme moi) font précisément partie de ces aléas avaleurs de temps que je voudrais limiter. Par exemple je viens de passer une heure à essayer de comprendre pourquoi le formulaire d'abonnement que je voulais implanter sur cette page semble ne pas fonctionner, le code paraissait pourtant avoir été copié correctement, j'ai fait un nouvel essai. Si ça marche tant mieux. Sinon je me refuse à insister. Je ferais sans. Tant pis si je perds quelques lecteurs potentiels lorsque la Cev ne sera plus là et merci à ceux qui viendront de temps en temps jeter un coup d'œil...

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05/10/03 : La rue ou l'écran ?

Il pleut. Pas une pluie violente d'averse ou d'orage. Plutôt une pluie lente et régulière. C'est heureux après toute cette sécheresse. Je viens de m'éveiller au milieu de la nuit et je l'entends sur le velux au-dessus de ma tête, comme une musique.

Cette pluie heureuse hier soir pourtant, alors même qu'elle n'était pas encore là, elle menaçait seulement par prévision météo et par gros nuages noirs mouvants dans le ciel du soir, nous a empêché d'aller comme nous en avions l'intention nous promener dans le Paris de " Nuits Blanches ". Je me méfie un peu de ces grandes opérations médiatico et culturalo-branchées qui interviennent à dates régulières mais j'avais quand même envie d'aller humer l'ambiance ici et là, de découvrir - peut-être - dans certaines des animations ou installations rencontrées, des choses qui m'auraient plues.

Mais nous sommes trop casaniers. On se laisse trop facilement détourner par mille prétextes, la fatigue de la semaine, ce temps pluvieux menaçant… On a dîné paisiblement mais un peu tristement, en face en face, nos deux gars eux étaient de sortie et on n'a pas su se secouer pour sortir à notre tour. Constance s'est collée devant la télé et moi devant l'ordinateur qui a bien voulu surfer correctement ce soir. Je suis reparti en excursion chez les diaristes.

Avec un sentiment mitigé. Avec l'impression, une fois encore, d'avoir troqué une tranche possible de vraie vie - la promenade dans Paris nocturne - contre une escapade immobile parmi les écrans et les figures évanescentes des diaristes. Avec l'impression aussi de céder à une espèce de dépendance, il me faut aller voir ce qui se passe sur la blogosphère, il me faut faire le tour de mes favoris, il me faut ouvrir toujours de nouvelles pages à l'affût d'improbables découvertes jusqu'au moment - et même un peu au-delà - où s'installe la lassitude de ce zapping, jusqu'à ce que je coupe tout et parte me coucher avec un quasi inévitable sentiment de frustration.

Peut-être est-ce aussi que je me cantonne trop à une position d'observateur muet, c'est toujours ma vieille tendance voyeuriste, regarder, observer mais rester à l'écart, rester à l'abri. Ma tendance est toujours d'aller voir un peu plus loin, pas de réagir, de poster un commentaire sur les sites qui y invitent ou d'écrire un mail. Souvent j'ai envie de la faire mais j'hésite, j'ai peur de ne pas avoir spontanément sous le clavier la " bonne " phrase, celle qui me fera bien comprendre, j'ai peur d'être mal interprété ou de risquer de blesser, bref le temps de me poser ces questions je suis déjà passé ailleurs et la réaction sera restée seulement pour moi. J'ai tort car c'est quand même en m'avançant un peu plus, en prenant à l'occasion l'initiative que je nouerais ou conforterais des relations internautiques ce qui est aussi ce que je recherche même si ce n'était pas à priori l'objectif de ma mise en ligne. Je ne suis pas du tout un adepte du " clubbing " façon RDJ, je ne suis dans ce regroupement qu'une " moule " selon l'élégante expression dont sont affublés ceux qui comme moi n'interviennent pas dans les forums. Mais entre frénésie participante (au prix d'un vide souvent abyssal et d'un humour pas vraiment drôle) et passivité totale il y a sûrement une troisième voie.

Ma promenade d'hier m'a de nouveau confronté au vrai et au faux dans ce que racontent les diaristes. Bien sûr je sais très bien que n'importe qui peut écrire n'importe quoi, que ce qui est présenté comme vrai peut ne pas l'être et réciproquement, je suis pour ma part plutôt bon public, naïf au bon sens du terme et j'accorde à ce que je lis présomption de véracité. Je devrais dire d'ailleurs plutôt présomption d'authenticité ou de sincérité, car après tout l'exactitude factuelle méticuleuse n'est pas le plus important, il peut même y avoir des constructions plus ou moins fantasmatiques qui expriment quelqu'un de façon plus vraie que le récit de sa vie réelle. Je ne pense pas à priori à des jeux tortueux, à des identités créées exprès pour brouiller des pistes, pour induire en erreur, par malveillance ou pour donner de soi une image avantageuse.

Donc pour ce qui est du vrai et du faux j'ai vu hier réapparaître Milou. Elle n'est pas morte. Tant mieux pour elle évidemment, on ne peut que se réjouir. J'avais écrit quelques lignes à son sujet l'autre jour, je me sens un peu piégé et ridicule. Bien sûr elle donne de bonnes raisons pour sa disparition (mais ne pouvait-elle pas disparaître autrement ?). Alors un doute général s'instille. Cette nouvelle venue de la blogosphère que je n'avais pas une seconde mise en doute était donc fausse, donc tout peut être faux, tout peut être sujet de doute. Bien sûr après quelques jours sous le coup de cette révélation, je recommencerai à appréhender les diaristes avec ma présomption de véracité mais en laissant sans doute en arrière fond une légère pointe de suspicion. Dans les mauvaises nouvelles des diaristes il y a celles d'Anne Archet qui annonce qu'elle est gravement malade. Voilà bien une écriture dont je suis convaincu qu'elle mêle le vrai au faux, le réel advenu et le fantasme ou le jeu mais que je crois pourtant profondément authentique, expression vraie de la personnalité de celle qui écrit. Alors évidemment en l'occurrence je n'aimerais pas qu'elle mente ou se joue de nous avec une nouvelle aussi tragique et en même temps bien sûr je souhaiterais profondément que ce soit le cas, qu'Anne soit en pleine forme et nous dise dans un mois qu'elle nous a joué un méchant tour. De la même façon que je n'aime pas la fausse nouvelle de la mort de Milou et que je suis heureux qu'elle soit fausse. Hélas dans le cas d'Anne, je crains bien qu'elle ne joue pas…

Mais je dois parler aussi d'une bonne rencontre faite dans ma promenade. Je suis tombé sur Nathalie, celle qui fait vibrer le cœur de l'Idéaliste. Je ne la cherchais pas, je suis tombé dessus par pur hasard. Je n'étais pas même allé directement sur son site mais j'ai y ai été mené en suivant un lien depuis quelqu'un d'autre. C'est une diariste que je connaissais, que j'apprécie mais que je ne lis pas régulièrement et que je n'avais pas visité depuis plusieurs mois. Lisant son entrée, suivant son voyage, j'ai tout à coup compris qui elle allait voir ce qu'elle ne cache pas d'ailleurs puisqu'un lien, dans une entrée précédente mène vers lui. Cette histoire me fascine assez, j'avais un peu de mal à priori à croire possible une telle intensité dans une longue relation à si longue distance. D'en connaître - internautiquement parlant - les deux protagonistes m'a soudain rapproché de cette belle histoire. Mais surtout que la découverte soit venue ainsi, au fil de la navigation, sans recherche et sans préméditation, cela a été l'occasion d'une de ces trop rares émotions, d'un de ces petits bonheurs inattendus que permet parfois le zapping.

J'ai écrit, le jour s'est levé, finalement mes lectures d'hier soir et mon insomnie de cette nuit ont été productives, je me sens plutôt bien malgré le manque de sommeil et je ne regrette plus de n'avoir pas déambulé dans la " Nuit Blanche " parisienne. Au fond j'ai eu ma Nuit presque Blanche à moi. Je suis allé chercher les croissants tout à l'heure à l'ouverture de la boulangerie. La pluie a cessé. L'air est vif après la pluie, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas fait aussi frais, c'est agréable, on respire, il y a un ciel de traîne, des nuages mais aussi des coins de ciel bleu, la journée peut-être ne sera pas si désagréable qu'annoncé par la météo.

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06/10/03 : Le chant des kurdes :

J'ai vu hier un très bon film, " Les chants du pays de ma mère". Pendant une des répressions de Saddam Hussein contre les Kurdes, un vieux musicien et ses deux fils partent depuis le Kurdistan iranien à la recherche d'une chanteuse vivant en Irak. Les personnages, forts en gueule, plein d'énergie sont confrontés à des situations de plus en plus difficiles, ils traversent les villages détruits et des camps de réfugiés où le dénuement, le malheur sont absolus et continuent à avancer portés par leur musique, par l'espérance et l'esprit de résistance qui est en eux. La vie continue, les gens chantent et dansent, les enfants apprennent, grandissent, l'espoir existe au plus fort de l'horreur. Sur la dernière image le vieillard épuisé, passe le barbelé qui dans la neige, marque la frontière, portant sur son dos une petite fille qu'il ramène avec lui. Le plan dure longuement, l'homme avance avec d'infinies précautions, on se demande s'il va parvenir à passer, on sent que s'il tombe, il ne se relèvera pas. On pressent que la tonalité de l'ensemble du film dépendra de ce dernier plan. Mais il ne tombe pas, il passe, l'espoir est permis. Et c'est pourquoi on sort de là plutôt tonifié, reconnaissant.

C'est un film au fond sur la dignité humaine, sur ce que ces gens portent en eux d'inaliénable qui persiste et s'affirme même lorsqu'il n'y a quasiment plus rien. Sans valoriser à outrance des sociétés traditionnelles, qui sont par ailleurs dures, violentes, sexistes, le film d'ailleurs ne se gêne pas pour le montrer, il faut reconnaître que s'affirment là, dans le dénuement, des valeurs qui souvent s'effacent dans nos sociétés trop riches.

Tout cela nous fait sortir un peu de nos interrogations personnelles tortueuses et montre la relativité des difficultés et des problèmes, même graves, qui frappent nos pays : crise économique, accentuation des inégalités, affaiblissement du lien social. On regarde le monde tel qu'il est vraiment au-delà de notre pré carré relativement protégé. Bien sûr, la presse, la télévision, nous montrent jour après jour, des images de l'horreur dans le monde, en ce moment par exemple les crises africaines à répétition, le Moyen-Orient dans l'impasse, la stabilisation qui ne vient pas de l'Irak à l'Afghanistan, la Tchétchénie sacrifiée et j'en passe. Ces horreurs finissent par s'inscrire dans la routine au point qu'on n'y pense plus, qu'on ne les voit plus. Il faut un film comme cela pour les incarner, pour nous les rendre physiquement, émotivement proches. Mais il faudrait au-delà du moment d'émotion parvenir à se sentir concerné jusqu'à bouger, jusqu'à agir, jusqu'à s'engager dans le long terme pour des causes que l'on pense justes ou simplement pour apporter une aide. Mais ça c'est autre chose, je me sens bien incapable de retrouver en moi les capacités de lutte ou d'implication que j'ai pu avoir autrefois et je ne peux m'empêcher d'en ressentir parfois un peu de culpabilité.

Il n'empêche, je me suis senti bien en sortant du cinéma. Pas abattu, plutôt confiant, heureux de me sentir fait de cette même pâte humaine que ces chanteurs errants dans la montagne, que ces femmes battantes ou éplorées, que ces enfants aux regards, malgré tout, brillants d'espérance. J'étais seul mais j'ai marché longuement, prolongeant en moi la magie du film et très attentif en même temps à tout ce que mon regard captait de Paris dans le soir tombant. Beau ciel remué, alternant des plages lumineuses et des gros nuages noirs, on aurait cru un ciel breton, lente traversée méditative du cimetière Montparnasse infiniment paisible avec quelques promeneurs isolés déambulant simplement ou penchés ici ou là sur des tombes, marche dans l'Avenue René Coty sur l'allée centrale entre les platanes où il était bon d'être au moment où s'est déclenchée l'averse, détour jusqu'à Montsouris pour prolonger le moment, pour le plaisir des grands arbres et du lac dont j'ai fait le tour...

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11/10/03 : Déambulations :

D'abord j'avais envie d'aller au cinéma. Je m'y suis pris un peu tard, j'ai raté la séance. Je me baladais sur internet, je voulais refaire ma page de favoris, c'est fait, mais je n'ai pas vu passer le temps. Je me suis dépêché pour essayer d'arriver à temps, j'ai vu que je n'y parviendrais pas, alors j'ai ralenti le rythme. Je voulais aller voir " Les invasions barbares ". Un peu parce qu'on en parle, un peu parce que ce film est censé dire quelquechose de notre vieillissement, pas seulement celui de nos artères, mais celui de nos sociétés, celui de notre monde. Tant pis. D'ailleurs en ai-je vraiment envie ? J'ai vu l'autre soir à la télévision " Le déclin de l'empire américain " avec les mêmes personnages d'universitaires canadiens branchés quinze ans plus tôt. Je n'ai pas aimé. Les dialogues sont censés être extrêmement drôles et vifs. Je les ai trouvés lourds. Les personnages m'ont parus artificiels et au demeurant profondément antipathiques. Ces brillants " bobos" avant l'heure ne valent pas mieux que les plus médiocres des beaufs, et leur aisance sociale, leur culture sont plutôt des circonstances aggravantes. Leurs considérations infinies sur leur sexualité m'ont exaspéré et je n'ai même pas regardé le film jusqu'à la fin. Mais pourquoi ai-je été aussi gêné ? Est-ce parce que, même si ce n'est pas sous la forme du babil sur la sexualité, j'ai retrouvé en eux quelquechose de la vacuité de bien des soirées chez les copains, de la vacuité de notre temps encombré, surchargé…

Donc j'ai déambulé sans but précis de promenade...

Il fait très doux de nouveau, d'une douceur étonnante pour la mi-octobre, j'ai chaud en marchant, j'ai tombé le blouson, je suis en chemisette, j'ai le plaisir de l'air sur mes bras nus

J'ai traversé le Jardin des Plantes. L'herbe a reverdi, les feuilles des arbres commencent à tomber, féerie multicolore des dahlias en fleurs…

Il y a une expo sur le Sahara dans un des bâtiments du Museum. Des photos grand format sont exposées à l'extérieur. Je m'arrête longuement. Paysages variés du désert, visages de touaregs… Je me souviens d'un voyage là-bas, il y a longtemps, longtemps. Me reprennent des envies de grands espaces, de voyages lointains…

Sous la photo d'une assemblée touareg, un poème. Qui parle de la parole et du silence. Je le note.

" Malheur, sept fois malheur
A l'homme qui montre sa bouche
Sa bouche est un puits impur
Habitée par le démon de la langue
Sa bouche qui est sacrée
Habitée par l'ange de la parole… "

Le paradoxe vaut, je crois bien, pour qui écrit.

J'hésite à rentrer dans l'exposition. Il y a la queue, je n'ai pas envie de m'entasser, pas envie non plus d'être à l'intérieur. Et puis je crois que j'aimerais voir ça avec Constance, c'est ensemble que nous avions fait ce voyage, ce sont des souvenirs à raviver ensemble…

Je passe mon chemin, je rejoins la Seine.
Plaisir du bord de l'eau, toujours.
Passe, au-dessus du fleuve, le vol rapide de trois oies, en parfait triangle. Qui les voit ? Me reviennent les images merveilleuses du " Peuple Migrateur ".

Je continue incertain de mes pas. Vers Notre-Dame dont le chevet se dévoile un peu plus à mes yeux à mesure que j'avance, dans les ruelles de l'île Saint Louis, vers la Bastille et le Marais ? Je détermine ma direction presque au hasard, dans cette rue plutôt que dans cette autre à cause de l'ambiance que j'en perçois, vers cet immeuble dont je veux m'approcher, dans les pas de cette passante que je trouve belle ou qui m'intrigue. Prenant une direction c'est presque à regret que j'en abandonne une autre. Un peu comme lorsque je surfe parmi les diaristes, je suis une piste, un lien, mais tout aussi bien j'aurais pu bifurquer d'un autre côté, vers une autre poussière d'humanité, toute différente…

J'hésite à rejoindre le cinéma pour la séance suivante.
Mes hésitations me pèsent, deviennent pénibles.
Insensiblement la déambulation plaisante se transforme en pénible errance. Je connais cela. Il faut savoir arrêter ce genre de promenade.

Je croise la robe safran d'un jeune occidental moine bouddhiste accompagné de deux amis, sans doute vont-ils à l'une des conférences que donne le dalaï-lama de passage à Paris pour quelques jours.

J'ai pris le métro pour rejoindre la gare St Lazare où se trouve le cinéma où je voulais aller. La foule du samedi après-midi dans ce quartier m'agresse, les gens se bousculent sur les trottoirs trop étroits, ils sont pressés, souvent chargés de paquets dans ce quartier temple de la frénésie consommatrice, la circulation des voitures et des bus est intense et bruyante…

J'en ai assez. Et décidément le film ne me dit rien. Je reprends le bus et rentre vers la maison, finalement un peu amer de mon après-midi, avec le sentiment d'avoir perdu mon temps.

Tant de choses à faire qui m'attendent et que je laisse traîner!

Mais il faudrait que je me laisse aller, que je me défasse de ces obsessions de gestion du temps, d'évaluation du moment passé, presque en terme économique, le plaisir que j'ai eu a-t-il valu le temps que je lui ai accordé…

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