19/08/04 : Bonheur
et réminiscences :
Objectivement une très bonne journée,
dans ma tête une excellente journée…
Arrivée hier par très beau temps,
après un voyage sur des routes qui nous sont moins familières
donc moins fastidieuses, dans un petit camping tranquille de la haute
vallée ; plaisir intense après la chaleur du voyage
de se délasser dans une piscine minuscule mais avec au-dessus
de soi le vert intense des prairies d’altitude, le noir des
forêts, la découpe des crêtes ; ce matin départ
tôt puisque l’orage était annoncé, nous
grimpons vers un sommet directement au-dessus du camping, bonheur
des couleurs et des odeurs qui ne sont pas du tout celles du bord
de mer, magie du paysage qui change si vite, à mesure que l’on
s’élève, à chaque lacet du chemin, les
perspectives qui s’ouvrent, les sommets plus nombreux qui apparaissent
; sur la crête, bonheur de la marche au bord du ciel, avec d’un
côté la vallée de l’Isère, la Chartreuse,
Grenoble, au-delà le Vercors, de l’autre les sommets
découpés de Belledonne ; persistance du beau temps,
les nuages s’accrochent aux sommets les plus hauts mais tardent
à s’épaissir, nous en profitons pour paresser
sur la crête puis pour traîner dans la descente, long
arrêt à l’entrée de la forêt, on se
repaît de myrtilles...
L’orage est venu en effet mais à la
nuit et alors que nous étions occupés à déguster
des truites dans une auberge du fond de vallée, bien à
l’abri. Nous sommes dans la tente maintenant, j’écris
sur mon petit cahier, à la lumière étroite de
la lampe de poche, le tonnerre gronde et la pluie tambourine avec
violence sur notre toit fragile mais, je ne sais pourquoi, j’ai
l’impression que cette fureur même des éléments
dehors, rajoute à mon bonheur dans mon petit havre de toile.
Nous n’étions pas venu en montagne
en été depuis trois ans. Si beaucoup de mes vacances
d’enfance ont été à la mer, quasiment toutes
mes vacances de jeunesse ont été à la montagne.
Elles me manquaient sans doute.
Car je me suis senti heureux sans réserve
pendant toute cette journée. Et ce qui a décuplé
mon bonheur c’était de m’apercevoir que je pouvais
encore être ainsi, pleinement dans mon présent, sans
questions oiseuses ni interrogations malsaines, ce dont je m’étais
pris à douter pendant mes vacances en Bretagne. Cela me confirme
que mon trop fréquent mal-être de cet été
était bien lié aussi à une erreur de casting
(non, je n’ai pas la naïveté de croire qu’il
n’était lié qu’à ça !). Mais
en tout cas je me sens rassuré sur ma capacité à
pouvoir vivre encore des moments de pur et simple enthousiasme.
Mon bonheur s’est enrichi aussi de réminiscences
passées. De la crête, j’ai réalisé
en parcourant la carte, que nous étions venus dans un des petits
villages à nos pieds, une semaine en hiver, il y a des années,
lorsque nous pratiquions le ski de randonnée, je n’avais
pas fait le lien jusque là. Et puis, surtout, reconnaissant
en face la Dent de Crolles, m’est revenu un souvenir encore
bien plus ancien, du temps où je vivais à Lyon, cela
avait été un week-end improvisé dans la petite
maison des parents de mon ami D. à St Pierre de Chartreuse,
il y avait la très jolie I. dont je rêvais qu’elle
vienne dans mon lit à l’occasion de cette escapade, mais
I. avait flirté avec D. et non avec moi, après une longue
soirée plutôt arrosée nous étions partis
tous les trois sans nous être couchés et avions grimpé
à la lueur de la frontale vers la Dent de Crolles, je me souviens
de notre marche, comme des zombies, sur le chemin escarpé,
de D. et I. embrassés et moi à la traîne, le cœur
en charpie, je me souviens, là-haut, comme nous arrivions,
du soleil surgissant derrière Belledonne, de la splendeur du
paysage qu’il me semble revoir encore aujourd'hui avec une stupéfiante
précision, je me souviens de la douleur de ma déception
amoureuse, une douleur déchirante et en même temps douce,
tempérée par notre communion partagée face à
la beauté du monde...
Il n’y a aucune trace matérielle de
ce moment, aucune photo, j’ai perdu D. et I. de vue depuis belle
lurette mais le moment est encore là, bien plus fort que tant
d’autres revus en regardant des films, en feuilletant des albums.
Peut-être magnifié dans le souvenir. Dans le souvenir
ce sont la beauté, la douceur, la communion qui l’emportent,
sur le moment, je crois bien que c’était la douleur de
l’amoureux transi.
La réminiscence aujourd'hui en tout cas n’est
pas triste. Elle ne trouble pas mon présent, ne le plombe pas
de nostalgie, elle l’enrichit au contraire, lui donne une épaisseur
qui l’approfondit.
Retour au haut de page
24/08/04 : Réunion de famille
:
Cette fois, c’est le retour, le vrai.
Demain, je reprends l’turbin. Qui n’en
est guère un. C’est un turbin d’aujourd'hui. Sans
douleur et sans sueur. Juste plein de contraintes où je ne
suis pas tout à fait moi. Juste un peu trop fade. Enfin, je
n’y suis pas tout à fait encore, ce n’est que demain,
quoique j’ai passé pas mal de temps ce matin dans divers
dossiers et documents pour me préparer.
Notre séjour à la montagne a été
excellent jusqu’à la fin, même s’il a complètement
changé de caractère puisque nous avons terminé
avec la grande réunion de famille prévue ici de longue
date, dans un centre de vacances désaffecté. Nous étions
un peu moins de cent, il y a eu promenades, animations, jeux collectifs,
chansons, exposition de photos et de documents de famille, messe évidemment
le dimanche matin au village proche mais j’ai été
surpris que finalement, à part dans la génération
au-dessus de la notre, assez peu de gens s’y soient rendus,
préférant la communion dans la nature à la communion
dans l’église. L’ambiance était décontractée,
pas du tout guindée, déterminée par le lieu évidemment
et par la personnalité des organisateurs. Je m’y suis
senti bien, quoique connaissant assez peu de monde, puisqu’il
s’agissait bien évidemment de la famille du côté
de Constance. Ce n’est pas chez moi, dans notre famille étriquée,
bourrée d’enfants uniques sur plusieurs générations
que ce genre de rassemblement aurait été possible. Bien
sûr il y a des raideurs, des idées et des positions que
je ne partage pas dans ces vastes familles catholiques très
bourgeoises et très pratiquantes de l’ouest parisien
dont est issue Constance. Mais, outre qu’au niveau de notre
génération, une diversification est évidemment
intervenue, il y a quand même il me semble dans les valeurs
qui ont fondés ces familles des éléments positifs
que n’avaient pas forcément les petits bourgeois plus
ou moins éclairés, soit disant si ouverts et ayant le
cœur à gauche mais souvent matérialistes et blasés,
enfants d’instits laïques d’un côté,
de petits bourgeois ruraux âpres au gain de l’autre et
dont je suis moi issu. Indépendamment des valeurs, il y a surtout,
grâce à ces cousinages à rallonge, grâce
aux vacances partagées dans les grandes maisons de famille
désormais vendues, bien des apprentissages et des découvertes
qui se sont faites entre soi, bien des souvenirs qui se sont conservés
et qui éclairent manifestement de telles retrouvailles. Je
suis toujours stupéfait par les comptes mirifiques faits et
refaits dans ce genre d’assemblée, les 37 cousins germains,
du seul côté de son père, au niveau de la génération
de Constance, les plus de 100 cousins issus de germains au niveau
de celle de Taupin et Bilbo...
Retour au haut de page
28/08/04 : Trouver le rythme :
Pas très envie d’écrire. Ou
envie d’écrire mais encore une fois je m’en sens
éloigné par le sentiment d’être un peu submergé...
Beaucoup de travail au boulot. C’est normal
au retour, c’est toujours comme ça. Mais outre le temps
objectif que cela me prend il y a aussi cet envahissement que cela
représente, il me prend la tête comme on dit, il me pompe
en dehors des moments ou il m’occupe effectivement, voilà
bien une chose dont je voudrais me dégager, pouvoir faire rideau,
vraiment, une fois que je suis sorti, mais j’ai toujours beaucoup
de mal, surtout dans ces premiers jours très intenses où
il y a beaucoup de choses à organiser, à penser, à
planifier et qui me poursuivent absurdement parfois jusque dans la
nuit.
Mille choses à organiser à la maison
aussi. Préparer le départ de Taupin, la rentrée
de Bilbo, faire des achats, faire divers menus travaux qui traînent
depuis avant les vacances, voir des gens de passage à Paris…
M’occuper aussi de mes photos de l’été,
j’y ai passé la matinée aujourd'hui, expérimentant
des retouches, préparant les tirages…
J’ai des envies de ciné aussi, envie
de commencer mon rattrapage d’été. Après
presque un mois et demi éloigné de la ville ça
me manque. Cet après-midi on a été voir «
Just a kiss » de Ken Loach. Il a déjà fait mieux,
ce film là est intéressant, sympathique et généreux
comme toujours mais un peu trop prévisible, l’idylle
un peu trop belle et le happy end pas très convaincant. Mais
bon moment et moment magique surtout en sortant, l’esplanade
du MK2 au pied des tours de la Grande Bibliothèque est décidément
un lieu que j’adore pour y voir les ciels de Paris, or justement
au moment même où nous sortions le ciel était
extraordinaire, averse violente, étincellement de soleil entre
les gouttes, chaos de nuages aux formes et aux couleurs improbables
se reflétant sur les tours, arc en ciel magnifique vers la
Seine, précipitation des promeneurs sous la pluie, rires, tenues
légères collant aux corps des jeunes filles… Images
superbes, dommage, je n’ai pas encore le réflexe d’avoir
toujours avec moi mon petit appareil numérique…
Je n’ai pas eu le temps jusque là de
beaucoup plonger dans la planète diariste. Mais j’en
ai envie aussi. Et de m’y impliquer, et d’y développer
des relations. Et envie encore de repenser et de travailler à
mon projet de l’an dernier encore que je ne sais pas trop par
quel bout le prendre mais je ne me bouscule pas.
Il s’agit de trouver le bon rythme dans tout
ça. Je démarre l’année il me semble avec
assez d’énergie et sans trop d’a-prioris ou de
résolutions. J’ai des envies plutôt que des projets
trop construits qui souvent m’ont mené dans le mur. Des
choses se feront, d’autres pas. On verra. Je laisse venir. Décidément
ces quelques jours à la montagne m’ont fait beaucoup
de bien...