LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS d'Avril 2005 (1° quinzaine)

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02/04/05 : Oui, résolument !

Le Pape est mort, la radio et la télé ne parlent que de ça mais moi j'ai envie de parler d'autre chose...

La progression du non au référendum ne me satisfait pas même si je la comprends très bien : les gens ont envie de dire leur ras le bol face aux dégâts de la mondialisation néolibérale sans contrôle et de sanctionner ce gouvernement calamiteux et dont la politique va toujours dans le même sens, au profit des mêmes intérêts.

Mais voter non c’est se tromper de combat. En quoi les mesures les plus néolibérales envisagées aujourd'hui type projet de directive Bolkenstein seraient-elles rendues impossible par l’adoption de la constitution ? En quoi la politique suivie en France serait-elle modifiée ? Chirac continuerait à faire du Chirac avec Raffarin ou avec un autre, le personnage nous a assez habitué à ne pas tenir compte du vote populaire.

J’ai mis le nez dans le texte ou du moins dans les résumés et présentation qu’on trouve à partir du site de Radio-France. Je ne vois rien qui va dans le sens d’une régression. Il y a même des points plutôt positifs ou qui pourraient être des points d’appuis avec notamment l’introduction de quelques procédures un peu plus démocratiques (sans trop d’illusions quand même, ça reste une sacrée usine à gaz mais ça ne sera pas un fonctionnement plus technocratique que ça ne l’est actuellement) et avec l’introduction d’une charte de droits fondamentaux, y compris sociaux.

Evidemment on aurait pu souhaiter un texte qui aille plus loin dans cette affirmation mais que je sache il n’y a pas de proposition alternative. Le non n’entraînerait pas une renégociation positive et pour longtemps l’Europe continuerait à fonctionner sur les bases qui sont actuellement les siennes. Ce qu’ont en commun les partisans du non c’est ce non justement, un point c’est tout, il n’y pas de consensus positif (et heureusement) entre le non de droite éventuellement extrême, le non de positionnement politicien de Fabius, le non altermondialiste ou d’extrême-gauche. On dira que c’est pareil dans le camp du oui. Sauf que le oui ne bloque pas un processus, il permet la mise en place d’un cadre commun dans lequel pourront s’inscrire des politiques différentes. Ce qui sera mis dans l’Europe dépendra des rapports de force et de l’évolution sociale dans l’ensemble des pays.

Évidemment il y a de l’inquiétude quand on voit les niveaux de salaires, l’état de la (non) protection sociale et l’orientation actuelle de bien des entrants. Peut-être. Mais il faut se souvenir de ce qu’était l’Espagne (et le Portugal) avant l’Europe et le bond en avant fantastiques qu’ils ont faits, en développement économique, mais aussi en ouverture culturelle, en maturité politique et démocratique. Il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de mêmes des nouveaux venus.

Est-ce qu’on veut essayer d’aller de l’avant ou est-ce qu’on se crispe, est-ce qu’on se referme, est-ce qu’on a peur ? Je ne suis pas certain que puisse se dégager un modèle de développement qui modère les excès du libéralisme sauvage si l’Europe avance mais je suis sûr par contre que si elle régresse ou fait du surplace le libéralisme sauvage en aura d’autant plus la bride sur le cou.

Il y a beaucoup de choses qui me font peur mais qui dépassent très largement l’Europe. Les forces à l’œuvre sont d’une telle puissance qu’ont voit mal en effet ce qui peut les arrêter. On a l’impression que la terre et les pauvres petits humains qu’elle porte sont comme un bateau ivre lancé à pleine vitesse, dans une fuite en avant que plus personne ne contrôle entraîné par un mouvement qui s’entretient lui-même. Parfois, souvent, je pense que le pire est le plus vraisemblable mais bon il faut essayer de garder de l’espoir et pour moi le non ne peut pas être une réponse d’espoir, le oui peut l’être un tout petit peu…

Voilà, c’est ma tout petite contribution à la campagne, c’est juste pour dire, réfléchissez, ne votez pas juste avec vos tripes ou n’envoyez pas bouler tout ça au loin en disant que de toute façon, blanc bonnet, bonnet blanc…

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04/04/05 : Promenades :

La journée au bureau a été un peu glauque. Beaucoup de tâches administratives sans intérêt mais qu’il faut bien accomplir pour faire tourner la boutique même si le secrétariat n'est qu'à demi-effectif. Agacement aussi à devoir reprendre des choses toutes simples mais qui ont été mal faites ici et là et d’en avoir mon temps bouffé...

J’ai repensé alors à mes escapades du week-end…

Samedi, après une fin de semaine surchargée au boulot, j’ai pris ma petite bicyclette et me suis baladé dans Paris. Je me suis retrouvé dans les Jardins de l’Atlantique. Euh non, ce n’est pas au bord de la mer hélas, j’aurais bien aimé me télétransporter jusque là. C’est un lieu un peu étrange, artificiel, ce n’est pas un vrai parc avec de beaux arbres comme Montsouris ou les Buttes Chaumont, et la nature n’en parlons pas, elle est loin, loin… En fait c’est un espace installé sur une vaste dalle qui recouvre les voies de la gare Montparnasse, juste au dessus des TGV qui filent vers le grand ouest et l’océan justement. Mais bon, tel quel, tout de même, c’est comme une petite parenthèse, comme une petite bulle, isolée du bruit et de la ville tout de même par sa situation étrange à la fois au-dessus de la ville, c’est surélevé, on accède par un ascenseur, et en dessous de la ville, enclavé au pied des barres d’immeubles et notamment dans sa partie la plus à l’ouest où ont été installés des cheminements un peu tortueux offrant par moments des perspectives inhabituelles et plaisantes .

 

 

 

Dimanche rando en campagne, la vraie cette fois, mais il faut une heure de bagnole pour y aller et pas une bonne heure et demi pour en revenir, ralentissement de fin de week-end oblige. La vraie campagne ? Disons la presque vraie, les centres des villages sont jolis et préservés avec leurs places centrales autour de l’église et de la mairie, leurs maisons en meulières, mais les abords ont déjà des aspects de grande banlieue avec des espaces lotis, des maisons modernes disgracieuses, un mitage des bois, des prairies, des terrains agricoles qui se resserrent de plus en plus entre des constructions et des routes qui se multiplient. On est encore trop près de Paris, il faudrait aller encore cinquante kilomètres plus loin ! Enfin il y avait quand même bien des endroits très agréables et qui eux nous ont fait nous sentir loin, vraiment loin… Autre ambiance tout de même!

 

 

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06/04/05 : Cyclothymie :

Aujourd'hui tout est calme au bureau après une journée d’hier où je ne savais pas où donner de la tête. C’est souvent comme ça. Par je ne sais quel hasard malicieux il y a des jours où se carambolent réunions délicates, demande institutionnelle imprévue et urgente, absence de personnel et même panne de matériel. Aujourd'hui au contraire tout est tellement calme j’ai même pu sortir mon petit cahier de notes personnelles et saisir sur l’ordinateur ce que j’avais écrit dans la nuit de lundi à mardi.

Voici :

Nuit de lundi à mardi vers 1 heure.
C’est quoi cette cyclothymie ?
Hier ça allait bien, enfin j’en avais l’impression. Beau temps, randonnée agréable, pique-nique dans les bois auprès d’un ruisseau, longue marche qui décrasse. Ce soir il pleut, je sens que je m’éveille après m’être à moitié endormi. Avant de me coucher j’ai évoqué mes bons moments du week-end, j’ai mis en ligne quelques photos mais y étais-je vraiment, ou bien était-ce juste la méthode Coué, un cautère sur une jambe de bois…
Je me sens soudain envahi d’une vague d’angoisse qui va des tripes à la tête ou de la tête aux tripes je ne sais pas. J’ai l’impression d’étouffer. Je bouge, je me lève, je vais boire un verre de lait, je prends mon cahier, j’écris ces mots.
Il a suffi de rien, d’une journée lamentable au bureau, de cette pluie qui martèle le velux au-dessus de moi, de nouvelles reçues d’amis pour lesquels les choses bougent professionnellement et affectivement et qui font ressortir l’immensité de mon immobilisme.
Sentiment extrême de solitude. Côte à côte dans le même lit mais à quoi ça sert bon sang si on n’est même pas capable de se parler. Cette boule qui est en moi est dans ma gorge aussi. Je me sens verrouillé. Verrouillé dans les actes. Verrouillé dans les mots. Enfin les mots vivants, ceux qui se coltinent, qui devraient se coltiner avec ceux des proches. Pas ces mots que je jette rageusement sur ce cahier, que je mettrais en ligne peut-être, peut-être pas.
Bon ça va passer. Comme d’habitude c’est une vague, une bouffée. Demain sera un autre jour. Je vais essayer de lire, de passer à autre chose, pour ne pas rester vissé à ces mots et à cette angoisse. Je suis en train de bouquiner Jonathan Coe, j’ai terminé « La maison du sommeil », je viens de commencer « Bienvenue au club », pas tellement porteuses de baume au cœur ces lecture d’ailleurs même si elles font sourire par moments, mais enfin ça occupe, ça détourne, ça va laisser au sommeil le temps de venir…

Deux heures plusieurs tard.
J’ai lu 150 pages. Le sommeil ne vient toujours pas. Ce bouquin est en fait très drôle et me tient éveillé. Drôle et néanmoins tragique. Ou est-ce mon état d’esprit de cette nuit qui me fait voir avant tout le tragique, l’histoire toujours la même du passage à l’âge adulte, de la perte de l’innocence et des illusions, des êtres et des mondes qui filent vers leur perte, implacablement ? Là où j’en suis une bombe de l’IRA vient de faire sauter le petit couple caricaturalement gentillet, petites fourmis minuscules prises dans un maelström qui les dépasse. Il est trois heures. Le gros de l’angoisse est passé. Merci les livres tout de même ! J’ai pris un petit somnifère puisque ça ne vient pas tout seul. Il faudrait vraiment que je m’endorme. Lourde journée en prévision demain encore…

J’ai tapé le texte gribouillé sur mon cahier, je l’ai relu, ce soir j’hésite à le mettre en ligne, je ne me sens pas du tout dans le même état d’esprit que durant cette insomnie. Ce genre de moment est-il représentatif de moi ? Oui, je suis ça aussi, ces bouffées d’angoisse et de pessimisme qui me tiennent éveillé et me donnent l’impression d’être dans un tunnel sans issue. Souvent d’ailleurs, après, je ne me sens pas trop mal, comme ça a été le cas d’ailleurs pendant la journée d’hier malgré la surcharge de travail, pendant celle d’aujourd'hui malgré son vide qui est parfois aussi porteur de malaise. Je me sens plutôt bien, détendu, comme si le gros coup de cafard fonctionnait comme une espèce de catharsis, comme si j’éliminais à travers lui des tensions ou angoisses accumulées. Alors oui, je les transcris, je les mets en ligne ces mots venus spontanément dans l’angoisse, même s’ils ne sont plus exactement d’actualité parce que je sais très bien qu’ils peuvent l’être demain comme ne l’être pas…

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07/04/05 : Visages :

Entre deux réunions aujourd'hui j’ai déjeuné seul, hors de mes quartiers d’habitude. Je m’étais installé à une simili-terrasse, un espace gagné par le restaurateur sur le trottoir, entouré de vitres jusqu’à mi-hauteur pour protéger du vent, chauffé (trop d’ailleurs) par des calorifères en plafonnier. On est dedans mais on est dehors par le regard et c’est agréable.

Tout en dégustant mon jambon à l’os lentilles sauce madère, j’ai regardé passer le monde. Il y a des beaux et des pas beaux, des jeunes et des vieux, des ridés et des peaux lisses, des pressés et des nonchalants, des gais et des tristes. Mais aussi et surtout, traversant toutes ces catégories, il y a les visages ouverts, rayonnant même pour certains et d’autres qui sont crispés, fermés. Évidemment il y a plus de chance que celui qui marche seul, à pas pressés, absorbé dans ses pensées ait un visage fermé comme il y a plus de chances au contraire que les visages de deux personnes avançant sur un rythme de promenade et échangeant entre eux respirent l’ouverture. Mais ce n’est pas toujours vrai justement. Il y a des visages dont on sent qu’ils rayonnent de toute façon et d’autres au contraire qui semblent irrémédiablement plombés. Il y a des visages beaux selon les canons des magazines qui semblent vides, et des visages tout ridés pétillants de vie et même des visages tristes qui sont pleins de lumière. Ce sont les yeux qui parlent surtout en ce domaine, regardez les yeux, ce n’est pas une question de forme ou de couleur, il y a les yeux opaques et les yeux reflet, je ne dirais pas de l’âme, ça serait cliché et l’âme je ne sais pas ce que c’est, disons qu’il y a des yeux qui révèlent un tant soit peu l’intérieur de la personne. J’aime ces yeux là et la beauté, la vraie, est là…

J’avais encore un peu de temps, j’ai déambulé un petit peu, je suis entré dans l’église Saint-Germain des Près dans laquelle je n’avais jamais mis les pieds, pas très belle d’ailleurs mais vaste comme je ne l’imaginais pas en la voyant de l’extérieur, j’ai pris la rue du Dragon que je n’avais pas empruntée depuis vingt ans peut-être, j’y venais souvent autrefois j’avais un copain qui habitait là quand j’étais lycéen, il n’y a plus guère que des boutiques de sapes branchées qui ont remplacées les anciens commerces, c’est un peu triste cette monoculture, je me suis arrêté au carrefour de la rue du Vieux Colombier, il y avait une lumière étrange, le Centaure de César en contre-plongée sur fond de ciel tourmenté avait de la gueule et j’ai regretté de na pas avoir mon petit appareil photo au creux de la main.

Mais bon, je n’étais pas là pour ça, j’ai gagné le lieu de ma réunion de l’après-midi après cet intermède…

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10/04/05 : Paisible week-end:

Week-end un peu mou mais pas désagréable.

Hier on s’est occupé avec Constance de gérer plusieurs mois de photos en retard à la fois sur l’ordinateur et sur les albums que l’on tient depuis des années pour la part des photos dont on a fait des tirages papier. Ces activités de compilation et de classement ont tendance d’habitude à me mettre mal à l’aise, c’est long quand on a laissé les choses s’accumuler et puis je m’interroge toujours sur le sens de ces accumulations, c’est de la mémoire vive qu’on stocke en mémoire morte : on en est au 23° album très grand format, sans en compter quelques uns en plus issus d’autres morceaux de nos vies, toute une étagère, on y met rarement le nez. Dans les plus anciens, une bonne vingtaine d’années, les couleurs ont pâli, certaines bien plus que d’autres d’ailleurs, c’est déjà un début d’effacement, comme certaines personnes se sont effacées de nos vies, les morts mais aussi ce qui est presque aussi triste, les amis perdus parce qu’on a laissé les amitiés se dénouer, ainsi s’effacent les photos elles-mêmes dont on attendait pourtant une mythique quasi immortalité... Mais cette fois j’ai vécu cette activité non comme un devoir vis-à-vis de l’avenir, non comme un pensum, mais pour les plaisirs qu’elle peut apporter dans l’instant, plaisir de la remémoration du moment encore proche, plaisir de l’appréciation de l’image pour elle-même, plaisir de la composition d’une page visuellement agréable dans l’album. Et puis surtout c’était un moment partagé avec Constance, il n’y a pas tant que cela, j’ai su en profiter sans regarder l’heure, sans penser aux mille autres choses que j’ai à faire, ça a pris beaucoup de temps mais qu’importe puisque c’était un temps agréable et avec, oui, de la tendresse entre nous, même si c’était une tendresse sans mots.

Ce week-end aussi on était là tous les quatre ce qui n’est plus très fréquent. Cela faisait trois semaines que Taupin n’était pas revenu de son campus banlieusard, là il accusait la fatigue après des semaines très chargées en activités scolaires, sportives et festives, manifestement il avait envie de la quiétude du cocon familial, il n’avait aucun de ses copains parisiens à voir et sa Taupine était dans sa propre famille. Du coup hier soir j’ai emmené tout mon petit monde dîner dans un restaurant mexicain, un type de cuisine que les garçons aiment bien, et puis ça nous rappelait aussi notre voyage en Californie d’il y a trois ans, où l’on avait largement mangé mexicain. J’ai dit à Bilbo que je lui offrais le resto « pour fêter la quille », il a passé son samedi en journée d’appel pour la défense ! Heureux temps où le « service » se limite à une seule journée et avec des filles en plus ! Enfin pour ma part je ne peux pas trop la ramener puisque j’ai échappé au service en un temps où ce n’était pas si évident. On a passé un très bon moment tout simple, tous les quatre.

J’ai vu deux films aussi ce week-end, l’un seul vendredi après-midi « Une femme coréenne » et l’autre hier avec Constance « Crustacés et coquillages».

Contraste ! Je ne peux pas dire qu’un de ces deux films soit mauvais, tous les deux sont bien construits, intelligents, interprétés avec talent. Mais l’un m’a apporté quelquechose, j’ai l’impression d’en être sorti enrichi, l’autre m’a simplement permis de passer un moment agréable.

Le film coréen m’a ému, aussi éloigné que je puisse être de la femme dont on suit un petit moment de vie, j’ai ressenti une empathie pour elle, pour cette force qu’elle manifeste malgré les problèmes et les drames qu’elle traverse, pour se façon d’accepter l’énergie vitale qui est en elle et de suivre sa ligne. Encore un film où la figure forte, adulte est une femme face à un homme qui, malgré son assurance apparente, malgré sa position sociale, malgré sa maîtresse, n’est que faiblesse, inconsistance, pusillanimité, un homme qui n’est qu’un enfant insécurisé. Ce n’est pas la première figure de ce type, je pense dans un contexte totalement différent à la grande sœur dans « La fiancée syrienne » et il y en a beaucoup d’autres. Ce n’est pas un hasard, cela recouvre sûrement une réalité profonde et que je ne fais qu’entrevoir, un peu de ce que j’ai perçu par exemple à travers la lecture de « Femmes qui courent avec les loups ». Qui disait que la femme est l’avenir de l’homme ?

« Crustacés et coquillages» c’est sympathique, enlevé, parfois très drôle, le plus souvent avec finesse. Sous la forme d’un marivaudage paré de tous les attributs de la modernité et par-delà les aspects caricaturaux, le film évoque des situations et des conflits véritables sur l’identité sexuelle, sur les relations dans les couples, sur les relations parents-ados. Et pourtant tout ça m’a laissé parfaitement froid, à aucun moment je ne me suis senti véritablement concerné, je ne suis pas entré en empathie avec les personnages. J’ai ri certes, et j’aime rire, et on peut bien voir un film juste pour le fun, pour le plaisir de l’instant, sans avoir forcément à ressentir de l’émotion ou à en tirer une leçon.

Certes. Il n’empêche que le plaisir de l’instant lui-même n’a pas la même qualité sans un minimum d’émotion et d’adhésion, je l’ai bien ressenti à comparer très concrètement mon contentement immédiat à la sortie de chacun de ces films. Et je gage que je repenserai à «Une femme coréenne », mais guère à «Crustacés et coquillages».

Aujourd'hui journée tranquille dans la lignée de celle d’hier. On a continué notre atelier photo et ce soir on attend des amis de province qui au retour d’un voyage en Afrique font escale chez nous à Paris. Et donc pour l’heure j’en reste là de mes mots et je descends me mettre aux fourneaux…

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12/04/05 : Les jumelles :

En rentrant du bureau ce soir j’ai croisé une fois de plus les jumelles.

Ce sont deux dames âgées, je dirais qu’elles ont autour de 80 ans. Ce sont deux jumelles comme on n’en fait plus. Elles sont habillées des pieds à la tête strictement de la même façon, pas bien gaie et pas bien élégante, mêmes petites chaussures plates, même pantalon, même chemisier et gilet style La Redoute, même manteau l’hiver et même imperméable gris à toute autre saison, quel que soit le temps. Leurs visages non plus ne sont pas gais, ces femmes ont toujours un air renfrogné, jamais un sourire. Elles semblent dures avec elles-mêmes comme avec le monde qui les entoure, peut-être parce qu’elles ont souffert. Depuis des années que je fréquente le quartier, je les ai croisées peut-être une vingtaine de fois, je ne les vois pas changer, elles me paraissaient aussi vieilles et tristes les premières fois où je les ai vues. Jamais je n’ai croisé l’une sans que l’autre ne soit à ses côtés, jamais je n’ai vu la moindre différence dans leur habillement, jamais je ne les ai vu marchant ou conversant avec d’autres, d’ailleurs jamais je ne les vois parler même entre elles, elles marchent simplement côte à côte, silencieusement. Depuis quelques temps seulement il y a une différence : l’une des deux doit s’aider d’une canne…

C’est impressionnant. Je me demande ce qu’a été leur vie. A la fois elles me fascinent par cette absolue gémellité et elles m’attristent, tant elles semblent fermées en elles-mêmes. J’ai presque l’impression de voir des sœurs siamoises qui ne seraient reliées par rien de physique mais par un lien immatériel peut-être aussi puissant, aussi totalitaire, faisant d’elles les deux moitiés d’une entité unique. Ont-elles jamais pu vivre cette gémellité comme un bonheur, ou bien l’ont-elles toujours perçue comme un déterminisme tyrannique ? Curieusement j’ai parfois l’impression qu’elles se détestent, leurs regards froids, parallèles, fixés dans la même direction, le plus souvent ne se croisent pas, mais parfois il leur arrive d’échanger des regards et j’ai l’impression alors qu’ils sont chargés de hargne et de ressentiment. En même temps elles sont foncièrement inséparables. Je me demande ce qu’il se passera le jour où l’une des deux sera éloignée, morte ou hospitalisée. Celle qui restera pourra-t-elle seulement survivre ?

Chaque fois que je les vois je repense à des jumeaux littéraires ou cinématographiques, je repense à l’effrayant "Faux Semblants" de Cronenberg par exemple et puis ça me donne envie de relire "Les Météores" de Tournier que j’ai bien oublié. Quel mystère que cette gémellité pour nous qui n’en sommes pas !

Et cette fois, en cheminant, cela m’a fait penser aussi à une diariste que j’apprécie beaucoup et que je sais très concernée par une gémellité absente, et ça m’a donné envie de lui dédier ces mots, alors voilà qui est fait, elle se reconnaîtra.

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14/04/05 : Une autre voie ?

Je suis passé déjeuner à la maison ce midi. 13h : j’allume la radio pour écouter les nouvelles en grignotant. Musique ininterrompue. Ah oui, c’est la grève à France-inter ! Mais j’imagine qu’ils donneront tout de même le journal. Les minutes passent. Rien ne vient. Pas même une annonce pour informer de la situation, de ce qui est maintenu et supprimé. Ça m’agace et sérieusement. D’une façon certainement disproportionnée. Je n’ai pas vraiment besoin des nouvelles, c’est juste une petite frustration parce que tout simplement je trouve plaisant quand je peux d’écouter le journal de la mi-journée en déjeunant. Pas du tout envie de zapper ailleurs, de me retrouver sur les radios commerciales avec des pubs tous les dix mots (déjà qu’il y en a trop à mon goût sur France-Inter, alors sur les autres radios, n’en parlons pas). Je mets un disque, c’est aussi bien finalement, plus apaisant entre mes deux séquences de travail, mais ça n’empêche, ça m’agace cette grève et cette façon encore et toujours d’en faire pâtir l’usager qui n’y est pour rien, je me sens une dent mauvaise contre les grévistes qui choisissent une telle méthode.

Sans doute dira-t-on que c’est la seule façon qu’ils ont de se faire entendre. Est-ce sûr ? Est-ce qu’il ne serait pas temps de trouver autre chose ?

Je suis de mauvaise humeur justement parce que cet après-midi j’avais une réunion technique qui devait être courte et que je comptais bien être libéré après. Mais il y a des absents dans le service aujourd'hui, j’ai cherché parmi mes collaborateurs quelqu’un pour remplacer, chacun à de très bonnes raisons, donc encore une fois car je ne supporte pas que le service soit fermé alors qu’il est censé être ouvert, c’est moi qui m’y colle, j’ai annulé ma réunion technique et je l’ai déplacée pendant les congés alors que je m’étais bien juré que cette fois je ne travaillerais pas pendant mes jours de vacances et donc, voilà, de ce pas, je repars au bureau. Cette lourdeur m’insupporte. Mis à part deux-trois personnes, toujours les mêmes, qui essaient de se débrouiller pour trouver une solution mais cette fois elles ne pouvaient vraiment pas, il n’y a personne dans mon service pour faire un effort et pour faire passer pour une fois l’intérêt du service avant leur sacro-saint horaire et je n’ai aucune possibilité d’imposer quoi que ce soit. C’est ça qui m’agace aussi, et je me dis que c’est peu ou prou le même problème que ces grèves à répétition sur France-Inter, on est au service du public mais le public on l’oublie très facilement quand ça nous arrange.

Décidément le modèle de la fonction publique telle qu’elle est n’est pas le bon modèle. Moi qui ai été complètement baigné là-dedans depuis toujours, qui en ait été un défenseur quasi-inconditionnel, je suis désormais de plus en plus convaincu qu’il faut changer et pas qu’un peu ! Ce qu’il faut maintenir ce sont les missions de service public et peut-être pas, sûrement pas, la forme sous laquelle elles s’effectuent. Le malheur est qu’en face on n’a que le libéralisme capitaliste, la marchandisation croissante des services. C’est ailleurs peut-être qu’il faut chercher, entre ces deux monstres, le mammouth bureaucratique et les groupes capitalistiques assoiffés de dividendes, dans les structures légères, dans le développement associatif, dans l’implication des personnes, en toute responsabilité, au plus près de leur vie. Utopie ? Je ne sais pas, je n’ai pas la moindre amorce de solution, je me dis juste que s’il y en a une c’est plutôt par là qu’elle sera.

Je suis en train de me dire que je basculerai bien toute mon informatique sur des logiciels freeware. Pour l’instant je suis encore jusqu’au cou immergé dans les solutions microsoft et ne cesse de payer à toute occasion mon écot à l’empereur Bill Gates. Ras le bol. Je commence à avoir envie de donner un coup de jeune à mon site bien planplan, j’ai envie de me plonger dans Dotclear quoique ça m’effraye un peu. Mais quand je vois ce qu’on fait avec (regardez par exemple l’élégance du Bricablog de Tarquine), quand je vois l’esprit de partage de ces développeurs et documenteurs, (voyez le petit Dotclear de Kozlika), ça me donne envie d’entrer dans ce monde moi aussi. J’ai l’air d’avoir complètement changé de sujet ? Pas du tout en fait. Peut-être que ces modes de développement d’outils et de services collaboratifs sont une part de cette autre voie. Tiens je me demande si je ne vais pas faire un don à Dotclear, comme un signe d’encouragement et comme une avance sur usage ?

 

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