17/01/05 : Dimanche-lundi :
Pfu, le temps est passé comme un éclair une fois de
plus...
Dimanche encombré d’activités
matérielles comme je les déteste mais auxquelles il
faut parfois sacrifier : Petit voyage avec Taupin jusqu’à
un magasin Ikea pour lui acheter un meuble. Rangements dans la maison.
Rangements à la cave, le pire, on commence à tirer des
petits bouts de saloperie, ça vraiment on ne s’en servira
plus, il faut balancer, et ça et ça… Pour au final
avoir l’impression que la montagne a accouché d’une
souris et qu’on a à peu près autant de bazar à
la fin qu’au début. Et pendant ce temps grand beau temps
dehors…
Je ne suis sorti me promener un peu qu’en
fin de journée, pour profiter quand même des derniers
rayons du soleil. Trop tard en fait. J’ai marché à
pas vifs jusqu’au parc Montsouris, à peine y étais-je
entré que déjà les gardiens ont commencé
à s’époumoner dans leurs sifflets pour faire refluer
les promeneurs vers la sortie. J’ai marché encore un
long moment comme le soir tombait. Il y a une mélancolie particulière
de la chute du jour, spécialement dans les fins d’après-midi
de dimanche, les gens se quittent sur les trottoirs, les lumières
s’allument aux fenêtres les unes après les autres,
les rideaux et volets ne sont pas encore tirés à cette
heure là, révélant toutes ces petites cellules
de vie dans les immeubles, côte à côte et isolés,
chacun dans sa petite alvéole. A la ville un sentiment de solitude
et presque une angoisse m’étreignent dans ce genre de
moment. Je n’ai pas du tout la même impression face à
un coucher de soleil sur la mer, ou sur un beau paysage, sentiment
alors d’une paix, d’une harmonie, d’un rythme qui
nous dépasse…
Et puis tout de suite c’est lundi et il faut
retrouver d’autres rythmes et d’autres contraintes. Au
bureau aujourd'hui encore c’était la course. Je n’ai
pas résorbé mon problème de la semaine dernière,
le retard s’est accru avec l’indisponibilité d’un
des membres de l’équipe, il a fallu parer au plus pressé,
avec la sensation de ne pas faire ce qu’il faudrait. En plus
il fait un temps détestable. Après le soleil d’hier
la ville est noyée de pluie, une pluie terne, ciel sans relief,
éteint, on passe là-dessous en serrant son manteau sur
son corps, basta…
Rentré à la maison, envie de me poser
enfin, de me laisser glisser ailleurs. Je n’ai même pas
lu le célèbre quotidien du soir auquel m’attache
pourtant une fidélité vaguement addictive… J’ai
pris et terminé Djinn, la BD de Dufaux et Miralles qui évoque
l’Orient, les harems d’Istambul, entremêlant une
quête contemporaine à une aventure dans l’empire
ottoman moribond. Le dessin est beau, chargé de lumière
et de sensualité, intensité des regards, souplesse des
corps, chatoiement des étoffes, tout ça m’a fait
voguer… Le dernier tome est une sorte de making of. C’est
passionnant, tout en lisant le commentaire, de reprendre la bande
dessinée elle-même, d’aller dénicher certains
détails dans les images, dans les perspectives, dans les découpes
du récit qui prend ainsi plus de relief. Le scénariste
évoque le dialogue qu’il a mené avec sa dessinatrice
pour aboutir au résultat, la confrontation idée-image
bien sûr mais aussi la confrontation entre les visions que chacun
des partenaires se fait peu à peu des personnages et comment
ceux-ci sont sortis peu à peu des limbes... Moi qui amorce
en ce moment même une collaboration littéraire en ligne
dont j’espère que d’ici quelque temps on pourra
lire le résultat, tout cela m’a agréablement mis
en bouche…
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21/01/05 : Grève
:
Hier je n’ai pas fait grève. Deux personnes
seulement sur la quinzaine que compte mon service ont été
grévistes ce qui me parait fort peu pour un secteur largement
touché par les restrictions budgétaires et les suppressions
de postes et où certains collègues sont très
extrémistes en paroles. (Ce qui me donne à penser d’ailleurs
sur l’écart entre le dire et le faire !) Moi, je ne me
suis même pas posé la question de faire cette grève
ou pas. J’avais du travail, beaucoup de travail, des affaires
en retard, et je n’avais pas envie de désorganiser un
peu plus mon temps. Quant à me déclarer gréviste,
tout en travaillant (ce qui m’est déjà arrivé
par le passé), juste pour le principe et pour marquer une solidarité,
là vraiment non merci, je n’ai pas envie en plus d’offrir
une journée de salaire à l’état. Mais rétrospectivement,
à voir l’ampleur des mouvements qui ont eu lieu, j’ai
un petit retour de culpabilité et un peu honte de ma passivité.
Car il y a tout de même de quoi se bouger, même si je
ne partage pas bien des analyses syndicales.
Culpabilité, honte, non, ce ne sont pas tout
à fait les mots qui conviennent. Je devrais dire malaise plutôt,
tristesse, presque une forme de désespoir, liée à
mon incapacité à retrouver de véritables engagements
en l’absence d’une perspective à laquelle je croirais
vraiment. Protester oui contre le libéralisme à tout
crin, la marchandisation de la vie, la casse des services publics,
mais en proposant quoi ? Je ne sais pas ce qu’il faut faire
et personne ne le sait, il n’y a pas de recette miracle. Je
ne vois pas de solutions. Dans la presse l’autre jour j’ai
lu un article sur la sinistrose des français. C’est un
peu ça. Ce qui est fait par ceux qui nous gouvernent est insupportable
mais on n’a pas le sentiment que ce serait radicalement différent
avec ceux d’en face (enfin un peu mieux quand même, c'est
pourquoi on votera pour eux), quant à ceux qui se situent radicalement
à l’écart dans une logique toute autre ils n’ont
aucun projet crédible. La révolution non merci, je ne
crois plus aux extrémismes. Alors…
L’idée même de slogan me devient
insupportable. Les slogans c’est trop simples. Les slogans défensifs,
arqueboutés sur des acquits, ou les yaka, faukon me donnent
la nausée. Je me sens incapable d’aller défiler
en criant des choses auxquelles je ne crois pas intimement. Je ne
me sens plus à l’aise dans les collectifs larges toujours
réducteurs. Je me réfugie alors dans ma petite sphère
privée, dans les solidarités immédiates, dans
ce que je peux faire dans l’extrême proximité.
Ou à l’inverse je me berce de douces rêveries sidérales
comme celle que m’a permis la belle aventure Cassini-Huygens
l’autre jour. Ou je me rassérène par un beau livre
ou par un paysage. Ou je m’évade dans les mots que j’écris
ici ou là. Mais parfois tout cela parait bien court…
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23/01/05 : Expo-promenade
:
Mille choses à faire aujourd'hui mais le
temps est si beau que dès le marché terminé je
file me promener. Je musarde dans le Marais puis je vais au Centre
Pompidou et monte au-dessus des toits de Paris pour voir l’exposition
Hélion.
Au début je n’étais pas très
convaincu, certaines choses me plaisaient, d’autres pas du tout,
surtout cela me paraissait tellement hétérogène
que j’avais du mal à me faire une impression d’ensemble.
Entre l’abstraction, une figuration parfois très stylisée
et parfois à la limite de l’hyperréalisme, certains
thèmes traités selon une esthétique de B.D.,
que de manières ! Il y a des récurrences pourtant dans
ce qui est représenté, certains items reviennent fréquemment
le pain, la citrouille, le journal, certaines attitudes des corps
aussi, une représentation de l’absence aussi dans des
visages frontaux mais fermés et énigmatiques qui parfois
m’évoquent Balthus.
Peu à peu je suis mieux rentré dans
l’expo et j’ai mieux apprécié. (c’est
souvent le cas, il me faut un certain temps d’appropriation,
c’est comme pour tout, c’est pareil ainsi parfois avec
des livres ou des paysages). Il n’y avait pas trop de monde,
j’ai pu voir et revoir sans devoir jouer du coude, varier les
angles et la distance de vue, j’ai fini par (presque) tout apprécier
dans cette diversité. Et puis j’ai aimé aussi
percevoir un parcours, l’unité d’une personne à
travers la diversité des époques et des manières.
La longue interview filmée présentée dans la
salle audiovisuelle m’a beaucoup éclairée, je
suis retourné voir certaines toiles après, je les ai
perçues différemment.
Mais il reste que certaines plaisent plus que d’autre
et parfois sans qu’on sache très bien pourquoi.
J’ai bien aimé par exemple le magnifique
triptyque du Dragon pour son agencement d’ensemble, pour la
maîtrise de sa composition, pour son chromatisme, pour les rêveries
qu’induisent les personnages. J’ai beaucoup aimé
« A rebours », pour la richesse de la thématique,
pour le lien abstrait-figuratif, pour le jeu magnifique des correspondances
de forme et de couleur au sein même de la toile. Je vois ce
qui me plait et je vois ce qui me plait moins (par exemple je n’aime
pas tellement le visage de l’homme, il me semble que dans une
pareille composition je l’aurais aimé plus ouvert, plus
harmonieux ).
Mais j’ai beaucoup aimé aussi «
La sortie du métro », et là c’est plus mystérieux,
ce tableau m’a vraiment ému, je l’ai regardé
longuement en essayant de savoir ce qui dans l’harmonie des
formes, dans l’attitude des personnages me parlait tant mais
rien à faire, je ne parviens pas à me l’expliquer,
mais après tout, ce n’est pas grave…
En sortant je me suis longuement promené,
j’ai abouti à Notre-Dame, cela faisait longtemps que
je n’y avais pas pénétré, il y avait un
service en cours, habituellement dans ces cas là, je ressors
je ne veux pas perturber par ma présence mécréante
ceux qui sont là pour d’autres raisons que simplement
admirer un lieu, mais tout est organisé ici pour que cohabitent
les priants et les déambulateurs, un espace est réservé
au centre de la nef à ceux qui suivent le service mais les
autres, qui effectuent leur circuit autour du bâtiment peuvent
l'effectuer, "profitant" en plus et de façon involontaire
de la célébration. Et de fait, je n’ai pas tant
regardé la cathédrale que je ne me suis imprégné
d’une ambiance, des paroles et des chants venant de la communauté
priante, je me suis même arrêté un moment pour
suivre le service, la messe était concélébrée
par des prêtres de différentes nationalités et
couleurs de peau, il n’y a pas de doute, ça avait de
la gueule. Je sais qu’il y a eu des retours à la religion
(notamment au catholicisme et à l’orthodoxie) qui se
sont faits à partir d’émotions esthétiques
(je crois que Sollers raconte des trucs là-dessus dans un de
ces romans, je ne sais plus lequel), moi j’en suis très
loin mais c’est vrai que là on peut le comprendre. Est-ce
alors une habile opération de l’église que cette
coexistence tolérée entre visites touristiques et célébration
de la messe ? (Pourquoi pas d’ailleurs cela vaut mieux que la
fermeture et l’intolérance ?)
J’ai pris quantité de photos pendant
ma balade. Il faudrait que je me décide à mettre une
section de photos sur ce site, c’est aussi une façon
de donner à voir et aussi de donner de soi, les photos ne sont
pas interchangeables elles expriment un moment, une lumière,
la sensibilité dans l’instant de celui qui la prend…Promis,
bientôt je m’occupe de ça…
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25/01/05 : Fantasme
:
Eh, eh, doivent-ils se dire à la lecture
d’un tel titre, il va nous sortir quelquechose de croustillant,
l’ami Valclair…
Détrompez-vous bonnes gens ! Fantasme, non pas ici la figure
cachée du désir mais simplement la « fantaisie
», l’élaboration de l’imagination lorsqu’on
lui laisse la bride sur le cou. Et ici ce ne sera pas folichon, folichon…
Je devais subir aujourd'hui un examen médical
banal quoique pas très agréable et qui ce fait sous
anesthésie générale (ce qui est très bien,
le dit examen, sans anesthésie étant autrement plus
pénible).
Mais je gamberge facilement. J’en ai eu le
temps. Mon examen se passait l’après-midi, j’ai
passé donc toute la matinée seul à la maison
dans l’attente, à l’écoute des gargouillis
de mon ventre. D’abord je me suis occupé. J’ai
terminé une petite nouvelle, ça c’était
bien, ça m’a vraiment occupé l’esprit. Puis
j’ai été faire un tour de lectures chez les diaristes
et sur Obso, j’ai
cherché à repérer dans la masse des textes produits
là-bas l’an dernier ceux qui m’avaient le plus
accroché. Mais là, c’était plus difficile,
j’ai eu du mal à m’échapper avec les textes,
le zapping entre eux favorisant en fait le retour à mes préoccupations
immédiates.
J’ai commencé à broder sur le
« et si ça se passait mal… », l’évènement
imprévu, l’erreur d’anesthésie et tout,
et tout… Pensées irrationnelles comme elles peuvent parfois
survenir mais alors de façon très passagères
au moment d’embarquer dans un avion. Plus persistantes ici,
s’entretenant d’évocations, de récits, d’images,
se nourrissant d’elle-même, s’amplifiant. Je sais
parfaitement que c’est ridicule mais c’est là quand
même …
J’étais prêt en avance, je suis
parti, la clinique n’est qu’à un quart d’heure
à pied de la maison, beau temps froid, ciel clair, je musarde
un peu, ce qui en l’occurrence n’était pas la meilleure
chose à faire car je musarde surtout dans mes pensées.
Se met à me trotter dans la tête l’idée
que, pour des coups comme ça, il faudrait être prêt,
avoir pris certaines dispositions, avoir réfléchi à
certaines choses, avoir écrit certaines lettres. Avec l’idée
aussi qu’il faudrait l’avoir fait toujours parce que la
camarde peut se saisir de nous à n’importe quel moment,
une poutre qui nous tombe sur la tête par grand vent ou une
bagnole qui nous renverse. Mais évidemment en général
on n’y pense pas. Il faut des petits évènements
comme celui-ci pour y penser. On s’empressera après justement
de mettre ça bien à l’écart, bien au fond
de soi, jusqu’à la prochaine fois. Mais peut-être
a-t-on tort, car y penser une fois pour toutes, rationnellement, sainement,
ce serait sans doute une façon de s’en dégager
ensuite…
A la clinique bien sûr, il y a de l’attente,
j’essaie de m’intéresser à mon livre mais
c’est laborieux. Et ne voilà-t-il pas qu’une dame,
venue chercher quelqu'un du matin, se fait renvoyer dans ses foyers
car « il y a eu un problème, on va la garder jusqu’à
demain… » Je n’ai pas peur, non, je sais qu’il
n’y a pas avoir peur, j’ai juste un peu le palpitant qui
bat, juste envie que ce soit derrière moi.
La lumière au plafond, ouf, la lumière
est là, une toute bête et moche lumière d’hôpital,
belle lumière, je suis là, les gens sortent du brouillard,
les paroles, les sensations dans mon corps, ouf, c’est fini,
c’est derrière moi… Et comme en plus le médecin
vient me dire que tout va bien…Jusqu’à la prochaine
fois…
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29/01/05 : Mauvaise
nuit :
Quatre heures du matin. Cela fait un long moment
que je suis réveillé. J’ai pris le petit cachet
jaune censé me ramener rapidement dans les bras de Morphée
mais pour l’instant il n’a aucun effet, il me semble que
je m’éveille de plus en plus sous l’effet des pensées
tourbillonnantes, « l’agitation du mental » disait
le prof de yoga du temps où je me suis essayé à
cette pratique.
Ce n’est pas une insomnie d’angoisse
comme parfois lorsque je ressasse mes impuissances, mon immobilisme,
les récurrences de mes névroses, les possibles qui se
restreignent, des murs partout auxquels je me heurte et les mois,
les années qui passent, implacables.
Ce n’est pas non plus une insomnie d’exaltation,
lorsque je gamberge à partir d’un projet, que les idées
pour l’alimenter surgissent, toutes séduisantes, praticables,
évidentes, que j’imagine tout ce à quoi elles
peuvent mener, comme Perette avec son pot de lait, avant que les réalités
du matin ne fassent dégonfler tout ça.
C’est une insomnie d’entre deux. Mon
esprit zappe autour de toutes les activités dans lesquelles
je suis engagé, j’y vois ce que j’ai à faire
où aurais à faire dans l’immédiat, dès
demain, en sachant que j’aurais du mal à y parvenir parce
que ça fait trop de choses, dans trop de directions, que j’ai
l’impression de toujours courir avec le temps et de ne jamais
être à flot, sans que je sache choisir, attribuer des
priorités, m’y tenir. Pas de ligne de force, pas de ligne
directrice à tout ça, il n’y a pas un projet unificateur,
un axe structurant qui me ferait dire : c’est le chemin que
j’ai choisi. Mais je sais aussi que trop souvent ma volonté
rationaliste d’organiser, de projeter, d’attribuer des
priorités au point parfois de m’être fait des listes
de choses à faire en fixant des échéances a été
une façon de brider, d’éteindre, d’éliminer.
J’essaie maintenant d’être un peu plus dans une
disposition d’esprit d’accueil sans à priori, d’avoir
plusieurs fers au feu, de faire comme je le sens sur l’instant
en laissant les choses venir sans vouloir tout contrôler. Mais
alors on peut se retrouver dans ce zapping un peu indistinct, un peu
informe comme je le suis cette nuit. Et se retrouver le jour avec
le sentiment, qui n’est pas seulement un sentiment d’ailleurs
mais une réalité bien concrète, de ne pas parvenir
à faire tout ce que l’on voudrait et en ressentir de
la frustration. Il y a tout ça en vrac : me relancer dans des
projets d’écriture un peu plus ambitieux, développer
certains projets au bureau, accroître ma présence dans
la galaxie diariste et y impliquer plus de ma vie, recomposer mon
site en faire un bel « objet » et pas seulement la suite
de mes mots, aboutir dans les projets dans lesquels de nouveau je
me suis lancé avec l’Association
pour l’autobiographie, oser parler avec Constance de toutes
ces choses mortes qui traînent entre nous, organiser un futur
voyage, ne pas laisser tomber ce que j’ai commencé dans
le domaine de la formation... Derrière tout cela, en fond d’écran,
au-delà du divers et du multiple, au-delà des satisfactions
ou des déceptions immédiates, sûrement, de façon
à demi consciente, il y a ce désir, cette espérance
de quelquechose, de quelqu'un, qui de nouveau me ferait vibrer vraiment,
rallumerait des étincelles, réenchanterait ma vie…
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31/01/05 : Contraste
:
Je pourrais titrer ce billet dimanche-lundi comme
il y a quinze jours. Encore une fois je constate le chocs de ces jours,
qui sont dans des ambiances, des tempos tellement différents…
Dimanche c’était simple et belle marche.
Longue randonnée aux confins de la Seine et Marne, impression
à une heure de Paris, d’être très, très
loin, petit village tranquille sur le rebord du plateau de la Brie,
place de village d’un autre temps avec, se faisant face, la
mairie-école et l’église, grosses maisons en meulière
aux jardins clos de murs s’ouvrant très vite sur la campagne,
chemins alternant entre l’open-field dégagé où
souffle le vent et les passages en sous-bois… Et puis la neige
par endroits sous nos pas, pas partout, juste là où
l’exposition s’y prêtait bien et, dans les bois,
les fondrières sur le chemin prises dans la glace mais commençant
à fondre à mesure qu’avançait la journée
et le redoux… Oh ce n’était qu’à peine
un peu de neige mais cela suffisait à rajouter quelquechose
au dépaysement, à donner une vraie ambiance d’hiver
que l’on ne connaît plus guère à Paris où
la neige est devenue exceptionnelle. Le rythme vif des pas, le plaisir
du corps en mouvement et de la marche déliée, l’air
vivifiant dont on se gorge à pleins poumons, les discussions
au fil de la marche avec la petite bande d’amis que l’on
retrouve à l’occasion de ces randonnées, tout
ça me fait un bien fou. J’ai le sentiment d’avoir
de plus en plus besoin de la campagne et de la nature.
On est rentré à Paris recrus de fatigue
mais tellement tonifiés. Ce matin je suis parti au bureau avec
assez d’allégresse, porté encore par l’énergie
de cette journée. Et là, patratas, les déconvenues
se sont accumulées, l’après-midi surtout où
j’ai dû participer à une réunion particulièrement
langue de bois. Dans le cadre de la future LOLF (la loi organique
sur les lois de finance) il s’agissait de définir des
objectifs et des résultats à atteindre dans nos secteurs
et d’envisager les moyens et les restructurations à adopter
dans cette perspective. Je ne suis pas contre que l’administration
se dote d’une certaine culture de performance et d’évaluation,
bien au contraire, mais là les choses étaient tellement
ficelées d’en haut, tellement déconnectées
du terrain que c’en était affligeant. La discussion était
corsetée, nos avis sollicités seulement sur les marges,
je suis ressorti de là avec une impression de totale incompréhension
entre nos gestionnaires et nous. Je n’ai pas toujours aimé
mon métier, il y a des moments où je l’ai détesté
mais ensuite je m’y suis fait, j’y ai évolué
positivement, je crois que je fais mon travail avec cœur, souvent
avec plaisir et avec la volonté en tout cas de faire pour le
mieux. Alors quand j’ai l’impression que la hiérarchie
se fout absolument des efforts et des difficultés du terrain,
qu’elle définit des objectifs technocratiques complètement
à côté de la plaque, à partir de lubies
ministérielles qui tout aussi bien six mois après ne
seront plus les mêmes, quand les réflexions ou objections
de simple bon sens que l’on tente de formuler ne sont ni reçues,
ni même écoutées, franchement il y a de quoi désespérer
et se demander ce qu’on fout là.
Et, pof, en rentrant à la maison, je tombe
justement sur un article du Monde qui évoque la
démission d’un juge d’instruction tourangeau
ne supportant plus les pesanteurs de son propre ministère.
Ça me donnerait presque envie, à moi aussi, de tirer
ma révérence. Sauf que lui à trente huit ans
et que j’en ai pas mal de plus !
Et je me connais, encore une fois je ferai avec,
j’avalerai les couleuvres, j’aménagerai, ça
c’est aussi dans ma personnalité, je ne suis guère
un homme de ruptures, ce cher
Alain a écrit dans son billet du 29 janvier des choses
comme d’habitude tout à fait sensées là-dessus
(dont je me suis demandé même si elles n’avaient
pas été pour partie inspirées par mes propres
jérémiades). Mais chacun est comme il est, le tout est
de ne pas trop en souffrir…
Et me voilà bien loin de ma marche régénératrice
dans la campagne, tous ses bienfaits se sont envolés dans cette
journée d’absurdité bureaucratique.