MOIS
de JANVIER 2004 (2° quinzaine)
Aller
en bas de page
16/01/04
: Explosion en plein vol :
Ouf, la semaine est finie ! Elle a été
lourde. Outre mon travail habituel j'animais une formation ces deux derniers jours,
je sors de là vanné. Tenir et intéresser un groupe pendant
deux jours ça demande une sacrée énergie, bien plus que mon
travail habituel, dans lequel je peux malgré tout glisser de fréquents
moments de micro-poses. En plus l'un des deux jours mon coanimateur m'a fait faux
bond, j'étais donc seul. Et pour couronner le tout on a eu des problèmes
techniques avec le réseau d'ordi sur lesquels j'avais quelques phases de
travail prévues, j'ai dû improviser et remplacer par de la tchatche
les machines défaillantes. Enfin c'est fini, au total malgré les
difficultés, les stagiaires n'avaient pas l'air trop mécontents.
Maintenant c'est la détente, le temps de lire, le temps d'écrire,
le temps de prendre son temps. Quelle jouissance !
C'est classique, le début
du week-end est bien souvent mieux vécu que la fin. Là on est dans
le plaisir du temps libre qui s'annonce alors que le dimanche soir on est souvent
à la fois dans le regret des heures passées, parfois décevantes
par rapport à ce qu'on en attendait et dans l'angoisse de la reprise du
lundi matin.
J'écris ce soir avec aisance, mes mots viennent facilement
au fil du clavier sans repentir, sans doute est-ce que j'en ai un vrai désir.
J'ai
été faire mon tour de diaristes. Pour tomber en fait sur la CEV
désertée. Plus rien ! Plus d'archives du forum, plus de liens avec
des journaux, juste un bandeau titre et des titres de rubriques qui ne mènent
plus à rien ! La crise est radicale, la solution expéditive. L'avion
a explosé en plein vol, dispersant aux quatre coins de la galaxie internet,
les pauvres diaristes qui volaient avec lui et qui n'en peuvent mais
J'avais
laissé tout cela peu après le " coming-out " des deux
animatrices qui dénonçaient sur un ton extraordinairement violent
les dérives pourtant pas nouvelles du forum et annonçaient leur
décision de rendre leur tablier. OK, pourquoi pas, c'était parfaitement
leur droit d'en avoir assez. Mais de là à tout supprimer sans préavis,
il y a quand même une marge. C'est un acte vraiment brutal sans aucune considération
ni respect pour tous les diaristes qui faisaient simplement confiance à
la CEV et qui n'étaient pas impliqués dans les débats de
plus en plus aigres du forum et encore moins dans les sombres et dérisoires
conflits de personnes qui sous-tendaient ces débats.
Et ça
fait tout drôle. Je me sentirais presque orphelin ! Finalement je m'étais
attaché à cette CEV, je faisais défiler la liste des journaux,
je constatais les mises à jour intervenues, même ceux que je n'allais
jamais ou presque jamais lire avaient une certaine existence, ils étaient
là, ils vivaient, ils avaient posté, ils continuaient leur aventure
d'écriture. J'allais même mettre mon nez et parfois mon petit grain
de sel dans le forum même si j'étais parfois agacé par le
ton et les provocations de certains. Mais ce n'était pas grave, il suffisait
dans ce cas de passer son chemin avec un sourire ou une moue, c'était selon,
et avec un haussement d'épaules
Il me semble qu'il y a place
tout de même pour un regroupement de diaristes. Finalement il n'existe plus
rien. Les Biographes du Net ce n'est qu'une liste qui n'indique pas les mises
à jour et qui ne supprime pas les journaux à l'abandon, donc qui
n'offre pas ce qui est l'une des fonctionnalités principales d'un tel regroupement.
La RDJ est un tout autre projet, c'est un club, une bande sans doute sympathique
et très ludique mais tout le monde n'a pas envie de rentrer dans leur je/jeu
et d'ailleurs eux-mêmes ne le souhaiteraient évidemment pas.
Je
ne sais pas trop ce qu'il faudrait. Sally et Sylvia avaient amorcé une
réflexion dans le tout dernier jour de cette CEV, personne n'a eu le loisir
de leur répondre avant que ne tombe le couperet de l'effacement général.
Moi je ne connais rien (enfin pas grand-chose) à l'informatique et serais
totalement incapable de construire un site de ce type mais enfin si certains se
lancent je crois que je serais prêt à donner dans la mesure de mes
moyens un petit coup de main.
C'est l'absence finalement qui donne son prix
à une chose à laquelle on s'était habitué.
Nous
verrons ce qui adviendra de tout ça.
Pour le moment je vais mettre
un disque de Kathleen Ferrier et me faire couler un long et bon bain chaud, dans
lequel je vais achever de dissoudre les miasmes de ma semaine en écoutant
cette voix admirable qui toujours m'envoûte.
Et puis je vais aller
me coucher, en me délectant du Persépolis de Marjanne Satrapi que
je viens de découvrir, voilà encore une autre et belle expression
du moi (et aussi du monde et de ses douleurs : l'Iran est toujours sous la férule
des ayatollahs
).
Je me sens vraiment bien ce soir. Est-ce parce que
je suis seul à la maison, parce que les garçons sont sortis chacun
de leur côté, que Constance est à un repas avec des collègues
de travail et que je me sens ainsi, dans ces heures ou le week-end commence, parfaitement
maître de mon temps et de mes rythmes ?
Retour
au haut de page
17/01/04 :
Encore à propos de la CEV :
J'ai repensé
à toutes ces histoires de CEV lors de mon réveil matinal. J'ai vaguement
réfléchi à ce qui me paraîtrait utile et fonctionnel
et surtout susceptible de perdurer sans crise dans ce domaine du référencement
des diaristes. Il n'y a plus de forum et je donne donc mes idées ici.
Il
me semble qu'il faudrait un site qui soit avant tout un outil dans lequel le maximum
de diaristes puisse se reconnaître, donc avant tout un support neutre, ouvert,
accueillant. Il faudrait des règles d'admission bien sûr mais essentiellement
des critères objectifs et non de contenu, il ne s'agirait pas d'admettre
ou de refuser un journal parce qu'on aime ou qu'on n'aime pas. Ces critères
il me semble se résument à peu de choses : écriture en français
au moins approximativement correct, mises à jour relativement régulières
et suffisamment consistantes, contenu comportant un minimum d'implication personnelle.
Bien sûr tous ces critères nécessitent d'être définis
et, même s'ils se veulent objectifs il y aura forcément une part
d'interprétation et de subjectivité dans le choix des journaux retenus
ce qui implique la mise en place d'un groupe de lecteurs procédant par
vote mais dans un esprit d'ouverture large.
Peut-être faudrait-il
un site modeste dans ses ambitions. L'idée de communauté des diaristes
est belle. Elle est sans doute un peu illusoire. Peut-être est-ce d'avoir
trop attendu de cette hypothétique communauté que la CEV est morte
? Le monde des diaristes est vraiment constitué de personnalités
très différentes, pour certaines forcément antinomiques et
surtout aux attentes très divergentes. Heureusement d'ailleurs, c'est ce
qui fait sa richesse et son intérêt. La communauté, si communauté
il y a, ne peut avoir qu'un contenu très limité à la seule
chose que tous ces gens partagent, le goût de s'exprimer sur internet. C'est
peut-être dommage mais c'est ainsi. Cela ne veut pas dire évidemment
qu'au sein même d'un tel regroupement volontairement assez neutre il n'y
aura pas des gens qui se découvriront des intérêts et des
approches leur donnant envie d'aller plus loin. La CEV était une belle
dénomination mais peut-être faudrait-il en trouver une qui soit moins
impliquante, qui risque moins de créer des attentes déçues.
Un
forum alors est peut-être à éviter. C'est du forum forcément
que viennent les crises puisque c'est là que les conflits s'exaspèrent,
les réponses s'enchaînant dans un redoutable crescendo. En plus internet
accentue encore le phénomène, on ne se voit pas, on ne se connaît
pas, aucun des signaux d'alerte qu'induisent nos habitudes sociales dans la communication
réelle ne peuvent fonctionner. C'est dommage là encore. C'est drôlement
intéressant un forum, au-delà des scories qu'il porte. Ou peut-être
faut-il imaginer un forum sur le sujet mais déconnecté du site de
référencement ? Ou alors un forum vigoureusement modéré
mais au risque alors qu'il perde de sa vivacité et de spontanéité
? Je ne sais pas. J'ai le sentiment en tout cas que le forum ne doit pas être
une priorité, que peut-être il pourrait venir après, une fois
le site établi et stabilisé. Peut-être aussi pourrait-il y
avoir d'autres formes de débat sur le diarisme que par le biais d'un forum,
avec des articles ou des chroniques sur certains thèmes (je repense à
ce qu'offrait Claviers Intimes).
Ce ne sont que quelques idées qui
me traversent. Peut-être que ce ne sont que des idées de nouveau
venu, qui paraîtront naïves et inadaptées aux yeux de ceux qui
ont vécu les sagas précédentes (s'il y a bien une chose que
j'ai perçu dans cette dernière crise de la CEV c'est qu'il y a manifestement
là-dessous des conflits qui remontent à loin et que ce n'est pour
certains protagonistes qu'un énième développement d'une histoire
déjà ancienne et que j'ignore). Mais enfin, je les dis comme je
les pense. Y aurait-il dans le cyber-monde des gens qui se retrouvent dans cette
approche ?
Mais diable, c'est qu'on aurait besoin d'un forum, ce n'est
pas à partir de mon petit site confidentiel que pourrait se lancer une
discussion ! Encore un paradoxe !
En tout cas, c'est amusant, j'avais l'impression
que je n'attachais que peu d'importance à cette idée de regroupement
de diaristes, une partie des journaux d'ailleurs que je lis avec le plus d'intérêt
n'étaient pas (ou n'étaient plus) cévistes, et voilà
que j'ai passé une bonne partie de mon insomnie de cette nuit à
gamberger là-dessus et voilà ici la deuxième chronique que
je lui consacre en deux jours
Retour au haut de page
19/01/04
: Mes trois vies :
Par moments j'ai vraiment du mal à
faire tenir ensemble mes trois vies.
Il y a ma vie de famille, cette vie
tranquille et sans aspérités de petit bourgeois, Constance, les
garçons, les repas en famille et avec les copains, les cinés, les
vacances, la consommation, les jours, les mois, les années qui passent
et se ressemblent. Il n'y a pas d'horreur là-dedans, pas de violence, de
la douceur et même de la tendresse, des bons moments mais il y a de la lassitude
aussi et de l'ennui.
Il y a mes lectures, mes écritures, et ma vie
sur internet. C'est mon petit jardin secret, je le cultive avec délice
et il tend à prendre de plus en plus de place mais il est toujours aussi
déconnecté du reste de ma vie. Parfois lisant les diaristes, intervenant
dans un forum, répondant à un mail, je me dis : c'est quoi ça,
je suis où en ce moment, tout cela est-il bien réel ? Je me sens
alors virtuel autant que les mots que j'envoie aux quatre coins de la toile, autant
que tous ces gens que je vois surgir d'entre les pages de leur sites mais qui
restent flous, impalpables, comme dans les limbes et j'en ressens un grand malaise.
Et puis tout ça, tout ces petits egos gargouillant, et le mien au milieu,
est-ce si important ?
Et puis il y a ma vie professionnelle. Là c'est
le tourbillon, ce soir je rentre complètement abruti de mauvaise fatigue,
pas celle que l'on ressent lorsqu'on s'est bien dépensé physiquement
ou intellectuellement en ayant la conscience d'avoir fait quelquechose de sa journée,
non plutôt la fatigue vague de la dispersion continuelle, des activités
amorcées et pas conclues, des discussions dérisoires et langue de
bois. Cette journée il faut dire a été particulièrement
gratinée de ce point de vue. Notre service n'en finit pas d'être
en crise, l'an dernier il a échappé à une disparition pure
et simple, mais il s'étouffe peu à peu de restrictions budgétaires
en réductions de poste, le climat entre les gens s'en ressent, l'unité
de façade recouvre des réactions complètement différentes
entre l'hyper-activisme syndical, la fuite qui n'ose pas se dire, la déprime
larvée. Et quand on sort c'est encore autre chose : la gueule des gens
dans le métro, les paumés qu'on croise sur les quais, la lecture
des journaux remplis de nouvelles rien moins qu'encourageantes ne donnent guère
de raison d'être optimiste et font apparaître comme bien dérisoires
nos problèmes professionnels ou personnels. Ça n'aide pas tellement
à les relativiser malheureusement, ça inscrit au contraire le tout
dans un climat général déprimant.
Avant l'état
du monde avait tendance à me révolter et c'était alors l'occasion
de justes indignations et d'envies d'agir salutaires (avant, il y a longtemps
à vrai dire !), je garde la conscience que le monde va mal mais je n'ai
plus l'envie de changer quelquechose par mon action. Le monde est mû par
des forces multiples, de plus en plus incontrôlables, vis-à-vis desquelles
l'action humaine consciente semble de peu de poids. Que pèse Bombay contre
Bush et les multinationales ? Et même de ce maelström de gens qui disent
non, quelle unité peut se dégager, quelles réponses réalistes
et sages, quelles solutions ? On ne voit rien venir. Ça ne veut pas dire
que le pire est certain (encore qu'il ait chaque jour tendance à devenir
plus vraisemblable) ça veut dire simplement que tout ça nous échappe,
à nous les petits citoyens lambda. J'envie ceux qui ont encore la force
d'agir mais je ne crois plus à leurs solutions.
Agir, ça ce
serait ma quatrième vie, celle de l'engagement et du militantisme, celle
que j'ai connu un temps, une vie qui finalement n'a pas duré si longtemps
mais qui m'a marqué à jamais et dont je garde nostalgie, une vie
qui ne reviendra plus. Je crois en avoir fait mon deuil. Pas si sûr ! Un
jour comme aujourd'hui en tout cas elle s'invite en force, non comme une perspective
mais comme un reproche.
Retour au haut de page
23/01/04
: Gâchis :
J'ai le sentiment d'avoir gâché
mon temps libre de cet après-midi.
Après une semaine de travail
encore une fois très (trop) chargée au bureau j'avais une masse
de projets pour ces heures qui sont toute à moi, où je suis parfaitement
tranquille puisque Constance est encore au travail et les garçons au lycée
mais je ne suis parvenu à avancer sur rien.
J'ai ressorti d'anciens
textes que je voulais reprendre pour constituer les éléments d'une
bibliographie, j'ai papillonné de l'un à l'autre mais sans m'y mettre
vraiment. J'ai fait un tour chez les diaristes puis me suis laissé entraîner
à une promenade non maîtrisée de sites en sites, jusqu'à
des lieux tristes et peu recommandables, simplement par facilité, de la
même façon qu'on peut se laisser piéger par un programme aguichant
à la télévision. Je me suis vaguement interrogé sur
ce que pourrait être un site diariste de référence, j'ai griffonné
quelques idées mais sans aller au bout, vaguement tenté de m'investir
dans la remise en place d'un outil qui remplacerait la CEV, mais je n'ai aucune
maîtrise technique, je ne vois pas avec qui je m'investirais là-dedans,
je ne sais pas au demeurant si j'aurais le temps et, plus que tout je ne sais
même pas si j'en ai envie
Peut-être quelquechose viendra-t-il
des "Biographes du net" ? J'ai fait l'autre jour, du bout du mail, quelques
offres de services à son animateur mais sans savoir si je pourrais apporter
quoi que ce soit.
Le problème n'est pas que je n'ai rien produit.
Il peut y avoir des moments de latence très positifs où des idées,
des projets souterrainement se mettent en place, ne demandant ensuite qu'à
éclore. Je me suis senti mal parce que mon indétermination était
plus profonde, parce que j'allais d'une chose à l'autre sans me décider
à rien. De quoi ai-je réellement envie dans tout ça ?
Finalement
j'aurais pu profiter d'une après-midi de pure détente, j'aurais
pu sortir, me faire une toile, mais il flottait, je n'avais tout simplement pas
envie de bouger. J'aurais pu m'installer sur mon lit avec un bon livre et un bon
disque, un livre parlant d'ailleurs, loin de mes préoccupations actuelles,
un livre pour déconnecter. Moi, qui suis habituellement un grand lecteur,
je ne lis rien en ce moment au-delà de mon journal quotidien fétiche
(ça c'est un peu une intoxication, qui ne date pas d'aujourd'hui) et de
ce qui tourne autour du diarisme et de l'autobiographie. Ça me manque.
Maintenant la soirée est avancée, les garçons sont
de sortie, Constance regarde la télévision, je suis devant l'ordi,
plutôt que de continuer à zapper j'ai laissé ces mots venir.
Mais que m'apportent-ils, qu'apportent-ils à ceux qui les liront ? Pas
grand-chose. J'ai l'impression que ce n'est que la continuité de mon après-midi,
même si je le vis un peu mieux, au moins j'ai fait ça, j'ai sorti
ces quelques mots
Mais peut-être quand il y a si peu à dire
vaudrait-il mieux s'abstenir...
C'est encore une fois une histoire de transition
mal gérée entre le temps contraint et le temps libre. Sorti du bureau
fatigué, encombré encore de tous les soucis de la semaine, j'aurais
dû faire césure plus nettement. Me reposer. Me détendre. Pourquoi
pas faire un quart d'heure de yoga, prendre le temps d'un vrai moment de concentration
sur moi, pour me rassembler, me nettoyer, me mettre au clair, cela m'aurait permis
sans doute ensuite de redémarrer mieux. C'est ce que nous conseille le
prof de yoga en tout cas, sans doute a-t-il raison, chaque semaine en sortant
du cours, je me sens bien, prêt pour la suite quelle qu'elle soit. Je suis
à ce jour incapable de me lancer dans une pratique personnelle indépendamment
du groupe, je n'y pense pas ou bien cela me parait artificiel, décalé.
Des situations comme celles-là il me semble seraient l'occasion idéale
de m'y mettre en entraînant vraisemblablement des effets bénéfiques
immédiats.
Et bien voilà, finalement, au bout de la page,
quelquechose est sorti.
Allez, cochon qui s'en dédit, la prochaine
fois je m'y mets
Retour au haut de page
24/01/04
: Pesante solitude :
Cet après-midi, après
tant de grisaille et de pluie ces derniers jours, les nuages se sont déchirés
et un beau soleil clair a commencé à briller. J'ai laissé
manteau et parapluie, je n'ai pris qu'un petit blouson, c'est un plaisir tout
simple, se sentir plus léger, moins engoncé, et je suis parti dans
les rues de Paris.
Constance une fois de plus, entrant dans le week-end ne
se sentait pas bien, elle voulait rester à la maison, se reposer, s'occuper
de ses petites affaires. Moi j'ai déjà eu vendredi après-midi
et samedi matin pour décompresser, elle travaille jusqu'au samedi midi.
Moi je piaffe, elle a envie de s'affaler. C'est un peu normal. Nous ne sommes
pas dans les mêmes rythmes. Et l'envie d'être ensemble ne compense
pas ces vécus différents. Je l'ai laissée sans hésiter,
vraiment je n'avais nulle envie de rester à la maison par un temps comme
celui-ci, il fallait que je bouge, que je sois dehors.
Mais, moi qui aime
pourtant les promenades solitaires, cette fois ci je me sentais encombré
de ma solitude. J'aurais aimé être avec quelqu'un ou avec une petite
bande, parler, échanger, sourire, j'aurais aimé partager le moment.
Ras
le bol tout à coup de ces promenades solitaires, ras le bol de ces cinés
et de ces expos où trop souvent je vais seul. Je me convainc en réalité
du charme de cette solitude : il y a c'est sûr, une jouissance particulière
du regard et de l'observation, une liberté complète à mener
son pas au rythme où on le souhaite, à l'accélérer
ici, à le ralentir là, à emprunter cette rue plutôt
que cette autre, juste au feeling de l'instant. Mais tout de même ça
ne vaut pas un moment partagé. Ou plus exactement il faut qu'il y ait les
deux, en ce moment le surcroît de solitude l'emporte et colore en négatif
des plaisirs que j'ai souvent la capacité d'apprécier même
seul et parfois d'autant plus intensément que je suis seul.
Mais
il ne s'agit pas seulement d'être en compagnie, encore faut-il qu'il y ait
une communication, une communion effective au moins à certains moments,
qu'il ne s'agisse pas seulement de deux solitudes cheminant ensemble. Or lorsque
je sors avec Constance c'est bien cela qui se passe le plus souvent. Nous marchons.
Chacun regarde de son côté. Rarement nous partageons nos impressions
par une mimique, un mot évocateur, un sourire complice. Quand nous sommes
au cinéma c'est pareil chacun est dans sa bulle, on ne se sent pas vibrer
ensemble. En sortant on discute un peu mais en général cela reste
un échange formel et vite clos du genre : " tu as aimé ? pas
mal mais ceci ou cela ", où sont les discussions passionnées
d'antan, on ne va pas à notre ressenti profond. C'est presque rituel :
puisqu'on a été au cinéma ensemble il faut bien qu'on échange
mais en a-t-on vraiment envie.
J'ai été sur les Champs Elysées
assister au défilé qui marque le nouvel an chinois. Pendant un long
moment je n'ai rien pu voir, il y avait tant de monde, la foule des spectateurs
était entassée derrière un double rang de barrières,
tous les points hauts - bancs publics, bornes, perrons d'immeubles - étaient
pris d'assaut. Enfin j'ai pu me glisser peu à peu derrière des têtes
pas trop hautes. Bon, ce n'était qu'un défilé, bien organisé,
avec quelques jolis chars, des couleurs chatoyantes mais qu'on ne pouvait que
regarder de loin. Le soleil brillait clair et cela faisait de beaux effets. Il
n'y avait pas du tout cette ambiance débridée et chaotique des cortèges
que j'ai eu l'occasion de voir d'autres années dans les avenues du 13°
arrondissement, dans le quartier chinois. Il n'y avait pas non plus toutes ces
odeurs prenantes des magasins et des restaurants, ce vacarme des pétards,
cette proximité entre les spectateurs et les participants au défilé.
Mais j'ai regardé tout ça de loin, de loin avec les yeux,
de loin avec le cur. Étais-je là vraiment ? Pas tant que ça.
Trop purement spectateur, trop distancié, trop encombré aussi de
mes propres pensées, de mes rêveries extérieures. Une jolie
jeune femme au regard lumineux, un beau couple aux marques d'amour délicieusement
" ostensibles ", n'ont pas été seulement des présences
fugitives auxquelles j'aurais pu prendre plaisir, elles ont été
aussi des pointes douloureuses, des rappels soudain de ma propre solitude.
Je
me suis mis à avoir froid. Sympa mon petit blouson mais non ce n'est pas
encore le printemps, le soleil ne chauffe pas assez et d'ailleurs déjà
il descend derrière les immeubles, le vent froid dévale l'Avenue,
le défilé est terminé, les gens se dispersent en tout sens,
nulle envie de flâner comme à mon habitude, je m'engouffre dans le
métro et je regagne mes pénates
Retour au haut de page
25/01/04
: Humeur plus claire :
Je m'attendais à
être abruti toute la journée après une nuit très insomniaque,
encombrée de pensées pas très gaies (j'ai écrit pendant
la nuit et ça a donné l'entrée précédente).
Et bien non. Au contraire. J'ai été plein d'énergie, je me
suis senti plutôt bien, très éloigné du mal-être
de la veille. Á quoi cela tient-il alors que la situation est la même,
les problèmes de fond toujours présents ? Qu'est-ce qui génère
l'humeur, y a-t-il indépendamment des facteurs extérieurs de mystérieuses
régulations souterraines, des cycles biologiques et chimiques en deçà
même de la psychologie ? Je vais finir par le croire moi qui à priori
me sentais si réticent devant cette " biologie des passions "
(c'est le titre je crois d'un bouquin de Changeux), à laquelle je ne connais
rien, ce sont des disciplines qui n'existaient pas à l'époque de
mes études (ou du moins qui ne faisaient pas partie de la vulgate de base
marxisto-freudienne de l'étudiant moyen en sciences humaines). Comment
expliquer en tout cas un climat affectif si différent entre hier et aujourd'hui
?
Constance était tout autant tournée vers ses propres problèmes,
je me sentais tout aussi loin d'elle, la parole entre nous est restée tout
aussi rare, j'étais tout aussi seul en moi-même et seul pour sortir
mais j'ai vécu la journée, sinon dans l'allégresse, du moins
dans le contentement. Une différence quand même, il a fait plus doux
qu'hier, je suis allé en vélo au cinéma, j'y suis arrivé
tôt, à l'heure la plus douce, j'ai pu rester une demi-heure assis
dehors en plein soleil sur l'esplanade, en attendant mon film, à regarder
le ciel au-dessus des hautes tours de la bibliothèque, à regarder
les gens, sans avoir chaud, sans avoir froid, parfaitement à l'aise
Ça compte, j'en suis sûr, mais je sais aussi par expérience
que cela ne suffit pas.
J'ai vu " L'esquive ", un bon film mais
un film qui secoue et qui ne rend pas particulièrement gai. C'est une histoire
d'amour chez des ados de banlieue mais c'est une histoire de langage surtout et
de distance sociale et culturelle. Le film repose beaucoup sur la qualité
des acteurs (des amateurs recrutés sur le terrain), sur l'énergie
qu'ils portent en eux, sur la virulence des mots, expression de la violence sous-jacente
et des impasses de la vie des personnages mais aussi expression de leur force.
Par moments je trouvais qu'il y en avait trop, que ça n'en finissait pas,
je saturais, j'étouffais, mais pourtant je crois que c'est comme ça
et c'est bien que ce soit montré ainsi.
J'ai été impressionné
par la faille gigantesque qui existe entre le monde des ados de banlieue et la
culture de l'école. Évidemment cela je le sais, mon boulot lui-même
m'amène à être informé et concerné par ce genre
de problème, mais j'ai du mal à réaliser vraiment l'ampleur
de ces fractures. Ces gosses sont radicalement ailleurs, il n'y a plus de références
communes, l'école n'a plus son ancienne puissance d'intégration.
Á la lecture des critiques je m'attendais à tort à ce que
ressorte du film l'impression que malgré tout les choses avançaient,
que l'intégration cahin-caha se poursuivait, que les ados en marge rentraient
dans le jeu par la grâce du théâtre et de pratiques pédagogiques
dynamiques. Ce n'est pas du tout ce que dit le film. Il dit que les sentiments
existent partout, que les gosses de banlieue aiment comme les maîtres et
les valets de Marivaux, il dit que des langues différentes en rendent compte,
des langues qui le plus souvent s'ignorent et qui par moments, lors de cette fête
de l'école par exemple, se comprennent, permettant d'entrevoir un timide
espoir. Timide, oui, très timide
Je me sentais hésitant
sur la discrimination positive. (Je ne parle pas de celle de Sarko qui n'hésite
pas à s'appuyer sur le communautarisme avec son préfet " musulman
", je pense plutôt à celle de Sciences-Po qui permet à
des jeunes issus d'établissement scolaires en zone difficile d'entrer en
formation à la suite de procédures de recrutement particulières
et moins académiques). Ayant vu ce film je pense que c'est à l'évidence
une voie à suivre pour redonner l'espoir, pour tenter de remettre en marche
l'ascenseur social, pour récupérer au moins une part de l'intelligence,
de l'énergie, de la force que certains manifestent mais sans pouvoir, compte
tenu de leur milieu de vie, s'inscrire d'emblée dans l'habitus social et
dans les codes qui régissent les recrutement des élites.
Retour au haut de page
27/01/04
: Temps libéré :
Je suis revenu du
travail à midi. Le pauvre Bilbo est malade comme un chien, une bronchite
avec 39° de fièvre, je pouvais prendre mon après-midi sans trop
d'inconvénients, je ne me suis pas gêné, histoire de venir
lui faire à manger, de lui tenir compagnie et le dorloter un peu, on ne
le dirait pas mais ces grands machins, ça en a encore besoin !
C'était
un bon moment, tous les deux à la maison, on a papoté un peu comme
on n'a pas si souvent l'occasion de se faire et puis il s'est recouché
et s'est endormi.
Et moi je me suis installé tout content finalement
du moment volé. J'ai voulu lire. J'ai été pris d'un sommeil
irrépressible, les yeux papillotant, la tête tombant sur mon bouquin.
Alors je me suis allongé sur mon lit et moi aussi j'ai fait un petit tour
au pays de Morphée. Un moment de sieste qu'est-ce que c'est agréable
! J'en voudrais tous les jours ! Ça me conviendrait sacrément bien
de ne travailler que le matin mais je n'ai pas la possibilité dans mon
poste de prendre un mi-temps.
Nos rythmes, quand on y réfléchit,
sont fous ! Et encore j'ai un rythme de fonctionnaire et pas de commercial ou
de PDG, et j'ai la chance insigne de vivre près de mon boulot, de ne pas
avoir en plus la galère des banlieusards, subissant les transports en commun
surchargés ou les embouteillages. Comment font-ils ? Pas étonnant
qu'il y ait tant de gens qui débloquent, qui craquent physiquement ou psychologiquement.
Pourquoi ne peut-on baisser radicalement le temps de travail, le partager, quand
il y a tant de gens qui sont au chômage ? Évidemment cela impliquerait
des réorientations radicales de nos sociétés et de nos vies,
un rapport différent à l'argent, à la consommation auquel
on n'est pas prêt, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre
et les combats syndicaux dans ces domaines me paraissent irréalistes et
donc voués à l'échec. Je me rends compte en tout cas que
pour moi le travail, la carrière, plus largement l'inscription dans le
monde social, dans ses obligations et ses compétitions me devient de plus
en plus difficile.
En tout cas je me dis que je prendrais ma retraite (oh,
l'affreux mot !) dès que je pourrais et tant pis si, compte tenu des nouvelles
dispositions, je serais loin d'avoir les annuités nécessaires pour
toucher une retraite à taux plein. Enfin, tout ça n'est pas pour
demain. Mais quel gâchis tout de même de devoir ainsi raisonner dans
le tout ou rien, qu'il n'y ait pas moyen d'harmoniser souplement, dans un même
moment de la vie, le travail que l'on effectue au bénéfice de la
société et le temps pour soi.
Et j'ai même profité
de ce temps pour refaire ma page de favoris
Retour au haut de page
30/01/04
: Père-Lachaise :
Ce matin j'étais en réunion
dans le nord-est de Paris. J'ai déjeuné avec des collègues
dans un petit resto sur place puis comme l'après-midi n'était pas
désagréable et que je n'avais nulle intention de repasser au bureau,
je n'ai pas pris le métro tout de suite, j'ai marché un moment et
j'ai traversé à pied le Père-Lachaise.
La météo
bascule : il a fait froid et beau ces derniers jours (froid ? vu ce que je lis
chez les québécois tout ça est très relatif, enfin
disons froid pour Paris !) mais aujourd'hui la douceur est revenue, le soleil
est encore là avant l'arrivée des perturbations océanes et
de la pluie. C'est le bon moment : soleil, le ciel bleu, on peut entrouvrir son
manteau, sortir ses mains de ses poches. Le cimetière est infiniment paisible,
il y a peu de promeneurs en ce début d'après-midi de semaine. Lorsque
je passe à côté du columbarium un groupe éploré
se disperse après une cérémonie, les visages sont de circonstances,
les paroles feutrées, les gens marchent lentement, comme hors du temps
- il y a toujours un côté parenthèse dans des obsèques,
on sort du temps, de son temps quotidien, cela confère au moment une espèce
de douceur qui se mêle à la tristesse. Á mesure que je m'enfonce
dans les allées du cimetière les bruits de la ville s'estompent.
Alors que partout ailleurs dans Paris la neige n'a pas tenu, ici il en reste un
peu, sur les quelques pelouses, sur les pierres tombales et entre les tombes,
une neige propre, immaculée, qui brille au soleil. Et certains monuments
funéraires dans l'éclairage vif, sur fond de ciel bleu, forment
de très belles images. Je regrette de ne pouvoir les saisir et mon envie
d'acheter un petit appareil numérique que je porterais toujours avec moi
s'accentue dans une circonstance comme celle-là.
Il y a beaucoup
de pente dans le Père-Lachaise, des allées tortueuses, et c'est
ça aussi qui lui confère son charme, ménageant des aperçus
parfois surprenants, des surprises à chaque détour, des coups d'il
sur Paris en contrebas. Chaque fois que je m'y promène, au milieu de tous
ces morts, me revient le souvenir de Rastignac et son cri de conquête. Moi,
je suis plutôt dans la mélancolie douce mais je me sens détendu,
content, présent à mes pas et à ce qui s'offre à mon
regard.
Après cela j'ai filé le long de la rue de la Roquette
jusqu'à la Bastille et j'ai terminé mon après-midi au cinéma
avec " Le sourire de Mona Lisa ". La critique est mauvaise et bien la
critique a raison. Je suis bon public et je me satisfais souvent de divertissements
gentillets, faits de belles images et de bons sentiments que la critique intello
a tendance à mépriser, mais il est vrai que ce film-ci est bien
plat, bien convenu, il y a des moments où l'on s'y ennuie. Pour parler
du prof charismatique il y avait sacrément plus de rythme et d'énergie
dans "Le cercle des poètes disparus" et pour l'évocation
des années 50 et de ses conventions, beaucoup plus de force et de profondeur
dans "Loin du paradis", un très bon film pour le coup. Enfin
il y a quand même toujours les sourires radieux de Julia Roberts
31/01/04
: Retourner au lycée :
J'ai un sentiment
angoissant d'urgence. J'ai un devoir à terminer, une dissertation il me
semble. Je suis très en retard. Je n'y arriverai pas. Je n'ai pas vu venir
le moment où je devais remettre ce travail, j'ai commencé beaucoup
trop tard, auparavant je me suis dispersé dans mille activités sans
intérêt et je m'en culpabilise. En plus je m'y prends très
mal. Une partie de mon texte est rédigé sur l'ordinateur, une autre
est manuscrite. Je passe de l'une à l'autre, je n'arrive pas à me
décider, il faudra bien fusionner tout cela. Finalement il m'apparaît
que les profs veulent un texte manuscrit, ça ne se fait pas de remettre
un texte tapé, alors j'entreprends de tout recopier à la main mais
je sais que je n'ai plus le temps et à prendre du temps à recopier
ainsi je m'interdis toute possibilité de finir ce que j'avais encore à
écrire, je ressens la situation comme parfaitement sans issue et je continue
pourtant, je recopie, je recopie, dans une urgence panique, assuré de mon
échec et de mon impuissance, plein de rage contre moi-même.
Il
est presque l'heure. Le jour s'est levé. Il y a une grande cour devant
la maison où la voiture est garée. Je pars au lycée avec
les fistons. C'est Taupin qui doit conduire. Je suis dehors déjà,
je piaffe d'impatience, je voudrais qu'on parte tout de suite, j'irais à
la bibliothèque en attendant l'heure pour tenter de finir ce devoir sur
place. Mais Taupin n'a vraiment pas envie de se dépêcher, il me dit
que je n'ai qu'à me remettre au travail sur place, je suis furieux, je
perds encore du temps, j'ai encore fait le mauvais choix à descendre trop
tôt plutôt qu'à rester à travailler encore ici, tout
se ligue contre moi, et Taupin lui-même, avec sa nonchalance paisible, je
lui en veux terriblement et ne suis pas en mesure de lui imposer quoi que ce soit,
je m'exaspère et je trépigne, l'impuissance toujours
Pour
un cauchemar c'est un cauchemar !
Les significations, qui sont multiples,
en sont presque trop claires. Je n'aime pas trop ça ces rêves transparents.
Je préfère ceux qui apparaissent plus ambivalents, plus mystérieux,
ceux qui ouvrent des portes inconnues, ceux dans lesquels s'exprime une vraie
créativité et dont émergent des images improbables ou des
récits qu'on serait incapable d'inventer.
Mais le curieux dans celui-ci
a été le réveil. Ça a duré longtemps. Longtemps
? Qui sait ? Une minute en réalité, peut-être même une
poignée de secondes mais démesurément étirées
dans ma conscience. Je suis dans le lit. Je vois bien que je m'éveille
d'un rêve et d'un rêve tout à fait désagréable,
mais tout de même il faut aller au lycée, où en étais-je
réellement de ce devoir, est-ce que Taupin est levé pour que nous
partions ensemble, mais quand même c'est curieux que je sois lycéen
en même temps que mon fils, ce n'est pas très normal ça, il
y a quelquechose qui cloche là-dedans, mais oui, bien sûr, je ne
suis plus lycéen, je ne suis plus lycéen depuis belle lurette
Alors
en même temps que le soulagement de ne pas avoir ce souci du devoir à
finir me submerge un vague sentiment de dépit, de regret, de tristesse.
Je ne retournerai pas au lycée, je n'y retournerai jamais
Retour au haut de page