LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de JANVIER 2004 (2° quinzaine)

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16/01/04 : Explosion en plein vol :

Ouf, la semaine est finie ! Elle a été lourde. Outre mon travail habituel j'animais une formation ces deux derniers jours, je sors de là vanné. Tenir et intéresser un groupe pendant deux jours ça demande une sacrée énergie, bien plus que mon travail habituel, dans lequel je peux malgré tout glisser de fréquents moments de micro-poses. En plus l'un des deux jours mon coanimateur m'a fait faux bond, j'étais donc seul. Et pour couronner le tout on a eu des problèmes techniques avec le réseau d'ordi sur lesquels j'avais quelques phases de travail prévues, j'ai dû improviser et remplacer par de la tchatche les machines défaillantes. Enfin c'est fini, au total malgré les difficultés, les stagiaires n'avaient pas l'air trop mécontents. Maintenant c'est la détente, le temps de lire, le temps d'écrire, le temps de prendre son temps. Quelle jouissance !

C'est classique, le début du week-end est bien souvent mieux vécu que la fin. Là on est dans le plaisir du temps libre qui s'annonce alors que le dimanche soir on est souvent à la fois dans le regret des heures passées, parfois décevantes par rapport à ce qu'on en attendait et dans l'angoisse de la reprise du lundi matin.

J'écris ce soir avec aisance, mes mots viennent facilement au fil du clavier sans repentir, sans doute est-ce que j'en ai un vrai désir.

J'ai été faire mon tour de diaristes. Pour tomber en fait sur la CEV désertée. Plus rien ! Plus d'archives du forum, plus de liens avec des journaux, juste un bandeau titre et des titres de rubriques qui ne mènent plus à rien ! La crise est radicale, la solution expéditive. L'avion a explosé en plein vol, dispersant aux quatre coins de la galaxie internet, les pauvres diaristes qui volaient avec lui et qui n'en peuvent mais…

J'avais laissé tout cela peu après le " coming-out " des deux animatrices qui dénonçaient sur un ton extraordinairement violent les dérives pourtant pas nouvelles du forum et annonçaient leur décision de rendre leur tablier. OK, pourquoi pas, c'était parfaitement leur droit d'en avoir assez. Mais de là à tout supprimer sans préavis, il y a quand même une marge. C'est un acte vraiment brutal sans aucune considération ni respect pour tous les diaristes qui faisaient simplement confiance à la CEV et qui n'étaient pas impliqués dans les débats de plus en plus aigres du forum et encore moins dans les sombres et dérisoires conflits de personnes qui sous-tendaient ces débats.

Et ça fait tout drôle. Je me sentirais presque orphelin ! Finalement je m'étais attaché à cette CEV, je faisais défiler la liste des journaux, je constatais les mises à jour intervenues, même ceux que je n'allais jamais ou presque jamais lire avaient une certaine existence, ils étaient là, ils vivaient, ils avaient posté, ils continuaient leur aventure d'écriture. J'allais même mettre mon nez et parfois mon petit grain de sel dans le forum même si j'étais parfois agacé par le ton et les provocations de certains. Mais ce n'était pas grave, il suffisait dans ce cas de passer son chemin avec un sourire ou une moue, c'était selon, et avec un haussement d'épaules…

Il me semble qu'il y a place tout de même pour un regroupement de diaristes. Finalement il n'existe plus rien. Les Biographes du Net ce n'est qu'une liste qui n'indique pas les mises à jour et qui ne supprime pas les journaux à l'abandon, donc qui n'offre pas ce qui est l'une des fonctionnalités principales d'un tel regroupement. La RDJ est un tout autre projet, c'est un club, une bande sans doute sympathique et très ludique mais tout le monde n'a pas envie de rentrer dans leur je/jeu et d'ailleurs eux-mêmes ne le souhaiteraient évidemment pas.

Je ne sais pas trop ce qu'il faudrait. Sally et Sylvia avaient amorcé une réflexion dans le tout dernier jour de cette CEV, personne n'a eu le loisir de leur répondre avant que ne tombe le couperet de l'effacement général. Moi je ne connais rien (enfin pas grand-chose) à l'informatique et serais totalement incapable de construire un site de ce type mais enfin si certains se lancent je crois que je serais prêt à donner dans la mesure de mes moyens un petit coup de main.

C'est l'absence finalement qui donne son prix à une chose à laquelle on s'était habitué.

Nous verrons ce qui adviendra de tout ça.

Pour le moment je vais mettre un disque de Kathleen Ferrier et me faire couler un long et bon bain chaud, dans lequel je vais achever de dissoudre les miasmes de ma semaine en écoutant cette voix admirable qui toujours m'envoûte.

Et puis je vais aller me coucher, en me délectant du Persépolis de Marjanne Satrapi que je viens de découvrir, voilà encore une autre et belle expression du moi (et aussi du monde et de ses douleurs : l'Iran est toujours sous la férule des ayatollahs…).

Je me sens vraiment bien ce soir. Est-ce parce que je suis seul à la maison, parce que les garçons sont sortis chacun de leur côté, que Constance est à un repas avec des collègues de travail et que je me sens ainsi, dans ces heures ou le week-end commence, parfaitement maître de mon temps et de mes rythmes ?

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17/01/04 : Encore à propos de la CEV :

J'ai repensé à toutes ces histoires de CEV lors de mon réveil matinal. J'ai vaguement réfléchi à ce qui me paraîtrait utile et fonctionnel et surtout susceptible de perdurer sans crise dans ce domaine du référencement des diaristes. Il n'y a plus de forum et je donne donc mes idées ici.

Il me semble qu'il faudrait un site qui soit avant tout un outil dans lequel le maximum de diaristes puisse se reconnaître, donc avant tout un support neutre, ouvert, accueillant. Il faudrait des règles d'admission bien sûr mais essentiellement des critères objectifs et non de contenu, il ne s'agirait pas d'admettre ou de refuser un journal parce qu'on aime ou qu'on n'aime pas. Ces critères il me semble se résument à peu de choses : écriture en français au moins approximativement correct, mises à jour relativement régulières et suffisamment consistantes, contenu comportant un minimum d'implication personnelle. Bien sûr tous ces critères nécessitent d'être définis et, même s'ils se veulent objectifs il y aura forcément une part d'interprétation et de subjectivité dans le choix des journaux retenus ce qui implique la mise en place d'un groupe de lecteurs procédant par vote mais dans un esprit d'ouverture large.

Peut-être faudrait-il un site modeste dans ses ambitions. L'idée de communauté des diaristes est belle. Elle est sans doute un peu illusoire. Peut-être est-ce d'avoir trop attendu de cette hypothétique communauté que la CEV est morte ? Le monde des diaristes est vraiment constitué de personnalités très différentes, pour certaines forcément antinomiques et surtout aux attentes très divergentes. Heureusement d'ailleurs, c'est ce qui fait sa richesse et son intérêt. La communauté, si communauté il y a, ne peut avoir qu'un contenu très limité à la seule chose que tous ces gens partagent, le goût de s'exprimer sur internet. C'est peut-être dommage mais c'est ainsi. Cela ne veut pas dire évidemment qu'au sein même d'un tel regroupement volontairement assez neutre il n'y aura pas des gens qui se découvriront des intérêts et des approches leur donnant envie d'aller plus loin. La CEV était une belle dénomination mais peut-être faudrait-il en trouver une qui soit moins impliquante, qui risque moins de créer des attentes déçues.

Un forum alors est peut-être à éviter. C'est du forum forcément que viennent les crises puisque c'est là que les conflits s'exaspèrent, les réponses s'enchaînant dans un redoutable crescendo. En plus internet accentue encore le phénomène, on ne se voit pas, on ne se connaît pas, aucun des signaux d'alerte qu'induisent nos habitudes sociales dans la communication réelle ne peuvent fonctionner. C'est dommage là encore. C'est drôlement intéressant un forum, au-delà des scories qu'il porte. Ou peut-être faut-il imaginer un forum sur le sujet mais déconnecté du site de référencement ? Ou alors un forum vigoureusement modéré mais au risque alors qu'il perde de sa vivacité et de spontanéité ? Je ne sais pas. J'ai le sentiment en tout cas que le forum ne doit pas être une priorité, que peut-être il pourrait venir après, une fois le site établi et stabilisé. Peut-être aussi pourrait-il y avoir d'autres formes de débat sur le diarisme que par le biais d'un forum, avec des articles ou des chroniques sur certains thèmes (je repense à ce qu'offrait Claviers Intimes).

Ce ne sont que quelques idées qui me traversent. Peut-être que ce ne sont que des idées de nouveau venu, qui paraîtront naïves et inadaptées aux yeux de ceux qui ont vécu les sagas précédentes (s'il y a bien une chose que j'ai perçu dans cette dernière crise de la CEV c'est qu'il y a manifestement là-dessous des conflits qui remontent à loin et que ce n'est pour certains protagonistes qu'un énième développement d'une histoire déjà ancienne et que j'ignore). Mais enfin, je les dis comme je les pense. Y aurait-il dans le cyber-monde des gens qui se retrouvent dans cette approche ?

Mais diable, c'est qu'on aurait besoin d'un forum, ce n'est pas à partir de mon petit site confidentiel que pourrait se lancer une discussion ! Encore un paradoxe !

En tout cas, c'est amusant, j'avais l'impression que je n'attachais que peu d'importance à cette idée de regroupement de diaristes, une partie des journaux d'ailleurs que je lis avec le plus d'intérêt n'étaient pas (ou n'étaient plus) cévistes, et voilà que j'ai passé une bonne partie de mon insomnie de cette nuit à gamberger là-dessus et voilà ici la deuxième chronique que je lui consacre en deux jours…

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19/01/04 : Mes trois vies :

Par moments j'ai vraiment du mal à faire tenir ensemble mes trois vies.

Il y a ma vie de famille, cette vie tranquille et sans aspérités de petit bourgeois, Constance, les garçons, les repas en famille et avec les copains, les cinés, les vacances, la consommation, les jours, les mois, les années qui passent et se ressemblent. Il n'y a pas d'horreur là-dedans, pas de violence, de la douceur et même de la tendresse, des bons moments mais il y a de la lassitude aussi et de l'ennui.

Il y a mes lectures, mes écritures, et ma vie sur internet. C'est mon petit jardin secret, je le cultive avec délice et il tend à prendre de plus en plus de place mais il est toujours aussi déconnecté du reste de ma vie. Parfois lisant les diaristes, intervenant dans un forum, répondant à un mail, je me dis : c'est quoi ça, je suis où en ce moment, tout cela est-il bien réel ? Je me sens alors virtuel autant que les mots que j'envoie aux quatre coins de la toile, autant que tous ces gens que je vois surgir d'entre les pages de leur sites mais qui restent flous, impalpables, comme dans les limbes et j'en ressens un grand malaise. Et puis tout ça, tout ces petits egos gargouillant, et le mien au milieu, est-ce si important ?

Et puis il y a ma vie professionnelle. Là c'est le tourbillon, ce soir je rentre complètement abruti de mauvaise fatigue, pas celle que l'on ressent lorsqu'on s'est bien dépensé physiquement ou intellectuellement en ayant la conscience d'avoir fait quelquechose de sa journée, non plutôt la fatigue vague de la dispersion continuelle, des activités amorcées et pas conclues, des discussions dérisoires et langue de bois. Cette journée il faut dire a été particulièrement gratinée de ce point de vue. Notre service n'en finit pas d'être en crise, l'an dernier il a échappé à une disparition pure et simple, mais il s'étouffe peu à peu de restrictions budgétaires en réductions de poste, le climat entre les gens s'en ressent, l'unité de façade recouvre des réactions complètement différentes entre l'hyper-activisme syndical, la fuite qui n'ose pas se dire, la déprime larvée. Et quand on sort c'est encore autre chose : la gueule des gens dans le métro, les paumés qu'on croise sur les quais, la lecture des journaux remplis de nouvelles rien moins qu'encourageantes ne donnent guère de raison d'être optimiste et font apparaître comme bien dérisoires nos problèmes professionnels ou personnels. Ça n'aide pas tellement à les relativiser malheureusement, ça inscrit au contraire le tout dans un climat général déprimant.

Avant l'état du monde avait tendance à me révolter et c'était alors l'occasion de justes indignations et d'envies d'agir salutaires (avant, il y a longtemps à vrai dire !), je garde la conscience que le monde va mal mais je n'ai plus l'envie de changer quelquechose par mon action. Le monde est mû par des forces multiples, de plus en plus incontrôlables, vis-à-vis desquelles l'action humaine consciente semble de peu de poids. Que pèse Bombay contre Bush et les multinationales ? Et même de ce maelström de gens qui disent non, quelle unité peut se dégager, quelles réponses réalistes et sages, quelles solutions ? On ne voit rien venir. Ça ne veut pas dire que le pire est certain (encore qu'il ait chaque jour tendance à devenir plus vraisemblable) ça veut dire simplement que tout ça nous échappe, à nous les petits citoyens lambda. J'envie ceux qui ont encore la force d'agir mais je ne crois plus à leurs solutions.

Agir, ça ce serait ma quatrième vie, celle de l'engagement et du militantisme, celle que j'ai connu un temps, une vie qui finalement n'a pas duré si longtemps mais qui m'a marqué à jamais et dont je garde nostalgie, une vie qui ne reviendra plus. Je crois en avoir fait mon deuil. Pas si sûr ! Un jour comme aujourd'hui en tout cas elle s'invite en force, non comme une perspective mais comme un reproche.

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23/01/04 : Gâchis :

J'ai le sentiment d'avoir gâché mon temps libre de cet après-midi.

Après une semaine de travail encore une fois très (trop) chargée au bureau j'avais une masse de projets pour ces heures qui sont toute à moi, où je suis parfaitement tranquille puisque Constance est encore au travail et les garçons au lycée mais je ne suis parvenu à avancer sur rien.

J'ai ressorti d'anciens textes que je voulais reprendre pour constituer les éléments d'une bibliographie, j'ai papillonné de l'un à l'autre mais sans m'y mettre vraiment. J'ai fait un tour chez les diaristes puis me suis laissé entraîner à une promenade non maîtrisée de sites en sites, jusqu'à des lieux tristes et peu recommandables, simplement par facilité, de la même façon qu'on peut se laisser piéger par un programme aguichant à la télévision. Je me suis vaguement interrogé sur ce que pourrait être un site diariste de référence, j'ai griffonné quelques idées mais sans aller au bout, vaguement tenté de m'investir dans la remise en place d'un outil qui remplacerait la CEV, mais je n'ai aucune maîtrise technique, je ne vois pas avec qui je m'investirais là-dedans, je ne sais pas au demeurant si j'aurais le temps et, plus que tout je ne sais même pas si j'en ai envie… Peut-être quelquechose viendra-t-il des "Biographes du net" ? J'ai fait l'autre jour, du bout du mail, quelques offres de services à son animateur mais sans savoir si je pourrais apporter quoi que ce soit.

Le problème n'est pas que je n'ai rien produit. Il peut y avoir des moments de latence très positifs où des idées, des projets souterrainement se mettent en place, ne demandant ensuite qu'à éclore. Je me suis senti mal parce que mon indétermination était plus profonde, parce que j'allais d'une chose à l'autre sans me décider à rien. De quoi ai-je réellement envie dans tout ça ?

Finalement j'aurais pu profiter d'une après-midi de pure détente, j'aurais pu sortir, me faire une toile, mais il flottait, je n'avais tout simplement pas envie de bouger. J'aurais pu m'installer sur mon lit avec un bon livre et un bon disque, un livre parlant d'ailleurs, loin de mes préoccupations actuelles, un livre pour déconnecter. Moi, qui suis habituellement un grand lecteur, je ne lis rien en ce moment au-delà de mon journal quotidien fétiche (ça c'est un peu une intoxication, qui ne date pas d'aujourd'hui) et de ce qui tourne autour du diarisme et de l'autobiographie. Ça me manque.

Maintenant la soirée est avancée, les garçons sont de sortie, Constance regarde la télévision, je suis devant l'ordi, plutôt que de continuer à zapper j'ai laissé ces mots venir. Mais que m'apportent-ils, qu'apportent-ils à ceux qui les liront ? Pas grand-chose. J'ai l'impression que ce n'est que la continuité de mon après-midi, même si je le vis un peu mieux, au moins j'ai fait ça, j'ai sorti ces quelques mots… Mais peut-être quand il y a si peu à dire vaudrait-il mieux s'abstenir...

C'est encore une fois une histoire de transition mal gérée entre le temps contraint et le temps libre. Sorti du bureau fatigué, encombré encore de tous les soucis de la semaine, j'aurais dû faire césure plus nettement. Me reposer. Me détendre. Pourquoi pas faire un quart d'heure de yoga, prendre le temps d'un vrai moment de concentration sur moi, pour me rassembler, me nettoyer, me mettre au clair, cela m'aurait permis sans doute ensuite de redémarrer mieux. C'est ce que nous conseille le prof de yoga en tout cas, sans doute a-t-il raison, chaque semaine en sortant du cours, je me sens bien, prêt pour la suite quelle qu'elle soit. Je suis à ce jour incapable de me lancer dans une pratique personnelle indépendamment du groupe, je n'y pense pas ou bien cela me parait artificiel, décalé. Des situations comme celles-là il me semble seraient l'occasion idéale de m'y mettre en entraînant vraisemblablement des effets bénéfiques immédiats.

Et bien voilà, finalement, au bout de la page, quelquechose est sorti.

Allez, cochon qui s'en dédit, la prochaine fois je m'y mets…

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24/01/04 : Pesante solitude :

Cet après-midi, après tant de grisaille et de pluie ces derniers jours, les nuages se sont déchirés et un beau soleil clair a commencé à briller. J'ai laissé manteau et parapluie, je n'ai pris qu'un petit blouson, c'est un plaisir tout simple, se sentir plus léger, moins engoncé, et je suis parti dans les rues de Paris.
Constance une fois de plus, entrant dans le week-end ne se sentait pas bien, elle voulait rester à la maison, se reposer, s'occuper de ses petites affaires. Moi j'ai déjà eu vendredi après-midi et samedi matin pour décompresser, elle travaille jusqu'au samedi midi. Moi je piaffe, elle a envie de s'affaler. C'est un peu normal. Nous ne sommes pas dans les mêmes rythmes. Et l'envie d'être ensemble ne compense pas ces vécus différents. Je l'ai laissée sans hésiter, vraiment je n'avais nulle envie de rester à la maison par un temps comme celui-ci, il fallait que je bouge, que je sois dehors.

Mais, moi qui aime pourtant les promenades solitaires, cette fois ci je me sentais encombré de ma solitude. J'aurais aimé être avec quelqu'un ou avec une petite bande, parler, échanger, sourire, j'aurais aimé partager le moment.

Ras le bol tout à coup de ces promenades solitaires, ras le bol de ces cinés et de ces expos où trop souvent je vais seul. Je me convainc en réalité du charme de cette solitude : il y a c'est sûr, une jouissance particulière du regard et de l'observation, une liberté complète à mener son pas au rythme où on le souhaite, à l'accélérer ici, à le ralentir là, à emprunter cette rue plutôt que cette autre, juste au feeling de l'instant. Mais tout de même ça ne vaut pas un moment partagé. Ou plus exactement il faut qu'il y ait les deux, en ce moment le surcroît de solitude l'emporte et colore en négatif des plaisirs que j'ai souvent la capacité d'apprécier même seul et parfois d'autant plus intensément que je suis seul.

Mais il ne s'agit pas seulement d'être en compagnie, encore faut-il qu'il y ait une communication, une communion effective au moins à certains moments, qu'il ne s'agisse pas seulement de deux solitudes cheminant ensemble. Or lorsque je sors avec Constance c'est bien cela qui se passe le plus souvent. Nous marchons. Chacun regarde de son côté. Rarement nous partageons nos impressions par une mimique, un mot évocateur, un sourire complice. Quand nous sommes au cinéma c'est pareil chacun est dans sa bulle, on ne se sent pas vibrer ensemble. En sortant on discute un peu mais en général cela reste un échange formel et vite clos du genre : " tu as aimé ? pas mal mais ceci ou cela ", où sont les discussions passionnées d'antan, on ne va pas à notre ressenti profond. C'est presque rituel : puisqu'on a été au cinéma ensemble il faut bien qu'on échange mais en a-t-on vraiment envie.

J'ai été sur les Champs Elysées assister au défilé qui marque le nouvel an chinois. Pendant un long moment je n'ai rien pu voir, il y avait tant de monde, la foule des spectateurs était entassée derrière un double rang de barrières, tous les points hauts - bancs publics, bornes, perrons d'immeubles - étaient pris d'assaut. Enfin j'ai pu me glisser peu à peu derrière des têtes pas trop hautes. Bon, ce n'était qu'un défilé, bien organisé, avec quelques jolis chars, des couleurs chatoyantes mais qu'on ne pouvait que regarder de loin. Le soleil brillait clair et cela faisait de beaux effets. Il n'y avait pas du tout cette ambiance débridée et chaotique des cortèges que j'ai eu l'occasion de voir d'autres années dans les avenues du 13° arrondissement, dans le quartier chinois. Il n'y avait pas non plus toutes ces odeurs prenantes des magasins et des restaurants, ce vacarme des pétards, cette proximité entre les spectateurs et les participants au défilé.

Mais j'ai regardé tout ça de loin, de loin avec les yeux, de loin avec le cœur. Étais-je là vraiment ? Pas tant que ça. Trop purement spectateur, trop distancié, trop encombré aussi de mes propres pensées, de mes rêveries extérieures. Une jolie jeune femme au regard lumineux, un beau couple aux marques d'amour délicieusement " ostensibles ", n'ont pas été seulement des présences fugitives auxquelles j'aurais pu prendre plaisir, elles ont été aussi des pointes douloureuses, des rappels soudain de ma propre solitude.

Je me suis mis à avoir froid. Sympa mon petit blouson mais non ce n'est pas encore le printemps, le soleil ne chauffe pas assez et d'ailleurs déjà il descend derrière les immeubles, le vent froid dévale l'Avenue, le défilé est terminé, les gens se dispersent en tout sens, nulle envie de flâner comme à mon habitude, je m'engouffre dans le métro et je regagne mes pénates…

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25/01/04 : Humeur plus claire :

Je m'attendais à être abruti toute la journée après une nuit très insomniaque, encombrée de pensées pas très gaies (j'ai écrit pendant la nuit et ça a donné l'entrée précédente). Et bien non. Au contraire. J'ai été plein d'énergie, je me suis senti plutôt bien, très éloigné du mal-être de la veille. Á quoi cela tient-il alors que la situation est la même, les problèmes de fond toujours présents ? Qu'est-ce qui génère l'humeur, y a-t-il indépendamment des facteurs extérieurs de mystérieuses régulations souterraines, des cycles biologiques et chimiques en deçà même de la psychologie ? Je vais finir par le croire moi qui à priori me sentais si réticent devant cette " biologie des passions " (c'est le titre je crois d'un bouquin de Changeux), à laquelle je ne connais rien, ce sont des disciplines qui n'existaient pas à l'époque de mes études (ou du moins qui ne faisaient pas partie de la vulgate de base marxisto-freudienne de l'étudiant moyen en sciences humaines). Comment expliquer en tout cas un climat affectif si différent entre hier et aujourd'hui ?

Constance était tout autant tournée vers ses propres problèmes, je me sentais tout aussi loin d'elle, la parole entre nous est restée tout aussi rare, j'étais tout aussi seul en moi-même et seul pour sortir mais j'ai vécu la journée, sinon dans l'allégresse, du moins dans le contentement. Une différence quand même, il a fait plus doux qu'hier, je suis allé en vélo au cinéma, j'y suis arrivé tôt, à l'heure la plus douce, j'ai pu rester une demi-heure assis dehors en plein soleil sur l'esplanade, en attendant mon film, à regarder le ciel au-dessus des hautes tours de la bibliothèque, à regarder les gens, sans avoir chaud, sans avoir froid, parfaitement à l'aise… Ça compte, j'en suis sûr, mais je sais aussi par expérience que cela ne suffit pas.

J'ai vu " L'esquive ", un bon film mais un film qui secoue et qui ne rend pas particulièrement gai. C'est une histoire d'amour chez des ados de banlieue mais c'est une histoire de langage surtout et de distance sociale et culturelle. Le film repose beaucoup sur la qualité des acteurs (des amateurs recrutés sur le terrain), sur l'énergie qu'ils portent en eux, sur la virulence des mots, expression de la violence sous-jacente et des impasses de la vie des personnages mais aussi expression de leur force. Par moments je trouvais qu'il y en avait trop, que ça n'en finissait pas, je saturais, j'étouffais, mais pourtant je crois que c'est comme ça et c'est bien que ce soit montré ainsi.

J'ai été impressionné par la faille gigantesque qui existe entre le monde des ados de banlieue et la culture de l'école. Évidemment cela je le sais, mon boulot lui-même m'amène à être informé et concerné par ce genre de problème, mais j'ai du mal à réaliser vraiment l'ampleur de ces fractures. Ces gosses sont radicalement ailleurs, il n'y a plus de références communes, l'école n'a plus son ancienne puissance d'intégration. Á la lecture des critiques je m'attendais à tort à ce que ressorte du film l'impression que malgré tout les choses avançaient, que l'intégration cahin-caha se poursuivait, que les ados en marge rentraient dans le jeu par la grâce du théâtre et de pratiques pédagogiques dynamiques. Ce n'est pas du tout ce que dit le film. Il dit que les sentiments existent partout, que les gosses de banlieue aiment comme les maîtres et les valets de Marivaux, il dit que des langues différentes en rendent compte, des langues qui le plus souvent s'ignorent et qui par moments, lors de cette fête de l'école par exemple, se comprennent, permettant d'entrevoir un timide espoir. Timide, oui, très timide…

Je me sentais hésitant sur la discrimination positive. (Je ne parle pas de celle de Sarko qui n'hésite pas à s'appuyer sur le communautarisme avec son préfet " musulman ", je pense plutôt à celle de Sciences-Po qui permet à des jeunes issus d'établissement scolaires en zone difficile d'entrer en formation à la suite de procédures de recrutement particulières et moins académiques). Ayant vu ce film je pense que c'est à l'évidence une voie à suivre pour redonner l'espoir, pour tenter de remettre en marche l'ascenseur social, pour récupérer au moins une part de l'intelligence, de l'énergie, de la force que certains manifestent mais sans pouvoir, compte tenu de leur milieu de vie, s'inscrire d'emblée dans l'habitus social et dans les codes qui régissent les recrutement des élites.

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27/01/04 : Temps libéré :

Je suis revenu du travail à midi. Le pauvre Bilbo est malade comme un chien, une bronchite avec 39° de fièvre, je pouvais prendre mon après-midi sans trop d'inconvénients, je ne me suis pas gêné, histoire de venir lui faire à manger, de lui tenir compagnie et le dorloter un peu, on ne le dirait pas mais ces grands machins, ça en a encore besoin !

C'était un bon moment, tous les deux à la maison, on a papoté un peu comme on n'a pas si souvent l'occasion de se faire et puis il s'est recouché et s'est endormi.

Et moi je me suis installé tout content finalement du moment volé. J'ai voulu lire. J'ai été pris d'un sommeil irrépressible, les yeux papillotant, la tête tombant sur mon bouquin. Alors je me suis allongé sur mon lit et moi aussi j'ai fait un petit tour au pays de Morphée. Un moment de sieste qu'est-ce que c'est agréable ! J'en voudrais tous les jours ! Ça me conviendrait sacrément bien de ne travailler que le matin mais je n'ai pas la possibilité dans mon poste de prendre un mi-temps.

Nos rythmes, quand on y réfléchit, sont fous ! Et encore j'ai un rythme de fonctionnaire et pas de commercial ou de PDG, et j'ai la chance insigne de vivre près de mon boulot, de ne pas avoir en plus la galère des banlieusards, subissant les transports en commun surchargés ou les embouteillages. Comment font-ils ? Pas étonnant qu'il y ait tant de gens qui débloquent, qui craquent physiquement ou psychologiquement. Pourquoi ne peut-on baisser radicalement le temps de travail, le partager, quand il y a tant de gens qui sont au chômage ? Évidemment cela impliquerait des réorientations radicales de nos sociétés et de nos vies, un rapport différent à l'argent, à la consommation auquel on n'est pas prêt, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre et les combats syndicaux dans ces domaines me paraissent irréalistes et donc voués à l'échec. Je me rends compte en tout cas que pour moi le travail, la carrière, plus largement l'inscription dans le monde social, dans ses obligations et ses compétitions me devient de plus en plus difficile.

En tout cas je me dis que je prendrais ma retraite (oh, l'affreux mot !) dès que je pourrais et tant pis si, compte tenu des nouvelles dispositions, je serais loin d'avoir les annuités nécessaires pour toucher une retraite à taux plein. Enfin, tout ça n'est pas pour demain. Mais quel gâchis tout de même de devoir ainsi raisonner dans le tout ou rien, qu'il n'y ait pas moyen d'harmoniser souplement, dans un même moment de la vie, le travail que l'on effectue au bénéfice de la société et le temps pour soi.

Et j'ai même profité de ce temps pour refaire ma page de favoris…

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30/01/04 : Père-Lachaise :

Ce matin j'étais en réunion dans le nord-est de Paris. J'ai déjeuné avec des collègues dans un petit resto sur place puis comme l'après-midi n'était pas désagréable et que je n'avais nulle intention de repasser au bureau, je n'ai pas pris le métro tout de suite, j'ai marché un moment et j'ai traversé à pied le Père-Lachaise.

La météo bascule : il a fait froid et beau ces derniers jours (froid ? vu ce que je lis chez les québécois tout ça est très relatif, enfin disons froid pour Paris !) mais aujourd'hui la douceur est revenue, le soleil est encore là avant l'arrivée des perturbations océanes et de la pluie. C'est le bon moment : soleil, le ciel bleu, on peut entrouvrir son manteau, sortir ses mains de ses poches. Le cimetière est infiniment paisible, il y a peu de promeneurs en ce début d'après-midi de semaine. Lorsque je passe à côté du columbarium un groupe éploré se disperse après une cérémonie, les visages sont de circonstances, les paroles feutrées, les gens marchent lentement, comme hors du temps - il y a toujours un côté parenthèse dans des obsèques, on sort du temps, de son temps quotidien, cela confère au moment une espèce de douceur qui se mêle à la tristesse. Á mesure que je m'enfonce dans les allées du cimetière les bruits de la ville s'estompent. Alors que partout ailleurs dans Paris la neige n'a pas tenu, ici il en reste un peu, sur les quelques pelouses, sur les pierres tombales et entre les tombes, une neige propre, immaculée, qui brille au soleil. Et certains monuments funéraires dans l'éclairage vif, sur fond de ciel bleu, forment de très belles images. Je regrette de ne pouvoir les saisir et mon envie d'acheter un petit appareil numérique que je porterais toujours avec moi s'accentue dans une circonstance comme celle-là.

Il y a beaucoup de pente dans le Père-Lachaise, des allées tortueuses, et c'est ça aussi qui lui confère son charme, ménageant des aperçus parfois surprenants, des surprises à chaque détour, des coups d'œil sur Paris en contrebas. Chaque fois que je m'y promène, au milieu de tous ces morts, me revient le souvenir de Rastignac et son cri de conquête. Moi, je suis plutôt dans la mélancolie douce mais je me sens détendu, content, présent à mes pas et à ce qui s'offre à mon regard.

Après cela j'ai filé le long de la rue de la Roquette jusqu'à la Bastille et j'ai terminé mon après-midi au cinéma avec " Le sourire de Mona Lisa ". La critique est mauvaise et bien la critique a raison. Je suis bon public et je me satisfais souvent de divertissements gentillets, faits de belles images et de bons sentiments que la critique intello a tendance à mépriser, mais il est vrai que ce film-ci est bien plat, bien convenu, il y a des moments où l'on s'y ennuie. Pour parler du prof charismatique il y avait sacrément plus de rythme et d'énergie dans "Le cercle des poètes disparus" et pour l'évocation des années 50 et de ses conventions, beaucoup plus de force et de profondeur dans "Loin du paradis", un très bon film pour le coup. Enfin il y a quand même toujours les sourires radieux de Julia Roberts…

 

31/01/04 : Retourner au lycée :

J'ai un sentiment angoissant d'urgence. J'ai un devoir à terminer, une dissertation il me semble. Je suis très en retard. Je n'y arriverai pas. Je n'ai pas vu venir le moment où je devais remettre ce travail, j'ai commencé beaucoup trop tard, auparavant je me suis dispersé dans mille activités sans intérêt et je m'en culpabilise. En plus je m'y prends très mal. Une partie de mon texte est rédigé sur l'ordinateur, une autre est manuscrite. Je passe de l'une à l'autre, je n'arrive pas à me décider, il faudra bien fusionner tout cela. Finalement il m'apparaît que les profs veulent un texte manuscrit, ça ne se fait pas de remettre un texte tapé, alors j'entreprends de tout recopier à la main mais je sais que je n'ai plus le temps et à prendre du temps à recopier ainsi je m'interdis toute possibilité de finir ce que j'avais encore à écrire, je ressens la situation comme parfaitement sans issue et je continue pourtant, je recopie, je recopie, dans une urgence panique, assuré de mon échec et de mon impuissance, plein de rage contre moi-même.

Il est presque l'heure. Le jour s'est levé. Il y a une grande cour devant la maison où la voiture est garée. Je pars au lycée avec les fistons. C'est Taupin qui doit conduire. Je suis dehors déjà, je piaffe d'impatience, je voudrais qu'on parte tout de suite, j'irais à la bibliothèque en attendant l'heure pour tenter de finir ce devoir sur place. Mais Taupin n'a vraiment pas envie de se dépêcher, il me dit que je n'ai qu'à me remettre au travail sur place, je suis furieux, je perds encore du temps, j'ai encore fait le mauvais choix à descendre trop tôt plutôt qu'à rester à travailler encore ici, tout se ligue contre moi, et Taupin lui-même, avec sa nonchalance paisible, je lui en veux terriblement et ne suis pas en mesure de lui imposer quoi que ce soit, je m'exaspère et je trépigne, l'impuissance toujours…

Pour un cauchemar c'est un cauchemar !

Les significations, qui sont multiples, en sont presque trop claires. Je n'aime pas trop ça ces rêves transparents. Je préfère ceux qui apparaissent plus ambivalents, plus mystérieux, ceux qui ouvrent des portes inconnues, ceux dans lesquels s'exprime une vraie créativité et dont émergent des images improbables ou des récits qu'on serait incapable d'inventer.

Mais le curieux dans celui-ci a été le réveil. Ça a duré longtemps. Longtemps ? Qui sait ? Une minute en réalité, peut-être même une poignée de secondes mais démesurément étirées dans ma conscience. Je suis dans le lit. Je vois bien que je m'éveille d'un rêve et d'un rêve tout à fait désagréable, mais tout de même il faut aller au lycée, où en étais-je réellement de ce devoir, est-ce que Taupin est levé pour que nous partions ensemble, mais quand même c'est curieux que je sois lycéen en même temps que mon fils, ce n'est pas très normal ça, il y a quelquechose qui cloche là-dedans, mais oui, bien sûr, je ne suis plus lycéen, je ne suis plus lycéen depuis belle lurette…

Alors en même temps que le soulagement de ne pas avoir ce souci du devoir à finir me submerge un vague sentiment de dépit, de regret, de tristesse. Je ne retournerai pas au lycée, je n'y retournerai jamais…

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