LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de JUILLET 2004 (1° quinzaine)

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02/07/04 : Remis à demain…

Je n’ai pas écrit ce texte finalement, ce texte pour parler à qui m’est proche.

Je le ferai plus tard, je profiterai des vacances, peut-être, ce n’est pas la première fois que je me dis que je vais renouer le dialogue, de façon volontariste et puis chaque fois je passe à d’autres choses. Blocage ? Nécessité qui n’en est pas une ?

La semaine il faut dire a été moins cool que je ne l’espérais, encore beaucoup de travail et puis ces soirées encombrées de pots divers, repas d’équipe, pot pour la mutation de l’un, le départ à la retraite de l’autre. Ce rituel m’ennuie. J’y participe pourtant. Parfois avec un certain plaisir mais toujours fatigué quand même à devoir rester dans mon personnage social, dans mes mots convenus. Je ne suis pas à proprement parler dans la fausseté, après tout c’est moi aussi ce type au milieu des autres qui fait des sourires de commande, qui balance des banalités ou qui cherche plus ou moins laborieusement des sujets de conversation qui le soient un peu moins mais ce n’est pas mon moi le plus authentique or j’ai de plus en plus besoin de l’avoir toujours avec moi ce moi authentique.

D’autres choses ont fait écran aussi. Je me sens un petit retour de flamme vers le diarisme. Un message reçu de quelqu’un que j’apprécie y a suffi. Je parlais dans ma dernière entrée des mots « écrits au miroir de moi-même, jetés aux inconnus, au lointain inaccessible ». Ces mots vivent, cependant, les inconnus ne sont pas si lointains, pas si inaccessibles. Du coup je me suis pas mal replongé dans des lectures, j’ai repris plusieurs diaristes que j’avais laissé de côté depuis un moment, j’ai envie de reprendre certains dialogues qui s’étaient amorcés ici ou là et qui se sont éteints sans parler du dialogue avec ma nouvelle correspondante. Ce soir même en rentrant du bureau j’ai été faire un tour sur le marathon d’Obsolettres. Sympa, pas d’échanges transcendants bien sûr dans ce genre d’occasion mais je me suis bien amusé et puis il se crée avec ce site, jour après jour, oui, comme une amorce de communauté...

Et maintenant je viens ici, écrire quelques mots, Constance est à un dîner de collègues, les garçons sont de sortie, je suis seul, tranquille, je me sens plutôt bien à l’orée de ce week-end, sans trop de questions dans la tête, décidé à laisser venir des choses, si elles doivent venir, de quelque côté que ce soit, sans anxiété et sans précipitation, pour l'instant je vais prendre un bon bouquin et aller me coucher non sans aller d’abord faire un petit tour dans ma boîte à mail.

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06/07/04 : Attente:

Je suis au bureau. C’est assez calme enfin après le stress des jours précédents pour que je puisse écrire quelques mots pour moi-même.

Le week-end a été très chargé, trop chargé. Samedi occupé de matérialités pesantes, préparatifs d’avant les vacances, courses multiples, démarches. Dimanche, visite à la maman de Constance, après midi plan-plan, promenades entre les gouttes de pluie et avec les cancans familiaux, le soir dîner d’anniversaire chez une amie de Constance, pas n’importe lequel, un cinquantenaire, je craignais un peu étant pièce rapportée dans ce groupe mais finalement c’était sympathique, plutôt simple et chaleureux. Lundi beaucoup de boulot encore, de tous ordres, la baisse de régime de début juillet met du temps à arriver cette année…

Mais dans ce temps suroccupé, par moments il m’est arrivé de m’évader, petites échappées, rêveries pour moi seul, attente d’un moment à venir...

Un moment que j’attends avec curiosité, avec impatience mais aussi avec une pointe d’appréhension...
Pour la première fois je m’apprête à me rendre à un rendez-vous avec quelqu’un que je ne connais qu’à travers internet. C’est sans doute banal pour beaucoup, pour moi c’est une grande première. Alors que d’habitude on rentre dans l’intimité des gens peu à peu, par bribe, à partir d’une appréhension, d’un ressenti immédiat et global de la personne, ici on se rencontre avec d’emblée une certaine image que l’on s’est construite de façon peut-être tout à fait fallacieuse, à partir de ce que la personne a choisi de laisser voir d’elle et à partir de ce que notre propre imagination a eu envie d’en construire. De là sans doute doivent résulter bien des déceptions au moment de la rencontre réelle.

Cette appréhension est d’ailleurs plutôt banale chez moi, indépendamment de ce contexte internautique, j’ai un vieux fond d’anxiété que je contrôle sans trop de peine mais qui est là cependant chaque fois que je suis confronté à du nouveau ou simplement à de l’inhabituel, valable aussi bien quand je dois prendre le train ou l’avion à travers l’angoisse d’être en retard, quand je dois prendre la parole devant une assemblée un peu importante, ou lorsque je suis amené à rencontrer de nouvelles personnes.

Cette appréhension elle est là encore plus lorsqu’une dimension affective peut être présente et spécialement vis à vis des femmes, spécialement lorsque ne peuvent s’exclure à priori que se nouent des relations dans lesquelles la séduction et/ou le corps pourraient advenir.

Dans le cas présent je rencontre quelqu’un dont la personnalité me paraît étonnamment riche mais aussi difficile à cerner, quelqu’un que parfois je crois comprendre très bien et parfois pas du tout, quelqu’un qui échappe aux catégories faciles et rassurantes.

Le tout est de ne rien attendre de particulier. Le tout est d’être soi-même simplement, d’être ouvert et à l’écoute. Il n’y a rien à perdre vraiment sinon une image rêvée peut-être. Mais pour les images et la rêverie il y a tout le reste, les écrits, les livres, l’imagination justement.

Quand j’ai basculé ce journal sur internet l’an dernier, je me suis demandé si j’allais avoir envie de rencontrer des diaristes dans la vie réelle ou si j’allais préférer avoir deux mondes bien étanches. J’ai tenté de garder mes mots aussi proches de ce qu’ils étaient lorsqu’ils n’étaient destinés qu’à moi-même, mais j’ai bien senti certains glissements déjà, certaines prudences que je n’aurais pas eues, certains silences pour préserver l’anonymat ou pour ne pas risquer de blesser même certains lecteurs inconnus et lointains. Ces risques seront décuplés si je commence à rencontrer des diaristes dans la vie réelle. Le journal intime peut en être faussé, il peut se muer en autre chose, devenir un outil de communication, de présentation de soi de façon pas forcément innocente, où la sincérité et la spontanéité pourraient être battues en brèche par la volonté de construire une image.

Foin de ces considérations pour le moment, j’ai bien envie de rencontrer ma diariste de ce soir, c’est tout, et c’est ça qui compte.

Qu’en sortira-t-il, je n’en sais rien, peut-être des silences et de la gêne, plus vraisemblablement des mots partagés mais incarnés cette fois dans une voix et un visage, dans une présence, peut-être, je l’espère, une amitié et une complicité à construire, et peut-être, sait-on jamais, des tendresses.

Nous verrons bien.

Mon rendez-vous est pour dans quelques heures maintenant. Je regarde par la fenêtre de mon bureau en attendant de m’enfuir d’ici, des nuages sont arrivés, le temps est moins beau qu’il n’était ce matin, ça c’est dommage pour jouir d’une fin d’après-midi à une terrasse de café dans un beau coin de Paris...

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06/07/04 bis : Rencontre(s):

Bon voilà j’ai rencontré ma diariste...

Je l’ai trouvé tout à fait sympathique, d’un d’abord plutôt direct et simple. J’attendais d’après l’image que je m’étais faite à la lire quelqu’un de plus tortueux, d'un peu sulfureux peut-être, joueuse de mots et de situations, capable de s'amuser à l’idée de déstabiliser ou de manipuler. Quelquechose de son mystère et de ce qui faisait son charme lointain s’en est trouvé peut-être un peu affadi mais en même temps je me sens à priori plus facilement de plein pied avec elle, plus en confiance. Bien sûr je n’imagine pas (heureusement) la connaître après à peine de deux petites heures de discussion à bâtons rompus mais enfin c’est l’impression première qu’elle m’a donnée.

Nous étions bien, il faisait délicieusement bon, le soleil était revenu avec une belle lumière du soir, éclairant les bâtisses patriciennes de l’Ile Saint Louis et le chevet de Notre Dame. Après l’avoir quittée je suis remonté tranquillement jusqu’à la maison à pied, profitant de cette douceur du soir. En chemin je me suis demandé si je n’aurais pas dû proposer que nous dînions ensemble si elle était libre, pour prolonger un peu la rencontre mais non, je préfère qu’il en soit ainsi, que nous restions pour l’instant à ce niveau de la découverte, juste une porte entrebâillée.

Curieusement j’ai fait ensuite une autre rencontre, une presque rencontre plutôt, sur l’Avenue des Gobelins, j’ai croisé une femme dont le visage me disait avec force quelquechose, elle marchait main dans la main avec son compagnon, je me suis arrêté tentant de la remettre, et ça m’est revenu d’un seul coup, c’était, je crois, une fille que j’avais bien connu pendant une très brève période, quelques mois, il y a plus de vingt ans, nous étions collègues et un peu plus, nous avions milité ensemble, peut-être même avions eu un peu d’attirance mutuelle sans que ça aille bien loin. Je l’avais très vite et totalement perdue de vue, elle avait changé de région et je pense même qu’elle a dû changer d’horizon professionnel. Est-ce bien elle ? Son visage a changé, beaucoup, elle s’est empâtée, beaucoup, ce n’est plus la même, et pourtant peut-être oui, sans doute oui, c’est la même personne. J’ai hésité un instant à lui courir après, à me planter en face d’elle, à lui demander pour en avoir le cœur net, je ne l’ai pas fait, par manque de réactivité, par tendance exacerbée à l’hésitation, je ne sais pas si je le regrette, oui, je le regrette…

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08/07/04 : Vacances en vue:

Je ne les sens pas bien, finalement, ces vacances qui arrivent…

Je me suis éveillé aux aurores encore ce matin avec cette pensée dans le crâne.

J’ai très envie de partir, ça oui, et vite, envie de retrouver notre coin de Bretagne, envie de plage, de mer et de ciel, envie de campagne et d’arbres, envie de longues marches sur le sable, envie du mouvement de la mer, de vagues et de marées, envie d’air tonique qui régénère, envie de changement de rythme, de mise à distance…

Mais j’avais envie d’autre chose aussi. Envie de voyages, de découvertes, d’aller vers des lieux que je ne connais pas, j’ai eu ce rêve par exemple de faire un grand tour au long de la nouvelle frontière de l’Europe, aller des rives de la Baltique aux Balkans(ou l’inverse) mais je n’ai rien fait pour essayer de le concrétiser. Envie aussi de me retrouver un peu avec Constance, d’être seul à seul, d’être face à face or les conditions ne vont pas s’y prêter facilement, nous sommes dans un petit appartement, il y aura du monde tout le temps, les projets de Bilbo avec ces copains n’ont pas aboutis, du coup il va venir avec nous et sa bande viendra camper dans le secteur, Taupin sera là avec sa copine aussi, il viendra un peu plus tard quand il aura terminé les oraux et qu’il commencera à y voir clair dans les résultats, on lui a loué un petit appart pas très loin du nôtre. Ensuite nous allons passer une semaine avec la maman de Constance, là encore on va se retrouver avec quantité de famille. Ce n’est pas que je n’aime pas ça, un peu, un moment, mais là il n’y aura que ça, il y manque un temps, un espace qui ne serait qu’à moi ou qu’à moi et Constance.

Je vais partir avec beaucoup de lectures, des bouquins engrangés dans l’année et dans lesquels je n’ai pas eu le temps de me plonger, avec des idées d’écriture aussi, j’ai une fiction sur le feu, enfin dans les limbes plutôt, je n’en ai pas encore écrit un mot, mais le scénario se met en place dans ma tête, peu à peu. Aurais-je l’envie, la disponibilité (non pas de temps, ça je l’aurais évidemment mais la disponibilité d’esprit), les conditions matérielles pour m’y mettre vraiment ?

J’ai encore beaucoup de boulot au bureau finalement, même pour ces deux jours qui sont les derniers. Réunion de bilan avec les chefs et repas de collègues aujourd'hui, réunion encore demain avant que je ne mette quant à moi la clef sous la porte pour un bon mois. Hier c’était plus calme. J’ai eu à un moment le sentiment que je n’avais rien à faire. Alors je suis parti en pensée, ce qui est plutôt rare pour moi quand je suis au bureau. J’ai écrit quelques lignes pour un atelier d’Obso, j’ai été me promener chez les diaristes, histoire d’en prendre un bon bain, avant de m’en sevrer puisqu’en vacances je n’aurai pas de connexion. Ce n’est qu’en partant le soir que je me suis souvenu que j’avais une tâche à accomplir, qui était de tester différentes hypothèses de répartition des tâches et de fonctionnement d’équipe à la rentrée, j’avais même fait préparer des tableaux par mon secrétariat pour cela, ce n’est pas que je n’ai pas eu envie de le faire, non, même pas, c’est tout simplement que, pfuit, ça m’est complètement sorti de l’esprit, je n’y ai tout simplement plus pensé. Je n’en reviens pas. Décidément quand on a envie de tirer un rideau, d’oublier, l’inconscient fait bien les choses !

Dans ma promenade diariste, lisant les uns et les autres, je me demandais, effet sans doute de ma rencontre de mardi, si j’aurais envie de rencontrer tel ou telle dans la vie réelle. J’ai l’impression que l’espèce de barrage mental que je m’étais fait à l’idée de rencontres internautiques sous mille prétextes (préservation des images des personnes construites à partir de leurs mots et de mon imagination, préservation de l’anonymat, préservation de l’écriture intime telle qu’en elle-même, etc… ) est en train de céder avec la facilité d’une muraille de sable sous l’assaut d’une vague. La lecture du compte-rendu du dernier pique-nique rdjiste m’a même fait me dire « après-tout pourquoi pas, pourquoi pas même ça ? » Au-delà de l’esprit potache, il y a là des gens qui ont l’air intéressants. Si l’on met en ligne c’est bien pour créer des interactions. Le plus haut niveau de l’interaction c’est bien la rencontre réelle. La mise en ligne mène à la rencontre sinon au bout d’un moment le sens même de cette mise en ligne s’épuise. Quel revirement par rapport à mon état d’esprit du 27 juin où je me sentais plutôt dans un processus d’éloignement accéléré du diarisme, pas loin de l’idée d’arrêter. Non, je n’en ai pas fini de cette expérience.

Mais où en suis-je par contre de ma lettre à Constance, de cette envie de parler avec elle ? Remise à demain, disais-je, demain est passé et repassé, remise oui mais à quand, remise encore une fois, car ce n’est pas la première, l’envie s’en est délitée avec tant de facilité… Il y aura du monde certes dans notre Bretagne mais tout de même il y aura aussi forcément des promenades seul à seule, ne serait-ce que nos marches rituelles, le long de la plage, après le dîner, à la nuit tombée, alors oui, il faudra, il faudrait…

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10/07/04 : Douloureux !

Je me couche.
Je m’installe pour ce qui est un de mes grands plaisirs, une fois la journée finie, étendu sur mon lit, prendre un vrai bon livre dont les pages se tournent.
Je suis fatigué, trop, et comme souvent en ce moment, au bout d’à peine deux ou trois pages je sens mes paupières qui s’alourdissent, mes yeux se ferment, je sens que je m’endors…

Constance à l’autre bout de la pièce, installée à son bureau, est occupée à ses rangements.
D’après ce que j’ai compris elle a fait ça pendant une bonne partie de la journée. Et elle continue, elle continue…
Dans mon demi-sommeil je l’entends gratter sa paperasse, déplacer des dossiers, froisser les feuilles qu’elle jette…
J’ouvre un peu les yeux, je l’observe.

Elle prend chaque papier, elle le lit avec méticulosité, elle l’écarte ou le conserve, elle fait tout cela avec une lenteur extraordinaire, elle est figée, le visage crispé, l’air revêche, ses petites lunettes posées sur la pointe de son nez lui donnent l’air de l’instit vieillissante qu’elle est.

Je voudrais lui dire de s’arrêter ou de faire ça autrement, avec de la vigueur, avec de l’énergie, avec du mouvement, lui dire de ne pas s’appesantir. Je sais qu’il ne faut pas. Elle supporte très mal toute suggestion par rapport à une activité dans laquelle elle est engagée, elle me dirait « tout le monde me bouscule, tout le monde sait mieux que moi comment je dois faire, je ne peux jamais faire comme je veux, à mon rythme » et elle s’emporterait. Je m’abstiens donc.

Il me semble que ses gestes se font encore plus lents, comme si elle décrochait pendant un moment dans une rêverie, dans une absence entre chacun d’entre eux. Est-ce que cette lenteur fait partie de sa maladie ? Sûrement, elle en est même un des symptômes les plus perceptibles, les plus exaspérants pour l’entourage.
J’attends maintenant, chacun des bruits que génère son activité, noyé entre des plages de silence, comme on attend la goutte d’eau qui tombe du robinet mal fermé, avec exaspération, presque avec rage.

Je la déteste.
J’ai mal à penser cela, j’ai mal à l’écrire.
J’ai mal au ventre, je sens qu’une crise d’aérophagie, manifestation dont je suis coutumier quand je suis très tendu ou stressé est en train de se déclencher, plus même, j’ai le coup de poing sur l’estomac, une barre douloureuse au milieu du corps.
Elle arrête enfin son manège, elle vient se coucher près de moi, en silence, je n’ouvre pas la bouche moi non plus, elle s’endort très vite.
Moi je suis complètement réveillé maintenant, tournant mes idées noires.
Je rallume, je prends mon petit carnet de chevet et je trace ces mots.
Puis, cela fait, je reprends mon livre, je vais tenter de m’enfuir dans les mots des autres en attendant de me laisser rattraper par le sommeil…

Et ce matin je retranscris tout ça sur l’ordinateur. Vais-je poster ? Je me sens mal à l’aise, ai-je le droit d’envoyer aux quatre coins du web de tels mots à propos d’elle, même si personne ne la connait. Et puis, c’est une vision si partiale, si partielle d’elle et de nous, générée par l’exaspération et qui fait abstraction de tout le reste, de toute notre histoire commune, de toutes les qualités qui font que je l’aime et que notre compagnonnage traverse le temps.
Mais ces mots quand même, je les ai pensés, je les ai écrits, ces mots noirs de la nuit, ils sont une réalité aussi, ils font partie du tableau, ils sont un cri que je ne veux pas garder qu’en moi.

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11/07/04 : Déboires technologiques et deux beaux sourires :

D’après les fabricants, d’après les pubs et les marchands c’est toujours simple, ça marche toujours et ça ne peut que nous simplifier, nous alléger, nous embellir la vie. Quelques clics et c’est fait, votre nouveau matériel est installé, prêt à fonctionner.

Ça c’est sans les aléas et des aléas, finalement il y en a beaucoup !

Il faut dire qu’on a fait assez fort ces jours derniers dans l’achat de nouveaux matériels. Un ordinateur pour Taupin qui va cesser de partager le mien, un appareil photo numérique, je me suis décidé à y passer tout en gardant précieusement mon vieil argentique au cas où, un disque dur d’appoint parce que je commence à saturer ici et deux nouveaux téléphones portables parce que Constance s’est fait voler le sien la semaine dernière (un incident de plus qui a pesé sur le climat du moment) et parce que moi aussi j’y passe alors que jusqu’alors j’avais fait de la résistance.

Hier on a installé tout ça, et bien on s’en est vu ! Je passe les détails mais on a dû rendre un des matériels après beaucoup d’agacement à tenter de l’installer sans comprendre ce qu’on faisait mal, finalement il y est apparu qu’il y avait un défaut de fabrication, on a passé deux heures avec la hot line de Free, entre les attentes et les conseils plus ou moins éclairés du technicien pour parvenir à configurer correctement la connexion internet pour Taupin alors que là aussi c’était censé être simple, évident, il suffit de glisser votre cd dans l’appareil, de suivre les instructions… oui, quand ça marche !

Avec tout ça on remet notre départ d’un jour, on pensait partir ce matin, ce sera demain.

Je ne me sentais pas très bien englué dans toute cette technologie. Les notices techniques absconses quand elles ne sont pas totalement illisibles, les blocages imprévus et inexplicables, les plantages et les redémarrages, le clignotement pervers des écrans, les allées et retour à la Fnac et les attentes au téléphone, tout ça me sortait par les yeux à la fin de la journée, et j’ai eu le sentiment tout à coup, d’être envahi par les machines, d’être dépendant d’elles, leur esclave plutôt que leur maître. C’est notre temps précieux bouffé par elles et notre liberté restreinte, loin des publicités mirifiques...

Bien sûr on l’a un peu cherché avec cette razzia de nouveautés. On aurait dû s’y attendre un peu. Mais enfin un matériel neuf sur cinq à l’achat à remplacer d’emblée et un autre avec un problème d’installation ne dépendant pas de nous, cela fait quand même beaucoup. En dehors même de ça, dans le quotidien, quand ça tourne à peu près il y a quand même bien souvent des petites difficultés qui font que la maintenance, le matériel, la préparation et l’organisation prennent le pas sur le contenu. Internet c’est génial mais parfois la connexion coince, d’autre fois on est en plein travail et l’ordi se met à fonctionner avec une lenteur inexplicable quand il ne plante pas, tout ça sans parler de la chasse aux virus, bref que de temps, que de temps avalé à rien…

On est à peu près arrivé à nos fins au bout de cette journée high-tech mais j’en suis sorti avec l’impression de m’être alourdi, encombré, d’être un peu plus cerné par les machines.

Alors tiens, pour aérer, j’ai envie de raconter cette petite anecdote de l’autre jour, une petite saynète du métro comme il en est beaucoup pour qui sait regarder.

C’était vendredi. Je rentrais de ma dernière réunion, c’était l’exact moment du début de mes vacances. Une jeune femme jolie, plutôt simple et sobre, est assise avec son livre sur le quai attendant le métro. Un grand beau noir au regard doux s’assoit à côté d’elle, lui dit quelquechose, elle ne dit rien mais très vite elle sourit. La rame entre dans la station. Ils montent dans le métro, s’assoient côte à côte sur deux strapontins, moi je suis assis en face. Ils se vouvoient, l’homme n’a pas le ton de la drague désagréable, simplement ils conversent, autant que je puisse en juger d’après les bribes que je capte, il est question de la publicité dans le métro, lui est plus volubile, elle plus réservée mais ils sourient tous deux. Ils descendent à la même station, ils prennent manifestement des directions différentes mais j’ai le temps de les voir échanger leurs adresses tandis que le métro dans lequel je suis resté redémarre. Tout ça, entre Gambetta et République, trois ou quatre stations seulement, pas mal de créer de la relation en si peu de temps ! Je suis admiratif. J’ai toujours été un peu envieux, indépendamment même de l’aspect drague que cela peut comporter, de ces gens capables si facilement de rentrer en contact, de nouer conversation avec des inconnus, de s’ouvrir en fait, de se lier peut-être…

Il n’y a pas besoin des machines pour ça !

C’était une scène simple, toute naturelle en fait mais pas si banale en réalité, les gens sont habituellement tous tellement dans la réserve, dans la fermeture, j’ai senti un sourire me venir, à moi aussi, à les observer, même s’il y avait aussi en moi une pointe de regret à ne pas être capable de fonctionner de pareille façon. Oui c’était rafraîchissant et ça m’a mis un peu de légèreté dans le cœur.

Le temps est plutôt mauvais ces jours ci pour un début juillet. Beaucoup de nuages, de la pluie, mais aussi des éclaircies, plutôt brèves, chahutées par le vent, mais alors avec un soleil assez généreux. Je suis à l’unisson. Beaucoup de nuages en moi mais aussi des coins de ciel clair.

Allez, demain, nous partons. Ça ne peut quand même que faire du bien…

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14/07/04 : Tendu :

Ces deux premiers jours ne se sont pas très bien passés. Il faut que je trouve mes marques. Je suis de plus en plus convaincu que ce choix de vacances n’était pas ce qui me convenait cette année, ce non-choix plutôt, j’ai laissé faire, je n’ai pas tellement cherché à avoir voix au chapitre, ça c’est fait comme ça, déterminé par des éléments extérieurs, la semaine où Bilbo reçoit ses copains, cette autre la semaine que l’on s’est fait un devoir d’aller passer avec la maman de Constance sans qu’il y ait eu pourtant aucune obligation formelle, la rencontre familiale prévue à la mi-aout dans les Alpes, tout ça a balisé le mois d’une façon telle que le plus simple consistait à venir se poser ici, sans réfléchir plus que cela à de vraies envies.

J’adore cet endroit, habituellement il m’apaise, m’invite à la sérénité. C’est parce que je sais cela aussi que sans doute je n’ai pas plus bougé quand s’est dessinée la perspective d’y passer l’essentiel de nos vacances. Mais pour le moment je suis loin de cet apaisement. Je me sens terriblement tendu, nerveux, trop vite agacé par la moindre contrariété qui se présente.

Je me suis senti mal pendant le voyage, la route m’a paru fastidieuse et fatigante, j’ai horreur de ces parcours autoroutiers avec la voiture surchargée, avec l’arrêt pique-nique obligé sur l’aire de service, ces parcours où l’on bouffe du kilomètre et qui n’ont qu’un seul but, celui d’arriver. Mais cette fois, ça m’a pesé plus encore que d’habitude, j’aurai voulu me retrouver là-bas, léger, d’un saut rapide d’avion ou de TGV ou bien, en voiture, j’aurais voulu être occupé à musarder sur des routes inconnues...

Ce voyage c’était rouler parmi les autres, perdu au milieu des familles, des caravanes, des mobil-home, dans ce fleuve roulant issu des quatre coins de l’Europe, dans la masse des « juilletistes », comme ils disent, on fait partie du troupeau des migrants saisonniers, je déteste me sentir partie du troupeau.

Enfin nous avons humé l’air dès notre arrivée, ouvert notre petit appartement, regardant de nos fenêtres la campagne alentour, l’inexorable progression des lotissements (ce grand terrain vide entre la maison et la plage est en cours de « viabilisation », la route est déjà tracée, les 14 parcelles délimitées, c’est sur ce terrain que les garçons allaient il y a peu d’années avec leurs copains faire de grandes parties de foot dans l’herbe, nous jetions sur eux un œil de temps en temps par la fenêtre et les appelions à grands cris et avec de grands mouvements de bras quand le dîner était prêt, ici comme partout, la nature, les espaces libres reculent…). Nous avons fait ensuite un petit saut sur la plage, profitant d’une jolie éclaircie qui n’a pas duré, trempant juste le bout de nos pieds dans l’eau qui nous a paru très froide.

Nous avons fait hier et aujourd'hui quelques unes de nos promenades rituelles, le port, la pointe, la plage à pied par le chemin des douaniers, le tour en vélo traditionnel par le polder et le chemin qui suit la côte, jusqu’au bout de la langue de terre qui prolonge la plage, formant presqu’île entre la mer et une anse qui s’enfonce profondément dans le pays entre prés et fôrets…

Le temps n’aide pas. Il fait gris, il ne fait pas chaud, l’eau est glaciale, pour l’instant je ne me sens pas capable de me baigner. Ce n’est pas du tout la situation extraordinaire de l’an dernier, les plages bretonnes étaient l’un des rares points de France où la canicule a eu du bon. Mais pour autant ce n’est pas l’essentiel, j’aime la Bretagne, y compris par les temps couverts, sous le vent et sous les grains, le paysage est beau dans ses nuances de gris, avec ses éclats de soleil lorsqu’il se décide à percer. Non c’est moi qui plus fondamentalement n’adhère pas, n’entre pas dans mes vacances telles qu’elles s’ouvrent cette année.

J’ai fini « W ou le souvenir d’enfance » de Perec. C’est un livre qui m’a intéressé mais ni passionné, ni séduit, ce n’est pas le genre de livre dont je suis sorti regonflé (parfois même des livres très durs, très noirs me font cet effet, tout simplement parce qu’ils sont beaux), bien au contraire, sa lecture a contribué à mon sombre état d’esprit. Ici s’opère une espèce de glissade déprimante, que facilite ce ton neutre, distancié, entre les souvenirs absents ou précaires des pages autobiographiques et le récit fictionnel qui les double, récit qui se déshumanise progressivement, passant d’un voyage attendu mais qui ne sera jamais raconté à une description d’entomologiste d’une société folle, aux aspects de plus en plus monstrueux à mesure qu’on avance et que se précise la métaphore de plus en plus transparente, de plus explicite de l’univers concentrationnaire nazi.

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15/07/04 : Angoisse :

Ça ne va pas mieux. Pas mieux du tout. Cette nuit je me suis éveillé taraudé d’angoisse. Sensation d’étouffement, de murs dressés autour de mes jours ici, impossibilité à voir une solution satisfaisante, rester ici, entrer enfin dans le plaisir, je m’en sens incapable, partir, rentrer à Paris, mais ce serait pour faire quoi, essayer d’aller voir certains amis en province qui nous avaient proposé que l’on passe chez eux mais je n’ai pas envie de créer une crise, de désorganiser tout ce qu’on a mis au point avec les garçons, avec la maman de Constance… Alors je vais laisser faire, je vais laisser couler les jours mais je me dis et me répète au fond de mon lit douloureux « ce sont des vacances ratées, faisons un trait, biffons-les de mon esprit, ce sera mieux la prochaine fois, je ne tomberais pas dans le même piège, laissons passer les jours, ils passeront bien assez vite, c’est même cela qui est le fond de l’angoisse, les jours qui passent, les années qui passent, le temps compté et moi je suis là, j’y suis et je n’y suis pas…» J’ai tenté de lire, je n’y suis pas parvenu, il n’y a qu’une solution, j’ai pris un somnifère, dormir, dormir, sortir de cette angoisse, demain de toute façon, ça ira un peu mieux, je sais par expérience, avec le jour ça ira moins mal…

Oui bien sûr, ça va moins mal. Les affres de la nuit se sont dissoutes. Je me suis remis en mouvement, cahin-caha, j’ai repris les quotidiennetés. J’ai été cherché le pain et les croissants frais à la boulangerie d’un coup de vélo mais sans le plaisir que me confère habituellement cette petite sortie matinale. Nous avons été marcher sur la plage Le temps ne s’est pas amélioré. Ce n’est pas un temps breton. Le ciel est gris, immobile, il n’y a pas de vent, la lumière blanche est fatigante, il ne fait pas chaud et pourtant il fait lourd. Nous avons été porter un de nos vélos mal en point à réparer. Nous avons pris un pot sur le port avec des amis que nous avons ici, le moment n’a pas été désagréable.

Mais je ne parviens toujours pas à l’apaisement intérieur, au contentement, à entrer sans restriction, sans arrière-pensées dans les plaisirs immédiats de l’instant. J’ai toujours ce sentiment d’être ici et de n’y être pas, les tensions intérieures sont toujours là, l’inappétence, la difficulté tout autant à faire quelquechose, à me mettre en route qu’à me supporter dans l’inaction et le repos. J’avais la volonté d’écrire, avec même quelques idées très précises dans la boîte mais je ne parviens pas à m’y mettre. La seule chose qui sort ce sont ces quelques lignes, est-ce que cela en vaut la peine, n’est-ce pas encore retourner le couteau dans la plaie, je ne suis pas non plus dans le plaisir en écrivant ici…

Il n’y a qu’un bref moment où j’ai eu le sentiment d’entrer enfin un peu dans l’instant. Ce matin, marchant le long de la plage, les pieds dans l’eau, je me suis senti investi dans la sensation, mes chevilles, mes mollets d’abord violemment enserrés par la mer trop froide puis l’habituation progressive, la détente qui survient, une forme de bien-être qui remplace la douleur, mon avancée un peu plus loin dans la mer, l’eau jusqu’aux genoux puis jusqu’au milieu des cuisses, le retour sur le sable, sa douceur, sa tiédeur lorsque je m’y pose...
Je voudrais tant que ce ne soit qu’un avant-goût, que ces moments se multiplient, que s’éloignent les ombres du mal-être.

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