LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de JUIN 2004 (2°quinzaine)

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17/06/04 : Fatigue :

On est tous – presque tous – ratatinés dans la famille. Pour Constance et moi c’est la période la plus chargée professionnellement avec beaucoup de stress, une multitude de réunions, la fatigue de la période précédente accumulée, la chaleur qui a des côtés agréables mais qui n’aide guère à avoir de l’énergie pour le travail. Constance qui investit beaucoup dans son travail (trop ?) lui donne tout ce qu’elle a, elle revient à la maison épuisée, elle est d’une humeur massacrante et réagit de façon disproportionnée à la moindre contrariété, il lui arrive de s’endormir à peine rentrée pendant une heure ou deux. Dur !

Taupin est dans la dernière ligne droite avant les oraux. Il a eu une bonne admissibilité pour un de ses concours mais une grosse déception pour un autre sur lequel il comptait menant à plusieurs écoles qui l’intéressaient beaucoup. Il en a pris un sale coup au moral, lui qui avait une telle énergie, une humeur gaie et rieuse malgré l’ampleur du boulot, depuis quelques jours il fait grise mine, dort mal, a du mal à se mettre au travail, comme si ce résultat décevant avait cassé quelquechose. On essaie de l’encourager, il n’y a plus que quelques semaines à tenir, on évoque Zizou et l’acharnement des Bleus jusqu’à la dernière seconde qui a si bien payé mais on se rend compte que ça a du mal a passer. Ça me fait mal de le sentir comme ça. Je m’attriste de retrouver chez lui des comportements que je connais trop bien pour moi-même, une tendance à se mettre lui-même en cause, à se traiter de nul alors qu’il y a aussi une part de hasard non négligeable dans ces concours.

Il n’y a que Bilbo qui se la coule douce, son année est terminée puisque son lycée est centre de bac. On le voit à peine, il sort beaucoup, rentre tard, se lève tard. Grand bien lui fasse. Mais son absence quasi totale de contribution à la vie matérielle de la maison nous pèse un peu, quelques coups de main ça serait bienvenu…

Tout ça fait qu’il y a salement de la morosité et de la tension dans l’air.

Ce soir je m’étais dit que je proposerais à Constance d’aller dîner au resto, de profiter d’une terrasse, c’est le bon temps pour ça, les journées longues, la douceur de la nuit, la vie dans les rues... Mais l’envie n’a pas été assez forte, je n’ai pas eu l’énergie pour le faire, on a grignoté, elle est devant sa télé, moi je suis devant l’ordi…
Allez, vite, de l’air, du souffle, de l’herbe et des arbres, des marches, la mer… Et du temps surtout. Le temps de se poser, de s’apaiser, de se parler. Peut-être…

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19/06/04 : Alibi :

Ben, ça ne va pas trop bien aujourd'hui.

J’écris. Je me dis que ça ira mieux dans un moment. Mais ce n’est que piètre subterfuge, qu’écriture alibi. Ce n’est pas une écriture thérapeutique, à la rigueur c’est une écriture cataplasme ! Je ne sais plus où j’ai lu récemment que l’écriture n’était jamais thérapeutique, qu’elle pouvait même être tout le contraire par les apaisements illusoires qu’elle apporte, elle contribue à l’organisation des résistances, elle conduit à la remise à plus tard de la vraie démarche thérapeutique nécessaire.

Ce samedi il pleuvait, il faisait gris et sombre, mais ça c’est peu à peu dégagé dans l’après-midi. Je suis parti, vaguement avec le projet d’aller au cinéma. Mais je n’en ai pas tellement envie finalement. En fait je crois surtout que je n’ai pas très envie d’y aller seul. Encore une fois je n’ai pas réussi à entraîner Constance à faire quoi que ce soit. Trop fatiguée, envie de se reposer, plein d’autres choses à faire, ras le bol, toujours la même litanie. Je suis parti seul donc mais aujourd'hui je n’aimais pas ma solitude.

Je me suis retrouvé encore une fois près de la Grande Bibliothèque, piéton toujours à l’affût, observateur attentif, du ciel, de la découpe des bâtiments dans la belle lumière de l’après-midi, des reflets sur les parois de verre, des gens qui passent… Je fais des cadrages dans ma tête. Il y aurait quantité de belles photos à faire. Je regrette encore une fois de ne pas avoir un appareil photo à la main. Mais ras le bol d’être un œil, de n’être qu’un œil, c’est bien de savoir jouir de ces petits plaisirs qu’offre la déambulation mais ça ne suffit pas, je me sens un peu à côté de la vie, pas vraiment dedans. Je me délecte de ce que je vois, OK mais est-ce que ce n’est pas un substitut facile ça aussi à ce qui ne va pas, une satisfaction à trop bon compte, effet de la méthode Coué et qui ne dure qu’un moment « il fait beau, le ciel est beau, c’est beau, admirons, profitons… »

Temps frais, vent froid lorsqu’on y est exposé et qu’on est à l’ombre. Mais bonne chaleur du soleil qui est de plus en plus présent. Sur le Pont de Tolbiac, ça souffle fort, venu de l’ouest, ça nettoie, ça dépollue, ça sent l’espace, le frais, la mer presque, et puis il y a le fleuve qui coule à mes pieds avec ses péniches qui passent, c’est toujours apaisant l’eau qui coule.

Je me suis installé ensuite dans l’étroit jardin entre la Seine et le quai aux pieds des tours. Je ne m’étais jamais arrêté ici, sous un eucalyptus, avec de la lavande, du thym, des herbes méditerranéennes dans les plates-bandes et, avec ce soleil qui donne, ça sent, oui, et ça c’est un vrai bonheur.

Je commence à me sentir mieux finalement. Je jouis en effet de ce qui m’entoure sans que les idées mauvaises de tout à l’heure y fassent trop écran, je me sens apaisé, à peu près… Il n’y a pas à dire, ça marche cette écriture…

Même si ce n’est pas thérapeutique.
Même si ce n’est qu’un leurre qui détourne, même si ce n’est qu’un alibi.

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23/06/04 : Semaine tunnel :

C’est la période où je suis dans le boulot comme dans un tunnel. Réunions tous les jours, travaux de préparation avant et après, gestion courante à assurer néanmoins, quand tout ça est fini je devrais avoir envie de sortir, bouger, voir des gens ou bien envie de passer à autre chose, à l’autre côté de ma vie, lire, écrire, ici ou ailleurs, mais non, je suis vidé de mon énergie, j’ai juste envie de m’affaler…

Dimanche heureusement on a fait une grande randonnée, vingt-cinq kilomètres, les jambes tiraient un peu, j’avais quelques courbatures au lever le lendemain matin, mais cette fatigue là, elle est si bienvenue, elle repose tant de l’autre ! Le corps endolori de douleurs musculaires, c’est le corps vivant, et c’est si bon de sentir son corps vivant.

Lundi soir par contre je n’avais pas envie d’aller à la Fête de la Musique. En rentrant du travail, j’ai côtoyé presque avec hostilité les préparatifs de la fête, les podiums en train de se monter, les essais de sono, l’installation des vendeurs de bière et de merguez, la foule commençant à s’agglutiner. Je me suis senti vieux con, grincheux et râleur, plus sensible aux nuisances qui accompagnent la fête qu’à la fête elle-même. Vraiment tout ça ne me disait rien. Après un moment quand même, je me suis senti un peu mieux, j’ai été faire un tour, j’ai accompagné Constance qui a rejoint la chorale avec laquelle elle chantait l’an dernier et qui se produisait justement pas très loin de chez nous, j’ai écouté un moment sans grand enthousiasme puis je l’ai laissé pour aller faire un tour, finalement j’ai vu quelques trucs sympa, un groupe avec un chanteur plutôt bon qui reprenait des chansons de Brassens, Brel, Gainsbourg entre autres, de façon très personnelle et originale, puis un groupe de percussion qui s’y donnait vraiment et dont l’enthousiasme était communicatif, je me suis laissé un peu entraîner à mon grand plaisir, finalement je suis un peu rentré dans la fête malgré ma résistance première. J’ai retrouvé avec ce groupe quelquechose de l’esprit d’origine de cette fête, très spontané et communicatif, très différent de ce qui en fait désormais l’essentiel, dans notre quartier en tout cas, une bonne occasion commerciale pour les très nombreux cafés du coin et pour les petits vendeurs qui s’y rajoutent, une foule trop compacte, une accumulation de mini-podiums trop proches les unes des autres, des sonos surdimensionnées qui se parasitent mutuellement. Une fois rentré c’était un peu dur : il y avait juste sous nos fenêtres, comme l’an dernier d’ailleurs, un groupe de rap bas de gamme, appuyé sur des jeux de basse répétitifs et si forts qu’ils faisaient trembler les vitres de la maison. Et pendant ce temps, le pauvre Taupin, qui est en plein dans le passage de ses oraux, essayait de dormir, boules quiès dans les oreilles.

Je n’ai pas eu le temps ni l’envie d’écrire pendant toute cette semaine. Ce n’est que ce matin, réveillé très tôt, dans la nuit encore mais sentant que le sommeil m’avait abandonné, que je suis descendu pour écrire ces quelques lignes alors que tout le monde dort encore. De fait j’ai assez mal dormi tous ces derniers jours, j’ai gambergé, parmi d’autres soucis, autour de ce que j’écrivais dans ma précédente entrée, j’y reviendrai sans doute mais pas ce matin, je ne me sens pas l’esprit assez clair ni la plume suffisamment alerte. Et puis le jour se lève, il va bientôt être temps de se remettre en mouvement, repartir pour une journée marathon.

Le week-end va être bienvenu. Et puis la semaine prochaine ça devrait s’éclaircir un peu, je devrais retrouver un peu de temps, ouf...

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27/06/04 : Alibi décidément !

Le week-end m’a permis de souffler un peu. Rythme plus lent, temps pour soi, un peu de cinéma pour voguer ailleurs…

Revenu à la maison ce soir, j’ai envie d’écrire et beaucoup de mal à m’y mettre. J’ai envie d’écrire parce que beaucoup de choses me viennent, se bousculent dans ma tête, envie d’écrire pour ce journal mais ailleurs aussi, pour moi seul, envie d’écrire pour parler à Constance, envie d’écrire pour le plaisir simple des mots et du jeu en participant sur Obsolettres, envie aussi de me lancer dans un récit de fiction plus long, plus ambitieux dont je traîne les éléments dans ma tête depuis un bon moment mais qui a pris plus de consistance au cours d’une de mes insomnies récentes. Mais j’ai du mal à démarrer parce que il faut rentrer dans ce qui est encore un travail, qui nécessite mobilisation, concentration, réflexion, alors que j’ai plutôt envie de repos et de me laisser aller à flotter doucettement.

Il y a aussi que je ne sais pas trop par où commencer. Je m’y suis mis avec ces quelques lignes pour le journal. Par envie de faire le point. C’est significatif. Finalement c’est toujours par là que je commence. Peut-être que j’ai trop tendance à faire le point ! C’est pratique de faire le point, ça détourne de l’action...

Je me sens moins motivé pourtant pour mettre à jour ce journal sur internet et pourtant c’est à ça que je me consacre d’abord. J’ai l’impression que son intérêt s’émousse. La mise en ligne, je le sens bien, est d’abord pour les autres ou plus exactement pour les interactions que l’on espère créer avec les autres. Or j’ai l’impression que celles-ci s’étiolent. Il y a au début une espèce de fascination à se retrouver à travers les autres, semblables et différents, à sentir qu’ils se retrouvent en nous, à construire des relations de par cette simple reconnaissance mutuelle, une sorte de cercle implicite non matérialisé se constitue de gens qui s’apprécient. Il me semble que ce cercle existe toujours mais qu’il se fait plus lâche, que l’écoute se fait plus distraite, les attentes mutuelles sont moins présentes, je lis moins régulièrement et moins attentivement mes favoris, j’ai le sentiment que eux me lisent moins, il est significatif que les correspondances privées se fassent plus rares, on m’écrit moins, je relance moins, c’est un mouvement qui fonctionne dans les deux sens, de moi vers les autres, des autres vers moi.

Mais il y a d’autres éléments, plus profonds, qui me retiennent, me font douter de l’intérêt d’écrire ici, et qui concernent l’écriture intime en général. J’ai pas mal gambergé autour de cette idée d’écriture comme substitut ou alibi. C’et une évidence que cela fonctionne parfois ainsi, je le sais quasiment depuis toujours, on m’aurait interrogé là-dessus bien évidemment j’aurai reconnu sans aucune difficulté cet aspect chez moi, comme chez les autres, peut-être même en ai-je parlé ici ou là dans une de ces chroniques. Mais, et c’est bien là une des ruses de l’inconscient, on peut connaître, savoir, sans en tirer le moins du monde les conséquences qui paraissent évidentes, comme s’il y avait entre nous et nous une sorte d’angle mort, de point aveugle…

Que devrais-je tirer de cette « découverte » ? Écrire moins ? Écrire différemment surtout. Être attentif aux moments où je bascule dans cette écriture alibi. M’arrêter alors et faire ce qu’il convient de faire et dont l’écriture tend à détourner…

Le temps, les années sont passées. Aurais-je dû faire une thérapie ? Aurais-je pu changer en moi des choses qui ont contribué à mon mal de vivre ? Mon écriture, avec d’autres choses (mon investissement professionnel souvent paradoxal puisqu’en même temps j’ai souvent eu le sentiment de ne pas y être à ma place, ma stabilité affective malgré l’érosion des sentiments et l’affadissement du désir), a-t-elle contribué à m’empêcher de faire ce pas vers des démarches thérapeutiques, plus dérangeantes mais peut-être au final plus efficaces pour reconstruire sur des bases meilleures ? Sans doute. Mais le but est-il de changer pour changer, en fonction de l’image que l’on se fait de ce que serait une vie riche, heureuse et épanouie ou bien est-il d’apprendre à s’accepter tel qu’on est ? Je peux me dire aussi que si j’ai trouvé si facilement ces compensations c’est parce que je n’ai jamais (ou rarement) été dans l’insupportable, dans la douleur intense, plutôt dans l’incomplétude, dans la fadeur, dans le manque d’intensité et qu’il ne m’est pas trop dur de m’accepter « à peu près ». Tout est dans cet « à peu près ». Que veut-il dire ? Faut-il s’en satisfaire ? Je vais mieux que je n’ai été à certaines périodes, mais se rajoute désormais en négatif les atteintes du temps et du vieillissement, le sentiment, pour certaines choses, de l’irrémédiable. J’ai été sensible dans mes lectures récentes des diaristes (ben oui, j’en lis encore même si c’est avec moins de régularité) à des considérations là-dessus. Je ne sais plus qui disait (peut-être était-ce l’excellente Camille mais je n’en suis pas sûr) que pour sa mère il avait été trop tard, la compréhension de ce qu’il avait à reprendre était venue trop tard pour qu’il soit réellement possible de faire quelquechose et qu’elle ne voulait pas qu’il en soit de même pour elle. Et puis Alterego parlait de cette grande frustration par anticipation qu’il ressentait à l’idée de ne peut-être plus pouvoir connaître d’autre femme que la sienne avant la vieillesse et la mort. Lui a trouvé sa relance affective et sensuelle mais je comprends très bien et ressens pour moi même ce qu’il disait à ce sujet. Les locutions de la sagesse populaire du genre « il n’est jamais trop tard » ou « mieux vaut tard que jamais » relèvent un peu de la méthode Coué : car, oui, il est parfois trop tard. Ce n’est peut-être pas tout à fait le cas mais il n’empêche chaque année qui passe est aussi, dans tous les domaines, un bouquet de possibles qui disparaissent.

J’ai du mal à écrire disais-je. N’empêche je m’y suis mis et précisément là-dessus, sur mes petites interrogations existentielles. N’est-ce pas une fuite encore ? Sûrement. Sans même parler de la thérapie, j’ai sûrement des choses à faire et à dire dans mon rapport avec Constance, on ne peut plus rester dans cet entre deux, il faudrait vraiment parler, oser tout aborder. Je me trouve mille excuses pour ne pas le faire : son état dépressif, ma propre distance à son égard, l’agacement que j’ai d’elle qui ne m’incite pas à tenter de renouveler notre relation, à la raviver un tant soit peu à défaut de la réenchanter vraiment, ce à quoi je ne crois pas. Mais Constance est là, Constance est le réel présent, l’ici et maintenant, pourquoi me tourner vers mon clavier plutôt que me tourner vers elle. Lui écrire aurait un sens peut-être, lui écrire, pour dire vraiment, pour dire sans tabou, ce que nous ne nous disons plus, ce qui meurt sur nos lèvres. J’ai pensé l’autre nuit aux mots que je lui écrirai, ils ne sont pas encore sur le papier, j’aurai dû commencer par eux et bien non, j’ai commencé comme toujours par l’écriture au miroir de moi-même, par les mots jetés aux inconnus, au lointain inaccessible...

Tiens, juste au moment de poster j’ai fait un petit tour des nouveautés et j’ai trouvé ça chez Azu : « Pourtant c’est ici que je suis et ce n’est pas si mal non plus ». C’est peu dire que ça fait écho aux phrases que je venais d’écrire…

Aller, assez de promenades, assez de bavardages, je m’y mets…

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