LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de Juin 2004 (1°quinzaine)

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01/06/04 : Week-end aixois :

C’était un week-end de conférences et d’ateliers autour de l’écriture autobiographique organisé par l’Association pour l’Autobiographie, un week-end riche mais qui déjà s’éloigne dans le temps, une parenthèse qui se referme, une coupure un peu artificielle dans ma vie, j’étais à la fois très occupé de moi et très loin de moi, en tout cas de ce qui fait mon quotidien mais maintenant c’est fini, j’ai retrouvé mon travail qui sera particulièrement prenant dans les jours qui viennent et ma petite famille. Peut-être faudrait-il que je m’engage un peu plus dans cette association, que je ne me contente pas d’être un observateur passif, ça m’intéresserait beaucoup mais j’ai tant de choses qui me sollicitent par ailleurs, mon grand projet notamment toujours évoqué en creux et qui n’avance guère, je ne peux tout faire…

Week-end intense et concentré. Comment en parler en quelques mots pour conserver l’essentiel sans m’épuiser d’écriture, parler de ce que j’ai entendu mais aussi de ce que j’ai ressenti, des contradictions à l’œuvre en moi, dans mon rapport à l’écriture, dans mon rapport à ma propre vie…

Parler d’abord du simple bonheur du voyage. Merveilleux TGV dont la rapidité toujours m’enchante, le film de la France déroulé en quelques heures, moutonnement de collines très vertes, taches blanches des troupeaux de charolais dispersés dans les champs, jolis villages de carte postale groupés autour de leur église, déjà le franchissement de la Saône puis du Rhône, les escarpements blancs des montagnes calcaires, la plaine fruitière, les haies de peupliers ou de cyprès pour casser le mistral, la garrigue, nous sommes arrivés…

Et parler de cet air si différent dès qu’on débarque du train, de ces odeurs, de ces parfums, de la belle bâtisse où l’on nous mène à la sortie d’Aix, l’allée de platanes, la vaste construction qui s’étage à flanc de colline, rythmée par les arcades entre les bâtiments, les cours plantées, la forêt de pins qui commence juste derrière et dans laquelle il fera bon se promener pendant les pauses, le paysage que je contemple depuis la fenêtre de ma chambre, les toits de tuile ronde, le parc et ses beaux arbres, plus loin la campagne aixoise et la ville qui se devine au fond…

Il me faudrait parler de ces conférences, de ces ateliers auxquels nous avons assistés. De ces auteurs découverts ou retrouvés qui nous sont présentés pendant des tables rondes à Aix même cette fois dans une salle de la bibliothèque, une salle surchauffée, mal aérée, il fait si beau, peut-être faudrait-il être dehors, occupé à se promener plutôt qu’enfermé ici, il faudrait avoir suffisamment de temps pour profiter de tout, enfin nous nous gorgeons de mots à défaut de nous gorger d’air et de lumière ! J’ai découvert Mireille Sorgues, morte à 23 ans, tombée ( ?) d’un train, auteure d’un seul livre, « l’amant », bien avant l’autre, et d’une correspondance amoureuse éblouie. J’ai envie de lire Mireille Sorgues ! J’ai écouté parler d’un Camus solaire, au rapport simple, présentiel au monde et aux corps, très éloigné de l’intellectualisme, se défiant de toute érotique qui cérébralise, c’est une intervention qui m’a particulièrement touché et aussi un peu déprimé, je ne pouvais pas m’empêcher de voir en contrepoint mes propres impuissances. J’ai envie de relire Camus ! J’ai écouté Martin Winckler parler de ses livres écrits en feuilleton internautique, des rapports noués avec ses lecteurs, des conséquences de l’interaction sur la création elle-même. Je l’ai entendu parler de son nouveau livre en cours de rédaction, « les trois médecins », le récit des études de médecine de Bruno Sachs, « un roman autobiographique » à travers lequel il fait passer sa vision extrêmement négative du système hospitalo-universitaire français fait non pour soigner mais pour s’autoreproduire au profit des castes au pouvoir. Beaucoup d’idées me paraissent justes même si elles sont présentées de façon parfois excessives et surtout avec des termes tels (comparaison de l’hôpital avec le système concentrationnaire) que la dénonciation ne peut qu’être affaiblie et même totalement invalidée aux yeux de certains. Il a beaucoup de verve, mais il s’écoute avec un peu trop de complaisance et peut agacer, parfois même ça tourne à la logorrhée tant il aime ses mots. Mais enfin, j’ai envie de lire la suite de Winckler ! Des livres et des livres et des livres, dans quel tiroir du temps les mettrais-je ?

Et puis ne serait-ce que pour mémoire dire aussi l’intervention d’une universitaire d’origine algérienne dont le nom m’échappe, elle parle de ce qui se joue en Algérie, des blocages imposés mais aussi de la puissance de ce qui à l’œuvre sous les voiles, de la force toujours renaissante des corps car « le corps est mouvement », c’est une intervention sensible, pleine de finesse, toute en nuances, un peu écrasée hélas par celle de l’envahissant Winckler. Et parler enfin de ce très beau film vu le soir, « Nos traces silencieuses », où la quête de soi et des origines passe au départ par l’interrogation sur des marques inscrites sur le corps lui-même, des cicatrices héritées de l’enfance…

Mais il me faudrait parler aussi des ateliers d’écriture auxquels j’ai participé. J’ai toujours une réticence à l’idée d’écrire avec une consigne imposée, dans un temps court, qui plus est sous le regard des autres. J’avais l’impression que je serais incapable de rien produire dans un tel cadre. Et bien j’ai été content de l’expérience, l’une des consignes pourtant me paraissait tellement peu inspirante que j’ai failli partir à son énoncé mais je suis resté cependant et avec un peu de temps, un peu de concentration, des idées, des mots finissent par venir, des mots qui ne déparaient pas à côté de ceux des autres. Il y a le plaisir de la lecture ensuite, les mots dits ne sont pas tout à fait les mots écrits, ils se chargent de la sonorité, de la mimique qui les accompagnent, ils se sensualisent, ils prennent chair aussi de l’écoute des autres, de l’approbation reçue.

Et parler aussi des échanges avec les gens que l’on croise à la table des repas ou pendant les pauses, des gens que le plus souvent je ne connais pas. Nous parlons de mille sujets mais souvent de l’écriture, de celle des autres, ou de la notre, j’ai même entendu évoquer un certain Valclair, un diariste en ligne qui aurait parlé dans son journal d’une auteure ici présente, quelqu'un le connaît-il, silence, je suis un peu gêné, je n’aime pas la dissimulation, mais je ne dis rien.

Et parler encore de cette jeune femme chaleureuse, au regard et au sourire clairs, débarquée ici depuis l’autre côté du monde et s’apprêtant à y retourner et avec qui j’ai sympathisé. C’est le genre de femme qui m’attire, les mains, le visage disent qu’elle n’est plus toute jeune mais le corps plutôt menu, allongé, au port juvénile m’émeut. Je n’ai pas le temps même de construire un fantasme, je l’ai à peine recroisée ensuite, mais ça m’a traversé quand même, quelquechose comme « tiens, ce serait bien une petite aventure sans histoire, une parenthèse dans la parenthèse, un moment de tendresse et de plaisir partagé »…

Et parler de mille choses encore...

Mais parler aussi de ce retour à Paris, parler de mes retrouvailles paisibles et bonnes avec Constance qui avait elle aussi passé un bon week-end chez des amis à la campagne. Prendre l’air de nos quotidiens nous fait du bien, à l’un comme à l’autre. Parfois je me sens un peu schizophrène, j’ai tellement l’impression de coller côte à côte des morceaux de vie en un patchwork peu cohérent.

C’est ainsi.

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05/06/04 : Trilogie :

J’ai du mal avec mon quotidien ces jours-ci, avec mon travail surtout, très prenant en ce moment, qui m’envahit la tête surtout, au-delà même du temps que je lui consacre strictement. Mes envies d’ailleurs sont plus fortes que jamais. Rentrant d’Aix, dans la précipitation du retour obligé par une réunion professionnelle stressante dès le mardi matin, je me disais que j’aurais tant voulu prolonger, partir sac au dos le long des calanques, plonger mon corps dans la mer, contempler les levers et les couchers de soleil, descendre en Italie pourquoi pas, trouver aussi de longs moments paisibles, installé sur une terrasse dans la tièdeur du matin, écrire…

Voyager, écrire, aimer, j’ai l’impression que c’est ma trilogie du moment...

Aimer c’est toujours vrai, l’émotion dans la relation c’est quand même le sens de la vie, que ce soit dans l’accomplissement ou dans l’attente.

Ecrire, c’est une vieille envie, toujours bridée, (pas le temps, des choses plus importantes, plus sérieuses à faire, pas le talent) mais qui prend maintenant une autre force parce que je la partage, par la mise en ligne de mon journal, par les contacts que cela génère, par mes promenades et mes (encore) rares interventions chez Obsolettres, par mes contacts épisodiques avec l’APA et notamment par ce que j’ai pu vivre ce dernier week-end.

Voyager, ça aussi j’adore, je ne m’en lasse pas, je me lasserai sûrement d’un trop long voyage, disons que je ne me lasse pas de repartir, repartir pour m’arrêter ensuite, m’arrêter dans un lieu qui soit mien, le lieu de mes repères, mon port d’attache, alterner en harmonie le temps des lieux qui changent et le temps du lieu où l’on s’enracine. Ce lieu ce n’est pas Paris pour moi, c’est ce coin du sud-ouest où paradoxalement je ne vais qu’assez rarement mais qui m’est comme un horizon et que j’ai évoqué dans ce journal en juillet dernier, notamment ici et .

Voilà, il faudrait le temps pour tout ça, pour l’essentiel, de plus en plus j’ai envie d’arrêter mon travail professionnel, non qu’il soit détestable, il m’arrive d’y avoir des satisfactions, mais j’aurais tellement mieux à faire. J’ai de moins en moins envie de remettre à demain, au temps de la retraite (l’affreux mot, non, le mot est beau, l’affreux concept plutôt), à mesure que les années passent on a de plus en plus envie d’être dans le présent, moins de découper la vie en étapes, les lendemains on sait bien qu’ils risquent d’être faits d’un corps moins alerte, de la maladie ou d’un accident imbécile peut-être …

Avec ces trois mots j’avais envie d’écrire « trilogie du bonheur ». Non pas en fait. Disons trilogie de mes envies. Le bonheur c’est autre chose, c’est une satisfaction, un contentement à mettre en toutes choses. Car j’ai connu aussi des temps d’amours malheureuses, d’écritures déprimantes et de voyages qui n’étaient que de mauvaises errances.

Tiens, à propos, les oisillons sur ma terrasse sont nés. Ce matin j’ai approché l’escabeau, j’ai pu regarder le nid par en-dessus, il y a la merlette et à côté quatre toutes petites choses dont je n’ai aperçu que les becs, démesurément ouverts. Je ne sais combien de temps ils resteront là avant de pouvoir prendre leur envol, je vais surveiller ça, j’aimerais bien y assister. Ça c’est un petit bonheur de tout de suite, à moi de savoir en faire mon miel, de cela aussi...

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08/06/04 : Chaleur :

Ça y est. La grosse chaleur est arrivée sur Paris. Je l’accueille avec plaisir, cela sent la fin d’année, les vacances qui approchent, les terrasses de café sont pleines, les filles jolies, il y a des oiseaux qui pépient pour qui prend le temps de les écouter. Bien sûr, il y a les contreparties, la grosse chaleur est vite pénible à Paris (pour ne pas dire tragique comme cela l’a été pour les vieux isolés l’été dernier), la pollution est vite très sensible, poussant plus vers les salles obscures que vers les ballades. Mais on n’en est pas encore là, pour l’instant ce n’est que la première offensive bienvenue de l’été.

J’étais à une réunion en Sorbonne qui s’est terminée assez tôt. J’ai eu plaisir à rentrer à pied en musardant quelque peu. Le rebord sud de la Montagne Sainte Geneviève est un de mes lieux de prédilection. Outre que c’est un beau quartier, ruelles étroites, belles bâtisses 17°, placettes maintenant agréablement plantées de quelques arbres, jolies perspectives, dôme du Panthéon, Tour Clovis se détachant sur fond de ciel, chaque coin de rue m’est ici une mine de souvenirs d’adolescence. Place de la Contrescarpe, rue Rollin, rue de l’Estrapade, rue Tournefort, rue Mouffetard, ce sont les lieux que j’ai hantés, matins et soirs, des années durant, entre mon domicile et le lycée. En chemisette, col ouvert, ma veste sur le poing… Prenant le temps de choisir le côté ombreux des rues pour éviter la trop grosse chaleur du plein soleil… M’arrêtant un moment dans le jardin au pied de Saint Médard, juste pour rêvasser, avant de rentrer vers mon treizième arrondissement par de petites rues tranquilles… Quel sentiment d’être ailleurs, loin de tout, plus près de moi en fait… Quel sentiment de liberté, fut-il précaire!

Plus encore que d’autres années, ce changement de temps accentue mon sentiment de décalage avec mon quotidien, notamment professionnel. Il y a une heure j’étais dans une salle occupé à discuter de projets vaseux, tout cela plus ou moins en langue de bois et j’y étais totalement, intervenant comme les autres, sérieux, concerné et maintenant je suis là en piéton de Paris, si loin, si loin, de mes préoccupations de tout à l’heure que s’en est presque indécent. J’ai tiré le rideau de fer entre les deux morceaux de moi. Enfin un rideau de fer qui n’est pas si imperméable que cela puisque justement c’est dans les interstices qu’il ménage que se niche mon sentiment de malaise jamais très éloigné, vague culpabilité, sentiment d’absence d’unité de la personne.

Je suis installé sur ma terrasse maintenant, il y fait bon dans l’après-midi finissante, j’ai sorti l’ordinateur, j’écris ces lignes, j’observe entre deux mots le manège des merles autour du nid, la merle et la merlette partent alternativement en chasse et reviennent chacun à leur tour, suscitant dès qu’ils s’approchent un grand remuement dans le forsythia, l’explosion des pépiements, je devine à travers les feuilles les cous qui se tendent hors du nid, les gosiers qui s’ouvrent. Je les regarde. J’écris. J’ai eu du mal à poser les premiers mots, je me disais d’abord, sois là, simplement, reste là, paisible, présent à l’instant, qu’as-tu besoin encore d’écrire… Puis les mots sont venus. Certains facilement, d’autres avec un peu plus de difficulté, de tâtonnement de l’esprit. Mais j’écris. Et j’ai le sentiment de me réunifier en écrivant, peut-être est-ce là, au bout du bout du compte, la motivation secrète de mon goût d’écrire, ce qui me pousse à toujours y revenir malgré parfois l’apathie, la difficulté, le doute.

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12/06/04 : Bouquins :

Demain nous tenons un stand au vide grenier du quartier comme nous l’avions fait déjà l’an dernier. On est dans les préparatifs de ce qu’on veut mettre à vendre. J’ai fait quelques piles de bouquins…

Activité pas très bien vécue, comme chaque fois que je tente de mettre un peu d’ordre dans ma bibliothèque. Malaise. De quels livres se débarrasser, pourquoi garder celui-ci plutôt que celui-là ? Pourquoi en garder tant ? Combien en relirais-je, vers combien d’entre eux aurais-je l’occasion de revenir avec plaisir, ne serait-ce qu’en les feuilletant ? Leur accumulation a quelquechose d’étouffant, de mortifère. Ces pages et ces pages tassées, empilées, resserrées sont un concentré de vie, un concentré de ma vie, mais un concentré de passé aussi, de passé mort. Les rangs de livres se masquent les uns les autres, ils s’empoussièrent, rendant leur manipulation désagréable. Je tente de profiter de l’occasion pour remettre un peu d’ordre dans le classement, j’ai quelques grands secteurs dans ma bibliothèque, littérature, histoire, psycho, bd, livres d’art, livres de voyage, cuisine, j’essaie que ce soit à peu près cohérent pour pouvoir les retrouver. J’essaie aussi que ce soit à peu près esthétique dans la présentation mais tout ça c’est un peu la quadrature du cercle surtout dans l’espace restreint qui est le mien.

Je finis par mettre dix, vingt, trente volumes de côté, bon à vendre ou à donner. Et puis dix minutes plus tard je reprends ma pile. Non, celui-ci quand même, je vais le garder, on ne sait jamais, et je le reglisse sur mes étagères…

Tout ça prend beaucoup de temps, la montagne accouche d’une souris.

Par moments, il m’arrive d’avoir le fantasme de me débarrasser de tout, non pas de tout, ce serait absurde, disons de presque tout et de constituer à partir des peut-être deux ou trois mille volumes qui encombrent mes murs et mes étagères, une sorte de bibliothèque idéale, les 100 volumes qui m’importeraient vraiment…

Mission impossible évidemment. Car on aime et on garde des livres pour des raisons qui ne sont pas les mêmes, celui-ci parce qu’on sait qu’on viendra y puiser une référence, celui-là parce qu’on n’exclut pas de le relire ou de le faire découvrir à des proches, cet autre parce qu’un souvenir affectif lui est attaché, celui-ci parce que c’est un beau volume, celui-là parce que c’est une curiosité, une rareté, un livre épuisé et ceux-là, tous ceux-là, parce qu’on ne sait jamais… En tout cas ce sont les raisons que l’on se donne pour masquer peut-être une simple compulsion à l’accumulation, une difficulté à se séparer, à se détacher de ce que l’on a acquis.

Cela dit je sais aussi les bonheurs que j’ai pu avoir à farfouiller dans la bibliothèque des autres, à exhumer des choses, à y faire des découvertes : si c’était ainsi c’est bien parce que ces bibliothèques s’étaient développées au fil du temps, sans excessive volonté de rationalisation, laissant se côtoyer le bon et le moins bon, le précieux et le banal, d’autres peut-être plus tard pourront avoir ce genre de plaisir dans ma propre bibliothèque.

C’est un peu tortueux de se poser ce genre de questions. Mais c’est moi ça. Toujours dans l’interrogation. Je ne peux être ni un accumulateur-collectionneur sans mauvaise conscience, ni un sage détaché sans peine de l’entrave des possessions, ni même quelqu'un qui n’est ni l’un, ni l’autre, qui suit simplement l’impulsion du moment.

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13/06/04 : Journée brocante :

Cette année encore la tenue du stand a été un moment sympa. Il a fait beau et bon, on était dehors, décontracté, au spectacle de tous ces gens si différents qui vont et viennent, passent, s’arrêtent ou pas, farfouillent, questionnent. C’est un moment très convivial, toute la famille s’y met, on se relaie, des amis viennent, nous apporter quelques objets et participent à la tenue du stand, on papote avec les vendeurs voisins, avec les passants qui s’arrêtent.

Je me sentais réticent à ce genre d’opération, me faisant prier pour y participer, craignant de m’ennuyer à attendre le chaland, je trouvais ça vaguement mesquin de chercher à vendre nos vieilleries et d’ailleurs sans intérêt financier (c’est vrai qu’on vend pour des clopinettes, si l’on met en relation le temps passé et le produit obtenu cela ne fait pas lourd de l’heure !). Mais ce n’est pas le but réel finalement, le but il est dans le plaisir de l’activité elle-même, dans le moment convivial, et dans le fait aussi d’accorder une autre vie à des objets dont on n’a plus l’usage et qui valent mieux dans les mains d’autrui que dans une cave ou à la poubelle.

Quelques uns de mes livres sont partis et c’était sans regret, je suis content qu’ils aillent en d’autres mains, surtout si je vois la personne qui achète, si j’ai pu lui dire deux mots, échanger un regard ou un sourire. Bien sûr il y a beaucoup de bouquins qui sont revenus. Je ne les ai pas réintégrés dans la bibliothèque, ils sont partis affectivement, j’ai rompu le cordon avec eux (si j’ose dire !), je les laisse dans leur caisse, je les case dans un petit coin de cave et vogue le temps, l’en prochain je prévois déjà de renouveler l’opération, tous ces livres sont prêts pour venir occuper un stand, prêts à partir dès qu’ils auront trouvé qui peut leur donner une nouvelle vie. Finalement c’est une réponse pas désagréable à mes interrogations d’hier, une réponse du côté de la vie.

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