MOIS
de Mai 2004 (2°quinzaine)
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20/05/04 : Difficulté
d'écrire :
Je n'arrive pas à écrire en ce moment.
Il y a des sentiments que j'aurais voulu évoquer, des pensées
qui m'ont traversé la tête que j'aurais voulu approfondir,
je ne parviens pas à m'y mettre. J'ouvre l'ordinateur, j'écris
une ou deux lignes, je sens que ça ne vient pas, je n'insiste
pas. J'ai vu en passant chez Obsolettres deux thèmes en cours
qui m'attiraient plutôt, là non plus rien à faire.
Et je m'aperçois que j'ai même omis de mettre en ligne
la dernière mise à jour de ce journal, écrite samedi
dernier et, il est vrai plutôt sombre, cela explique-t-il cela
Il faut dire que j'ai beaucoup de travail en ce moment
et dans un climat qui est loin d'être bon, de nouveaux problèmes
ont surgis, l'équipe réagit mal, il faut que je fasse
avec, tout ça pompe complètement mon énergie, lorsque
je rentre j'ai juste envie de laisser aller, de détente.
Et puis il fait beau. Je m'installe alors sur la terrasse,
je reste là à boire un coup, à lire un journal
ou un bouquin, à rêvasser, on dîne, ensuite je reste
dehors aussi longtemps que je peux lire. Quand je remonte, je jette
un coup d'il à mes mails, je zappe un peu sur internet,
lis quelques diaristes plutôt en diagonale puis je sens trop vite
l'envie de dormir qui me gagne.
Ce matin c'est un peu différent, la journée
est fériée, agréable coupure en perspective même
si je n'ai pas le pont et que je travaille demain. J'en profite pour
écrire ces quelques lignes au lever.
Non sans me demander si cela a du sens, cette entrée
finalement est sans intérêt, ne l'ai-je pas écrite
simplement à cause d'une espèce de culpabilité
à être absent trop longtemps, par peur de me faire oublier
de mes quelques lecteurs ? Je ne l'aurais pas écrite dans mon
ancien journal, pour moi seul, et cela montre bien en effet que quoique
je veuille ce journal est différent de ce qu'il fut du fait même
d'être un tant soit peu donné à lire, adressé
à des lecteurs fussent-ils inconnus.
Bon, essayons de démarrer cette nouvelle belle
journée sans trop de questions. On va prendre les vélos
et filer vers la Villette le long des canaux, ça fait longtemps
qu'on n'a pas été dans ce secteur, on va y passer la journée,
petit tour à la Cité des Sciences et visite de l'expo
du Musée de la musique au programme...
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21/05/04 : Escapade
cycliste :
Finalement ça ne s'est pas du tout passé
comme je m'y attendais. Constance se sentait fatiguée, mal fichue,
mal de ventre, mal de gorge, tout quoi, bref des tas de symptômes
physiques causés par son état dépressif latent
ou venus le conforter. Cela m'exaspère. Je ne la supporte plus
quand elle est ainsi.
En fait c'est plus compliqué, disons que je
la supporte mal mais en même temps je la supporte très
bien et j'y trouve même je crois un bénéfice secret
et pervers. Je peux prendre prétexte de cet état précaire
pour ne rien chercher à changer dans notre relation, pour laisser
aller avec fatalisme, pas la peine de chercher à se parler, elle
est trop fragile, elle n'est pas en état d'aborder certains problèmes,
je risque de lui faire mal, etc... En réalité n'est ce
pas notre silence qui nous fait mal, à tous deux, depuis trop
longtemps? Nous avons si peur sans doute que nous préférons
encore tout ce qui le conforte à ce qui risquerait de le briser
Nous avions prévu de partir ensemble dès
le matin, de nous offrir un petit repas en terrasse quelquepart au bord
d'un quai, en amoureux si l'on peut dire. Et bien non, tout ça
tombait à l'eau. Je suis resté à la maison jusqu'en
début d'après-midi, histoire de voir si ça allait
aller mieux, si elle allait sortir un peu de sa passivité et
de son malaise, j'ai essayé de la convaincre doucement de se
bouger un peu, je lui ai proposé juste un ciné et une
petite ballade à pied si elle se sentait trop fatiguée
pour le reste. Quand elle a commencé à dire qu'elle allait
venir puisqu'il le fallait, qu'elle s'y sentait obligée par mon
insistance, là j'ai arrêté les frais, je lui ai
dit " repose toi ", sans doute pas sur un ton bien compatissant,
j'ai pris mon vélo et je suis parti.
J'ai filé vers la Villette, grande traversée
de Paris, arrivé là je n'ai pas eu envie de m'arrêter.
J'ai passé le périphérique, j'ai continué
le long du canal de l'Ourq. Cela faisait un moment que je n'étais
pas venu là, la dernière fois nous avions fait une rando
d'une grande journée jusqu'à Meaux, la traversée
au-delà de la Villette, avant de rejoindre la campagne, était
peu agréable, on traversait des zones d'entrepôts, on pédalait
sur de mauvais chemins de halage non aménagés, ce n'est
plus pareil, le cheminement cyclable est continu (même si parfois
c'est encore des pavés), les berges sont la plupart du temps
aménagées (même si c'est toujours au milieu des
friches industrielles et des emprises SNCF) et alors que nous n'avions
croisé que peu de monde, désormais il y a quantités
de cyclistes, des rollers, de promeneurs tout au long de l'itinéraire.
C'est un autre look ici que sur les quais de la Seine
le dimanche, c'est moins bobo et plus 9-3, beaucoup de jeunes blacks-blancs-beurs
qui chahutent sur leurs vélos, un groupe ici occupé à
réaliser des tags artistiques sur les longs murs tristes qui
bordent le quai, de-ci de-là des papis qui pêchent, une
odeur vive de pins tout à coup, exaltée par la chaleur
de l'après-midi, un instant on se croirait en terre méditerranéenne,
c'est le Parc de la Bergère à Bobigny. Je m'arrête
un moment. Les pelouses sont noires de monde, beaucoup de familles,
des enfants qui chahutent, bref c'est comme dans tous les parcs par
une après-midi fériée chaude et ensoleillée.
Mais beaucoup de familles musulmanes ici, beaucoup de femmes voilées,
trop, bien plus assurément qu'il y a quelques années,
on sent que le communautarisme gagne. Là un groupe de jeunes
qui s'entraîne à la capoeira, un peu plus loin toute une
troupe de garçons et de filles qui forment une espèce
de chorégraphie mimant des combats aux bâtons sur une musique
africaine très rythmée, ici au moins c'est très
mixte, filles et garçons, noirs et blancs, l'ambiance a l'air
très festive et très chaleureuse, là ça
donne un peu espoir sur ce qui peut sortir de ce melting-pot.
Je poursuis plus loin, à partir de Bondy, Livry-Gargan,
Sevran le paysage change, la verdure se fait peu à peu plus présente,
les arbres sont plus grands et couvrent de leur ombre les berges du
canal, l'habitat se fait pavillonnaire avec même dans certains
secteurs de belles villas. J'atteins le Parc forestier implanté
sur les terrains de l'ancienne poudrerie de Sevran. Je l'explore à
loisirs, des constructions surgissent ici ou là, des bâtiments
d'époque remis en valeur et qui semblent désormais des
folies de jardinier alors que c'étaient en réalité
des éléments fonctionnels du site industriel. Je m'arrête
un long moment auprès d'un superbe séquoia et cela me
fait tout à coup une réminiscence de Californie d'autant
que passent à mes côtés deux gardes forestiers à
cheval
Je me suis senti comme une envie de continuer, d'aller
plus loin, pourquoi pas, filer plus loin, jusqu'à la nuit, m'arrêter
dans un petit hôtel à Meaux ou plus loin, ne pas prévenir,
ni la maison, ni le bureau, m'offrir une escapade
Je suis trop sage, évidemment je ne l'ai pas
fait, j'ai tourné mon vélo dans l'autre sens et j'ai repris
le chemin de Paris.
J'ai retrouvé la maison et mon face à
face avec Constance à la triste mine, les garçons qui
mettraient un peu d'animation en effet ne sont pas là, Bilbo
est au ciné, Taupin est parti pour le week-end chez sa copine
à la campagne. Là, pour le coup, je me suis collé
sur mon ordinateur et j'ai commencé ces notes pendant que Constance
allait s'affaler devant la télévision.
Enfin j'ai été content de ma sortie quand
même, de ce que j'ai fait par moi seul et pour moi seul, content
de cette solitude, de la liberté qu'elle m'a conférée
dans le choix de mes destinations et de mes rythmes mais triste aussi
de cette solitude, de cette promenade sans partage.
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23/05/04 : Collections
:
Hier j’ai fait mon achat rituel du mois de mai,
mes trois volumes de la Pléiade qui me donnent droit pendant
la quinzaine à un volume hors commerce, iconographie commentée
chaque année d’un auteur différent, disponible seulement
pendant cette période. J’ai commencé ces achats
il y a pas mal d’années et je n’y ai jamais manqué.
Non sans parfois quelques hésitations. Qu’est
ce que ça veut dire cette accumulation ? Pourquoi acheter parfois
non par envie vraiment de lire tel ou tel livre mais pour être
sûr de ne pas manquer tel album, pour ne pas interrompre la série
? N’est-ce pas encore une possession qui contribue à aliéner
ma liberté ? Combien de pages lirais-je vraiment de ces murs
de bouquins qui tapissent mon appartement ?
Cette année je ne me suis pas posé trop
de questions heureusement. Bon je sais bien que ce goût de la
collection a quelquechose d’un peu névrotique. Et alors
? Ce n’est qu’une petite névrose pas bien méchante.
Après tout c’est la même disposition mentale qui
est à l’œuvre quand je collectionne les diaristes
rencontrés au cours de mes explorations, ou même dans tout
ce processus d’écriture : qu’est ce qu’un journal
sinon une collection de moments vécus, une volonté de
retenir ce qui coule inexorablement, une tentative de réassurance
par l’accumulation, l’avoir privilégié par
incapacité sans doute à être pleinement et totalement
dans l’être.
Je sais tout cela depuis belle lurette. Un changement
radical n’est pas à ma portée. Donc je fais avec
et dans ce cas il vaut mieux le faire sans s’en traumatiser ou
s’en culpabiliser. Je peux me payer ces bouquins sans difficultés,
il n’y pas donc à en faire un fromage. Je pourrais même
me dire que c’est ma modeste contribution à la frénésie
de consommation à laquelle on nous invite pour faire tourner
l’économie, puisque je ne change pas de bagnole tant qu’elle
n’est pas à bout de souffle et bien au moins j’achète
des bouquins !
En plus ces achats pas vraiment indispensables m’ont
permis souvent de belles découvertes d’auteurs que je n’aurais
pas été chercher sans cela. Walter Scott l’an dernier
par exemple, je n’ai lu que Waverley mais c’était
un vrai voyage et Simenon aussi, là c’était plutôt
une redécouverte mais quelle vision différente entre une
lecture d’adulte et mes lectures adolescentes. Et surtout il y
a quelques années la saveur incomparable du Jin Ping Mei, la
découverte de tout un monde tellement éloigné de
moi rendu incroyablement vivant et présent. Alors cette année
j’ai acheté « La règle du jeu » de Leiris,
un monument prisé et atypique du monde autobiographique dans
lequel je souhaite depuis longtemps aller faire un tour et puis un autre
grand chinois « Le rêve dans la pavillon rouge » dont
j’espère qu’il m’apportera de jolis bonheurs
comme le Jin Ping Mei. Pour l’instant ces bouquins me narguent
sur ma table de nuit, je n’ai pas le temps de m’y plonger,
j’ai lu juste quelques pages de ci de là pour me faire
la bouche, comme d’habitude ce seront surtout des lectures pour
l’été…
Á part ça, on verra que j’ai changé
ma page d’accueil. J’aimais bien pourtant cette idée
d’offrir d’emblée le texte du jour à mes lecteurs,
je réalise cependant que je perds beaucoup de temps à
chaque mise à jour en copier-coller, déplacement, insertion
de liens, sans parler des jours où je me prends les pieds et
oublie une étape de ma mise à jour, franchement comme
ça c’est bien plus simple, allez chers lecteurs, il ne
vous en coûtera qu’un clic supplémentaire…
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24/05/04 : Très loin,
très près…:
Bonne journée que celle d’hier, un dimanche
paisible. Pas très active mais productive tout de même
et surtout vécue paisiblement, sans cette culpabilité
que j’ai parfois à ne pas faire tout ce que j’avais
prévu.
J’ai pas mal travaillé sur mon projet.
J’ai zappé assez agréablement chez les diaristes.
J’ai un grand plaisir à en découvrir de nouveaux.
Il y a toujours un peu d’excitation à pénétrer
chez quelqu’un que l’on ne connaît pas encore, à
découvrir un petit bout de vie puis un autre, puis encore un
autre, l’immense diversité de l’humain. Bien sûr
on sait d’emblée que dans la grande majorité des
cas, ce ne pourra être qu’un croisement de hasard, juste
un instant, une lucarne entrouverte mais forcément vite refermée.
Il y a tant de blogs, tant de journaux, que la vie entière ne
suffirait pas à qui voudrait suivre ne serait-ce que ceux qui
témoignent d’une expérience, d’une personnalité
ou d’une écriture un tant soit peu intéressante.
Il faut se résoudre donc à un aperçu très
bref, s’en contenter, se prémunir contre un possible sentiment
de frustration. Il faut se dire que la blogosphère c’est
comme une voie lactée, comme une myriade d’étoiles
que l’on voit scintiller au loin, on lève le nez, on en
fixe une qui parait belle, un peu au hasard, un instant, le temps d’une
brève rêverie puis l’on redescend le regard, voila,
on sait très bien que l’on n’ira pas plus loin, il
faut se contenter de l’éclat un instant perçu…
Mais il y aussi des diaristes plus proches, ceux qui
sont rentrés peu ou prou dans mon intimité et que je suis
plus ou moins régulièrement. Les favoris de mes favoris
évoluent, selon les moments, selon mon état d’esprit,
c’est tel(le) ou tel(le) que j’irai lire avec le plus d’intérêt.
Il y en a que j’abandonne un long moment mais je sais que je retournerai
vers eux, que j’irai voir un jour ou un autre, où ils en
sont, vers où ils vont. J’aime aussi les recoupements qui
apparaissent entre certains journaux, j’aime ce petit instant
très particulier où je perçois ou comprends une
facette de l’un à la lumière de ce qu’en dit
un autre. J’aime découvrir des liens, j’aime que
le puzzle se construise. Ce petit moment privilégié a
quelquechose sans doute de l’excitation du limier qui découvre
un nouvel indice. La vie de chaque protagoniste perd un peu son caractère
abstrait, s’étoffe, prend plus d’épaisseur,
plus de réalité à se trouver mise en lien avec
celle d’un autre.
J’avais eu cette impression, je m’en souviens,
lorsque lisant sans rien y chercher de particulier le journal d’une
voyageuse québécoise j’avais soudain fait le lien
avec l’amour transatlantique de
l’Idéaliste. J’ai eu une impression similaire
ces jours ci lorsque j’ai deviné le très apprécié
Gargil dans une
entrée de la non moins appréciée Camille
ou bien encore lorsque j’ai vu surgir de l’autre côté
de l’Atlantique sous la plume de Lou
et sous celle d’Ophélie,
l’ami Philippe
Lejeune, que j’ai moi-même l’occasion de rencontrer
dans de communes activités apaïstes.
Il n’y a pas de doute finalement que c’est bien cette création
de réseaux, aussi ténus, immatériels, que soient
les fils qui les assemblent qui donne son véritable prix à
l’activité diaristique internautique. Ces diaristes là
ne sont pas dans les étoiles, ils sont sur notre terre, au coin
de la rue peut-être ou à quelques heures d’avion,
ils forment un réseau seulement virtuel d’abord mais qui
se tisse peu à peu et qui peut aussi fort bien émerger
dans la vie réelle, dans la proximité concrète.
Et plus près, plus près encore, il y
a eu ceci, une toute petite chose, et pourtant…
Dans le forthysia de la terrasse, à peine masqué
par les jeunes feuilles, assez bas pour qu’en me hissant sur la
pointe des pieds je puisse le toucher si je le voulais, un nid a été
construit. Nous en connaissons bien les occupants, ce sont un merle
et une merlette qui fréquentent assidûment notre plate-bande,
parfois lorsque nous déjeunons sur la terrasse ils n’hésitent
pas à virevolter tout près de nous, à picorer des
miettes tombées au sol, une fois même où la porte
était restée ouverte j’ai vu le merle se risquer
à l’intérieur dans l’entrée de la maison.
Nous observons leur manège avec émotion mais sans toutefois
oser les approcher de trop près par peur de les déranger
et de les effrayer. Je ne peux m’empêcher de penser qu’ils
ont choisi cet endroit parce qu’ils s’y sentent en sécurité,
parce que nous, les habitants du lieu, nous leur paraissons amicaux.
J’en ressens presque de la fierté, comme si c’est
moi qui était choisi, comme si cette compagnie qu’ils nous
offrent était un cadeau personnel à nous adressé.
La réalité est certainement bien plus prosaïque,
ils sont dans le secteur, c’est tout, mais ça ne fait rien,
je fais comme si il y avait là-dessous une petite marque intentionnelle.
J’imagine que pour qui vit à la campagne, tout cela doit
être très banal et mon enthousiasme doit paraître
bien disproportionné mais ici en plein Paris, c’est un
petit bonheur presque miraculeux que ce petit bout de vie et de nature
qui se donne à nous, un cadeau précieux qu’il faut
savoir apprécier. Et je crois bien que cette découverte
minuscule n’est pas pour rien dans la lumière plutôt
claire dont mon week-end a finalement été baigné.
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27/05/04 : Engueulade saignante
:
Pourtant je sortais du cours de yoga. J’étais
censé être détendu, serein, empli de sentiments
et d’attitudes positives, mais la soirée cependant a tourné
au vinaigre et s’est terminée après des violences
verbales dans l’acrimonie et le silence.
Comment est-ce que ça a commencé ? À
partir de quel lapsus de communication, de quel incident dérisoire
? Notre vieille tente que nous n’avons pas utilisée depuis
plusieurs années est dans un triste état et pour nos vacances
qui ne sont guère organisées pour l’instant nous
avons vaguement l’idée de balades itinérantes pour
lesquelles une tente serait précieuse. Constance donc en a acheté
une hier, qu’elle voulait utiliser dès ce week-end, elle
va à une fête à la campagne pour l’anniversaire
d’une amie et en aura besoin. Elle a voulu en vérifier
le montage, elle a tout déballé dans le salon et a commencé
l’opération avec beaucoup de difficultés. Moi j’étais
occupé à autre chose. J’ai senti qu’elle attendait
un coup de main. Je suis donc descendu mais très à contre-cœur
et j’ai commencé à l’aider sans que nous ayons
ensemble plus de réussite. Et plutôt que de dire simplement
et calmement que j’arrêtais parce que j’avais autre
chose à faire j’ai continué mais en pestant, en
manifestant ma mauvaise humeur de plus en plus vivement. Les mots sont
montés assez vite. Elle s’est auto-accusée, disant
que toutes ses initiatives étaient nulles, qu’elle ne faisait
qu’emmerder le monde, j’ai vaguement protesté mais
avec une telle mollesse que cela valait approbation et elle l’a
bien senti. D’autres griefs sont sortis d’elle à
moi et de moi à elle, mais jamais clairement, toujours de façon
indirecte, détournée, mêlant toujours comme nous
en avons l’un et l’autre la spécialité, attaques
contre l’autre et dévalorisation plus ou moins sincère
de soi. Bilbo s’est même mis de la partie en venant nous
dire avec virulence de cesser de nous énerver comme ça,
que c’était débile. On a fini par ranger cette foutue
tente. J’ai éprouvé le besoin d’aller faire
quelques pas pour tenter de me calmer puis j’ai essayé
de me remettre sur l’ordinateur, j’ai senti la rage de Constance
contre la machine prédatrice, (oui, les frénésies
d’ordinateur et d’internet ce peut être un joli symptôme
et l’équivalent de la maîtresse de Monsieur !) mais
moi j’avais envie de ce dérivatif, de ce refuge, de cette
fuite, je n’avais aucune envie de tenter de lui parler, aucune
envie de tenter de dénouer les choses, je me sentais simplement
exaspéré. Je l’étais tellement d’ailleurs
que je ne suis parvenu à rien sur l’ordinateur, que je
l’ai très vite éteint rageusement. Je me suis couché,
elle s’est couchée près de moi, mais le lit est
large, il n’y a pas eu de réconciliation sur l’oreiller,
il n’y avait que ses sanglots étouffés et ma colère
muette…
J’ai eu tort, elle a eu tort, nous avons eu
tort. Ça n’avance guère de le dire !
Ce matin elle était encore d’humeur exécrable,
elle est partie au travail avec les larmes aux yeux, je n’étais
guère plus réjoui au fond de moi même si je n’ai
pas les mêmes façons de le montrer, nous avons eu l’un
et l’autre une grosse journée, en rentrant ça allait
plutôt mieux, on a reconnu qu’on avait déconné
l’un et l’autre, on va rendre la tente, en acheter une autre,
voilà, mais ce n’est pas pour ça qu’on ira
au fond des choses, au pourquoi de ces comportements absurdes.
Et je repense au yoga. Tout me dit qu’il y a
là une approche qui devrait m’aider à éliminer
au moins en partie ces attitudes débiles. Mais encore faudrait-il
rentrer vraiment dans une pratique personnelle, même limitée,
dans « une pratique persévérante et détachée
» comme dit le prof. Ce ne sont pas les deux heures hebdomadaires
de discussion et de pratique que j’effectue avec le groupe qui
suffisent, elles ne sont qu’une brève parenthèse
trop déconnectée du reste de ma vie, elles me font simplement
prendre conscience de certaines dimensions et de certaines pistes. Si
je ne parviens pas à pratiquer ne serait-ce qu’un peu tout
seul, c’est sans doute que je n’ai pas encore, de façon
profonde, la conviction que cela pourrait m’aider à changer
dans un sens positif…
Il faudrait que je m’y essaye, vraiment, je
voudrais tant me débarrasser de la colère…
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