01/06/03
: Vieillir, déjà !
J'y pensais en descendant au marché
ce matin : huit heures et demi, une journée qui commence, je suis en short
et chemisette, il fait délicieusement bon, on entend les oiseaux chanter,
l'air est léger, le jardin public que je longe exhale sous les premières
chaleurs des fragrances de fleurs et l'odeur délicieuse du figuier du square.
Il y a peu de monde au marché encore à cette heure-ci, les commerçants
achèvent d'installer leurs étals, l'ambiance est décontractée.
Tout donc pour se sentir bien
et pourtant je ne suis pas tout à fait
là, je repense à mon gros coup de déprime de l'autre soir
De
fréquents moments de vague mal-être, des questionnements existentiels,
certaines difficultés relationnelles tout cela pour moi ne date pas d'hier,
il me semble que cela m'est quasi consubstantiel. A certaines périodes
ça s'est manifesté par des crises difficiles à vivre. Mais
aujourd'hui il y a il me semble une nouvelle dimension. Ces difficultés
ne sont pas plus aigues, je les ressens plus ou moins intensément selon
les jours mais elles sont là en permanence, elles colorent même de
bons moments, c'est comme une espèce de toile de fond, comme une ombre
malveillante qui s'insinue partout et ternit les bonheurs, érode les joies.
Ce
qui change peut-être c'est que j'ai pris conscience que je vieillissais.
Jusque
là je le savais bien sûr mais je n'en étais pas autrement
affecté, c'était une simple fatalité dont je ne voyais pas
le lien avec l'immédiat de ma propre vie.
Or cela change. Physiquement
rien de bien méchant : ma chevelure qui perd un peu de son épaisseur
et qui remonte plus haut sur mon front, ma peau si lisse qui se plisse en certains
endroits, un genou qui me fait mal parfois après de longues marches
Mais dans ma tête c'est autre chose : La perspective, indépendamment
même d'accident ou de maladie évidemment possible, d'être un
jour limité dans ce que je fais par les atteintes de l'âge ne me
parait plus située dans un horizon indéfini. C'est que je vois la
génération de mes parents confrontée aujourd'hui à
ce basculement dans la vraie vieillesse, des personnes qui, il y a vingt ans,
étaient des adultes en pleine possession de leurs moyens, des gens de nos
âges aujourd'hui. Or vingt ans cela passe vite, il me semble que les années
défilent de plus en plus vite. Quoi l'élection de Mitterrand c'était
il y a plus de vingt ans ! Quoi la chute du mur de Berlin, c'était il y
a plus de dix ans ! Mais c'était hier !
Et le décès
de Maman il y a quelques mois même s'il était prévisible,
souhaitable presque compte tenu de la maladie qui était la sienne, a marqué
pour moi une étape dont je n'ai pas eu conscience sur le moment, le passage
dans un autre temps. Brusquement, même si Papa est encore là, j'ai
eu l'impression désormais d'être en première ligne.
Avant
je pouvais avoir des souffrances vives devant certaines difficultés (très
vives, des souffrances plus violentes qu'aujourd'hui) mais elles n'étaient
inscrites que dans le présent. L'avenir était ouvert. Demain c'était
un autre jour. La vieillesse et la mort n'étaient qu'abstractions.
Maintenant
au contraire une dimension temporelle s'introduit, j'ai conscience que chaque
année qui passe ferme le jeu et limite les possibles, que l'occasion manquée
peut-être ne se retrouvera pas.
Ce qui accentue la souffrance aujourd'hui
c'est donc cette révolte impuissante contre le passage des années,
contre le fait de pouvoir de moins en moins devenir autre que ce que l'on est.
Peut-être
est-ce une étape. Peut-être après vient la sérénité.
Peut-être
Je n'y crois pas trop.
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02/06/03
: Vieillir, bis :
Dans le Monde l'autre jour, pour
clore la série que ce journal faisait sur l'histoire de l'ascension de
l'Everest, il y avait le récit de la montée au sommet d'un japonais
de 70 ans. Lequel japonais avait descendu quelques mois plus tôt la Mer
de Glace en ski avec son propre père âgé de 99 ans ! Oui,
oui, 99 ans ! C'est à peine croyable. Voilà en tout cas une information
bienvenue en contrepoint de mes interrogations un peu sombres de ces derniers
jours.
Bien sûr nul ne connaît ce qu'il en sera pour lui et
l'issue pour chacun peut être demain au coin de la rue. Il n'empêche,
statistiquement et socialement, l'âge de l'entrée en vieillesse recule,
le tout est de ne pas la précipiter pour soi-même simplement par
la crainte de sa survenue.
Bref, il faut continuer à aller de l'avant,
faire de nouveaux projets, accueillir le changement, ne pas craindre de se déprendre
de ses habitudes.
Comme l'écrivait Lou,
" elle n'avait plus l'âge de rêver ces folies, il était
grand temps qu'elle les vive "
Lu ceci chez Coronis
au 30 mai:
" A quoi rêvent les gens mariés ? Aux parfums
exotiques, aux saveurs défendues, aux regards lutineurs sous la lumière
cireuse d'un réverbère, aux montées de désirs âpres
et déchaînés, aux rencontres violentes
? A tout sauf
à ce corps placide dont, en propriétaires, ils connaissent par cur
les moindres retraits, extension de chair morte de leur propre châssis
Cette
image du couple traditionnel uni par la tendresse, désamorcé par
l'assuétude et les ans se répand en moi, épaisse nausée
impossible à vomir
"
Elle ne mâche pas ses mots
la douce Coronis !
Cela fait mal parce que c'est un peu ce qui se passe
en moi en ce moment.
Ce n'est pas vraiment d'aujourd'hui : Il y a des années
que je vois notre couple, lentement, tranquillement, paisiblement, évoluer
de la sorte. Des années que je me dis qu'il faudrait que des choses bougent,
que les désirs refleurissent, que les émotions renaissent. Mais
je voyais venir cela placidement avec une vague tristesse et un certain fatalisme
tout en gardant une espérance vague que quelquechose surviendrait
Or, et c'est cela qui est neuf, je me sens en révolte contre cette
situation. Mais d'une révolte qui n'est pas constructive, une révolte
que je ne sais pas comment dépasser. Et tout en ayant conscience qu'il
y a désormais urgence à la dépasser.
C'est là que
se fait le lien avec cette angoisse du temps qui passe.
Et je pourrais citer
Lou, encore, et prendre la phrase à mon compte, je n'ai plus l'âge
de rêver ces folies, il est grand temps que je les vive.
Et puis,
pour parler d'autre chose, ça y est, j'ai fini ma page de liens et je l'ai
actualisée sur le site. J'ai passé trop de temps à papillonner
de sites en sites ces derniers jours. Il faut que je me limite. J'en reste là
pour le moment.
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09/06/03
: Parenthèse à Marly :
Je viens de
passer le week-end à Marly aux journées de l'Association
pour l'Autobiographie.
Je suis membre de cette association depuis deux
ans et je participe de façon épisodique à certaines de ses
activités. Je ne sais trop si j'ai envie de m'engager plus. D'ailleurs
j'ai hésité jusqu'à la dernière minute à aller
à ce week-end. Je me revois vendredi après-midi en train de préparer
mes affaires puis dans les embouteillages en allant vers St Lazare, sur le quai
de la gare ensuite, dans cette ambiance de cohue des jours de grève, venant
de rater un départ et ne sachant pas quand serait le suivant, occupé
à me dire : " mais que vas-tu t'enfermer là-bas, au milieu
de ces gens tellement à leur affaire, tu vas encore te sentir décalé,
mal à l'aise, laisse tomber, reviens tranquillement, il y a tout ce que
tu as à faire à la maison et puis tu pourras profiter de cette liberté
de ton temps dégagé, tu pourras musarder, profiter du beau temps
qui s'annonce
" Heureusement je n'ai pas cédé à
ces sirènes de la renonciation, je sais trop comment cela fonctionne, j'ai
déjà expérimenté plusieurs fois ce genre de situation
et les regrets qui suivent lorsque je me rends compte que je ne profite pas si
bien que cela du temps dégagé par l'activité à laquelle
je renonce, lorsque j'analyse les vrais raisons de mon retrait : une fuite devant
la difficulté que j'ai à me coltiner à des groupes nouveaux,
à devoir faire un effort d'intégration auprès de gens que
je ne connais pas.
Ce week-end toutefois me laisse une impression étrange,
sentiment d'une parenthèse par rapport à tout ce qui fait le reste
de ma vie. Pendant deux jours on vit sans en sortir dans un espace qui semble
loin de tout, l'endroit est calme, on ne se croit pas si près de Paris,
on est coupé des bruits de la ville et du monde : est-ce que l'espoir se
lève en Palestine, où en sont les grèves, qui a gagné
Rolland Garros ? On participe aux diverses activités sur place, conférences,
ateliers, spectacles, on mange sur place, on dort sur place, on n'a pas le temps
de sortir, on se promène dans le parc du centre dans les rares moments
de liberté entre les activités. Je partage ma toute petite chambre
avec un autre participant que je ne connais pas, il n'y a pas de lieu où
se retrouver vraiment seul, où se mettre un peu à distance, il me
manque d'avoir un peu de temps pour moi.
Les activités auxquelles
j'ai participé m'ont inégalement intéressé. J'ai mal
choisi les ateliers auxquels je me suis inscrit, je me suis rendu compte à
posteriori que d'autres auraient bien plus correspondus à mes attentes.
Il y a eu de très bonnes choses aussi, en particulier la table ronde consacrée
aux identités croisées où des intervenants ont présenté
leur cheminement entre des cultures parfois très différentes, la
difficile constitution de leur identité propre, la place dans ce processus
qu'a tenu ou tient leurs écritures intimes. J'ai aimé aussi le spectacle
théâtral réalisé en collaboration entre un enseignant
de lycée professionnel et une troupe de théâtre à partir
des écrits sur eux-mêmes produits par les élèves. Le
résultat est un vrai spectacle de qualité professionnelle auquel
on a un réel plaisir à assister. Au-delà, la présentation
par le prof de sa démarche de travail avec les élèves, l'engagement
qui est le sien, la façon dont il contribue à la construction de
ces jeunes qui ont une image si dévalorisée d'eux-mêmes lorsqu'ils
arrivent en lycée professionnel le plus souvent dans l'échec scolaire,
dans les difficultés sociales et personnelles laisse vraiment admiratif
et fait rêver à ce que peut être l'enseignement pour ceux qui
ont la fibre et la force de le faire avec un tel engagement.
Le but de ce
genre de journées c'est aussi les rencontres qu'elles permettent avec des
gens qui nous paraissent intéressants, que l'on découvre à
travers les ateliers ou dans des échanges informels et dont on aimerait
se rapprocher. Mais sur ce plan j'ai toujours une petite frustration. J'ai un
certain mal à me lier. J'ai eu des contacts avec quelques personnes mais
plutôt superficiels, j'aimerais pouvoir aller plus loin. Pour cela souvent
il faut chercher à aller vers les gens, il faut oser s'imposer un minimum,
par exemple aux repas se débrouiller pour se glisser à une table
particulière, porter soi-même la conversation vers là où
l'on souhaiterait qu'elle aille. J'ai du mal. Je me demande toujours si je ne
gêne pas, si je vais être bien accepté, au fond c'est une vieille
affaire, la même peut-être qui a toujours pesé dans mes relations,
vis-à-vis des femmes notamment, c'est toujours la question d'oser manifester
son désir, plus profondément peut-être d'accepter en soi ce
désir, d'en reconnaître la légitimité.
Cela
dit j'ai commencé de m'intégrer, je me suis engagé avec des
groupes permanents qui fonctionnent sur Paris. Mais en même temps cela me
pose un problème. J'ai l'impression d'ouvrir encore un chantier nouveau.
Bien sûr cela s'inscrit dans mes intérêts pour l'écriture
intime, pour la démarche diariste mais cela reste aussi très séparé
de ce qui me motive le plus pour le moment, cette mise en ligne de mon journal,
l'exploration du monde des diaristes, les interactions avec lui. L'association
n'est pas encore très tournée vers le diarisme internautique même
si elle ne l'exclut pas. Et de toute façon pour de simples raisons de confidentialité
et d'anonymat je ne me vois pas pour le moment faire une sorte de coming-out en
tant que diariste en ligne au sein de l'association. Ce qui rajoute encore un
peu de schizophrénie dans ma façon de fonctionner entre les divers
lieux où je m'exprime, dans mon travail, dans ma vie familiale, dans cette
association, ici enfin qui est finalement le lieu où j'articule ces différents
aspects de moi-même.
Toujours est-il que je reviens de Marly avec
divers projets, des bouquins achetés sur place à lire, des idées
de réflexions à mener, l'envie de déposer certains de mes
anciens textes dans le fonds de l'Apa et pour cela de les relire, de faire un
tirage propre, de les relier
Bref du boulot. Et d'un autre côté
j'ai envie de venir écrire ici, d'aller faire un tour chez mes diaristes
favoris que je n'ai pas visité depuis plusieurs jours, de continuer à
aller à la découverte
Et tout le reste !
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10/06/03 :
Démotivation totale :
Je me sens en état
de démotivation totale par rapport à mon travail.
J'ai déjà
connu cela il y a plusieurs années. A l'époque j'étais parvenu
à sortir de la difficulté par le haut, en prenant de nouvelles responsabilités.
Ca ne me parait plus possible aujourd'hui. Des responsabilités supérieures
me mèneraient à des types de poste dans lesquels je jouirais d'une
moindre liberté, dans lesquels je m'éloignerais du terrain, où
la transmission de la parole venue d'en haut deviendrait prépondérante,
où il faudrait sans cesse s'inscrire dans de dérisoires stratégies
de séduction et de pouvoir. Il n'en est pas question. Je supporte de moins
en moins la langue de bois hiérarchique. (Je ne supporte pas plus la langue
de bois syndicale d'ailleurs).
Jusque là j'assumais sans trop de
peine les aspects de mon travail qui me plaisent moins en m'appuyant sur ceux
que j'aime bien, ceux par lesquels je me sens utile pour les personnes qui s'adressent
à nous.
Aujourd'hui je sature. J'ai l'impression d'une répétitivité
de plus en plus pesante. Chaque année reprendre les mêmes choses
avec peu ou prou les mêmes équipes, retrouver les mêmes étapes
de travail dans les diverses phases de l'année, retrouver chaque fois peu
ou prou les mêmes tensions entre les gens et les même problèmes
récurrents, cela me devient insupportable. Je regrette vraiment de n'avoir
pas obtenu la mutation que j'avais souhaitée et qui m'aurait donnée
un peu d'air.
C'est aussi que la part extérieure de mes activités,
et notamment tout ce qui tourne autour de l'écriture et du diarisme, prend
une place de plus en plus grande. A mesure que cela compte plus dans ma vie, ma
vie professionnelle elle compte moins. Elle n'est plus le centre, cela devient
de plus en plus simplement ce qui m'assure des moyens d'existence. Je déteste
cette idée et pourtant c'est ce qui en train de se produire. Pourtant,
en heures passées, en préoccupations ramenées à la
maison, cela reste très lourd. Mais ma vraie vie n'est pas là. Comment
m'investir alors ? C'est un investissement minimum justement qui rend ces heures
supportables, comment se sentir bien lorsque celui-ci se délite, plus exactement
lorsque se succèdent moments où l'on tente de faire face, d'y croire,
d'investir et moments de totale démotivation comme aujourd'hui.
La
crise actuelle profondément déstabilisatrice n'arrange pas les choses
mais je ne pense pas qu'elle soit la cause. C'est plutôt un accélérateur,
un révélateur en ce qu'elle force aussi à s'interroger un
peu plus au fond sur ce que l'on fait.
Les mouvements persistent dans un
climat de plus en plus mauvais où s'affrontent dans des termes parfois
durs partisans des grèves et partisans d'une suspension du mouvement. Tout
cela dans chacun des " camps " pas forcément pour de bonnes raisons.
Les questions financières d'ailleurs légitimes interviennent mais
sans être reconnues comme telles, des conflits entre personnes pour de toutes
autres raisons ressurgissent, certains prennent prétexte de la grève
pour en faire le moins possible tout en essayant d'échapper à la
sanction financière normale, bref le climat est détestable.
J'aurais
tellement envie d'aller voir ailleurs !
Et tout à coup je me dis
: j'ai envie d'aller voir ailleurs de mon travail comme j'aurais envie d'aller
voir ailleurs de mon couple
J'aurais envie de changer de vie
Je ne
le ferais pas sûrement, il y a trop de liens de tous ordres que je ne veux
pas défaire mais voilà l'idée m'en a traversé
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11/06/03
: Paradoxe :
Je me sens très mal à
l'aise. Je n'ai pas été travailler aujourd'hui. Je devais participer
à une réunion que, dans le cadre des mouvements en cours, nous avions
décidé de boycotter. Pourtant hier le gouvernement a reculé
sur certains des points qui suscitaient le plus fortement notre opposition. J'aurais
donc dû reconsidérer ma position ; Je ne l'ai pas fait, souhaitant
que nous prenions ensemble une décision collective de suspension du mouvement.
Mais
est-ce la vraie raison ? Je n'ai pas participé à cette réunion
avant tout parce que je n'en avais pas envie, parce que je n'en peux plus de ne
pas savoir où je vais.
Et puis, paradoxe des paradoxes, nous revoilà
devant le statu quo, cette décentralisation contre laquelle nous nous battions
c'était du changement, un changement assurément négatif dans
les conditions dans lesquelles il allait s'effectuer mais un changement tout de
même
Ainsi mon moi professionnel, mon moi qui s'inscrit dans
les débats de société en cours, mon moi qui raisonne se réjouit.
Mais mon moi profond confronté à tout ce qui va continuer comme
avant est dans le désarroi.
Mon moi profond aurait préféré
peut-être, contre toute raison et comme le poète :
" Enfer
ou ciel qu'importe,au fond de l'inconnu, pour trouver du nouveau
"
A
quoi tient finalement ce qui motive les acteurs sociaux une fois que l'on gratte
un peu au-delà des apparences !
J'ai du mal à profiter comme
je le devrais de ces heures de liberté que je me suis octroyées,
de ce beau soleil qui brille sur Paris, de ce musicien des rues qui joue sur la
placette devant la maison et que j'entends pendant que j'écris. Une vague
culpabilité m'occupe. Il faut m'en défaire, profiter au moins de
ce moment.
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12/06/03
: Séduction :
Je me dis que ce qui manque
le plus dans mes relations avec Constance c'est la séduction réciproque,
c'est cela qui dans un vieux couple s'éteint et c'est cela pourtant qui
donne son piment à la vie et aux relations.
Même si le reste
est là encore, l'amitié, le compagnonnage, la tendresse et même
la relation sexuelle, il manque quelquechose si la séduction n'est plus
là.
Nous faisons l'amour avec Constance, parfois, trop rarement,
mais nous le faisons. Mais cela relève de l'hygiène, comme une bonne
activité physique, comme une marche en forêt, il s'agit de sentir
le corps qui fonctionne et s'émeut. Et cela relève aussi sans doute
d'une volonté de réassurance de l'un envers l'autre, nous avons
besoin, puisque nous sommes ensemble, de réaffirmer à nos propres
yeux que nous sommes encore un couple. C'est toujours agréable et cela
ne saurait donc être regardé avec mépris. La jouissance, selon
les jours, et pour l'un ou pour l'autre, est plus ou moins intense. Mais la jouissance
sexuelle en elle-même, en dépit de son évidence, est un plaisir
assez limité et n'est plus rien lorsque le moment en est passé.
Ce qui compte vraiment, c'est toute l'émotion qui l'entoure, c'est le cur
battant, l'approche, l'attente, le suspens, cela même qui se noue dans la
séduction réciproque.
Tout cela bien sûr je le sentais,
je le savais depuis longtemps mais sans me l'expliciter clairement.
J'ai
trouvé cela exprimé chez l'Intimiste
dans son entrée du 31 mai, je m'y suis retrouvé, cela m'éclaire
et m'enrichit, cela me permet de le dire avec mes mots qui ne sont pas les siens
et c'est cela justement qui fait avancer.
Et puis en contrepoint j'ai lu
avec gourmandise ce qu'écrit Azulah,
le 9 juin, elle, elle a encore le bonheur d'être séduite pas son
" vieil " amant, et l'on sent dans ses mots la joie qu'elle en a, cette
magie renouvelée à se rendre dans sa chambre close, à déployer
amoureusement pour lui son corps et ses parures.
Est-ce cela, cette séduction
renouvelée, qui définit l'amour ou plutôt l'état amoureux
?
Il faut le croire. Et comment ne pas rêver de vivre cela à
nouveau
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14/06/03
: Mon écriture diariste :
Je me suis installé
sur la terrasse en ce samedi après-midi très calme. Les moineaux
et les merles vont et viennent des plates-bandes aux arbres de la cour, je les
regarde, ils font un vrai raffut, ils grattent le sol, se poursuivent en virevoltant,
s'agitent bruyamment dans le feuillages, ils sifflent et se répondent.
Je me sens bien. J'avais prévu de sortir mais je n'en ai pas tellement
le courage tant il fait lourd sur Paris cet après-midi. Alors je me dit
que je vais écrire mais ça ne vient pas facilement, je rêvasse,
je me laisse aller à ma flemme, après tout pourquoi pas
Je
voulais faire le point sur cette écriture, voir où j'en suis, voir
ce qu'a induit cette mise en ligne. J'ai démarré avec l'idée
de continuer à écrire de façon aussi proche que possible
de ma manière d'avant. De fait il ne me semble pas y avoir beaucoup de
modifications. Malgré quelques réticences au début je ne
me sens pas gêné de développer les aspects les plus intimes.
Je me rends compte aussi que j'ai du mal à décontextualiser comme
je me proposais de le faire pour mieux assurer mon anonymat. En fait je veux être
précis, explicite et, à quelques détails près qui
seraient vraiment trop des signatures, je dis tout ce que j'aurais dit auparavant.
J'en frémis parfois car je me rends compte que pour des gens me connaissant
qui tomberaient sur mon site, notamment dans le milieu professionnel, il ne serait
pas très difficile, par recoupements, de me reconnaître. Mais cela
vient ainsi et je ne veux pas brider mon écriture, alors, tant pis, advienne
que pourra...
Les différences dans ce que j'écris viennent
plutôt de l'importance que prennent peu à peu les autres diaristes.
Je me rends compte que je me nourris de ce que je lis chez les autres. On pourrait
dire cela de la lecture de n'importe quel livre. Pas tout à fait. Car ici
non seulement j'absorbe ce que dit l'autre, j'en nourris plus ou moins ma propre
construction mais encore je le fais en sachant que si l'autre me lit lui aussi,
ma propre écriture sera renvoyée vers lui, qu'elle s'inscrira potentiellement
dans une sorte de dialogue implicite. Je ne suis pas indifférent à
l'existence d'un tel dialogue, et donc, même sans en avoir conscience, je
fais en sorte, par le choix de mes entrées, par la façon de les
rédiger, que de loin en loin, de façon indirecte, des textes se
répondent.
Je m'aperçois aussi que j'écris de façon
plus prolixe. De janvier à mai 2003 j'ai couvert soixante pages contre
moins de quarante pour les mêmes mois de 2001 et 2002. Comme si, quoique
j'en dise, je voulais donner une image à peu près complète
de moi, si un évènement, un vécu, une réflexion me
parait exprimer une part significative de ce que je suis je me sens presque tenu
à en rendre compte. Je ne veux pas d'un simple collage de fragments qui
pourraient paraître énigmatiques à mon lecteur. Mais ça
aussi c'est ma façon d'être, ce besoin de cohérence, ce besoin
de décrire de rationaliser, d'expliciter. D'autres à travers des
textes très allusifs donnent une image d'eux-mêmes qui, pour être
moins précise, n'en est pas fausse pour autant.
Parmi ceux des diaristes
que je lis régulièrement et qui s'expriment de façon assez
approfondie sur eux-mêmes, certains peu à peu sortent des limbes
pour moi, au-delà des mots des personnes apparaissent, des images se forment
même si bien entendu elles sont incomplètes, dépourvu de tout
contour physique. Sans doute ces images sont elles parfois erronées, soit
de mon fait, par les projections que je fais inévitablement sur elles,
soit du leur, parce que rien ne dit qu'elles cherchent toutes à donner
une image exacte d'elles-mêmes. Mais enfin des images se constituent.
Ces
personnes au loin ne me sont plus indifférentes. Il me semble qu'elles
commencent à rentrer un tout petit peu dans mon monde. Lorsqu'elles se
font rares je me demande ce qu'elles deviennent. J'ai l'impression que je me sentirais
frustré si elles disparaissaient sans rien dire.
Je vois des sites
qui sont manifestement conçus pour susciter de l'interactivité comme
ces journaux ou blogs qui offrent au visiteur la possibilité d'entrer directement
des commentaires sur chacune des entrées. Les commentaires que j'ai vus
dans ce genre de fenêtres sont le plus souvent assez indigents. Dans certains
cas le dialogue finit par se substituer au texte. Je ne veux pas aller jusque
là. Mais je me rends compte que cette interactivité aussi m'intéresse,
que sans doute je me montrerai moi aussi progressivement plus actif au-delà
des quelques mails que j'ai échangés pour le moment. Je m'approche
lentement. Je me donne un peu l'impression d'être comme ces animaux craintifs
qui s'approchent peu à peu par cercles concentriques, puis qui viennent
vous flairer pour enfin se laisser caresser.
Il est sûr que je rentre
peu à peu complètement dans le jeu
Et je continue mes
découvertes : depuis quelques jours je me promène à travers
les années sur Un Autre
Journal de Marie, elle a retranscrit son ancien journal papier et l'on assiste
donc sur une longue période à la construction d'une personne à
travers la thérapie mais aussi à la naissance d'une écriture
qui s'affirme et s'enrichit peu à peu. Et justement, Marie, ces derniers
temps, est silencieuse
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