LES ÉCHOS DE VALCLAIR

 

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MOIS DE JUIN 2003 ( 1° quinzaine)

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01/06/03 : Vieillir, déjà !

J'y pensais en descendant au marché ce matin : huit heures et demi, une journée qui commence, je suis en short et chemisette, il fait délicieusement bon, on entend les oiseaux chanter, l'air est léger, le jardin public que je longe exhale sous les premières chaleurs des fragrances de fleurs et l'odeur délicieuse du figuier du square. Il y a peu de monde au marché encore à cette heure-ci, les commerçants achèvent d'installer leurs étals, l'ambiance est décontractée. Tout donc pour se sentir bien… et pourtant je ne suis pas tout à fait là, je repense à mon gros coup de déprime de l'autre soir…

De fréquents moments de vague mal-être, des questionnements existentiels, certaines difficultés relationnelles tout cela pour moi ne date pas d'hier, il me semble que cela m'est quasi consubstantiel. A certaines périodes ça s'est manifesté par des crises difficiles à vivre. Mais aujourd'hui il y a il me semble une nouvelle dimension. Ces difficultés ne sont pas plus aigues, je les ressens plus ou moins intensément selon les jours mais elles sont là en permanence, elles colorent même de bons moments, c'est comme une espèce de toile de fond, comme une ombre malveillante qui s'insinue partout et ternit les bonheurs, érode les joies.

Ce qui change peut-être c'est que j'ai pris conscience que je vieillissais.

Jusque là je le savais bien sûr mais je n'en étais pas autrement affecté, c'était une simple fatalité dont je ne voyais pas le lien avec l'immédiat de ma propre vie.

Or cela change. Physiquement rien de bien méchant : ma chevelure qui perd un peu de son épaisseur et qui remonte plus haut sur mon front, ma peau si lisse qui se plisse en certains endroits, un genou qui me fait mal parfois après de longues marches… Mais dans ma tête c'est autre chose : La perspective, indépendamment même d'accident ou de maladie évidemment possible, d'être un jour limité dans ce que je fais par les atteintes de l'âge ne me parait plus située dans un horizon indéfini. C'est que je vois la génération de mes parents confrontée aujourd'hui à ce basculement dans la vraie vieillesse, des personnes qui, il y a vingt ans, étaient des adultes en pleine possession de leurs moyens, des gens de nos âges aujourd'hui. Or vingt ans cela passe vite, il me semble que les années défilent de plus en plus vite. Quoi l'élection de Mitterrand c'était il y a plus de vingt ans ! Quoi la chute du mur de Berlin, c'était il y a plus de dix ans ! Mais c'était hier !

Et le décès de Maman il y a quelques mois même s'il était prévisible, souhaitable presque compte tenu de la maladie qui était la sienne, a marqué pour moi une étape dont je n'ai pas eu conscience sur le moment, le passage dans un autre temps. Brusquement, même si Papa est encore là, j'ai eu l'impression désormais d'être en première ligne.

Avant je pouvais avoir des souffrances vives devant certaines difficultés (très vives, des souffrances plus violentes qu'aujourd'hui) mais elles n'étaient inscrites que dans le présent. L'avenir était ouvert. Demain c'était un autre jour. La vieillesse et la mort n'étaient qu'abstractions.

Maintenant au contraire une dimension temporelle s'introduit, j'ai conscience que chaque année qui passe ferme le jeu et limite les possibles, que l'occasion manquée peut-être ne se retrouvera pas.

Ce qui accentue la souffrance aujourd'hui c'est donc cette révolte impuissante contre le passage des années, contre le fait de pouvoir de moins en moins devenir autre que ce que l'on est.

Peut-être est-ce une étape. Peut-être après vient la sérénité. Peut-être … Je n'y crois pas trop.

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02/06/03 : Vieillir, bis :

Dans le Monde l'autre jour, pour clore la série que ce journal faisait sur l'histoire de l'ascension de l'Everest, il y avait le récit de la montée au sommet d'un japonais de 70 ans. Lequel japonais avait descendu quelques mois plus tôt la Mer de Glace en ski avec son propre père âgé de 99 ans ! Oui, oui, 99 ans ! C'est à peine croyable. Voilà en tout cas une information bienvenue en contrepoint de mes interrogations un peu sombres de ces derniers jours.

Bien sûr nul ne connaît ce qu'il en sera pour lui et l'issue pour chacun peut être demain au coin de la rue. Il n'empêche, statistiquement et socialement, l'âge de l'entrée en vieillesse recule, le tout est de ne pas la précipiter pour soi-même simplement par la crainte de sa survenue.

Bref, il faut continuer à aller de l'avant, faire de nouveaux projets, accueillir le changement, ne pas craindre de se déprendre de ses habitudes.

Comme l'écrivait Lou, " elle n'avait plus l'âge de rêver ces folies, il était grand temps qu'elle les vive "…

Lu ceci chez Coronis au 30 mai:
" A quoi rêvent les gens mariés ? Aux parfums exotiques, aux saveurs défendues, aux regards lutineurs sous la lumière cireuse d'un réverbère, aux montées de désirs âpres et déchaînés, aux rencontres violentes… ? A tout sauf à ce corps placide dont, en propriétaires, ils connaissent par cœur les moindres retraits, extension de chair morte de leur propre châssis…Cette image du couple traditionnel uni par la tendresse, désamorcé par l'assuétude et les ans se répand en moi, épaisse nausée impossible à vomir… "

Elle ne mâche pas ses mots la douce Coronis !

Cela fait mal parce que c'est un peu ce qui se passe en moi en ce moment.

Ce n'est pas vraiment d'aujourd'hui : Il y a des années que je vois notre couple, lentement, tranquillement, paisiblement, évoluer de la sorte. Des années que je me dis qu'il faudrait que des choses bougent, que les désirs refleurissent, que les émotions renaissent. Mais je voyais venir cela placidement avec une vague tristesse et un certain fatalisme tout en gardant une espérance vague que quelquechose surviendrait…

Or, et c'est cela qui est neuf, je me sens en révolte contre cette situation. Mais d'une révolte qui n'est pas constructive, une révolte que je ne sais pas comment dépasser. Et tout en ayant conscience qu'il y a désormais urgence à la dépasser.
C'est là que se fait le lien avec cette angoisse du temps qui passe.

Et je pourrais citer Lou, encore, et prendre la phrase à mon compte, je n'ai plus l'âge de rêver ces folies, il est grand temps que je les vive.

Et puis, pour parler d'autre chose, ça y est, j'ai fini ma page de liens et je l'ai actualisée sur le site. J'ai passé trop de temps à papillonner de sites en sites ces derniers jours. Il faut que je me limite. J'en reste là pour le moment.

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09/06/03 : Parenthèse à Marly :

Je viens de passer le week-end à Marly aux journées de l'Association pour l'Autobiographie.

Je suis membre de cette association depuis deux ans et je participe de façon épisodique à certaines de ses activités. Je ne sais trop si j'ai envie de m'engager plus. D'ailleurs j'ai hésité jusqu'à la dernière minute à aller à ce week-end. Je me revois vendredi après-midi en train de préparer mes affaires puis dans les embouteillages en allant vers St Lazare, sur le quai de la gare ensuite, dans cette ambiance de cohue des jours de grève, venant de rater un départ et ne sachant pas quand serait le suivant, occupé à me dire : " mais que vas-tu t'enfermer là-bas, au milieu de ces gens tellement à leur affaire, tu vas encore te sentir décalé, mal à l'aise, laisse tomber, reviens tranquillement, il y a tout ce que tu as à faire à la maison et puis tu pourras profiter de cette liberté de ton temps dégagé, tu pourras musarder, profiter du beau temps qui s'annonce… " Heureusement je n'ai pas cédé à ces sirènes de la renonciation, je sais trop comment cela fonctionne, j'ai déjà expérimenté plusieurs fois ce genre de situation et les regrets qui suivent lorsque je me rends compte que je ne profite pas si bien que cela du temps dégagé par l'activité à laquelle je renonce, lorsque j'analyse les vrais raisons de mon retrait : une fuite devant la difficulté que j'ai à me coltiner à des groupes nouveaux, à devoir faire un effort d'intégration auprès de gens que je ne connais pas.

Ce week-end toutefois me laisse une impression étrange, sentiment d'une parenthèse par rapport à tout ce qui fait le reste de ma vie. Pendant deux jours on vit sans en sortir dans un espace qui semble loin de tout, l'endroit est calme, on ne se croit pas si près de Paris, on est coupé des bruits de la ville et du monde : est-ce que l'espoir se lève en Palestine, où en sont les grèves, qui a gagné Rolland Garros ? On participe aux diverses activités sur place, conférences, ateliers, spectacles, on mange sur place, on dort sur place, on n'a pas le temps de sortir, on se promène dans le parc du centre dans les rares moments de liberté entre les activités. Je partage ma toute petite chambre avec un autre participant que je ne connais pas, il n'y a pas de lieu où se retrouver vraiment seul, où se mettre un peu à distance, il me manque d'avoir un peu de temps pour moi.

Les activités auxquelles j'ai participé m'ont inégalement intéressé. J'ai mal choisi les ateliers auxquels je me suis inscrit, je me suis rendu compte à posteriori que d'autres auraient bien plus correspondus à mes attentes. Il y a eu de très bonnes choses aussi, en particulier la table ronde consacrée aux identités croisées où des intervenants ont présenté leur cheminement entre des cultures parfois très différentes, la difficile constitution de leur identité propre, la place dans ce processus qu'a tenu ou tient leurs écritures intimes. J'ai aimé aussi le spectacle théâtral réalisé en collaboration entre un enseignant de lycée professionnel et une troupe de théâtre à partir des écrits sur eux-mêmes produits par les élèves. Le résultat est un vrai spectacle de qualité professionnelle auquel on a un réel plaisir à assister. Au-delà, la présentation par le prof de sa démarche de travail avec les élèves, l'engagement qui est le sien, la façon dont il contribue à la construction de ces jeunes qui ont une image si dévalorisée d'eux-mêmes lorsqu'ils arrivent en lycée professionnel le plus souvent dans l'échec scolaire, dans les difficultés sociales et personnelles laisse vraiment admiratif et fait rêver à ce que peut être l'enseignement pour ceux qui ont la fibre et la force de le faire avec un tel engagement.

Le but de ce genre de journées c'est aussi les rencontres qu'elles permettent avec des gens qui nous paraissent intéressants, que l'on découvre à travers les ateliers ou dans des échanges informels et dont on aimerait se rapprocher. Mais sur ce plan j'ai toujours une petite frustration. J'ai un certain mal à me lier. J'ai eu des contacts avec quelques personnes mais plutôt superficiels, j'aimerais pouvoir aller plus loin. Pour cela souvent il faut chercher à aller vers les gens, il faut oser s'imposer un minimum, par exemple aux repas se débrouiller pour se glisser à une table particulière, porter soi-même la conversation vers là où l'on souhaiterait qu'elle aille. J'ai du mal. Je me demande toujours si je ne gêne pas, si je vais être bien accepté, au fond c'est une vieille affaire, la même peut-être qui a toujours pesé dans mes relations, vis-à-vis des femmes notamment, c'est toujours la question d'oser manifester son désir, plus profondément peut-être d'accepter en soi ce désir, d'en reconnaître la légitimité.

Cela dit j'ai commencé de m'intégrer, je me suis engagé avec des groupes permanents qui fonctionnent sur Paris. Mais en même temps cela me pose un problème. J'ai l'impression d'ouvrir encore un chantier nouveau. Bien sûr cela s'inscrit dans mes intérêts pour l'écriture intime, pour la démarche diariste mais cela reste aussi très séparé de ce qui me motive le plus pour le moment, cette mise en ligne de mon journal, l'exploration du monde des diaristes, les interactions avec lui. L'association n'est pas encore très tournée vers le diarisme internautique même si elle ne l'exclut pas. Et de toute façon pour de simples raisons de confidentialité et d'anonymat je ne me vois pas pour le moment faire une sorte de coming-out en tant que diariste en ligne au sein de l'association. Ce qui rajoute encore un peu de schizophrénie dans ma façon de fonctionner entre les divers lieux où je m'exprime, dans mon travail, dans ma vie familiale, dans cette association, ici enfin qui est finalement le lieu où j'articule ces différents aspects de moi-même.

Toujours est-il que je reviens de Marly avec divers projets, des bouquins achetés sur place à lire, des idées de réflexions à mener, l'envie de déposer certains de mes anciens textes dans le fonds de l'Apa et pour cela de les relire, de faire un tirage propre, de les relier… Bref du boulot. Et d'un autre côté j'ai envie de venir écrire ici, d'aller faire un tour chez mes diaristes favoris que je n'ai pas visité depuis plusieurs jours, de continuer à aller à la découverte…

Et tout le reste !

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10/06/03 : Démotivation totale :

Je me sens en état de démotivation totale par rapport à mon travail.

J'ai déjà connu cela il y a plusieurs années. A l'époque j'étais parvenu à sortir de la difficulté par le haut, en prenant de nouvelles responsabilités. Ca ne me parait plus possible aujourd'hui. Des responsabilités supérieures me mèneraient à des types de poste dans lesquels je jouirais d'une moindre liberté, dans lesquels je m'éloignerais du terrain, où la transmission de la parole venue d'en haut deviendrait prépondérante, où il faudrait sans cesse s'inscrire dans de dérisoires stratégies de séduction et de pouvoir. Il n'en est pas question. Je supporte de moins en moins la langue de bois hiérarchique. (Je ne supporte pas plus la langue de bois syndicale d'ailleurs).

Jusque là j'assumais sans trop de peine les aspects de mon travail qui me plaisent moins en m'appuyant sur ceux que j'aime bien, ceux par lesquels je me sens utile pour les personnes qui s'adressent à nous.

Aujourd'hui je sature. J'ai l'impression d'une répétitivité de plus en plus pesante. Chaque année reprendre les mêmes choses avec peu ou prou les mêmes équipes, retrouver les mêmes étapes de travail dans les diverses phases de l'année, retrouver chaque fois peu ou prou les mêmes tensions entre les gens et les même problèmes récurrents, cela me devient insupportable. Je regrette vraiment de n'avoir pas obtenu la mutation que j'avais souhaitée et qui m'aurait donnée un peu d'air.

C'est aussi que la part extérieure de mes activités, et notamment tout ce qui tourne autour de l'écriture et du diarisme, prend une place de plus en plus grande. A mesure que cela compte plus dans ma vie, ma vie professionnelle elle compte moins. Elle n'est plus le centre, cela devient de plus en plus simplement ce qui m'assure des moyens d'existence. Je déteste cette idée et pourtant c'est ce qui en train de se produire. Pourtant, en heures passées, en préoccupations ramenées à la maison, cela reste très lourd. Mais ma vraie vie n'est pas là. Comment m'investir alors ? C'est un investissement minimum justement qui rend ces heures supportables, comment se sentir bien lorsque celui-ci se délite, plus exactement lorsque se succèdent moments où l'on tente de faire face, d'y croire, d'investir et moments de totale démotivation comme aujourd'hui.

La crise actuelle profondément déstabilisatrice n'arrange pas les choses mais je ne pense pas qu'elle soit la cause. C'est plutôt un accélérateur, un révélateur en ce qu'elle force aussi à s'interroger un peu plus au fond sur ce que l'on fait.

Les mouvements persistent dans un climat de plus en plus mauvais où s'affrontent dans des termes parfois durs partisans des grèves et partisans d'une suspension du mouvement. Tout cela dans chacun des " camps " pas forcément pour de bonnes raisons. Les questions financières d'ailleurs légitimes interviennent mais sans être reconnues comme telles, des conflits entre personnes pour de toutes autres raisons ressurgissent, certains prennent prétexte de la grève pour en faire le moins possible tout en essayant d'échapper à la sanction financière normale, bref le climat est détestable.

J'aurais tellement envie d'aller voir ailleurs !

Et tout à coup je me dis : j'ai envie d'aller voir ailleurs de mon travail comme j'aurais envie d'aller voir ailleurs de mon couple… J'aurais envie de changer de vie… Je ne le ferais pas sûrement, il y a trop de liens de tous ordres que je ne veux pas défaire mais voilà l'idée m'en a traversé…

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11/06/03 : Paradoxe :

Je me sens très mal à l'aise. Je n'ai pas été travailler aujourd'hui. Je devais participer à une réunion que, dans le cadre des mouvements en cours, nous avions décidé de boycotter. Pourtant hier le gouvernement a reculé sur certains des points qui suscitaient le plus fortement notre opposition. J'aurais donc dû reconsidérer ma position ; Je ne l'ai pas fait, souhaitant que nous prenions ensemble une décision collective de suspension du mouvement.

Mais est-ce la vraie raison ? Je n'ai pas participé à cette réunion avant tout parce que je n'en avais pas envie, parce que je n'en peux plus de ne pas savoir où je vais.

Et puis, paradoxe des paradoxes, nous revoilà devant le statu quo, cette décentralisation contre laquelle nous nous battions c'était du changement, un changement assurément négatif dans les conditions dans lesquelles il allait s'effectuer mais un changement tout de même…

Ainsi mon moi professionnel, mon moi qui s'inscrit dans les débats de société en cours, mon moi qui raisonne se réjouit. Mais mon moi profond confronté à tout ce qui va continuer comme avant est dans le désarroi.

Mon moi profond aurait préféré peut-être, contre toute raison et comme le poète :
" Enfer ou ciel qu'importe,au fond de l'inconnu, pour trouver du nouveau… "

A quoi tient finalement ce qui motive les acteurs sociaux une fois que l'on gratte un peu au-delà des apparences !

J'ai du mal à profiter comme je le devrais de ces heures de liberté que je me suis octroyées, de ce beau soleil qui brille sur Paris, de ce musicien des rues qui joue sur la placette devant la maison et que j'entends pendant que j'écris. Une vague culpabilité m'occupe. Il faut m'en défaire, profiter au moins de ce moment.

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12/06/03 : Séduction :

Je me dis que ce qui manque le plus dans mes relations avec Constance c'est la séduction réciproque, c'est cela qui dans un vieux couple s'éteint et c'est cela pourtant qui donne son piment à la vie et aux relations.

Même si le reste est là encore, l'amitié, le compagnonnage, la tendresse et même la relation sexuelle, il manque quelquechose si la séduction n'est plus là.

Nous faisons l'amour avec Constance, parfois, trop rarement, mais nous le faisons. Mais cela relève de l'hygiène, comme une bonne activité physique, comme une marche en forêt, il s'agit de sentir le corps qui fonctionne et s'émeut. Et cela relève aussi sans doute d'une volonté de réassurance de l'un envers l'autre, nous avons besoin, puisque nous sommes ensemble, de réaffirmer à nos propres yeux que nous sommes encore un couple. C'est toujours agréable et cela ne saurait donc être regardé avec mépris. La jouissance, selon les jours, et pour l'un ou pour l'autre, est plus ou moins intense. Mais la jouissance sexuelle en elle-même, en dépit de son évidence, est un plaisir assez limité et n'est plus rien lorsque le moment en est passé. Ce qui compte vraiment, c'est toute l'émotion qui l'entoure, c'est le cœur battant, l'approche, l'attente, le suspens, cela même qui se noue dans la séduction réciproque.

Tout cela bien sûr je le sentais, je le savais depuis longtemps mais sans me l'expliciter clairement.

J'ai trouvé cela exprimé chez l'Intimiste dans son entrée du 31 mai, je m'y suis retrouvé, cela m'éclaire et m'enrichit, cela me permet de le dire avec mes mots qui ne sont pas les siens et c'est cela justement qui fait avancer.

Et puis en contrepoint j'ai lu avec gourmandise ce qu'écrit Azulah, le 9 juin, elle, elle a encore le bonheur d'être séduite pas son " vieil " amant, et l'on sent dans ses mots la joie qu'elle en a, cette magie renouvelée à se rendre dans sa chambre close, à déployer amoureusement pour lui son corps et ses parures.

Est-ce cela, cette séduction renouvelée, qui définit l'amour ou plutôt l'état amoureux ?

Il faut le croire. Et comment ne pas rêver de vivre cela à nouveau…

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14/06/03 : Mon écriture diariste :

Je me suis installé sur la terrasse en ce samedi après-midi très calme. Les moineaux et les merles vont et viennent des plates-bandes aux arbres de la cour, je les regarde, ils font un vrai raffut, ils grattent le sol, se poursuivent en virevoltant, s'agitent bruyamment dans le feuillages, ils sifflent et se répondent. Je me sens bien. J'avais prévu de sortir mais je n'en ai pas tellement le courage tant il fait lourd sur Paris cet après-midi. Alors je me dit que je vais écrire mais ça ne vient pas facilement, je rêvasse, je me laisse aller à ma flemme, après tout pourquoi pas…

Je voulais faire le point sur cette écriture, voir où j'en suis, voir ce qu'a induit cette mise en ligne. J'ai démarré avec l'idée de continuer à écrire de façon aussi proche que possible de ma manière d'avant. De fait il ne me semble pas y avoir beaucoup de modifications. Malgré quelques réticences au début je ne me sens pas gêné de développer les aspects les plus intimes. Je me rends compte aussi que j'ai du mal à décontextualiser comme je me proposais de le faire pour mieux assurer mon anonymat. En fait je veux être précis, explicite et, à quelques détails près qui seraient vraiment trop des signatures, je dis tout ce que j'aurais dit auparavant. J'en frémis parfois car je me rends compte que pour des gens me connaissant qui tomberaient sur mon site, notamment dans le milieu professionnel, il ne serait pas très difficile, par recoupements, de me reconnaître. Mais cela vient ainsi et je ne veux pas brider mon écriture, alors, tant pis, advienne que pourra...

Les différences dans ce que j'écris viennent plutôt de l'importance que prennent peu à peu les autres diaristes. Je me rends compte que je me nourris de ce que je lis chez les autres. On pourrait dire cela de la lecture de n'importe quel livre. Pas tout à fait. Car ici non seulement j'absorbe ce que dit l'autre, j'en nourris plus ou moins ma propre construction mais encore je le fais en sachant que si l'autre me lit lui aussi, ma propre écriture sera renvoyée vers lui, qu'elle s'inscrira potentiellement dans une sorte de dialogue implicite. Je ne suis pas indifférent à l'existence d'un tel dialogue, et donc, même sans en avoir conscience, je fais en sorte, par le choix de mes entrées, par la façon de les rédiger, que de loin en loin, de façon indirecte, des textes se répondent.

Je m'aperçois aussi que j'écris de façon plus prolixe. De janvier à mai 2003 j'ai couvert soixante pages contre moins de quarante pour les mêmes mois de 2001 et 2002. Comme si, quoique j'en dise, je voulais donner une image à peu près complète de moi, si un évènement, un vécu, une réflexion me parait exprimer une part significative de ce que je suis je me sens presque tenu à en rendre compte. Je ne veux pas d'un simple collage de fragments qui pourraient paraître énigmatiques à mon lecteur. Mais ça aussi c'est ma façon d'être, ce besoin de cohérence, ce besoin de décrire de rationaliser, d'expliciter. D'autres à travers des textes très allusifs donnent une image d'eux-mêmes qui, pour être moins précise, n'en est pas fausse pour autant.

Parmi ceux des diaristes que je lis régulièrement et qui s'expriment de façon assez approfondie sur eux-mêmes, certains peu à peu sortent des limbes pour moi, au-delà des mots des personnes apparaissent, des images se forment même si bien entendu elles sont incomplètes, dépourvu de tout contour physique. Sans doute ces images sont elles parfois erronées, soit de mon fait, par les projections que je fais inévitablement sur elles, soit du leur, parce que rien ne dit qu'elles cherchent toutes à donner une image exacte d'elles-mêmes. Mais enfin des images se constituent.

Ces personnes au loin ne me sont plus indifférentes. Il me semble qu'elles commencent à rentrer un tout petit peu dans mon monde. Lorsqu'elles se font rares je me demande ce qu'elles deviennent. J'ai l'impression que je me sentirais frustré si elles disparaissaient sans rien dire.

Je vois des sites qui sont manifestement conçus pour susciter de l'interactivité comme ces journaux ou blogs qui offrent au visiteur la possibilité d'entrer directement des commentaires sur chacune des entrées. Les commentaires que j'ai vus dans ce genre de fenêtres sont le plus souvent assez indigents. Dans certains cas le dialogue finit par se substituer au texte. Je ne veux pas aller jusque là. Mais je me rends compte que cette interactivité aussi m'intéresse, que sans doute je me montrerai moi aussi progressivement plus actif au-delà des quelques mails que j'ai échangés pour le moment. Je m'approche lentement. Je me donne un peu l'impression d'être comme ces animaux craintifs qui s'approchent peu à peu par cercles concentriques, puis qui viennent vous flairer pour enfin se laisser caresser.

Il est sûr que je rentre peu à peu complètement dans le jeu…

Et je continue mes découvertes : depuis quelques jours je me promène à travers les années sur Un Autre Journal de Marie, elle a retranscrit son ancien journal papier et l'on assiste donc sur une longue période à la construction d'une personne à travers la thérapie mais aussi à la naissance d'une écriture qui s'affirme et s'enrichit peu à peu. Et justement, Marie, ces derniers temps, est silencieuse…

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