LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de Juin 2005 (1° quinzaine)

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02/06/05 : Fracture :

Insomnie encore cette nuit. Je me suis éveillé avant l’aube avec quantité de pensées tourbillonnantes dans la tête. Trop tard pour prendre un petit cachet et tenter de me rendormir. Alors j’ai quitté la chambre portable sous le bras et suis descendu pour tenter de mettre en forme les sentiments et les réflexions qui m’ont beaucoup occupé ces jours ci dans la continuité de ce fichu référendum...

Je l’ai mauvaise. Cela dit si tout cela n’était pas si sérieux et lourd de conséquences on pourrait en rire. Il y a de quoi au vu de l’actualité. Quelle délectable comédie humaine. Sarko et Villepin dans le même bateau, Chirac avalant son chapeau et plaçant l’ennemi préféré au cœur du pouvoir. Quelle guignolade ! Ou quel opéra bouffe comme l’a bien dit Bayrou. La cohabitation rocardo-mitterrandienne à côté apparaîtra comme gentiment policée. Tout cela admirablement résumé par le Plantu du jour. Villepin grandiloquent qui déclame un poème, devant Chirac, un couteau planté dans le dos, le petit Sarko derrière lui en vizir voulant devenir calife à la place du calife. Le mirlitonesque poème dit ceci :

« Ô toi, qui aimes tant batailler
Il te faudra tout assumer :
Et la France qui te boude
Et le retour d’Iznogoud »

Un bon dessin souvent en dit plus qu’un long article.

Oui j’en rigole. Et je vais m’amuser de la suite, je vais suivre les péripéties, les coups de gueule et les coups bas, mais où tout cela va-t-il mener… Car sur le fond il n’y a rien de drôle. Juste un constat assez effrayant d’une fracture sociale qu’un certain président, qui donc déjà, disait vouloir réduire en 1995. Depuis elle s’est approfondie, il y a eu 2002, la conjonction du vote protestataire de gauche dispersé sur quantités de candidats et du vote protestataire d’extrême droite, aujourd’hui il y a une même alliance de fait dans la conjonction des deux non, c’est tout à fait exact de parler de « réplique », au sens précis qu’a ce mot en sismologie.

Je ne jette pas la pierre, sûrement pas, loin de moi toute idée de mépris ou de discours du type : « quels cons ces français », simplement je constate qui oui cette fracture est bien là, de plus en plus nette, de plus en plus évidente, recadrant les positionnements au-delà même de ce qui est strictement politique.

Les grandes villes, leurs centres et les banlieues bourgeoises, les diplômés de l’enseignement supérieur, les bobos, les cadres, les vieux, c’est le oui. Les villes moyennes, les banlieues, les campagnes, les couches populaires, les employés, les ouvriers, les jeunes, c’est le non… La dichotomie est spectaculaire et presque systématiquement vérifiée. C’est cela qui est terriblement inquiétant, cette fracture, ce décalage entre deux France qui communiquent de moins en moins, entre lesquelles on se meut de plus en plus difficilement. Ça m’a fait drôle en faisant défiler les résultats, habituellement mon vote n’est pas celui du Versailles ou du 16° arrondissement! Ça fait drôle, drôle mais drôle-amer, ça me met mal à l’aise, il y a là derrière toujours cette difficulté à faire vraiment le deuil de mes engagements de jeunesse.

J’ai voté de façon conforme à ce qu’induit la sociologie, cadre moyen de l’administration, plus proche de la retraite que du début de carrière, arrivé à un temps de la vie où la révolte s’est émoussée même si l’indignation est toujours là, installé dans mes meubles et mes habitudes, travaillant et habitant à Paris, propriétaire de mon appartement dans un quartier agréable, ne côtoyant pas de violence dans mon environnement immédiat, avec des enfants qui ont suivi ou suivent des cursus scolaires sans problème dans des lycées dit de prestige là-haut sur la montagne… Politiquement mon vote est juste il n’empêche qu’il est aussi marqué socialement.

Fabius a-t-il bien joué ? Incontestablement il a senti l’ampleur de la crise de défiance, il s’est positionné de façon à pouvoir éventuellement tirer les marrons du feu. Il a joué à quitte à double, le oui l’aurait emporté, il aurait été définitivement cramé. Là ce n’est plus pareil. Il est en situation de jouer un rôle dans une recomposition. Le calcul au fond ressemble dans un contexte très différent à celui qu’avait fait Mitterrand, en s’agrégeant le PC pour pouvoir ensuite l’affaiblir. J’imagine que Fabius en faisant glisser un peu plus à gauche le curseur espère pouvoir à terme diriger une coalition qui aille de lui-même aux marges de l’extrême gauche. Ça a très peu de chances de marcher. Et pour l’instant ce qui est clair c’est que la seule force qui avait une petite chance de pouvoir faire pièce à Sarko est durablement éclatée. Mais ce qui m’exaspère au-delà de ces considérations politiques franco-françaises c’est d’avoir pris l’Europe en otage dans cette histoire, le calcul politicien est au détriment de l’Europe, de l’avancée, même mineure, que constituait le traité. (D’ailleurs, tiens, l’Europe on n’en parle plus tant que ça maintenant dans les commentaires sur le vote). Habile, Fabius ? Peut-être mais il y en a marre aussi de ces habiletés là, c’est de ça aussi que souffre profondément la politique.

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04/06/05 : Hésitations :

Encore une fois je m’éveille trop tôt, avec une sensation vague d’anxiété devant cette journée qui commence. Pas de programme prévu d’avance, ce pourrait être une chance. Mais que sera cette journée ? Que vais-je y mettre ? Il n’y a rien qui s’impose, rien qui me porte.

Je vais préparer rituellement le petit déjeuner, café, jus d’oranges, bol de céréales, tartines, l’absorber sans trop y penser alors que parfois je sais en faire une fête puis je me mettrai en route pour les inévitables courses du samedi matin que je tiens à faire tôt avant que n’arrive la foule. Tout ça sans grande énergie. Constance elle va s’éveiller lentement, elle n’est pas sur les mêmes rythmes que moi le week-end.

Et après… J’ai été très pris cette semaine, trop, absorbé par mon travail professionnel à la fois très envahissant et que je perçois de plus en plus comme très éloigné de mes véritables envies, très absorbé aussi par cet investissement que j’ai eu à l’approche de ce référendum, par l’importance que je lui ai accordé, par l’amertume que je ressens à son résultat, par l’inquiétude que j’ai de ses conséquences. Alors cette grande plage de temps libre qui s’offre qu’en faire ?

J’ai mille envies et mille fils à tirer. Je ne sais pas par lequel commencer. D’où il résulte parfois que je finis par passer de longues heures sans me mettre à rien, à zapper sans efficacité d’un des mes intérêts à un autre...

J’ai envie d’écriture, plusieurs idées de nouvelles qui se bousculent, certains thèmes aussi dans les ateliers d’Obsolettres auquel j’aimerais contribuer, j’ai envie de rénover complètement mon site et de le rendre plus interactif, plusieurs livres en lecture en même temps, de grands rangements de printemps qui s’imposent, des points qu’il faudrait que j’ose éclaircir avec Constance. Oui peut-être est-ce cela surtout, des choses à clarifier dans ma vie, un équilibre nouveau à trouver entre diverses facettes de ce que je fais et de ce que je suis... Et comme souvent quand je ne sais pas par où commencer je viens à ces mots ici, ce n’est sans doute pas ce que j’avais de mieux à faire !

Lacis des envies que j’ai et des obligations qui s’imposent à moi ou que (surtout) je m’impose...
Il me semble qu’il me faudrait un peu de légèreté...
J’ai besoin d’air, de vent, de marche, de rire, de me mettre un peu à distance de ces nœuds qui m’encombrent. Je pense à un petit voyage que je vais faire un prochain week-end, il me fera du bien je crois…

Pour le moment je vois que le jour maintenant s’est franchement levé et qu’il a l’air de vouloir faire beau. Il y a ce week-end une opération jardins avec certains endroits qui sont ouverts exceptionnellement, je vais jeter un coup d’œil au programme et essayer de glisser aussi dans ma journée une petite excursion cycliste avec Constance vers certains de ces lieux.

 

Plus tard… Finalement la journée ne s’est pas passée comme je l’attendais. Dans la matinée je m’y suis mis, j’ai pas mal écrit et réussi à faire quelques uns des rangements que je me proposais. Le temps a changé, le ciel s’est chargé de nuages menaçants, on n’est pas parti en exploration vers les jardins, on s’est ouvert une bouteille pas mauvaise à midi sur un pique-nique amélioré pris à la maison, l’après-midi je me suis installé sur mon lit avec une bande dessinée ce qui ne fait pas partie pour moi des lectures les plus courantes.

Je me suis plongé dans « Le vol du corbeau » de Gibrat, évocation du Paris de l’occupation, avec de belles images de la ville, de ses toits, de ses rues, de ses quais et de ses ponts (cela se passe en partie sur une péniche) bourrées de détails réalistes et très évocateurs, tout ça superbement dessiné et mis en cadre, l’art de la BD c’est beaucoup un art du cadrage, et puis la demoiselle qui est l’héroïne est bien jolie à regarder… Je me suis endormi au milieu du deuxième tome, non par ennui mais parce que j’avais vraiment sommeil. Une petite sieste ce n’est pas désagréable…

Ensuite je suis parti au cinéma, Constance ne m’a pas accompagné, elle aussi, disait-elle, croulait sous les choses à faire à la maison, je n’ai pas été loin, au bout de la rue pour voir « Million dollar baby ». Moi qui avais envie de légèreté c’était un peu raté, ce n’est pas un mauvais film, mais pas précisément gai et léger, la fin s’étire avec un peu de complaisance et en cherchant à faire pleurer Margot. Comme souvent dans ces grosses machines hollywoodiennes, on y va avec de gros sabots. Mais le récit est efficace et bien mené, l’image est belle, toujours dans des couleurs froides, celles de la nuit, des salles de boxes et des rings, celles aussi d’une certaine Amérique de la pauvreté et des bas quartiers des villes. C’est très bien joué par Clint Eastwood et surtout par Hilary Swank, vraiment remarquable, très physique, dont le visage, le corps tout entier sont capables de passer en un souffle d’une douceur de petite fille fragile à la violence, à l’énergie concentrée et explosive de la combattante.

Donc journée un peu plan-plan mais pas si mauvaise au final. Il en faut…

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06/06/05 : Tonique mais…

Je me suis senti sérieusement plus tonique ces deux derniers jours…

Hier dimanche j’ai écrit sans trop de peine à la fois quelques pages d’une nouvelle et quelques pages aussi de mon projet de service que je dois avoir prêt pour demain. Belle hétérogénéité, j’ai réussi non sans mal à m’inscrire un tant soit peu dans les deux démarches, ces deux textes n’ont strictement mais alors strictement rien à voir mis à part le fait d’être tous deux constitués de mots, je vous laisse juge de celui que j’ai abordé avec le plus de plaisir…

En fin de matinée pour faire un break j’ai enfourché mon vélo et filé sous un ciel menaçant vers la Seine. J’ai pris les quais-plaisir du dimanche, la voie sur berge sans voiture, une balade que j’adore surtout dans cette partie qui est ma préfére, sur la rive droite entre Arsenal et le Pont Neuf, là où l’on pédale en longeant les îles. Je me suis rendu aux Tuileries ensuite, j’avais entendu dire qu’il y avait une présentation particulière dans le cadre de la journée des jardins. Je découvre un enclos sous bonne garde présentant parait-il des « jardins éphémères »: les organisateurs avaient le front de faire payer dix euros pour entrer dans cet espace minuscule. Je n’y ai pas été non par pingrerie mais parce que je trouve cela scandaleux en une journée censée être de promotion, de découverte, d’ouverture et alors que tout cela est aussi sponsorisé par des marchands divers occupant l’espace et mêlant leurs activités commerçantes à la présentation des jardins. Alors j’ai fait comme d’autres, j’ai longé l’enclos en glissant chaque fois que je le pouvais mon œil à travers les interstices de la palissade installée là justement pour qu’on ne puisse pas voir sans payer. Sans doute, à ce que j’ai pu entrapercevoir, y avait-il quelques belles réalisations mais tant pis l’esprit dans lequel c’était fait ne me fait pas regretter de ne pas y avoir été.

Je me suis promené ensuite dans le jardin des Tuileries lui-même et j’y ai fait une découverte... J’avais été frappé depuis quelques temps par l’existence au milieu du jardin d’un grand tronc couché au milieu d’un carré d’herbes non entretenu très surprenant dans ce jardin à la française si léché. Je me demandais vraiment pourquoi on le laissait là. Et bien j’ai découvert qu’en fait d’arbre il s’agissait d’une sculpture en bronze comme il en est d’autres dans certains autres carrés de ce jardin qui devient ainsi une sorte de musée en plein de sculptures contemporaines. Je suis resté tout stupéfait de ma méprise, chapeau pour l’imitation, j’ai été ravi d’observer l’arbre bronze sous toutes les coutures, en méditant sur le rapport entre l’art et le réel, entre le réel et l’illusion. C’est « l’arbre aux voyelles » de Guisseppe Penone, titre mystérieux là aussi, je n’ai pas la moindre idée de sa signification.

J’ai abordé ensuite les Champs-élysées, j’ai vite dû mettre pied à terre dans la foule agglutinée autour des animations sportives multiples mises en place sur toute la longueur des Champs pour promouvoir la candidature de Paris aux jeux olympiques. Je me disais que ce serait amusant de cheminer là-dedans, j’ai vite été lassé, dans ce genre d’occasion on ne voit rien vraiment, on est baladé dans le maelström de la foule, c’est un peu le syndrome de Fabrice à Waterloo, et on est d’autant moins à l’aise pour se déplacer que l’on tente de pousser un vélo devant soi. Mais c’était agréable par contre, une fois sorti de la foule, de jouir d’une promenade cycliste dans les vastes avenues alentour fermées à la circulation pour l’occasion.

J’ai traversé la Seine. Je me suis arrêté rue de Grenelle, à l’hôtel de Noirmoutier, résidence du préfet de région, bâtiment et jardin ouverts exceptionnellement à l’occasion de cette journée des jardins. Peu de visiteurs à l’heure où j’y suis passé. Havre paisible entre les immeubles. Ce jardin n’a rien d’exceptionnel mais je me suis assis un bon moment dans cet endroit qui semble tout à fait hors du temps, hors de la ville, faisant un contraste violent avec la foule des Champs. J’ai regardé les grands arbres, les massifs de fleurs bien entretenus, la pelouse, les lignes classiques de la belle demeure aristocratique du 18°, le coin de ciel au-dessus de moi et j’étais parti en imagination vers cette France d’avant…

Rentré à la maison j’ai retroussé mes manches et nous avons avec Constance enfin rangé et débarrassé notre cave. Constance pratique la poterie. Depuis longtemps elle rêvait de compléter ce qu’elle fait dans un atelier du quartier par une activité à la maison même. Le matériel est acheté. Restait à dégager suffisamment d’espace ce qui n’a rien d’évident et oblige à certains choix déchirants dans ce qu’on garde et dans ce dont on se débarrasse. Enfin voilà, c’est fait.

Ce matin au bureau j’ai continué sur ma bonne lancée. J’avais l’énergie et la concentration qu’il fallait pour clore mon projet de service sans traîner. Enfin plutôt pour terminer la mise en forme de mes propositions qui doivent être discutées demain avec l’équipe et qui le seront ensuite ailleurs avec les chefs. Tout ça n’est que l’amorce, courage pour demain et pour les inévitables tensions et polémiques entre les gens que je sens venir. L’art est de trouver les mots pour que ça passe des deux côtés. Et surtout pour que ça ait au moins quelques effets, que ça ne reste pas totalement lettre morte ou langue de bois. Donc c’est fait, et rapidement, je m’en étonne moi-même. Du coup je me suis libéré l’après-midi et sous une pluie battante j’ai rejoint la maison avec l’idée de passer de nouveau dans les occupations qui font l’autre côté de ma vie.

Je m’étais dit, tiens, ce moment volé, (volé ? à qui je me demande, j’ai fait ce qu’avais à faire, bravo à moi si j’ai été plus vite que je pensais) ce sera un moment idéal pour tenter d’apprivoiser dotclear, pour commencer à me lancer dans cette rénovation de mon site dont j’ai de plus en plus envie. Me voilà donc avec mes bonnes résolutions. Je vais télécharger. Je vais essayer de voir comment ça marche. Tout ça me fait un peu peur, à moi qui ne suis qu’un total et peu rapide autodidacte informatique. Allons-y, allons-y… Courage… Et bien rien n’a l’air de marcher, je ne trouve même pas la page qu’il faut, mais que se passe-t-il donc… Je sens mon énergie et ma tonicité qui s’émoussent... Enfin, ça y est, je sais, en allant voir le petit dotclear illustré j’apprends que justement depuis hier le serveur de dotclear ne fonctionne pas ! Bon sang pourquoi justement aujourd'hui, c’est un fait exprès…

Voilà c’est ça pour moi l’informatique, il y a comme une espèce de petit dieu malicieux qui fait qu’au moment précis où je suis enfin décidé à quelquechose, pfuit, justement là, ça ne marche pas !

Alors voilà, du coup je me suis mis à raconter mes journées d’hier et d’aujourd’hui, ça vous vaut cette longue entrée qui, à la relire, ne me parait pas bien palpitante mais voilà c’est écrit…

Allez je poste, je ferme, je prends mon journal et à plus tard, dotclear, peut-être…

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09/06/05 : Ici et là :

Il est six heures et demi du soir. Je viens de rentrer. Il fait encore bon. Je me suis installé sur la terrasse, j’ai parcouru le journal plutôt rapidement, j’ai sorti l’ordinateur et je rejoins mes mots avec plaisir, air frais, coin de ciel bleu entre les immeubles et les feuillages, mélange d’odeur de verdure et de chèvrefeuille doublé d’effluves culinaires aux relents d’ail descendues d’une fenêtre du voisinage, un merle qui siffle avec ardeur dans les branches de l’érable de notre voisin, si ce n’est pas du bonheur ça…

Bilbo bosse dans sa chambre, une fois n’est pas coutume. Il gratte des fiches pour son bac de français. C’est demain, il fait exactement ce qu’on lui avait dit de ne pas faire, nos bons conseils parentaux de réviser à l’avance et de se détendre le dernier jour n’ont eu aucun effet. Il vient me questionner sur certains mouvements littéraires. Je suis content de lui répondre, mieux vaut tard que jamais, et puis ça fait plaisir de sentir qu’il peut encore avoir besoin de ses vieux parents de temps en temps. Et c’est une façon de se créer une connivence aussi. Il n’a pas trop travaillé c’est le moins qu’on puisse dire mais au moins il a l’air parfaitement détendu, pas du tout stressé et même plutôt excité et content de cette première véritable épreuve scolaire. Faisons confiance !

Moi j’ai passé une drôle de journée pleine de contrastes. A quelques stations de métro de distance que le monde est différent ! Le matin réunion au centre de Paris. Je vais déjeuner avec quelques collègues dans un bistrot de la rue Montorgueil. Soleil plaisant, les gens sont dehors en foule, les terrasses regorgent de monde, cette rue n’est qu’une succession de cafés, bistrots, restos complétée de quelques commerces alimentaires de bon aloi ! Des noms qui ravissent et qui s’inscrivent dans l’histoire de Paris, l’Escargot Montorgueil, le Rocher de Cancale… Comme un souvenir des Halles d’un autre temps et du ventre de Paris. En fait ce ne sont plus les mêmes mondes mais tout de même il en reste comme une réminiscence… Je serais bien resté à lézarder à une terrasse au soleil...

Mais non je dois me hâter, je dois rejoindre le Châtelet et le RER pour filer en banlieue.

En fait je vais à Vitry, chez le distributeur auprès duquel nous devons nous fournir pour comparer de visu les divers matériels et mobiliers que je dois faire acheter pour rééquiper le service après sa transformation. Vitry en fait je connais. J ai exercé dans ce secteur au début de ma carrière mais ça fait pas mal d’années que je n’y ai pas remis les pieds. Cela donne donc en plus à mon excursion un petit côté pèlerinage. Mais là où je vais ce n’est pas la ville vraiment. C’est, entre les emprises de la SNCF et la Seine, un espace sinistre qui il y a vingt ans était le lieu d’industries en déshérence (déjà! la désindustrialisation ça ne date pas d’hier), d’entrepôts à demi abandonnés, de friches, d’habitats plutôt misérables, de quelques immeubles décatis, de pavillons de bric et de broc. Tout ça a été modernisé sans pour autant devenir plus gai, il y a maintenant ici des entrepôts et des centres de distribution aux couleurs claires et aux lignes design. Mais c’est toujours un bout du monde et pas du tout adapté d’ailleurs à un déplacement pédestre. Je n’avais pas fait attention aux distances qui sont assez grandes. Je ne croise quasi personne d’ailleurs. Quel no man’s land…

J’arrive là où je devais aller. Pour tout « showroom » comme on dit maintenant prétentieusement je découvre une salle où les éléments sont entassés sans aucun effort de présentation et pour commerciale j’ai droit à une secrétaire plutôt revêche que j’ai l’air de déranger prodigieusement. Je vais, je viens, je compare les modèles, j’essaie d’imaginer en situation, elle me suit en me couvant d’un œil soupçonneux et en répondant de façon vague à mes questions. Tout à coup le caractère surréaliste de la situation me frappe, qu’est-ce que je fais là, au fond je me fiche totalement de savoir s’il vaut mieux le modèle machin ou le modèle truc, je suis là mais où suis-je…

Je reviens vers la gare. Il est encore tôt mais je n’ai pas vraiment le temps de repasser au bureau, alors je me balade un peu dans l’ancien centre, ici c’est plus agréable, rues plus commerçantes, petits immeubles, pavillons en meulière, jardinets parfois bien fleuris d’où montent des parfums de rose, tout ça sous un soleil qui égaie. J’essaie de retrouver des sensations du temps où j’ai travaillé par ici, peu de choses remontent, tout ça ne m’évoque plus rien contrairement à d’autres endroits retrouvés après de longues absences, c’est sans doute qu’ici je n’ai rien vécu de particulièrement marquant, c’est une page lisse et plutôt plate de mon passé…

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12/06/05 : Masques :

Pas facile. Belle journée, étincelante de beau soleil dès le matin. Tensions palpables à la maison cependant, dès le lever Constance ne parait pas très bien, elle est de mauvaise humeur et quelques mots partis peut-être un peu vite de ma part suscitent une réaction disproportionnée de la sienne. C’est comme ça parfois que peuvent se construire des affrontements débiles, à partir de broutilles, qui en fait ne sont que des prétextes. Je n’ai pas repris, j’ai laissé filer, ce que sais c’est que moi j’ai envie de profiter de ce beau dimanche, pas de m’enferrer dans des discussions.

A peine le dîner terminé j’ai pris mon vélo et suis parti me promener. Elle n’a pas souhaité venir prétextant qu’elle était débordée. Je sens bien que si j’avais insisté un peu, pris sur moi d’avoir la patience de l’attendre le temps qu’elle se décide, sans doute serait-elle venue et au final ça lui aurait fait du bien. Mais je n’ai fait aucun effort. Pas envie. J’ai préfèré partir seul, tranquille, totalement maître de mon rythme. Je ne sui pas ours pourtant. Je préfère partager. Mais partager vraiment. Enfin je n’insiste pas ce n’est pas le propos.

J’ai été au musée Jacquemart André voir la présentation de masques issue des collections Barbier-Mueller. J’ai toujours aimé les masques et toute la thématique qui va avec. Être soi, créer une image de soi, jouer des images, je est un autre, comment se réconcilier, comment finalement être soi au-delà des images et des masques… Mais peut-être y suis-je spécialement sensible en ce moment où je m’interroge sur des questions autour de l’identité, de l’anonymat, du masque à propos de ce site même.

L’originalité de l’exposition est que les masques sont regroupés non selon une approche géographique ou thématique mais plutôt selon une approche sensitive ou poétique. C’est Michel Butor qui a fait le classement, créant treize catégories de son invention : « chœur des compatissants », « chœur des hilares », « chœur des méditatifs », « chœur des furieux » etc… Et il a écrit à propos de chacun des masques un court poème évoquant ce qu’il en perçoit. Magnifique idée. Malheureusement la présentation ne s’y conforme pas complètement. Les pièces ne sont pas regroupées selon les catégories de Butor, quelques unes seulement offrent le texte en regard. En fait seul le livre catalogue présente l’intégralité de la démarche et c’est bien dommage. On a l’impression que l’exposition a été faite d’après le catalogue et non l’inverse. C’est le livre qui est premier, l’exposition en est une sorte de succédané. Bref cela pousse à se procurer le livre. Est-ce le but ? Je ne sais mais en tout cas je ne l’ai pas acheté. Toujours la même question. Acheter, oui, un livre de plus, mais pourquoi ? Pour le plaisir de l’instant ? Pour avoir encore un de plus de ces « beaux livres » que l’on feuillette distraitement quelque temps puis qui vont s’accumuler sur les étagères (et de plus en plus difficilement mes murs commencent à saturer) ? Il faudrait être sûr de vraiment prendre le temps de regarder profondément chaque photo, de lire et relire chaque poème en regard, de s’en imprégner, de voir si la synergie se fait en soi ou si d’ailleurs d’autres images et d’autres mots surgissent de soi, pourquoi pas, ce serait passionnant. Mais le temps, le temps toujours…

J’en ai profité ensuite pour refaire un tour dans le Musée Jacquemart-André. J’adore ce musée. Parce qu’il y a quelques belles œuvres mais surtout parce que ce n’est pas seulement un musée, c’est une demeure. On y sent l’esprit de ceux qui ont vécu ici, qui ont choisi de se constituer une collection complètement éclectique et de l’organiser de la façon dont ils l’ont faits. C’est cela qui fait le charme du lieu; ce « de tout un peu », qui fait passer d’une époque et d’un genre à l’autre, chaque pièce à son ambiance, il y a le magnifique musée italien, la bibliothèque riche en peinture flamande, le fumoir, il y a les tableaux mais les meubles aussi et tous les objets, il y a l’escalier d’honneur donnant sur le jardin d’hiver sous sa verrière avec la magnifique fresque de Tiepolo rapporté d’une villa des bords de la Brenta, il y a le salon de musique où justement ce dimanche après-midi pendant que je visitais un trio de cordes jouait. J’étais à l’étage, sur la galerie qui court justement autour de ce salon de musique, je me suis arrêté tout le temps du concert bien entendu, c’était superbe là encore de se laisser porter dans l’ambiance du temps où cette maison vivait.

Je suis rentré par les larges avenues des « beaux quartiers » paisibles le dimanche mais je me suis arrêté un moment aussi le long du bassin du trocadéro. Pas très paisible pour le coup par là, entre rollermen en pleine action, touristes se mitraillant dans l’axe de la tour Eiffel et gamins jouant dans le bassin mais c’était gai, festif, estival…

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15/06/05 : Trop occupé !

Encore une journée bien pleine, trop pleine. Ça sature pas mal au boulot, complètement même, cette année plus que d’autres ça me monte à la gorge. C’est que j’ai aussi développé beaucoup d’autres intérêts et que ce sont ceux-ci peut-être qui rendent plus difficile à vivre mon quotidien professionnel. Cet après-midi j’ai pu sortir tôt du bureau mais j’avais mille choses à faire dans l’ordre matériel. Demain s’annonce particulièrement surbooké d’autant que je m’échappe dès vendredi matin pour un week-end d’aération montagnarde et de rencontre avec une chère diariste de là-bas...

Du coup j’ai renoncé à une sortie que j’avais prévue ce soir, j’ai absolument besoin de respiration, être avec moi, tout simplement, paisiblement, lire un peu tranquillement quelques uns de mes diaristes favoris que je n’ai pas visité depuis longtemps, aller leur faire peut-être un peu la causette, venir ici ne serait-ce que pour ces quelques mots, me coucher assez tôt avec un bon livre.

Je n’ai pas amusé le terrain cet après-midi dès la sortie du bureau. Je me suis occupé de mes billets de train puis j’ai été acheter un nouvel appareil photo. Un nouveau joujou ! J’avais acheté l’an dernier un premier appareil numérique pas trop cher pour tester mon goût pour cette nouvelle façon de faire de la photo. J’ai été convaincu, j’apprécie la souplesse que cela donne tant pour faire les photos que pour les exploiter et les partager ensuite. Mais je regrettais bien sûr la qualité de mon reflex, la netteté de la visée, l’amplitude de son zoom. J’ai acheté donc un presque réflex, ils appellent ça un bridge, j’ai commencé un peu à le prendre en main. Évidemment tout ça c’est encore de l’encombrement matériel en plus, des câbles, des logiciels à installer, quelques petites prises de tête en perspective. Je sais bien ! Je sais bien tout ce que les objets et la technique ont d’envahissant. Je sais bien qu’il serait préférable peut-être d’apprendre à s’en passer ou du moins à se limiter dans la course au neuf, au plus performant mais bon… En plus j’ai un prétexte. J’ai promis à Taupin qui n’avait pas encore d’appareil de lui donner mon premier numérique pour le séjour qu’il s’apprête à faire en Afrique et là précisément son départ approche à grand pas.

Il est là justement Taupin, il vient de revenir pour quelques jours à la maison, on n’a pas si souvent l’occasion de le voir. Il a rendu sa chambre à l’Ecole, il est revenu avec tout son déménagement (modeste, deux valises de vêtements, quelques piles de livres et de disques, son ordinateur) mais il est très pris par les préparatifs de son départ entre achats de matériel, vaccinations, réunions de préparation, contacts avec diverses ONG avec lesquelles il collabore pour son projet. C’est cela aussi qui m’a donné envie d’être à la maison, profiter un peu de cette présence partagée. Constance aussi semble plutôt en meilleure forme, tonique, gaie, toute contente parce qu’elle vient de recevoir le tour de potier qui a été son cadeau collectif d’anniversaire, il a été installé à la cave et elle veut, nous a-t-elle dit, nous faire une petite démonstration ce soir, nous descendrons la voir tous ensemble.

L’un dans l’autre je ne vais pas me coucher si tôt que ça !

Il y a tout autre chose que je voulais dire : l’actualité dans l’ensemble est fichtrement grise. De partout les nouvelles sont plutôt décourageantes mais heureusement au milieu de tout ça tout de même, il y a eu les sourires de Florence Aubenas. En soi bien sûr ce retour et cette libération sont une joie pour n’importe qui. Mais il n’y a pas que cela. La force de vie et de caractère qui crèvent l’écran dans chacune des interviews nombreuses qu’elle a données hier et aujourd’hui offrent bien plus que du soulagement. Je ne sais si c’est l’exaltation de la libération, si il y aura après un contre-coup dépressif comme le laissent entendre certains psychologues, je ne sais pas mais je ne crois pas, je sens en elle une telle force, une puissance de vie si profondément ancrée, bien plus puissante que l’horreur de l’environnement matériel et psychologique qu’elle a subi et qui me laisse subjugué d’admiration. Florence fait du bien à tous ceux qui la regardent. Chapeau !

 

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