LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de Juin 2005 (2° quinzaine)

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16/06/05 : En attendant :

Je me sens profondément bien. Les petits coups de Bourgueil que j’ai bu y contribuent sans doute. Je suis installé sur la terrasse. Je viens de terminer de dîner avec Bilbo qui est parti voir un copain. Constance est au yoga et va rentrer d’un moment à l’autre. Il fait délicieusement bon, la lumière baisse peu à peu, je n’ai pas envie de rentrer à l’intérieur.

Inutile de dire que même si pour l’instant elle s’est évanouie j’ai un petit fond d’anxiété avant mon départ vers la Savoie où je vais rencontrer Pralinette. Comment nous trouverons nous finalement, pour de vrai, en face en face ? Je réalise que c’est autre chose que d’aller rencontrer une diariste pour boire un pot, ce qui dure deux heures, qui n’est guère impliquant, soit il y a des atomes crochus et on peut se revoir, soit il n’y en a pas ou pas assez et alors tchao. Là on est pour deux jours ensemble, on ne peut pas se fuir, les silences, l’ennui, le malaise peuvent s’introduire et il faudra faire avec. Je fuis à priori les rencontres multidiaristes, me disant que je ne trouverais pas là ce qui m’intéresse c'est à dire un dialogue particulier avec quelqu'un et qui puisse aller assez loin. Et pourtant d’une certaine façon c’est plus facile, on peut rester plus facilement dans une participation distanciée ou simplement festive. Là ça ne sera pas possible. Et puis je ne peux manquer de fantasmer, en en ayant à la fois envie et un peu peur : pourrait-il y avoir quelque chose au-delà des mots, une petite palpitation de cœur et de corps qui me donnerait l’envie d’autres tendresses ?

Il faut être, être tout simplement, sans attente particulière qui pourrait être déçue, il faut être dans une disposition d’esprit d’accueil, prêt à accueillir ce qui adviendra en soi et en l’autre, attirance, désir, amitié toute simple ou bien indifférence ou même incompréhension, ne rien forcer mais ne rien brider non plus, ne pas se réfugier dans la fuite ou dans les peurs, accueillir et adviendra ce que doit…

Je suis passé par plus d’un sentiment ces derniers jours. Entre impatience et anxiété avec l’inévitable petit coup de mal au ventre. Hier l’anxiété dominait avec l’impression que des signes négatifs s’accumulaient. Le mauvais temps annoncé, cette agression féline qui handicape sérieusement Prali, les complications que ça induisait pour se rencontrer dans la mesure où elle ne peut venir me chercher à la ville. J’ai commencé à imaginer que nous restions dans le silence et l’ennui après quelques premiers échanges, en ne pouvant trop bouger entre la pluie et son bras blessé ! Et si nos attentes mutuelles ne collaient pas du tout ! Que cela paraîtra long et lourd alors ce week-end ! Ça c’est ma façon caractéristique de parfois me mettre à imaginer le pire ! Mais j’ai pu changer mes billets de train et j’arriverais directement dans sa petite ville, elle viendra me chercher à pied à la gare, nous irons jusque chez elle en discutant tranquillement et manifestement, si j’en crois la météo récente beaucoup plus optimiste, ce sera sous un beau soleil. C’est une entrée en matière autrement plus cool !

Et là, vraiment, je me sens bien. Détendu. Avec l’impression que tout ce qui peut arriver sera bon, quoi que cela soit. Après tout c’est un week-end de vacances. Tout simplement ! Ça serait bien d’être simple de temps en temps !

Rien ne dit que je resterai dans le même état d’esprit à tout moment de la journée demain, je connais mes anxiétés avant les départs, y compris les plus anodins. On verra. Allez pour le moment il me faut finir mon sac, me glisser dans un bon bain et dodo...

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19/06/05 : Week-end au vert :

Le TGV file vers Paris. J’ai sorti mon petit cahier pour noter ces journées qui viennent de s’écouler. Je suis côté soleil et il fait chaud malgré le rideau tiré. J’oscille entre envie d’écrire et assoupissement. Je repars avec dans les yeux la beauté des paysages et dans la tête la gentillesse de Pralinette et toutes nos paroles échangées…

C’était mon week-end parenthèse, une première vraie rencontre à partir de l’écriture en ligne pas seulement comme je l’ai déjà vécu quelquefois autour d’un pot dans un café mais dans le cadre plus impliquant d’un week-end entier loin de chez moi. J’en avais une certaine appréhension, cela me parait si étrange, presque surréel, cette rencontre à partir de nulle part sinon de l’océan de mots du net, dans un petit bourg assoupi en bordure de Savoie où sans cela je n’aurais jamais mis les pieds, avec quelqu'un dont l’univers social et culturel semble très différent du mien.

Prali est venu m’accueillir à la gare avec sa jovialité, sa chevelure enflammée de couleurs et avec son bras en écharpe et sa pauvre main encore emballée suite à sa malencontreuse bataille avec un chat-tigre indûment entré chez elle la semaine dernière. Du coup me voici promu chauffeur moi qui aie un rapport plutôt distant, quasi exceptionnel, avec la conduite automobile ! Nous avons beaucoup parlé, du monde de l’internet aux ramifications infinies et si petit par d’autres aspects, de nos découvertes respectives dans ce monde, de l’écriture et du blogging, et de nous-mêmes aussi.

Le grand beau temps était avec nous. Promenade le samedi dans le bourg où elle habite, passage et repassage des ponts au-dessus de la rivière qui divise la petite ville en deux entités distinctes, quelques jolies maisons savoyardes (ou dauphinoises?), des placettes assoupies, tout cela est paisible, si paisible, trop peut-être… le soir à l’heure où le jour bascule dans la nuit, nous restons quelques instants accoudés au parapet de la passerelle qui relie les deux rives à écouter le concert spectaculaire d’une troupe de grenouilles au bord de l’eau.

Dimanche nous montons en Chartreuse vers le Charmant Som. La main handicapée de Prali interdit que nous prenions la voie d’accès plus sauvage qui débouche sous le sommet par une cheminée où les mains sont nécessaires. Nous montons tranquillement par l’alpage où à cette saison s’épanouissent mille fleurs colorées. Du sommet nous découvrons St Pierre à nos pieds et le monastère de la Grande Chartreuse, plus loin les sommets encore enneigés de Belledonne, au fond la chaîne du Mont-Blanc mais qu’on distingue à peine, le temps est brumeux et s’est un peu brouillé.

 

Après le pique-nique nous allons au Monastère, visitons la Correrie qui en est une dépendance où est installé un musée qui présente l’histoire et le mode de vie des moines. C’est très évocateur. Quoique à mille lieux de l’aspect proprement religieux de la démarche de ceux qui viennent se réfugier ici, je comprends l’appel qu’ils peuvent ressentir au dépouillement, au silence, à la contemplation. Prenant le chemin ombragé qui s’élève au-dessus de la Correrie nous montons jusqu’au-delà du Monastère lui-même dont nous découvrons vu d’en haut la masse impressionnante, la complexité des espaces, la multiplicité des toitures aux pentes souvent extrêmes. De retour à la Correrie nous restons un moment dans une belle allée ombragée, dont les feuillages s’irisent de soleil, moment paisible, devant nous un blanc troupeau de vaches, face aux escarpement du Charmant Som où nous étions le matin.

 

Pour le soir Prali a prévu la fondue. Soyons savoyard ! A vrai dire la température qui règne ne rend pas ce plat des plus adaptés. Bien arrosé d’un blanc très frais, qui coule d’abondance, elle passe très bien cette petite fondue ! Nous sommes sur la terrasse. Il fait délicieusement bon avec la nuit qui tombe, la conversation se prolonge sur des terrains plus profonds et plus intimes.

Ce matin Prali m’a mené vers ses lieux de prédilection, des endroits où elle se ballade régulièrement depuis des années et dont elle connaît tous les recoins, il est tôt, la lumière est éclatante, le ciel bien plus pur qu’hier, nous allons sur le rebord d’un plateau qui domine le Rhône, petits villages en bas comme vus d’avion, large étendue bleu intense du fleuve à nos pieds, nous cheminons longuement sous un couvert épais où il fait frais, débouchons à un autre point de vue puis continuons par de petites routes sans voiture dans une campagne extrêmement paisible, les hameaux sont tranquilles, les maisons souvent fleuries notamment de rosiers grimpant le long des murs et qui sont en pleine floraison, la campagne arbore toutes sortes de nuances de verts, il y a des bouquets serrés de coquelicots dans les champs, une odeur d’herbe coupée et par moments des effluves de seringas ou de chèvrefeuille, ici pour moi la découverte est totale, plus encore qu’en Chartreuse où j’étais déjà venu à plusieurs reprises.

Merci Pralinette de toutes ces découvertes…

Sur ces ailes, s'envoler, s'envoler...

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20/06/05 : Un morceau de pain :

Retour brutal aux réalités de Paris et de mon travail aujourd'hui. Réunion à l’autre bout de la ville, où ma participation est requise institutionnellement mais où je me ressens en fait comme parfaitement inutile. Longues heures très langue de bois. En plus Paris dégouline de chaleur. En sortant j’ai suivi comme j’ai pu les zones d’ombre au long des rues puis je suis entré dans le métro, autre étouffoir.

Il y a eu, ce qui devient quasi inévitable dans tout trajet un peu long en dehors des heures de pointe, une complainte d’exclu. Il en est de toutes sortes, certaines doucereuses, d’autres provocantes ou agressives, certaines tentant un humour désespéré, d’autres déroulant la liste des malheurs arrivés à la personne, certaines dites à voix forte et claire, d’autres confuses et embrouillées. On y retrouve les mêmes ingrédients : « donnez moi une pièce, ou un ticket restaurant, ou un ticket de métro, pour manger, pour que je puisse rester propre… » Leur répétitivité empêche qu’on les entendent vraiment même si parfois on donne la pièce, parfois on ne la donne pas, sans savoir sur quel critère. Aujourd'hui la femme qui était là a commencé calmement par un discours manifestement calibré répété de wagons en wagons, dans l’indifférence. Peu à peu son ton est monté, elle est sorti des mots habituels, jetant sur les gens des regards à la fois implorants et plein de haine. Après le ticket restaurant c’est devenu : «donnez ce que vous avez, un morceau de pain, une croûte de pain sec, bon appétit à vous les riches qui mangerez ce soir, et moi je vais tomber par terre, là, personne ne me ramassera… ». Et elle allait et venait des uns aux autres, se plantant devant les gens, les fixant dans les yeux, tendant la main, puis bondissant vers quelqu'un d’autre sans même attendre une improbable réponse. Quelle tristesse ! Quelle dureté ! Dans quel monde vit-on ? On ne peut que fuir, moi en tout cas je ne sais que fuir mais lesté bien sûr d’un malaise qui se rajoute à celui de ma journée peu productive.

Je reviens à la maison, assez tôt, je vais saisir sur l’ordinateur et mettre en ligne ce que j’ai écrit sur mon petit cahier dans le train pendant mon voyage de ce week-end. Je ne me mets pas sur la terrasse, il fait trop chaud, pas non plus dans mon bureau sous le toit, je me mets dans la chambre d’ami, la pièce la plus fraîche. J’essaie de revenir à ce week-end. C’était hier. C’est loin déjà.

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23/06/05 : Ecrire…communiquer… :

Un des points qui m’est apparu de façon évidente au travers des discussions que j’ai eues avec Pralinette à propos de nos propres journaux et de quantité d'autres dont nous avons parlé, est la différence d’approche dans la façon de tenir son journal en ligne selon que l’objectif est d’abord l’écriture de soi ou d’abord la communication.

Beaucoup de bloggueurs, une grande majorité en fait, sont d’abord dans la communication. Les messages lancés au départ comme des bouteilles jetés au hasard dans l’océan des mots ont pour fonction de rencontrer des destinataires, ils prennent sens et se déterminent ensuite en fonction des individus ou des micro-groupes avec lesquels cette communication s’établit. D’où l’importance attribuée aux commentaires et aux dialogues qu’ils génèrent, sur les blogs eux-mêmes d’abord puis dans des discussions en ligne sur MSN , au téléphone ou en rencontres effectives.

Moi je suis (ou j’étais ?) d’abord et avant tout dans l’écriture. Je n’ai fait que reprendre ma pratique de vieux routier du journal, sur cahier puis sur ordinateur tenu à différentes périodes de ma vie, certes de façon irrégulière et avec un très long temps d’interruption. J’étais bien conscient qu’il y aurait des conséquences à le mettre ainsi en ligne mais je souhaitais qu’il se poursuive dans le même ton, avec les mêmes objectifs de remémoration du passé et d’investigation sur ce que je suis. La communication dans ce cas peut être importante mais elle reste seconde. Et par moments on peut craindre qu’elle ne brouille l’expression ou plus exactement qu’elle l’affadisse ou en gomme les aspérités. L’effet en est peu sensible (encore que !) lorsque la communication est rare, totalement distanciée, dans un anonymat total. Il devient plus important lorsque les relations se multiplient et se resserrent et lorsque l’anonymat menace de se déliter.

Tout, absolument tout de ce que je raconte de ma rencontre avec Pralinette et de mon ressenti est exact, mais l’aurais-je fait exactement avec les mêmes mots, les mêmes inflexions si j’avais donné cela à mon seul journal pour moi ? Je ne crois pas sans bien savoir en quoi il aurait été différent. Mon texte forcément est aussi une sorte de lettre de remerciement à Pralinette, un clin d’œil à tous ceux qui la lisant vont me lire et à qui je souhaite dire combien son accueil a été chaleureux. C’est un peu pourquoi aussi je suis rétif à l’idée des commentaires ce qui en étonne plus d’un ou d’une. L’effet de renvois d’amabilités y est souvent dominant. Je ne dis pas que c’est mal, il n’y a aucun mal à être gentil les uns avec les autres, mais reconnaissons que cela donne parfois des longs déroulés d’interventions qui tournent un peu en rond dans l’autocélébration mutuelle et dont je me dis qu’elles pompent une part de l’énergie et du temps (toujours ce temps trop resserré !) que l’on peut consacrer aux activités d’écriture parmi nos autres occupations, obligations ou plaisirs.

Et pourtant plus ça va plus j’ai envie de m’y mettre moi aussi. D’abord parce que les commentaires ne sont pas que renvois d’amabilités, ils sont aussi ouverture sur des discussions qui n’auraient pas lieu dans le cadre plus restreint des mails privés et parce que, oui, plus ça va, et cette rencontre avec Pralinette me le confirme, plus j’ai envie de communiquer largement moi aussi, plus j’ai envie que cet aspect prenne de plus en plus de place, quitte à ce que ce soit au prix d’une certaine modification de mon écriture, d’un infléchissement vers une écriture de plus en plus extime, de moins en moins intime ou plutôt acceptant de laisser complètement de côté certains pans de l’intime (infléchissement déjà à l’œuvre d’ailleurs, je n’écris plus tout à fait de la même façon et sur les mêmes sujets qu’au moment où j’ai commencé.)

Vous allez voir, je sens que le Valclair va finir par se mettre au blog et par s’ouvrir un compte MSN !

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25/06/05 : Interview :

Je viens de recevoir le dernier numéro de la Faute à Rousseau, la revue de l’Association pour l’Autobiographie. Un de ces animateurs m’avait il y a quelques mois déjà demandé une interview à propos de l’écriture en ligne pour un dossier précisément consacré à « comment l’écrire? », évoquant les chemins pour écrire, les difficultés à le faire, les confrontations possibles à l’indicible, les contournements pour tenter de dire quand même… Cadré par les questions je m’étais concentré plus particulièrement sur ce qui a été modifié ou pas pour moi dans ma façon d’écrire par le fait de passer en ligne, bref sur le « comment l’écrire en ligne ? » et je m’attendais donc à ce que cette interview soit partie prenante du dossier central de ce numéro, ce qui n’est pas le cas. Ça m’a un peu surpris et déçu. Cela induit ou laisse penser que pour l’APA, association qui existe depuis un douzaine d’années, bien avant la généralisation d’internet, qui collecte dans son fonds des textes d’aujourd'hui mais aussi beaucoup de textes anciens, ce développement d’internet reste un peu une marge alors que je pense pour ma part qu’il en train de devenir central en tout cas pour ce qui est des journaux, pour ce qui est la part vivante du patrimoine autobiographique d’aujourd'hui et de demain.

Mon interview se trouve vers la fin du numéro, dans les chroniques, sous le chapeau des blogs. Or justement ces Échos ne sont pas un blog mais un site web classique qui ne comporte pas ce qui fait la spécificité des blogs, l’interactivité directe par le biais des commentaires. D’une certaine façon, je ne suis rentré qu’à moitié dans la modernité du dispositif de mise en ligne, je suis à mi-chemin, encore dans la logique du journal classique, pas encore tout à fait dans celle du blog. J’y viendrais, j’en suis à peu près sûr maintenant, voyez mon entrée précédente, mais bon je n’y suis pas encore…

Cela dit je suis tout content de lire cette interview. Ça me fait drôle de voir Valclair sur le papier, dans une revue de qualité, imprimée, à la diffusion certes limitée mais qui porte toutefois au-delà (ou ailleurs plutôt) que dans le cercle de mes lecteurs habituels ou de hasard, une revue qui est un objet physique aussi, qui reste tel qu’en lui-même, qui s’inscrit dans une collection, qu’on pourra venir relire, les années passant. Et puis évidemment même si je ne suis pas, loin de là, un fanatique de l’élargissement de mon lectorat, j’y glanerai sans doute quelques nouveaux lecteurs et quelques échos de mes échos dans d’autres regards, ce qui ne peut me déplaire.

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26/06/05 : Préparatifs :

La petite famille est légèrement sur les dents

Taupin s’envole pour l'Afrique demain après-midi. Enfin en principe ! Il a des billets open, fourni gratuitement par Aviation sans Frontière, il doit aller à l’aéroport, il ne montera dans l’avion que s’il y a des places. On lui a dit que ce n’était pas sûr mais qu’il y avait de bonnes chances. Oh que je n’aimerais pas ça ! On l’a aidé à finir ses préparatifs. Les parents ça sert encore un peu ! Il pensait que tout était à peu près prêt, il lui manquait pas mal de choses en fait. Hier on a couru les magasins, sans avoir réalisé que c’était précisément le début des soldes, samedi vers quatre heures de l’après-midi au centre commercial ce n’était pas triste ! En préparant son sac il s’est rendu compte que celui que nous lui prêtions était trop petit, il a fallu en acheter un d’urgence, un chapeau aussi ça s’impose, des chaussures légères et montantes, des cartes et des piles de rechange pour l’appareil photo, quantité de médicaments, bref on s’y est mis à plusieurs. On sent aussi monter un peu d’anxiété aussi bien chez lui que chez nous, il est content de voir se concrétiser ce projet humanitaire qu’il pilote depuis qu’il est entré à l’école et dont il fait son stage de fin de première année. Il part avec un autre étudiant, en liaison avec SOS Sahel et Ingénieurs sans frontières, ils vont essayer de mettre au point une filière de commerce équitable pour un produit de l’agriculture locale. C’est plus enrichissant humainement et sûrement aussi pour l’apprentissage de la conduite de projets que beaucoup de stages dits d’exécutants que les élèves ingénieurs sont censés faire en première année mais plus stressant aussi. Enfin, il est grand quoi !

Quant à Bilbo demain c’est son oral du bac de français, il me semble loin d’être prêt, mais toute question ou proposition sur le sujet n’est guère supportée par l’animal, je m’efforce donc de ne pas intervenir, de toute façon ça ne servirait à rien au point où on en est rendu. Cet après-midi, il en avait marre, il est parti s’aérer un peu avec des copains, et oui, lui aussi il commence à être grand ! Il a pas mal de tchatche et les idées en général assez claires mais cela suffira-t-il, un peu plus de connaissances ç’aurait été bien aussi…

On en est à cette phase où les parents sont encore bien nécessaires mais « en tant que de besoin ». Il ne s’agit pas de vouloir organiser nous-mêmes mais d’être là quand ces messieurs en ont besoin. Et sans trop leur montrer parce que ça les agace. Pas toujours faciles pour les parents à la fois requis et dépossédés. Mais bon, ils sont super tout de même, les fistons !

Nous on prépare un petit voyage pour cet été. En fait on croyait les choses arrêtées, on devait aller crapahuter sur les flancs du Taurus puis sur les chemins côtiers de la côte lycienne. Mais l’agence a annulé le voyage trouvant qu’elle n’avait pas assez d’inscrits. Alors on se branche sur d’autres projets. On fait défiler les destinations, finalement et peut-être est-ce l’effet de la canicule qui pèse sur Paris, on a laissé tomber les destinations de soleil, on va partir vers des destinations plus septentrionales pas encore arrêtées, on partira un peu plus tard et en autonomie donc on prendra Bilbo avec nous qui sera revenu de sa semaine bretonne avec ses copains.

Cet après-midi Constance et moi on s’est offert un petit film détente, un voyage plutôt plaisant à travers l'Europe, la grande, entre Paris, Londres et St Pétersbourg, dans les basques de Romain Duris et de sa bande de copains, (et de copines, plus que plaisantes à regarder). On a vu « Les Poupées Russes », c'est la continuité sympathique de "l'Auberge espagnole", ça n'a rien d'extraordinaire mais on passe un bon moment, c'est assez drôle et parfois émouvant, c'est encore une histoire d’adolescence qui s’éternise, histoire légère et pas si légère en même temps.

Et moi j’ai un peu écrit. Ce matin, à cause d’un réveil intempestivement matinal (grâce à lui plutôt) j’ai pondu un court texte que je vais pouvoir aller donner à Obsolettres, ça faisait un moment que ça me titillait de remettre le nez dans cet atelier d’écriture en ligne que j’apprécie mais où je ne vais souvent qu’en promeneur trop passif.

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29/06/05 : Trios :

Ces jours-ci c’était la fête du cinéma : un premier billet acheté au tarif normal puis, pendant trois jours, toutes les autres séances à 2€, les ados qui commencent en général leur vacances à ce moment là se font en général une bonne ventrée de films, trois, quatre par jours, Bilbo n’y a pas manqué depuis lundi midi où il s’est trouvé libéré de son bac. Moi aussi j’ai tenté d’en profiter, bien plus modestement évidemment, c’est que je bosse moi encore jusqu’au 8 juillet. Mais je me suis débrouillé pour sortir assez tôt du bureau j’ai pu voir « My summer of love » lundi et « Douches froides » hier. Bons films l’un comme l’autre. Et qui, quoique totalement différents dans leur traitement, ont pour partie des sujets communs : le désir adolescent, les différences de classe, les ressentis différents qu’ils induisent, les malentendus qu’ils génèrent (quand ce n’est pas plus !). Dans l’un comme l’autre film le ton est grave malgré quelques scènes qui font sourire, en tout cas du point de vue des personnages qui sont d’origine populaire. Le drame n’est pas loin même s’il ne survient pas vraiment. Les traces laissées sur eux par l’aventure seront, on l’imagine, profondes, douloureuses sûrement, mais peut-être aussi étapes décisives dans la construction de leur vie et de leur personnalité. Les personnages socialement plus favorisés apparaissent plus légers, plus détachés, s’impliquant moins, ils se seront simplement amusés.

J’ai aimé la fraîcheur, la simplicité avec laquelle se manifeste le désir amoureux dans les deux films, à travers des situations non conventionnelles, une relation homosexuelle dans le premier, la constitution d’un trio dans le second. Il n’y a pas d’interrogation morale, les personnages suivent leur désir comme il se présente, ils l’accueillent, s’y soumettent et cela donne des scènes érotiques très belles, très fraîches, sans rien de déplaisant ou de graveleux. Que les situations créées ensuite ne soient pas simples c’est évident mais les moments du surgissement et de l’accomplissement du désir en tout cas sont de beaux moments de vie et de cinéma.

C’est particulièrement vrai dans « Douches froides », j’aime dans ce film que ce soit Vanessa la jeune fille qui soit à l’initiative, c’est elle qui porte le désir d’abord et qui choisit qu’il s’accomplisse. J’aime cette force et cette liberté de femme bien plus simple et saine que les comportements hâbleurs ou matamores de bien des garçons qui reflètent en réalité souvent une peur mal maîtrisée de la sexualité. Il n’y a qu’à voir les têtes des garçons pendant qu’au tout début du film Vanessa en cours d’anglais commente en toute liberté et sans avoir peur des mots le texte de la chanson « Meet the monster » de P.J. Harvey. C’est elle ensuite qui choisit de se mêler aux deux garçons qui s’entraînent sur le sol de la salle de sport, c’est elle qui mène la danse et elle vit l’évènement avec bonheur. Le jeu lui a plu. « C’était bien ! ». Elle le dit en toute simplicité à son ami plus tard. Elle veut lui faire reconnaître que pour lui aussi c’était bien. Mais pour le garçon c’est infiniment plus difficile, sa relation n’y survivra pas mais sans doute aura-t-il grandi à travers l’expérience comme à travers ses autres échecs, au bac et sur le tatami.

Ma sexualité est tout ce qui a de plus conventionnel. Une fois seulement, il y a beaucoup d’années déjà, je me suis trouvé dans une situation de ce type. Après des caresses appuyées partagées nous en étions restés là. Je ne sais trop ce qui a finalement arrêté nos gestes. Etait-ce nous même, les deux garçons, qui étions un peu coincés ou notre partenaire qui était moins libre de son corps que Vanessa, ou qui peut-être ne voulait pas vraiment, ayant peut-être trouvé surtout son plaisir à attiser nos propres désirs ? Autant je me souviens très bien des circonstances de ce rapprochement, un moment de magie, autant ce qui a empêché qu’il se conclue m’échappe. Mais c’était un autre temps aussi quoique Mai 68 et une soi-disant révolution sexuelle soit passée par là. On se croyait très libre en effet mais on ne l’était pas tant que ça, les vieilles peurs nous restaient chevillées au corps. J’ai toujours regretté en tout cas que le rapprochement ce jour là n’ait pas été à son terme. Et sans doute est-ce parce que j’ai retrouvé un peu de ce moment de mon propre passé dans la chorégraphie de luttes et de caresses qu’entament Mickael, Clément et Vanessa sur le tatami de la salle de sport que ces images m’ont émues.

Ce qui importe pour moi et donne sens à ce genre de moment c’est qu’il repose sur un vrai désir, une vraie rencontre, et c’est pourquoi son surgissement n’a rien d’évident. C’est quelque chose qui n’a rien à voir avec la sexualité mécanique des clubs échangistes ou des partouzes qui, sans aucun a priori moral, me répugnent, me paraissant plus signe de misère affective et sexuelle que de rencontre et d’ouverture.

Autre trio : J’achève la lecture de Jules et Jim. Je ne sais trop quoi penser de ce livre. Au début je n’ai pas accroché. Le ton un peu précieux, l’impression de superficialité que donnent les personnages, grands bourgeois bohèmes dans l’Europe de l’avant et de l’après première guerre mondiale, la valse des personnages féminins qui sont des figures à peine tracées auxquelles on a du mal à s’intéresser, m’ont agacé et même ennuyé au point que j’ai failli lâcher le livre. Lorsque se construit la relation avec Kathe les choses changent un peu encore que les intermittences continuelles du cœur dans leur sécheresse finissent par lasser. Mais se dessine peu à peu en pointillé une figure tragique qui reste insaisissable mais qui intrigue et à laquelle on s’attache.

J’ai vu il y a longtemps le film de Truffaut. Je n’en garde pas du tout le même souvenir. Ce qui m’avait frappé à l’époque c’était l’idée que l’équilibre soit possible dans un triangle amoureux dégagé des préjugés bourgeois et des affres de la jalousie et survivant malgré les orages. J’avais l’idée d’un film foncièrement optimiste. J’imagine que c’est une image déformée que j’en ai gardée. Du coup j’ai envie de le revoir. Et j’ai envie d’en savoir plus sur le livre et sur ce que son auteur y a mis de lui puisque je sais que la part autobiographique y est importante.
Ainsi je croyais d’abord lâcher ce livre sans le terminer, finalement je vais plutôt remettre le nez dedans et chercher à en retrouver le contexte.

Il fait quasiment toujours aussi lourd et chaud sur Paris. Les corps dans la rue sont largement dévêtus, les demoiselles se promènent en tenue très légère, bras et dos nus, jambes découvertes, robes virevoltantes. L’autre jour lorsque je me suis retrouvé sous l’orage violent, l’eau du ciel était comme une détente violente, j’aurais eu envie de boire à toutes les sources, chevelures dégoulinant de pluie, robes et corsages légers collés sur les corps… Cette ambiance de moite sensualité agite le corps et lui donne envie d’être honoré, ce que la couche conjugale ne m’offre plus que rarement et sans conviction, c’est pour cela aussi j’imagine qu’à partir de ces films, de ce livre mes pensées ont si facilement glissées vers tous ces souvenirs, rêveries et fantasmes…

Aïe, voilà les garçons qui rentrent ! Leur départ vers l’Afrique ne se révèle finalement pas évident du tout. Encore une excursion à Roissy pour rien, une fois de plus ils n’ont pas pu monter dans l’avion, la priorité qu’est censé leur donner Aviation sans Frontières a l’air bien moins prioritaires que toutes sortes d’autres motifs ! Pas terrible pour leur mission humanitaire, retardée de jour en jour et pas terrible pour eux. Mais ils restent calmes et sereins. Je serais à leur place, j’aurais beaucoup, beaucoup de mal à supporter...

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