16/06/05 : En attendant
:
Je me sens profondément bien. Les petits
coups de Bourgueil que j’ai bu y contribuent sans doute. Je
suis installé sur la terrasse. Je viens de terminer de dîner
avec Bilbo qui est parti voir un copain. Constance est au yoga et
va rentrer d’un moment à l’autre. Il fait délicieusement
bon, la lumière baisse peu à peu, je n’ai pas
envie de rentrer à l’intérieur.
Inutile de dire que même si pour l’instant
elle s’est évanouie j’ai un petit fond d’anxiété
avant mon départ vers la Savoie où je vais rencontrer
Pralinette. Comment nous trouverons nous finalement, pour de vrai,
en face en face ? Je réalise que c’est autre chose que
d’aller rencontrer une diariste pour boire un pot, ce qui dure
deux heures, qui n’est guère impliquant, soit il y a
des atomes crochus et on peut se revoir, soit il n’y en a pas
ou pas assez et alors tchao. Là on est pour deux jours ensemble,
on ne peut pas se fuir, les silences, l’ennui, le malaise peuvent
s’introduire et il faudra faire avec. Je fuis à priori
les rencontres multidiaristes, me disant que je ne trouverais pas
là ce qui m’intéresse c'est à dire un dialogue
particulier avec quelqu'un et qui puisse aller assez loin. Et pourtant
d’une certaine façon c’est plus facile, on peut
rester plus facilement dans une participation distanciée ou
simplement festive. Là ça ne sera pas possible. Et puis
je ne peux manquer de fantasmer, en en ayant à la fois envie
et un peu peur : pourrait-il y avoir quelque chose au-delà
des mots, une petite palpitation de cœur et de corps qui me donnerait
l’envie d’autres tendresses ?
Il faut être, être tout simplement,
sans attente particulière qui pourrait être déçue,
il faut être dans une disposition d’esprit d’accueil,
prêt à accueillir ce qui adviendra en soi et en l’autre,
attirance, désir, amitié toute simple ou bien indifférence
ou même incompréhension, ne rien forcer mais ne rien
brider non plus, ne pas se réfugier dans la fuite ou dans les
peurs, accueillir et adviendra ce que doit…
Je suis passé par plus d’un sentiment
ces derniers jours. Entre impatience et anxiété avec
l’inévitable petit coup de mal au ventre. Hier l’anxiété
dominait avec l’impression que des signes négatifs s’accumulaient.
Le mauvais temps annoncé, cette agression féline qui
handicape sérieusement Prali, les complications que ça
induisait pour se rencontrer dans la mesure où elle ne peut
venir me chercher à la ville. J’ai commencé à
imaginer que nous restions dans le silence et l’ennui après
quelques premiers échanges, en ne pouvant trop bouger entre
la pluie et son bras blessé ! Et si nos attentes mutuelles
ne collaient pas du tout ! Que cela paraîtra long et lourd alors
ce week-end ! Ça c’est ma façon caractéristique
de parfois me mettre à imaginer le pire ! Mais j’ai pu
changer mes billets de train et j’arriverais directement dans
sa petite ville, elle viendra me chercher à pied à la
gare, nous irons jusque chez elle en discutant tranquillement et manifestement,
si j’en crois la météo récente beaucoup
plus optimiste, ce sera sous un beau soleil. C’est une entrée
en matière autrement plus cool !
Et là, vraiment, je me sens bien. Détendu.
Avec l’impression que tout ce qui peut arriver sera bon, quoi
que cela soit. Après tout c’est un week-end de vacances.
Tout simplement ! Ça serait bien d’être simple
de temps en temps !
Rien ne dit que je resterai dans le même état
d’esprit à tout moment de la journée demain, je
connais mes anxiétés avant les départs, y compris
les plus anodins. On verra. Allez pour le moment il me faut finir
mon sac, me glisser dans un bon bain et dodo...
Retour au haut de page
19/06/05 : Week-end
au vert :
Le TGV file vers Paris. J’ai sorti mon petit
cahier pour noter ces journées qui viennent de s’écouler.
Je suis côté soleil et il fait chaud malgré le
rideau tiré. J’oscille entre envie d’écrire
et assoupissement. Je repars avec dans les yeux la beauté des
paysages et dans la tête la gentillesse de Pralinette et toutes
nos paroles échangées…
C’était mon week-end parenthèse,
une première vraie rencontre à partir de l’écriture
en ligne pas seulement comme je l’ai déjà vécu
quelquefois autour d’un pot dans un café mais dans le
cadre plus impliquant d’un week-end entier loin de chez moi.
J’en avais une certaine appréhension, cela me parait
si étrange, presque surréel, cette rencontre à
partir de nulle part sinon de l’océan de mots du net,
dans un petit bourg assoupi en bordure de Savoie où sans cela
je n’aurais jamais mis les pieds, avec quelqu'un dont l’univers
social et culturel semble très différent du mien.
Prali est venu m’accueillir à la gare
avec sa jovialité, sa chevelure enflammée de couleurs
et avec son bras en écharpe et sa pauvre main encore emballée
suite à sa malencontreuse bataille avec un chat-tigre indûment
entré chez elle la semaine dernière. Du coup me voici
promu chauffeur moi qui aie un rapport plutôt distant, quasi
exceptionnel, avec la conduite automobile ! Nous avons beaucoup parlé,
du monde de l’internet aux ramifications infinies et si petit
par d’autres aspects, de nos découvertes respectives
dans ce monde, de l’écriture et du blogging, et de nous-mêmes
aussi.
Le grand beau temps était avec nous. Promenade
le samedi dans le bourg où elle habite, passage et repassage
des ponts au-dessus de la rivière qui divise la petite ville
en deux entités distinctes, quelques jolies maisons savoyardes
(ou dauphinoises?), des placettes assoupies, tout cela est paisible,
si paisible, trop peut-être… le soir à l’heure
où le jour bascule dans la nuit, nous restons quelques instants
accoudés au parapet de la passerelle qui relie les deux rives
à écouter le concert spectaculaire d’une troupe
de grenouilles au bord de l’eau.

Dimanche nous montons en Chartreuse vers le Charmant
Som. La main handicapée de Prali interdit que nous prenions
la voie d’accès plus sauvage qui débouche sous
le sommet par une cheminée où les mains sont nécessaires.
Nous montons tranquillement par l’alpage où à
cette saison s’épanouissent mille fleurs colorées.
Du sommet nous découvrons St Pierre à nos pieds et le
monastère de la Grande Chartreuse, plus loin les sommets encore
enneigés de Belledonne, au fond la chaîne du Mont-Blanc
mais qu’on distingue à peine, le temps est brumeux et
s’est un peu brouillé.


Après le pique-nique nous allons au Monastère,
visitons la Correrie qui en est une dépendance où est
installé un musée qui présente l’histoire
et le mode de vie des moines. C’est très évocateur.
Quoique à mille lieux de l’aspect proprement religieux
de la démarche de ceux qui viennent se réfugier ici,
je comprends l’appel qu’ils peuvent ressentir au dépouillement,
au silence, à la contemplation. Prenant le chemin ombragé
qui s’élève au-dessus de la Correrie nous montons
jusqu’au-delà du Monastère lui-même dont
nous découvrons vu d’en haut la masse impressionnante,
la complexité des espaces, la multiplicité des toitures
aux pentes souvent extrêmes. De retour à la Correrie
nous restons un moment dans une belle allée ombragée,
dont les feuillages s’irisent de soleil, moment paisible, devant
nous un blanc troupeau de vaches, face aux escarpement du Charmant
Som où nous étions le matin.


Pour le soir Prali a prévu la fondue. Soyons
savoyard ! A vrai dire la température qui règne ne rend
pas ce plat des plus adaptés. Bien arrosé d’un
blanc très frais, qui coule d’abondance, elle passe très
bien cette petite fondue ! Nous sommes sur la terrasse. Il fait délicieusement
bon avec la nuit qui tombe, la conversation se prolonge sur des terrains
plus profonds et plus intimes.
Ce matin Prali m’a mené vers ses lieux
de prédilection, des endroits où elle se ballade régulièrement
depuis des années et dont elle connaît tous les recoins,
il est tôt, la lumière est éclatante, le ciel
bien plus pur qu’hier, nous allons sur le rebord d’un
plateau qui domine le Rhône, petits villages en bas comme vus
d’avion, large étendue bleu intense du fleuve à
nos pieds, nous cheminons longuement sous un couvert épais
où il fait frais, débouchons à un autre point
de vue puis continuons par de petites routes sans voiture dans une
campagne extrêmement paisible, les hameaux sont tranquilles,
les maisons souvent fleuries notamment de rosiers grimpant le long
des murs et qui sont en pleine floraison, la campagne arbore toutes
sortes de nuances de verts, il y a des bouquets serrés de coquelicots
dans les champs, une odeur d’herbe coupée et par moments
des effluves de seringas ou de chèvrefeuille, ici pour moi
la découverte est totale, plus encore qu’en Chartreuse
où j’étais déjà venu à plusieurs
reprises.
Merci Pralinette de toutes ces découvertes…

Sur ces ailes, s'envoler, s'envoler...
Retour au haut de page
20/06/05 : Un morceau de pain :
Retour brutal aux réalités de Paris
et de mon travail aujourd'hui. Réunion à l’autre
bout de la ville, où ma participation est requise institutionnellement
mais où je me ressens en fait comme parfaitement inutile. Longues
heures très langue de bois. En plus Paris dégouline
de chaleur. En sortant j’ai suivi comme j’ai pu les zones
d’ombre au long des rues puis je suis entré dans le métro,
autre étouffoir.
Il y a eu, ce qui devient quasi inévitable
dans tout trajet un peu long en dehors des heures de pointe, une complainte
d’exclu. Il en est de toutes sortes, certaines doucereuses,
d’autres provocantes ou agressives, certaines tentant un humour
désespéré, d’autres déroulant la
liste des malheurs arrivés à la personne, certaines
dites à voix forte et claire, d’autres confuses et embrouillées.
On y retrouve les mêmes ingrédients : « donnez
moi une pièce, ou un ticket restaurant, ou un ticket de métro,
pour manger, pour que je puisse rester propre… » Leur
répétitivité empêche qu’on les entendent
vraiment même si parfois on donne la pièce, parfois on
ne la donne pas, sans savoir sur quel critère. Aujourd'hui
la femme qui était là a commencé calmement par
un discours manifestement calibré répété
de wagons en wagons, dans l’indifférence. Peu à
peu son ton est monté, elle est sorti des mots habituels, jetant
sur les gens des regards à la fois implorants et plein de haine.
Après le ticket restaurant c’est devenu : «donnez
ce que vous avez, un morceau de pain, une croûte de pain sec,
bon appétit à vous les riches qui mangerez ce soir,
et moi je vais tomber par terre, là, personne ne me ramassera…
». Et elle allait et venait des uns aux autres, se plantant
devant les gens, les fixant dans les yeux, tendant la main, puis bondissant
vers quelqu'un d’autre sans même attendre une improbable
réponse. Quelle tristesse ! Quelle dureté ! Dans quel
monde vit-on ? On ne peut que fuir, moi en tout cas je ne sais que
fuir mais lesté bien sûr d’un malaise qui se rajoute
à celui de ma journée peu productive.
Je reviens à la maison, assez tôt,
je vais saisir sur l’ordinateur et mettre en ligne ce que j’ai
écrit sur mon petit cahier dans le train pendant mon voyage
de ce week-end. Je ne me mets pas sur la terrasse, il fait trop chaud,
pas non plus dans mon bureau sous le toit, je me mets dans la chambre
d’ami, la pièce la plus fraîche. J’essaie
de revenir à ce week-end. C’était hier. C’est
loin déjà.
Retour au haut de page
23/06/05 : Ecrire…communiquer…
:
Un des points qui m’est apparu de façon
évidente au travers des discussions que j’ai eues avec
Pralinette à propos de nos propres journaux et de quantité
d'autres dont nous avons parlé, est la différence d’approche
dans la façon de tenir son journal en ligne selon que l’objectif
est d’abord l’écriture de soi ou d’abord
la communication.
Beaucoup de bloggueurs, une grande majorité
en fait, sont d’abord dans la communication. Les messages lancés
au départ comme des bouteilles jetés au hasard dans
l’océan des mots ont pour fonction de rencontrer des
destinataires, ils prennent sens et se déterminent ensuite
en fonction des individus ou des micro-groupes avec lesquels cette
communication s’établit. D’où l’importance
attribuée aux commentaires et aux dialogues qu’ils génèrent,
sur les blogs eux-mêmes d’abord puis dans des discussions
en ligne sur MSN , au téléphone ou en rencontres effectives.
Moi je suis (ou j’étais ?) d’abord
et avant tout dans l’écriture. Je n’ai fait que
reprendre ma pratique de vieux routier du journal, sur cahier puis
sur ordinateur tenu à différentes périodes de
ma vie, certes de façon irrégulière et avec un
très long temps d’interruption. J’étais
bien conscient qu’il y aurait des conséquences à
le mettre ainsi en ligne mais je souhaitais qu’il se poursuive
dans le même ton, avec les mêmes objectifs de remémoration
du passé et d’investigation sur ce que je suis. La communication
dans ce cas peut être importante mais elle reste seconde. Et
par moments on peut craindre qu’elle ne brouille l’expression
ou plus exactement qu’elle l’affadisse ou en gomme les
aspérités. L’effet en est peu sensible (encore
que !) lorsque la communication est rare, totalement distanciée,
dans un anonymat total. Il devient plus important lorsque les relations
se multiplient et se resserrent et lorsque l’anonymat menace
de se déliter.
Tout, absolument tout de ce que je raconte de ma
rencontre avec Pralinette et de mon ressenti est exact, mais l’aurais-je
fait exactement avec les mêmes mots, les mêmes inflexions
si j’avais donné cela à mon seul journal pour
moi ? Je ne crois pas sans bien savoir en quoi il aurait été
différent. Mon texte forcément est aussi une sorte de
lettre de remerciement à Pralinette, un clin d’œil
à tous ceux qui la lisant vont me lire et à qui je souhaite
dire combien son accueil a été chaleureux. C’est
un peu pourquoi aussi je suis rétif à l’idée
des commentaires ce qui en étonne plus d’un ou d’une.
L’effet de renvois d’amabilités y est souvent dominant.
Je ne dis pas que c’est mal, il n’y a aucun mal à
être gentil les uns avec les autres, mais reconnaissons que
cela donne parfois des longs déroulés d’interventions
qui tournent un peu en rond dans l’autocélébration
mutuelle et dont je me dis qu’elles pompent une part de l’énergie
et du temps (toujours ce temps trop resserré !) que l’on
peut consacrer aux activités d’écriture parmi
nos autres occupations, obligations ou plaisirs.
Et pourtant plus ça va plus j’ai envie
de m’y mettre moi aussi. D’abord parce que les commentaires
ne sont pas que renvois d’amabilités, ils sont aussi
ouverture sur des discussions qui n’auraient pas lieu dans le
cadre plus restreint des mails privés et parce que, oui, plus
ça va, et cette rencontre avec Pralinette me le confirme, plus
j’ai envie de communiquer largement moi aussi, plus j’ai
envie que cet aspect prenne de plus en plus de place, quitte à
ce que ce soit au prix d’une certaine modification de mon écriture,
d’un infléchissement vers une écriture de plus
en plus extime, de moins en moins intime ou plutôt acceptant
de laisser complètement de côté certains pans
de l’intime (infléchissement déjà à
l’œuvre d’ailleurs, je n’écris plus
tout à fait de la même façon et sur les mêmes
sujets qu’au moment où j’ai commencé.)
Vous allez voir, je sens que le Valclair va finir
par se mettre au blog et par s’ouvrir un compte MSN !
Retour au haut de page
25/06/05 : Interview
:
Je viens de recevoir le dernier numéro de
la Faute à Rousseau, la revue de l’Association
pour l’Autobiographie. Un de ces animateurs m’avait
il y a quelques mois déjà demandé une interview
à propos de l’écriture en ligne pour un dossier
précisément consacré à « comment
l’écrire? », évoquant les chemins pour écrire,
les difficultés à le faire, les confrontations possibles
à l’indicible, les contournements pour tenter de dire
quand même… Cadré par les questions je m’étais
concentré plus particulièrement sur ce qui a été
modifié ou pas pour moi dans ma façon d’écrire
par le fait de passer en ligne, bref sur le « comment l’écrire
en ligne ? » et je m’attendais donc à ce que cette
interview soit partie prenante du dossier central de ce numéro,
ce qui n’est pas le cas. Ça m’a un peu surpris
et déçu. Cela induit ou laisse penser que pour l’APA,
association qui existe depuis un douzaine d’années, bien
avant la généralisation d’internet, qui collecte
dans son fonds des textes d’aujourd'hui mais aussi beaucoup
de textes anciens, ce développement d’internet reste
un peu une marge alors que je pense pour ma part qu’il en train
de devenir central en tout cas pour ce qui est des journaux, pour
ce qui est la part vivante du patrimoine autobiographique d’aujourd'hui
et de demain.
Mon interview se trouve vers la fin du numéro,
dans les chroniques, sous le chapeau des blogs. Or justement ces Échos
ne sont pas un blog mais un site web classique qui ne comporte pas
ce qui fait la spécificité des blogs, l’interactivité
directe par le biais des commentaires. D’une certaine façon,
je ne suis rentré qu’à moitié dans la modernité
du dispositif de mise en ligne, je suis à mi-chemin, encore
dans la logique du journal classique, pas encore tout à fait
dans celle du blog. J’y viendrais, j’en suis à
peu près sûr maintenant, voyez mon entrée précédente,
mais bon je n’y suis pas encore…
Cela dit je suis tout content de lire cette interview.
Ça me fait drôle de voir Valclair sur le papier, dans
une revue de qualité, imprimée, à la diffusion
certes limitée mais qui porte toutefois au-delà (ou
ailleurs plutôt) que dans le cercle de mes lecteurs habituels
ou de hasard, une revue qui est un objet physique aussi, qui reste
tel qu’en lui-même, qui s’inscrit dans une collection,
qu’on pourra venir relire, les années passant. Et puis
évidemment même si je ne suis pas, loin de là,
un fanatique de l’élargissement de mon lectorat, j’y
glanerai sans doute quelques nouveaux lecteurs et quelques échos
de mes échos dans d’autres regards, ce qui ne peut me
déplaire.
Retour au haut de page
26/06/05 : Préparatifs
:
La petite famille est légèrement sur
les dents
Taupin s’envole pour l'Afrique demain après-midi.
Enfin en principe ! Il a des billets open, fourni gratuitement par
Aviation sans Frontière, il doit aller à l’aéroport,
il ne montera dans l’avion que s’il y a des places. On
lui a dit que ce n’était pas sûr mais qu’il
y avait de bonnes chances. Oh que je n’aimerais pas ça
! On l’a aidé à finir ses préparatifs.
Les parents ça sert encore un peu ! Il pensait que tout était
à peu près prêt, il lui manquait pas mal de choses
en fait. Hier on a couru les magasins, sans avoir réalisé
que c’était précisément le début
des soldes, samedi vers quatre heures de l’après-midi
au centre commercial ce n’était pas triste ! En préparant
son sac il s’est rendu compte que celui que nous lui prêtions
était trop petit, il a fallu en acheter un d’urgence,
un chapeau aussi ça s’impose, des chaussures légères
et montantes, des cartes et des piles de rechange pour l’appareil
photo, quantité de médicaments, bref on s’y est
mis à plusieurs. On sent aussi monter un peu d’anxiété
aussi bien chez lui que chez nous, il est content de voir se concrétiser
ce projet humanitaire qu’il pilote depuis qu’il est entré
à l’école et dont il fait son stage de fin de
première année. Il part avec un autre étudiant,
en liaison avec SOS Sahel et Ingénieurs sans frontières,
ils vont essayer de mettre au point une filière de commerce
équitable pour un produit de l’agriculture locale. C’est
plus enrichissant humainement et sûrement aussi pour l’apprentissage
de la conduite de projets que beaucoup de stages dits d’exécutants
que les élèves ingénieurs sont censés
faire en première année mais plus stressant aussi. Enfin,
il est grand quoi !
Quant à Bilbo demain c’est son oral
du bac de français, il me semble loin d’être prêt,
mais toute question ou proposition sur le sujet n’est guère
supportée par l’animal, je m’efforce donc de ne
pas intervenir, de toute façon ça ne servirait à
rien au point où on en est rendu. Cet après-midi, il
en avait marre, il est parti s’aérer un peu avec des
copains, et oui, lui aussi il commence à être grand !
Il a pas mal de tchatche et les idées en général
assez claires mais cela suffira-t-il, un peu plus de connaissances
ç’aurait été bien aussi…
On en est à cette phase où les parents
sont encore bien nécessaires mais « en tant que de besoin
». Il ne s’agit pas de vouloir organiser nous-mêmes
mais d’être là quand ces messieurs en ont besoin.
Et sans trop leur montrer parce que ça les agace. Pas toujours
faciles pour les parents à la fois requis et dépossédés.
Mais bon, ils sont super tout de même, les fistons !
Nous on prépare un petit voyage pour cet
été. En fait on croyait les choses arrêtées,
on devait aller crapahuter sur les flancs du Taurus puis sur les chemins
côtiers de la côte lycienne. Mais l’agence a annulé
le voyage trouvant qu’elle n’avait pas assez d’inscrits.
Alors on se branche sur d’autres projets. On fait défiler
les destinations, finalement et peut-être est-ce l’effet
de la canicule qui pèse sur Paris, on a laissé tomber
les destinations de soleil, on va partir vers des destinations plus
septentrionales pas encore arrêtées, on partira un peu
plus tard et en autonomie donc on prendra Bilbo avec nous qui sera
revenu de sa semaine bretonne avec ses copains.
Cet après-midi Constance et moi on s’est
offert un petit film détente, un voyage plutôt plaisant
à travers l'Europe, la grande, entre Paris, Londres et St Pétersbourg,
dans les basques de Romain Duris et de sa bande de copains, (et de
copines, plus que plaisantes à regarder). On a vu « Les
Poupées Russes », c'est la continuité sympathique
de "l'Auberge espagnole", ça n'a rien d'extraordinaire
mais on passe un bon moment, c'est assez drôle et parfois émouvant,
c'est encore une histoire d’adolescence qui s’éternise,
histoire légère et pas si légère en même
temps.
Et moi j’ai un peu écrit. Ce matin,
à cause d’un réveil intempestivement matinal (grâce
à lui plutôt) j’ai pondu un court texte que je
vais pouvoir aller donner à Obsolettres,
ça faisait un moment que ça me titillait de remettre
le nez dans cet atelier d’écriture en ligne que j’apprécie
mais où je ne vais souvent qu’en promeneur trop passif.
Retour au haut de page
29/06/05 : Trios :
Ces jours-ci c’était la fête
du cinéma : un premier billet acheté au tarif normal
puis, pendant trois jours, toutes les autres séances à
2€, les ados qui commencent en général leur vacances
à ce moment là se font en général une
bonne ventrée de films, trois, quatre par jours, Bilbo n’y
a pas manqué depuis lundi midi où il s’est trouvé
libéré de son bac. Moi aussi j’ai tenté
d’en profiter, bien plus modestement évidemment, c’est
que je bosse moi encore jusqu’au 8 juillet. Mais je me suis
débrouillé pour sortir assez tôt du bureau j’ai
pu voir « My summer of love » lundi et « Douches
froides » hier. Bons films l’un comme l’autre. Et
qui, quoique totalement différents dans leur traitement, ont
pour partie des sujets communs : le désir adolescent, les différences
de classe, les ressentis différents qu’ils induisent,
les malentendus qu’ils génèrent (quand ce n’est
pas plus !). Dans l’un comme l’autre film le ton est grave
malgré quelques scènes qui font sourire, en tout cas
du point de vue des personnages qui sont d’origine populaire.
Le drame n’est pas loin même s’il ne survient pas
vraiment. Les traces laissées sur eux par l’aventure
seront, on l’imagine, profondes, douloureuses sûrement,
mais peut-être aussi étapes décisives dans la
construction de leur vie et de leur personnalité. Les personnages
socialement plus favorisés apparaissent plus légers,
plus détachés, s’impliquant moins, ils se seront
simplement amusés.
J’ai aimé la fraîcheur, la simplicité
avec laquelle se manifeste le désir amoureux dans les deux
films, à travers des situations non conventionnelles, une relation
homosexuelle dans le premier, la constitution d’un trio dans
le second. Il n’y a pas d’interrogation morale, les personnages
suivent leur désir comme il se présente, ils l’accueillent,
s’y soumettent et cela donne des scènes érotiques
très belles, très fraîches, sans rien de déplaisant
ou de graveleux. Que les situations créées ensuite ne
soient pas simples c’est évident mais les moments du
surgissement et de l’accomplissement du désir en tout
cas sont de beaux moments de vie et de cinéma.
C’est particulièrement vrai dans «
Douches froides », j’aime dans ce film que ce soit Vanessa
la jeune fille qui soit à l’initiative, c’est elle
qui porte le désir d’abord et qui choisit qu’il
s’accomplisse. J’aime cette force et cette liberté
de femme bien plus simple et saine que les comportements hâbleurs
ou matamores de bien des garçons qui reflètent en réalité
souvent une peur mal maîtrisée de la sexualité.
Il n’y a qu’à voir les têtes des garçons
pendant qu’au tout début du film Vanessa en cours d’anglais
commente en toute liberté et sans avoir peur des mots le texte
de la chanson « Meet the monster » de P.J. Harvey. C’est
elle ensuite qui choisit de se mêler aux deux garçons
qui s’entraînent sur le sol de la salle de sport, c’est
elle qui mène la danse et elle vit l’évènement
avec bonheur. Le jeu lui a plu. « C’était bien
! ». Elle le dit en toute simplicité à son ami
plus tard. Elle veut lui faire reconnaître que pour lui aussi
c’était bien. Mais pour le garçon c’est
infiniment plus difficile, sa relation n’y survivra pas mais
sans doute aura-t-il grandi à travers l’expérience
comme à travers ses autres échecs, au bac et sur le
tatami.
Ma sexualité est tout ce qui a de plus conventionnel.
Une fois seulement, il y a beaucoup d’années déjà,
je me suis trouvé dans une situation de ce type. Après
des caresses appuyées partagées nous en étions
restés là. Je ne sais trop ce qui a finalement arrêté
nos gestes. Etait-ce nous même, les deux garçons, qui
étions un peu coincés ou notre partenaire qui était
moins libre de son corps que Vanessa, ou qui peut-être ne voulait
pas vraiment, ayant peut-être trouvé surtout son plaisir
à attiser nos propres désirs ? Autant je me souviens
très bien des circonstances de ce rapprochement, un moment
de magie, autant ce qui a empêché qu’il se conclue
m’échappe. Mais c’était un autre temps aussi
quoique Mai 68 et une soi-disant révolution sexuelle soit passée
par là. On se croyait très libre en effet mais on ne
l’était pas tant que ça, les vieilles peurs nous
restaient chevillées au corps. J’ai toujours regretté
en tout cas que le rapprochement ce jour là n’ait pas
été à son terme. Et sans doute est-ce parce que
j’ai retrouvé un peu de ce moment de mon propre passé
dans la chorégraphie de luttes et de caresses qu’entament
Mickael, Clément et Vanessa sur le tatami de la salle de sport
que ces images m’ont émues.
Ce qui importe pour moi et donne sens à ce
genre de moment c’est qu’il repose sur un vrai désir,
une vraie rencontre, et c’est pourquoi son surgissement n’a
rien d’évident. C’est quelque chose qui n’a
rien à voir avec la sexualité mécanique des clubs
échangistes ou des partouzes qui, sans aucun a priori moral,
me répugnent, me paraissant plus signe de misère affective
et sexuelle que de rencontre et d’ouverture.
Autre trio : J’achève la lecture de
Jules et Jim. Je ne sais trop quoi penser de ce livre. Au début
je n’ai pas accroché. Le ton un peu précieux,
l’impression de superficialité que donnent les personnages,
grands bourgeois bohèmes dans l’Europe de l’avant
et de l’après première guerre mondiale, la valse
des personnages féminins qui sont des figures à peine
tracées auxquelles on a du mal à s’intéresser,
m’ont agacé et même ennuyé au point que
j’ai failli lâcher le livre. Lorsque se construit la relation
avec Kathe les choses changent un peu encore que les intermittences
continuelles du cœur dans leur sécheresse finissent par
lasser. Mais se dessine peu à peu en pointillé une figure
tragique qui reste insaisissable mais qui intrigue et à laquelle
on s’attache.
J’ai vu il y a longtemps le film de Truffaut.
Je n’en garde pas du tout le même souvenir. Ce qui m’avait
frappé à l’époque c’était
l’idée que l’équilibre soit possible dans
un triangle amoureux dégagé des préjugés
bourgeois et des affres de la jalousie et survivant malgré
les orages. J’avais l’idée d’un film foncièrement
optimiste. J’imagine que c’est une image déformée
que j’en ai gardée. Du coup j’ai envie de le revoir.
Et j’ai envie d’en savoir plus sur le livre et sur ce
que son auteur y a mis de lui puisque je sais que la part autobiographique
y est importante.
Ainsi je croyais d’abord lâcher ce livre sans le terminer,
finalement je vais plutôt remettre le nez dedans et chercher
à en retrouver le contexte.
Il fait quasiment toujours aussi lourd et chaud
sur Paris. Les corps dans la rue sont largement dévêtus,
les demoiselles se promènent en tenue très légère,
bras et dos nus, jambes découvertes, robes virevoltantes. L’autre
jour lorsque je me suis retrouvé sous l’orage violent,
l’eau du ciel était comme une détente violente,
j’aurais eu envie de boire à toutes les sources, chevelures
dégoulinant de pluie, robes et corsages légers collés
sur les corps… Cette ambiance de moite sensualité agite
le corps et lui donne envie d’être honoré, ce que
la couche conjugale ne m’offre plus que rarement et sans conviction,
c’est pour cela aussi j’imagine qu’à partir
de ces films, de ce livre mes pensées ont si facilement glissées
vers tous ces souvenirs, rêveries et fantasmes…
Aïe, voilà les garçons qui rentrent
! Leur départ vers l’Afrique ne se révèle
finalement pas évident du tout. Encore une excursion à
Roissy pour rien, une fois de plus ils n’ont pas pu monter dans
l’avion, la priorité qu’est censé leur donner
Aviation sans Frontières a l’air bien moins prioritaires
que toutes sortes d’autres motifs ! Pas terrible pour leur mission
humanitaire, retardée de jour en jour et pas terrible pour
eux. Mais ils restent calmes et sereins. Je serais à leur place,
j’aurais beaucoup, beaucoup de mal à supporter...