LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de MARS 2004 (1°quinzaine)

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04/03/04 : Mais comment font-ils ?

Pfou… ça a démarré en fanfare, comme souvent au retour de vacances : j'ai une pile de choses à régler, certaines prévues et d'autres qui l'étaient moins. Pas le temps de faire transition, je suis repris immédiatement dans la frénésie, j'assume tant bien que mal et les vacances, le désert, tout de suite semblent bien loin, moments presque irréels, il y a moins d'une semaine on était là-bas, j'ai du mal à y croire...

J'ai eu plaisir du coup à retranscrire mes notes prises sur place, cela m'a remis un peu dans l'ambiance, j'ai terminé désormais et je les ai mises en ligne, j'ai été cherché les photos développées et j'ai commencé à les classer.

J'ai essayé chaque soir de prendre un peu de temps pour aller me promener chez les diaristes. J'ai du mal à suivre tous ceux que je voudrais. D'autant qu'il y a des réapparitions : ainsi Sophie revient, sans prozac, cette fois, (mais d'autres disparaissent, comme cette chère Lou (à moins qu'elle ne se soit simplement cachée). J'ai fait un tour sur des forums aussi, je mettrais bien mon petit grain de sel, j'ai été lire les productions des ateliers d'écritures d'Obsolettres, il y a des textes qui sont bons, j'aurais un peu envie de me coltiner moi aussi à des écritures sur consignes, à priori ce n'est pas trop mon truc, mais c'est sympa, ça délie les mots en soi, c'est une gymnastique et c'est un jeu. Mais c'est le temps qui me manque, je ne suis pas très bon à ça, j'ai du mal à réagir à la commande, il me faut gratter au fond du crâne, parvenir à me mettre dans une certaine ambiance pour que ça déclenche éventuellement et encore ce n'est pas sûr, j'envie ceux qui ont la plume facile moi qui suis un lent. Je me demande comment font certains qui tiennent en parallèle leur journal, des interventions dans des forums, des contributions à des ateliers d'écriture, la gestion de sites et, je suppose, par ailleurs aussi, leur vie tout simplement.

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06/03/04 : Météo favorable:

C'est incroyable à quel point la météo a de l'effet sur moi. Hier j'étais plutôt dans la déprime, assommé par une reprise trop rapide et assez dure, ayant perdu beaucoup de temps à cause de zappings mal maîtrisés sur internet, perplexe face à la dispersion de mes envies, incapable de faire des choix. Ce matin, alors même qu'on annonçait un temps pourri, il y avait un soleil clair, l'air était frais et gai, un temps où l'on respire. J'avais des courses à faire, j'ai renoncé à prendre le métro comme je l'avais prévu, je suis parti à pied, modifiant mon itinéraire pour tenter de rester le plus longtemps possible dans l'axe du soleil, ce qui on s'en doute ne m'a pas fait prendre le plus court chemin. J'ai franchi la Seine sous de belles lumières, l'église Saint Eustache et le " trou " des halles offrait de belles perspectives, j'ai encore musardé longuement sur l'esplanade très paisible en ce samedi matin avant de plonger dans le ventre de la bête pour aller faire mes courses, bref ce qui devait me prendre une heure m'a pris toute la matinée mais j'étais content, plein d'allant, sans m'inquiéter du temps passé et tant pis pour les autres choses que j'avais prévues de faire dans la matinée.

J'ai passé tout l'après-midi sur mes photos de Jordanie, achevant de les classer, préparant la mise en page de l'album, les notes qui vont l'accompagner. Je suis toujours un peu ambivalent devant ce genre d'activité. J'aime bien et en même temps cela m'exaspère. Je fais tout cela avec une méticulosité un peu excessive, quasiment névrotique, du coup c'est long, cela devient fastidieux. J'ai l'impression d'être toujours dans la rétention du moment passé plus que dans le présent, une impression qu'il m'arrive d'avoir en écrivant d'ailleurs lorsque c'est trop laborieux. C'est une des raisons aussi qui me retient de basculer dans la photo numérique : pour l'instant pour la réalisation de mes albums je me contente d'éliminer les photos qui ne me plaisent pas, je fais quelques recadrages au massicot, je cherche une mise en page à la fois esthétique et cohérente mais c'est tout, avec un numérique j'ai l'impression que je ne pourrais m'empêcher de me lancer dans la retouche, la recomposition, la recréation : passionnant sûrement mais j'y serais encore aux prochaines vacances !

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12/03/04 : Grève très personnelle :

Ouf, après être revenu du bureau sous la pluie battante, je me retrouve à la maison à onze heures du matin, bien au chaud, bien à l'abri, tranquille dans la maison vide, avec un peu de temps pour moi, pour moi seul et ouvre avec délectation ce journal dans lequel j'ai eu du mal à écrire tous ces derniers jours.

J'ai été au travail, j'ai réglé quelques petits problèmes administratifs urgents puis je me suis déclaré gréviste et je dispose donc d'une bonne plage de temps pour moi. Ça me coûtera quelques sous mais après tout moins que si je travaillais à temps partiel comme j'en rêve parfois (mais ce n'est pas possible dans mon job). Gréviste donc mais par opportunisme personnel plus que par conviction. Je me sens solidaire évidemment pour m'indigner des choix budgétaires du gouvernement, les flics, les cafetiers et les buralistes plutôt que l'enseignement, la santé et la recherche mais je me sens de plus en plus en porte à faux par rapport aux discours syndicaux dominants, aux corporatismes, à la défense du fonctionnariat, de ses statuts absurdes qui font que dès lors qu'on a passé un concours et qu'on a été titularisé on jouit d'une garantie quasi absolue de son emploi et de l'immuable et débilitante progression de carrière à l'ancienneté même si l'on est ou devient incompétent ou totalement je m'en foutiste. C'est valable pour la recherche aussi, j'apprécie que s'invite dans le débat des propositions, comme celles que formule le NERF, qui ne soient pas seulement en terme de créations de postes fixes mais aussi de réforme profonde des modes de gestion. La fonction publique souffre de toutes ses rigidités de statut avec manque de réactivité, manque de souplesse, fréquente inefficacité ou du moins moindre efficacité que ce qui pourrait être, image souvent dégradée qu'ont d'elle ses usagers. Mais je suis sûr que nous-même, individuellement, en souffrons, j'ai vu et je vois sans cesse des collègues qui glissent peu à peu dans l'amertume voire la dépression, dont la seule perspective devient l'attente de la retraite, quelle horreur! Peut-être que si le système les avait un peu plus bousculés, cela les aurait obligés à changer, à évoluer ce qui au final leur aurait sans doute apporté plus de bien-être et une meilleure estime d'eux-mêmes. Je me rends compte que je parle pour moi aussi : j'ai connu des phases négatives durables dans ma vie professionnelle pendant lesquelles je passais mon temps à m'interroger sur des stratégies de mise en disponibilité, de fuite, de reconversion sans oser passer à l'acte. Maintenant j'ai trouvé à peu près mon équilibre dans ce que je fais professionnellement mais j'ai le sentiment tout de même que si le système ne m'avait pas maintenu dans un cocon tellement protecteur, où il est si facile de suivre la plus grande pente, celle de la facilité, du lendemain assuré au prix de la routine et de l'ennui, j'aurais été capable de rebondir, d'aller vers d'autres choses. Comment trouver le bon équilibre entre la gestion du personnel dans le privé qui jette les hommes dès qu'elle n'en a plus besoin, sans aucune considération humaine et celle de la fonction publique, paralysée par ses archaïsmes. Oui, il y a des réformes à faire, et pas des petites, seule la gauche, une certaine gauche pourrait les faire peut-être mais le voudrait-elle, prisonnière qu'elle est trop souvent de ses clientèles ?

Tout ça pour dire qu'il n'est pas question que j'aille courir à la manif, je n'ai pas envie de me trouver embarqué sous les banderoles syndicales langue de bois, je n'ai pour autant aucune culpabilité à me sentir " mauvais gréviste ", je suis simplement tout heureux d'avoir récupéré quelques heures sur le temps bouffé par la vie professionnelle pour mon petit usage tout personnel et d'être là, paisiblement, à la maison, devant mon clavier.

J'ai été très encombré ces derniers jours de tout un tas d'interrogations auxquels j'ai du mal à répondre et j'en ai ressenti un certain malaise. J'ai quelques choix à faire, quelques propositions d'activités indirectement liées à mon travail et à mes goûts d'écritures me sont faites qui vont encore charger la barque si je m'y engage. J'en ai bien envie pourtant mais je crains une dispersion accrue. S'engager dans ce chantier neuf cela voudrait dire renoncer à d'autres choses, faire des choix. Je suis très mauvais pour faire des choix ! Et ça ne date pas d'hier ! Je me répète la citation de Nothomb, découverte grâce à Lou, dans son ancien journal " le seul mauvais choix est de ne pas faire de choix ", mais c'est pas magique et je continue à m'exaspérer à vouloir tout mener de front.

Sans parler de ce que je ne maîtrise pas du tout, auquel je me laisse entraîner par flemme et passivité, comme mes zappings au gré du net et particulièrement des diaristes. Hier soir alors que j'avais de tous autres projets je me suis laissé aller à sauter de liens en liens, faisant d'ailleurs incidemment de belles découvertes (par exemple j'ai retrouvé Gargil, qui fut le Tisserand, et qui tient de nouveau un très bon journal en ligne) mais au final lorsque je me suis enfin déconnecté, j'ai été me coucher avec un sérieux malaise : qu'est-ce que je cherche au fond, pourquoi cette espèce de compulsion à aller de l'un à l'autre, comme si je voulais m'emparer de tout, de toutes ces bribes de vie ou de fausse vie, comme pour m'en nourrir, comme si ne me suffisait pas ce qui est moi-même, au plus profond?

Cela me rappelle une discussion avec mon prof de yoga. Il racontait comment sa vie s'épurait peu à peu, se déchargeait de l'accessoire, des sollicitations extérieures. Il parlait des livres : il racontait comment, lui qui fut un grand lecteur, il pouvait maintenant sans frustration aucune, rester des mois, sans ouvrir un livre, sinon les soutras de Patanjali qui sont son bréviaire, qui suffisent à le nourrir et dans lesquels il trouve sans cesse matière à approfondissement. Et il disait qu'il en était ainsi également pour le cinéma, la musique. Moi qui ai la religion des livres et de la culture, je ne peux m'empêcher d'être choqué par une telle mise à distance. Quel appauvrissement ! Et pourtant je dois reconnaître aussi qu'il y a parfois dans nos vies une volonté excessive de vouloir remplir, accumuler, occuper qui a peut-être d'abord pour fonction de masquer le vide ou la pauvreté intérieure. Cela me rappelle aussi une très ancienne collègue et amie chère, désormais totalement perdue de vue et qui hélas a je crois fini par aller de dépression en dépression, qui était suractive et surperformante dans son travail et qui analysait cela sans aucune illusion en disant qu'à tout prendre elle préférait l'angoisse du trop plein à l'angoisse du trop vide.

Je suis parti loin au fil de mon clavier. La pluie tambourine sur le velux au-dessus de ma tête. Je suis loin de la manif. Je suis avec moi-même. Je suis content d'avoir écrit. Décidément quand ça vient, j'aime bien ça, je me fais plaisir, alors pourquoi chercher plus loin quand je m'interroge sur le sens de tout ça…

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15/03/04 : Une pianiste ensauvagée :

Je viens de terminer " Variations sauvages " d'Hélène Grimaud.

Ce bouquin me laisse une impression mitigée. Est-ce parce qu'il est écrit un peu à la va-vite ? Ou parce que je l'ai lu dans de mauvaises conditions, de façon très fractionnées, une partie pendant le voyage en Jordanie, la fin ici ce week-end ? Ou bien plus fondamentalement est-ce parce que je parviens mal à rentrer dans le personnage qui me fascine mais qui est tellement loin de moi dans ses modes d'être et de fonctionnement que je n'arrive pas vraiment à le comprendre, même à lui accorder complètement crédit et réalité. Je me demande parfois si elle n'en rajoute pas. Ma vision étroitement rationaliste des choses a du mal à admettre ces fonctionnements qui laissent une part importante aux signes, aux visions, aux perceptions supra sensorielles, aux présciences, qui pour elle semblent monnaie courante. Il y a en elle quelquechose de la chamane ou de la sorcière, cette capacité semble-t-il à faire corps avec la nature et la vie sauvage, cette façon si spectaculaire dont elle a été perçue, reconnue, admise par la première louve qu'elle a été amenée à rencontrer (p 237). Ce n'est pas exactement que je sois sceptique, les neurosciences n'ont pas fini de nous en apprendre, je suis convaincu qu'il il y a dans les possibilités du psychisme humain des continents entiers qui nous restent inconnus et qui se révèlent parfois à travers l'expérience de personnes particulières qui ont développé des capacités absentes ou non mises en œuvre par l'immense majorité d'entre nous. Hélène Grimaud a certainement en elle quelques unes de ces capacités, de celles qui s'associent souvent à de profondes difficultés à vivre (ou bien surgissent à l'occasion de ces difficultés), elle n'aurait pas rencontré la musique puis les loups, peut-être serait-elle restée cette inadaptée qu'elle fut dans l'enfance, mal dans son corps, pratiquant l'automutilation, encombrée de comportements obsessionnels compulsifs.

Alors peut-être ma déception vient-elle simplement de ce que je suis resté sur ma faim en lisant ce livre, que j'aurais voulu en savoir plus, comprendre mieux tout cela, le ressentir alors que cela me reste très largement extérieur.

Je me suis demandé aussi pourquoi j'étais fasciné par le personnage. Elle même donne des éléments de réponse. L'alliance entre une pianiste (quelqu'un de pur), une musicienne classique (dotée d'un pouvoir intellectuel et symbole apollinien de civilisation), une femme belle et vivant avec une meute de loups (avec toute la charge liée à cet animal, symbole dionysiaque de sauvagerie et de puissance sexuelle) comment cela ne susciterait-il pas un intérêt un peu trouble chez les hommes ?

Et cela m'a fait repenser et donné envie de remettre mon nez dans " Femmes qui courent avec les loups ", un livre dont j'ai parcouru quelques parties en diagonale, là encore ce bouquin m'avait assez fasciné mais sans que je parvienne vraiment à entrer dedans, tout ça me paraissait trop différent, trop éloigné de moi.

Le sauvage est loin en nous, trop loin, bridé, complètement nié alors peut-être qu'il faudrait simplement le maîtriser en l'acceptant.

Hélène Grimaud écrit de belles choses sur la musique tellement différente de la technique aussi prodigieuse soit-elle. " Le piano est un instrument incomparable quand il est touché par un musicien chez qui rien ne subsiste du pianiste. Il est alors le plus bel outil de la musique. Le musicien lui infuse son propre chant " (p276)

Je ne suis pas musicien et je le regrette. J'ai du mal à la ressentir en profondeur, à percer le mystère de l'interprète derrière l'oeuvre. Il m'est arrivé d'écouter sérieusement deux versions d'une même œuvre, je sens bien des différences, je peux éventuellement dire que j'en préfère une à l'autre mais je ne saurais pas dire pourquoi, je ne suis pas sûr du tout qu'à une nouvelle écoute j'aurais le même sentiment. Et j'ai réécouté Credo avec intensité après ma lecture, essayant d'approcher la pianiste au travers de son jeu et du choix d'œuvres qu'elle a décidé d'associer sur ce disque, essayant de percevoir aussi ce qu'elle raconte dans la pochette sur sa vision des musiques sous forme de taches colorées. En vain. Mais j'aime au moins tenter d'approcher ce mystère même s'il me reste largement inaccessible.

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