LES ÉCHOS DE VALCLAIR

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MOIS de Mars 2005 (1°quinzaine)

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02/03/05 : Music et mise en ligne rétrospective :

Cette chère Samantdi m’incite à répondre à un questionnaire musical lancé par Kotlika. Voilà un questionnaire auquel je n’aurais sûrement pas répondu spontanément mais bon puisque je suis sollicité ça ne se refuse pas. Ça c’est l’aspect communication du diarisme en ligne, ce n’est pas pour rien que je me dis que cet aspect prend une place progressivement plus grande par rapport à mon expression à l’origine plus traditionnellement journal intime.

Je n’ai jamais été très branché musique, la musique ne baigne pas continuellement ma vie, je n’ai pas eu de grandes passions musicales suivies avec des goûts très affirmés, je suis plutôt éclectique, j’achète ou me fait offrir des disques pour lesquels j’ai parfois le coup de cœur, que je vais donc écouter très souvent pendant une période puis qui seront rangés ensuite et ressurgiront parfois pour de nouvelles écoutes. Cela dit j’aime bien la musique et parfois j’y trouve un grand réconfort mais alors il me semble qu’il faut vraiment écouter, s’y concentrer.

Bon, si je répondais au questionnaire.

Combien y a-t-il de fichiers de musique sur votre ordinateur ?
Sur ma session quasiment aucun. Je n’écoute jamais de musique sur l’ordi, sauf parfois des morceaux que des bloggueurs offrent à l’écoute. Sur mon ordi c’est autre chose. Car il y a le fiston qui télécharge allégrement, c’est même parfois l’objet de petits conflits entre nous…

Quel est le dernier CD que vous avez acheté ?
Chopin, Rachmaninoff, par Hélène Grimaud, plus par fascination pour la personnalité de la pianiste aux loups que pour le programme musical à priori, cela dit c’est superbe, je viens de l’écouter pour la première fois et je ne regrette pas mon achat.

Quelle est la dernière chanson que vous avez écoutée avant de lire ce message ?
Je ne sais plus exactement, en rentrant de voyage j’ai écouté quelques disques reçus relativement récemment et dont je n’ai pas encore épuisé la nouveauté : il y avait Elegia de Paolo Comte et The living road de Lhasa

Donnez 5 chansons que vous écoutez souvent ou qui comptent beaucoup pour vous :
Plutôt des disques que des chansons ou des morceaux de musique séparés, parce qu’à l’époque antédiluvienne de mes premiers enthousiasmes musicaux, militants ou amoureux, c’était les 33 tours qu’on écoutait en continu et pas les Cd et baladeurs où l’on se fait son programme à la carte. (quoique, il y avait le juke-box mais je pratiquais peu). Ce ne sont pas des disques que j’écoute souvent, mais comme ils l’ont tellement été ils sont présents en moi avec beaucoup de force. Lorsque de temps en temps je les écoute en vrai alors là l’effet madeleine est garanti, retour de moments d’adolescence dans toute leur épaisseur à la clé…
Z et la voix de Théodorakis dans "To elasto pedi" et "safti gitonia"…
Joan Baez de "House of the rising sun" et "donna-donna".
Léonard Cohen du début: « Suzanne », « So long Marianne »…et dans « Songs from a room », « Tonight will be fine », écoutés combien de centaines de fois, associés à des souvenirs amoureux heureux mais aussi à des dépits et c’était alors les chansons qui tenaient compagnie à mes tristesses.
Un peu plus tard, « Le voyage d’hiver » par Dietrich Ficher Diskau qui a accompagné mais aussi magnifié et aider à supporter des moments de déprime.
Kathleen Ferrier, la voix qui toujours me touche le plus, dans Bach et Haendel mais aussi dans les chants traditionnels anglais.
Des tas d’autres aussi de la fin des années 60 et des seventies mais enfin ce sont ces cinq là qui me sont venus spontanément.
Bien sûr j’ai fait heureusement des tas de découvertes depuis lors, certaines que j’écoute avec récurrences, beaucoup de world music surtout, beaucoup de choses découvertes au hasard de cadeaux, certaines aussi dans les musiques qu’écoutent mes garçons et qu’il m’ont fait découvrir (mais le hard rock, le métal ça définitivement ça ne passe pas).

A qui allez-vous passer le relais (3 personnes) et pourquoi ?
Je vais donner ces trois là, qui si elles évoquent leurs goûts parlent plutôt littérature ou arts plastiques dans leur blogs, l’une d’entre elle s’est beaucoup éloignée ces derniers temps, c’est aussi une façon peut-être de l’appeler gentiment à revenir, si elle veut : alors allez-y chères Coumarine, Pralinette et Eclats du soleil…

A part ça j’ai fini mon petit compte rendu de route. Je le met en ligne assorti, grande innovation chez ce vieux conservateur de Valclair, de quelques petites photos pour l’ambiance, une révolution presque autant que l’arrivée des photos dans le Monde il y a déjà lurette… Tout bouge, tout bouge…

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03/03/05 : Neige mouillée et cinés:

Temps épouvantable. Il neige. Enfin presque. Il devrait. Mais la température à Paris intra-muros a toujours un ou deux degrés de plus ne serait-ce que dans la proche banlieue, la densité des habitations, le chauffage urbain, les réseaux souterrains font que la neige a les plus grandes difficultés à tenir au sol. Se forme alors une immonde bouillasse glissante qui n’a pas le temps d’ouater les rues de blanc et qui fond tout aussitôt. La neige est pourtant tombée sans discontinuer presque toute la journée, une neige il faut le dire déjà bien humide. Je me plais à imaginer la même chose un peu plus loin, à la campagne, avec la neige qui tient, le sol qui blanchit, les arbres qui se parent, les formes qui s’arrondissent, les angles qui s’atténuent sous le manteau blanc. J’aime voir tomber la neige, la vraie…

Temps du cocooning. Temps pour le cinéma aussi et au plus proche, aucune envie d’arpenter Paris dans ces conditions. J’ai vu « Quand la mer monte », c’est un film magnifique, plein de tendresse, c’est superbe cet amour de passage entre cette femme si éloignée des canons classiques de la beauté et ce gars sorti de nulle part. Il y a le jeu assez extraordinaire de Yolande Moreau sous ses deux facettes, avec le spectacle dans le spectacle. Et puis il y a cette chaleur du nord populaire, ce sens de la fête, cette adhésion immédiate à la vie comme elle passe.

J’ai vu aussi le « Promeneur du Champ de Mars ». je ne sais pas trop quoi penser de ce film. Mais je suis progressivement entré dedans, appréciant plus à mesure que le film avançait. Il faut mettre de côté le personnage faire-valoir du journaliste, il est transparent et plat et l’histoire sentimentale racontée en contrepoint ne présente guère d’intérêt. Mais il y a quelquechose de très fort dans la façon dont Bouquet investit Mitterrand. On ne l’a pas grimé pour tenter d’accentuer les ressemblances avec le Président, on sait toujours très bien que c’est quelqu'un d’autre qui joue et pourtant on a le sentiment par moment d’accéder à une sorte de vérité profonde. C’est très étrange comme sentiment, c’est lui et ce n’est pas lui, on est en permanence dans cet entre-deux. Ce qui est fort et poignant c’est la méditation sur la mort dont le film est porteur à travers la figure de Bouquet-Mitterrand, l’exactitude factuelle, les circonstances, la ressemblance physique alors comptent peu, on est dans un autre ordre, et là cela passe excellemment, le film acquiert une grande vraisemblance, bien plus forte que dans des moments d’expression plus directement politiques. Le film n’est pas hagiographique, n’empêche il fait passer une sympathie incontestable pour la figure mitterrandienne qui apparaît tout de même comme d’un autre tonneau que bien d’autres qui l’ont suivi.

Ce soir c’est l’anniversaire de Bilbo. (Ce serait un poisson si j’en crois la dernière chronique de Samantdi, mon ignorance astrologique est telle que je ne connais même pas les signes de mes proches). Son frère revient de son école. On attend aussi ses cousins favoris. Constance est aux fourneaux pour les gâteaux et je ne vais pas tarder à m’y mettre moi pour un porc au miel et au gingembre dont je me régale d’avance…

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06/03/05 : Pharaon :

Hier j’ai été avec Constance voir l’expo Pharaon, à l’ Institut du Monde Arabe. On s’était levé assez tôt, espérant en arrivant avant l’ouverture pouvoir bénéficier d’une visite sans trop de foule. Raté. Quand nous sommes entrés les salles étaient déjà bondées, occupées par les gens qui avaient préréservés leurs billets, et par de nombreux groupes. Il a fallu tenter de voir en naviguant entre les groupes, allant et venant en profitant d’éclaircies devant les vitrines. On peut dire ce qu’on veut de la qualité des œuvres présentées, de la scénographie, bref tout ce qui a fait le buzz très favorable à cette exposition et qui nous a poussé à y aller nous aussi en bons moutons que nous sommes, on ne peut en profiter vraiment dans de telles conditions.

Il y a quelques très belles pièces venues de loin que je ne regrette pas d’avoir vues : une statue de pharaon en pierre jaune magnifique et inhabituelle, le pilier de Karnak représentant Akhenaton en Osiris, impressionnant de présence, les pièces d’orfèvrerie du trésor de Tanis mais quant à tenter de s’approcher de la civilisation de l’ancienne Egypte, quant à tenter de communiquer un minimum avec des œuvres, je crois que j’y serais mieux parvenu en refaisant une visite tranquille des salles égyptiennes du Louvre qui sont déjà d’une grande richesse.

Comme beaucoup de gamins j’ai eu ma période Égypte antique, à partir du moment où en 6° on découvre à la fois le lycée et l’histoire ancienne, cette période a duré trois-quatre ans chez moi et a été assez passionnée. J’avais commencé à apprendre l’écriture hiéroglyphique, tout seul avec un bouquin austère d’adulte, il n’y avait pas à l’époque des albums découverte pour enfants ni des ateliers d’initiation dans les musées. J’ai avalé quantité de bouquins et documents, je me suis même senti pendant un temps une vocation d’historien de l’antiquité et d’archéologue, avant d’être happé ensuite par l’histoire contemporaine et les militantismes divers qui m’ont alors fait repousser violemment tous ces intérêts pour le passé lointain. Peut-être aurais-je dû persister, peut-être que finalement une carrière tournée vers l’exhumation du passé m’aurait mieux correspondu que ce que j’ai fait finalement de ma vie professionnelle mais bon, passons, ce n’est pas le sujet… J’avais au lycée un prof qui plutôt que des heures de colle donnait à ses élèves punis l’obligation d’aller au Louvre et de ramener un compte-rendu de visite d’une et deux salles au choix. Je ne sais plus ce qui m’avait valu une punition moi qui était un petit élève sage et studieux, toujours est-il que je garde un excellent souvenir de l’excursion dominicale dans les salles égyptiennes qui en avait résulté, c’était peut-être la première fois où j’allais au musée seul, comme un grand, avec mon petit carnet sur lequel j’avais gratté, gratté… C’est fou ce que j’ai su sur l’Egypte pendant une période, et fou ce que j’ai oublié…

Pendant toute cette visite surpeuplée d’hier j’ai essayé, à peu près vainement d’ailleurs, de remettre ensemble des bribes de mémoire réactivées et les pièces exposées et de retrouver quelquechose de mes anciens enthousiasmes.

On a été voir aussi Aviator, évocation de la vie de Howard Hugues, de ses passions cinématographico-avionesques et de ses névroses. Que tout cela est lourd ! C’est du Hollywood pur jus et pas le meilleur. Certains prétendent qu’il y a beaucoup de second degré là-dedans. Bof. Il y a quelques jolis morceaux de bravoure mais tout ça est trop long, trop appuyé, trop démonstratif. On ne peut avoir aucune empathie avec les personnages quels qu’ils soient, il n’y a rien qui touche, tout ça reste du spectacle, bien fait et brillant certes mais sans plus. Je ne trouve pas les acteurs particulièrement exceptionnels non plus. Le film en tout cas ne justifie pas l’enthousiasme de beaucoup de critiques dont je ne sais trop à quoi il est dû.

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10/03/05 : Grève, pas grève ?

Ce matin j’étais fermement décidé à ne pas faire grève. Je ne suis pas du tout d’accord avec la politique qui est menée, il y a une casse des services publics qui est réelle alors que les entreprises dont beaucoup affichent des profits records sont chouchoutées, la marchandisation croissante de la société est encouragée, la recherche, l’éducation, la santé, l’aide sociale ne sont pas les priorités qu’elles devraient être. Mais je me sens loin d’être en accord avec beaucoup des mots d’ordre mis en avant par les syndicats, qui oscillent entre maximalisme et corporatisme quant ils n’associent pas les deux ! Et je ne suis pas d’accord avec la vision le plus souvent figée et archaïque du service public qu’ils véhiculent.

En plus la grève est-ce la meilleure méthode ? Qui gêne-t-on sinon « les gens » comme on dit, le vulgum pecus dont nous faisons partie. Je sais bien que ce sont là les arguments de la droite, mis en avant pour réclamer l’instauration du service minimum. L’ennui c’est que tout ça n’est pas si faux.

Et est-ce qu’on ne contribue pas à se tirer une balle de pied en tout cas pour les services confrontés déjà à l’existence d’un secteur marchand dans leur sphère d’activité. Ce matin, j’ai allumé la radio sur France-inter comme chaque jour : musique ininterrompue, pas même d’annonce, pas d’information, rien. Ça m’a agacé. Et qu’ai je fait alors : j’ai été zapper sur diverses chaînes concurrentes et commerciales qui, elles, fonctionnaient parfaitement, j’ai écouté les nouvelles au milieu des océans publicitaires. Pas génial comme défense du service public ! Et si nous fermions notre service ce serait pareil, les gens lésés, ceux du moins qui en en auraient les moyens, pourraient avoir envie de se tourner vers les services privés équivalents.

Et puis être en grève cela voudrait dire aller à la manif, et non pas rentrer chez soi pour se mettre sous la couette avec un bon bouquin ou aller au cinéma. Mais je n’ai nulle envie de défiler, je n’ai pas envie de faire semblant, de n’être là que dans l’adjonction de nos mécontentements divers mais sans partager beaucoup de ce qui se dira, se criera. Je n’ai pas envie de défiler bras-dessus, bras-dessous avec des collègues avec qui je partage peu, sinon un mécontentement diffus.

Le matin j’étais donc au bureau, fidèle au poste. Il y avait plusieurs autres collègues, le service était de toute façon ouvert, nous l’avons fait tourner tout à fait normalement. L’après-midi c’était différent. Il n’y avait plus que moi, les autres personnes de service étant grévistes. Là j’ai commencé à me sentir très mal à l’aise. Outre que c’était particulièrement sinistre de se retrouver seul dans les bureaux désertés, j’avais en restant le sentiment de casser la grève de mes collègues. Ce que je ne voulais pas faire non plus puisqu’il y a de très bonnes raisons d’être en colère. Alors j’ai fini par me déclarer gréviste sans l’avoir vraiment voulu au départ, j’ai mis un message sur le répondeur, j’ai collé une affichette d’information sur la porte, j’ai fermé boutique et suis parti. Cela me coûtera une journée pleine et entière de salaire bien que j’ai travaillé ce matin mais bon tant pis, ce n’est pas ça qui me gêne.

Pas très fier de moi. Gêné à l’égard de gens qui feront éventuellement le déplacement pour venir nous consulter cet après-midi. Pas plus fier que si j’étais resté, assurant une permanence en ayant le sentiment d’être un jaune.

Je suis remonté à pied, j’ai traîné un peu mes bottes au départ de la manif sans tomber sur mes collègues mais sans vraiment d’ailleurs les avoir farouchement cherchés, puis je suis rentré et me voici à la maison, allant taquiner mes mots, refuge facile. Je ne suis pas clair dans ma tête, j’ai l’impression de n’avoir pas assumé ma position de départ, de n’avoir pas agi selon mon sentiment et ma réflexion, j’ai l’impression d’avoir flotté dans l’hésitation, incapable d’assumer le fait d’être en décalage et en opposition avec le vulgate majoritaire dans la profession, j’ai l’impression d’avoir conformé mon comportement à une espèce de sentiment collectif oh combien flou et plein de divergences, ne partageant vraiment que ce sentiment d’être contre ces méchants qui nous gouvernent là-haut…

J’ai remis Chopin par Hélène Grimaud. J’ai écouté ce disque plusieurs fois depuis que je l’ai acheté il y a quelques jours, il m’est devenu familier et du coup il m’est plus facile de l’apprécier même en dehors d’une écoute vraiment attentive et continue. Il m’accompagne, avec ce qu’il a d’infiniment beau et d’infiniment triste. Les marcheurs là-bas doivent être en train d’achever leur manifestation et moi je suis seul ici dans ma bulle. Je flotte un peu. Je flotte beaucoup en ce moment sans savoir exactement où je suis. Je traîne avec moi un fond de malaise dont je n’arrive pas à me dépatouiller, qui va bien au-delà de ce malaise politico-social, qui est lié à des peurs archaïques (je ne cesse de repenser au violent coup de blues que j’ai eu avant de partir en voyage, j’ai l’impression qu’il pèse encore sur moi), à la fatigue de mon quotidien, aux silences de mon couple, à mes incapacités à me relancer, aux années qui passent…

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11/03/05 : Finalement… :

Á l’écoute de la radio, à la lecture de la presse, je me dis que finalement ce mouvement d’hier que j’ai fait du bout des lèvres et plus par suivisme que par volonté claire semble devoir servir à quelquechose. Je suis un peu honteux de mes continuels doutes et interrogations, de mon manque d’adhésion. Il est vrai que ce qui ressort aussi, ce qui semble être l’aliment de la mobilisation c’est la revendication assez largement partagée et unificatrice sur le pouvoir d’achat. Ce n’est pas ce qui me mobilise le plus moi. J’ai toujours le sentiment que globalement dans nos pays tous ceux qui sont intégrés correctement dans le monde du travail, qui ne sont pas dans le chômage et la précarité sont tout de même plus ou moins des nantis, que la consommation effrénée n’est pas la solution, que changer la télé ou la voiture n’est pas une priorité. Mais c’est ma vision, sûrement une vision tronquée, je parle de là où je suis, en petit bourgeois installé, nous avons deux salaires à la maison, nous avons eu un peu d’argent au démarrage, nous vivons à Paris même où nous sommes propriétaire de notre appartement, nous allons au travail à pied ou en vélo, nous ne sommes pas contraints à la double voiture comme bien des gens repoussés par les prix parisiens en lointaine banlieue, nos enfants ont des établissements scolaires publics hauts de gamme à portée de métro et bénéficient d’un héritage culturel qui est un atout non négligeable… Dans ces conditions c’est facile de regarder d’un peu haut, avec une pointe de mépris ceux qui s’accrochent aux revendications salariales et de tenir de beaux discours teintés de considérations écolos contre la consommation excessive !

Enfin globalement ce mouvement me fait plaisir et je me laisse aller à ce sentiment sans trop penser aux contradictions des discours et aux débouchés improbables, je suis content qu’ils se fassent chahuter là-haut, toute cette brochette de ministres suffisants et autistes et le Chirac en surplus, je m’en veux un peu de ma réserve d’hier.

Aujourd'hui Constance a une crève impressionnante, la vraie grippe, 39°5, percluse de douleurs et incapable de se traîner hors de son lit. Le vendredi après-midi c’est habituellement mon moment de liberté, celui où je me fais mes petits cinés ou mes petites expos persos. Aujourd'hui j’ai fait le garde malade sans que ça m’ait coûté. Finalement j’étais même plutôt content d’être là près d’elle, c’est cela aussi un couple, quel que soit tout ce qui ne va pas, les routines, les silences, les désirs assoupis, je ferais bien quand je me plains ou quand elle m’exaspère de penser aussi à la chance que cela constitue. Je lui ai monté des tisanes, je lui ai mis des musiques en sourdine, j’ai été lui acheter ses médicaments après la venue du médecin, je me suis occupé de la lessive, faire tourner la machine, étendre le linge, regrouper par paires assorties les innombrables chaussettes des fistons (le linge, lavage, repassage, rangement est la part du travail ménager à laquelle je ne participe vraiment pas, oh vilain que je suis !). J’ai fait tout cela avec un cœur gros de tendresse et cela m’a fait du bien : mais diable pourquoi cela seulement dans cette situation, pourquoi si rarement dans le quotidien ou dans les petits plaisirs partagés ?

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12/03/05 : Barbara et une « Fiancée syrienne » :

Le fait d’avoir répondu au petit questionnaire musical circulant sur le web il y a quelques jours, le fait d’avoir lu les réponses des uns et des autres m’a donné envie de replonger vers quantité de vieux 33 tours qui dorment sur mes étagères. Las ma vieille platine tourne-disque qui n’était déjà pas bien flambarde la dernière fois que je l’ai utilisée il y a quelques mois semble bien avoir rendu l’âme. Je voulais écouter de vieux Ferrat, Ogeret chantant Aragon, Montand à l’Olympia en 1981, rien à faire, je me suis contenté de compulser les pochettes… J’ai repris aussi Greco et Barbara. Là j’ai pu écouter, j’ai des CD achetés plus récemment, des compilations qui égrènent des années de chansons.

J’ai retrouvé avec une particulière émotion « ma plus belle histoire d’amour », « joyeux Noël », « l’aigle noir », « la petite cantate » et peut-être surtout « Nantes », chanson si belle et si triste, surtout quand on connaît le contexte affectif particulier fait de haine et d’amour des rapports de Barbara et de son père. Par contre il y a dans ce disque quelques chansons très tardives issues de ses derniers disques comme la « femme piano » et « le jour se lève encore ». Il y avait un certain courage à tenter de chanter et à remonter sur scène mais décidément cette voix épuisée, cassée, ça ne passe pas, ça ne met que de la tristesse et cela confirme qu’il faut savoir tourner la page.

Ces chanteuses c’est la génération avant le mienne. C’était la jeunesse de mes parents, les cabarets de la rive gauche, "La Rose rouge", "l’Ecluse" où ils ont été quelquefois et dont ils m’ont parlé par la suite. Mes parents n’étaient pas du tout musiciens, il y avait très peu de disques chez nous mais les premiers à y être entrés, ce sont ceux-là justement, Greco, Barbara, Brassens, ce sont les premières choses que j’ai entendus avec quelques disques de chansons pour enfants, avec "Pierre et le Loup" avec la voix de Gérard Philippe et avec "Piccolo, Saxo et compagnie".

Constance est toujours au fond de son lit. Elle ne s’est pas levé, je lui est servi une soupe puis je l’ai laissé se rendormir, c’est ce qu’elle a de mieux à faire. Moi je suis parti au cinéma. Quand je suis monté lui dire au revoir, elle dormait, lèvres pincées, visage défait, pâle, sur la blancheur du drap, tout à coup son visage m’a effrayé, j’y ai vu presque une vieille femme, et je m’y suis vu aussi…

Le temps s’améliore un peu, il fait plus doux, entre les averses et les gros nuages se sont glissés quelques rayons de soleil, je suis descendu à pied au cinéma, cette petite marche m’a fait du bien. J’ai vu « La fiancée syrienne ». C’est très bien ce film, c’est très riche, un peu foisonnant peut-être, l’auteur a multiplié les personnages secondaires cherchant par volonté pédagogique peut-être, à évoquer à la fois quantité de problèmes différents. Mais tous les personnages ont finalement bien leur place, ils expriment chacun une part d’une situation complexe. Le film est à la fois gai et triste, il montre bien l’absurdité des situations humaines créées par cet interminable conflit du Moyen Orient, par les frontières artificielles plantées par les différentes guerres. Mais c’est plein d’espoir aussi, tous ces gens sont proches finalement, on le perçoit à travers mille petits détails de la vie quotidienne, il faudra du temps, beaucoup de temps, mais qui aurait dit au début des années 50 que les français et les allemands pourraient dépasser en une génération leur haine ancestrale. Ce sont les femmes et les jeunes qui portent l’espoir, en particulier Hamal, la sœur aînée de la fiancée, véritable pivot du film, magnifique Hiam Abbas, tellement forte et tellement belle malgré son visage fatigué et souvent ravagé de tristesse, Hamal qui tient tête, qui agit, qui réconcilie les uns et les autres, Hamal qui sait que si sa propre génération a été sacrifiée il ne doit pas en être de même pour celle de sa fille qu’elle incite à aller de l’avant, à suivre sa voie, Hamal porteuse d’espoir, le film s’achève sur un long plan magnifique de son visage où tout s’exprime de cette tristesse et de cet espoir.

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15/03/05 : Déboutonner son manteau :

Je crois que c’est un de mes bonheurs les plus grands quoique les plus simples : pouvoir dans la rue déboutonner mon manteau quand on bascule dans le printemps.

C’est ce qui est arrivé aujourd'hui et avec une particulière soudaineté puisque le changement de temps n’a pas été progressif mais très brusque : ce week-end encore on avait froid, il y avait du vent, il avait plu et là presque d’un seul coup entre hier et aujourd’hui c’est le grand beau temps, le soleil à la douce tièdeur sur un fond d’air encore frais. Alors oui, lentement, avec gourmandise on déboutonne son manteau, on écarte le col de sa chemise, on tend le visage aux rayons du soleil, on marche lentement, très lentement pour rentrer chez soi sans s’interdire de musarder, on regarde le monde autour de soi, on constate avec bonheur que ce ressenti est partagé, les corps des jeunes femmes sont soudain mieux mis en valeur délestés des épaisseurs qui les enfouissaient, les jupes et robes réapparaissent et raccourcissent, les visages se détendent et se font plus avenants, les gens se posent aux terrasses de café qui reprennent vie, la présence du printemps se fait communicative…

Ce matin quand je suis parti au bureau il faisait encore froid. Mais la belle journée se sentait déjà, mais les premiers rayons du soleil étaient promesse. J’aime cela particulièrement quand il est encore tôt, que la ville est encore calme, quand l’air paraît nettoyé pas encore encombré des pollutions qui pèseront plus tard. J’ai l’impression dans la nouveauté du jour de me renouveler moi-même et je ressens dans cette marche initiale qui pourtant ne me mène qu’au bureau une forme vraie d’allégresse, toute simple, fragile, précaire, mais bon elle est là sans questions inutiles, dans son simple ressenti immédiat. Rien n’est perdu tant que je ressentirai cela !

Mais aussi j’ai la nostalgie du brin d’herbe. Dans des moments comme celui-là, j’aimerais pouvoir être en pleine nature, sentir la campagne toute entière m’envelopper, sentir la poussée des herbes et des arbres, respirer l’air chargé d’odeurs. La vraie campagne est loin de Paris. Les parcs et jardins ce n’est pas pareil et même les bois de Vincennes ou de Boulogne, il faut aller carrément plus loin, prendre le train ou la voiture, c’est toute une expédition et une expédition réservée au week-end avec les inévitables bouchons en rentrant. J’ai beau être privilégié, habiter un quartier à l’aspect presque villageois, avoir mon petit bout de terrasse avec sa plate bande, son forsythia et son lilas, j’ai de plus en plus envie d’avoir la vraie campagne à ma porte ou pas loin en tout cas…

Voilà, j’ai joui de cet air neuf. Et pourtant, non, tout ne va pas bien. Ces moments là sur lesquels je m’appesantis parce que cela fait du bien n’ont pas été toute ma journée. J’ai eu des heures mauvaises aussi. Au bureau il y a eu un sale moment et que j’ai mal géré. Il y avait une réunion prévue sur laquelle je comptais beaucoup pour faire avancer le schmilblick, elle n’a pu se faire du fait de l’absence d’un participant important, plutôt que de me consacrer à d’autres tâches, je me suis enfermé en moi-même dans le temps qui s’est dégagé de façon imprévue, je me suis mis à écrire je ne sais pas pourquoi, ce n’était pas le lieu, ce n’était pas le temps, j’ai gratté là où ça fait mal, je suis descendu assez loin en moi, j’ai touché des choses trop noires et puis ces lignes m’ont parues vaines, déplacées, nullement apaisantes, nullement enrichissantes, trop « intimes », je ne les transcrirais pas ici…

Quoique je ne veuille pas donner une image aseptisée de moi je préfère essayer de rester sur les moments lumineux qui ont été là aussi, oui, essayons de revenir à eux…

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