02/03/05 : Music et mise en ligne rétrospective
:
Cette chère Samantdi
m’incite à répondre à un questionnaire
musical lancé par Kotlika.
Voilà un questionnaire auquel je n’aurais sûrement
pas répondu spontanément mais bon puisque je suis sollicité
ça ne se refuse pas. Ça c’est l’aspect communication
du diarisme en ligne, ce n’est pas pour rien que je me dis que
cet aspect prend une place progressivement plus grande par rapport
à mon expression à l’origine plus traditionnellement
journal intime.
Je n’ai jamais été très
branché musique, la musique ne baigne pas continuellement ma
vie, je n’ai pas eu de grandes passions musicales suivies avec
des goûts très affirmés, je suis plutôt
éclectique, j’achète ou me fait offrir des disques
pour lesquels j’ai parfois le coup de cœur, que je vais
donc écouter très souvent pendant une période
puis qui seront rangés ensuite et ressurgiront parfois pour
de nouvelles écoutes. Cela dit j’aime bien la musique
et parfois j’y trouve un grand réconfort mais alors il
me semble qu’il faut vraiment écouter, s’y concentrer.
Bon, si je répondais au questionnaire.
Combien y a-t-il de fichiers de musique sur
votre ordinateur ?
Sur ma session quasiment aucun. Je n’écoute jamais de
musique sur l’ordi, sauf parfois des morceaux que des bloggueurs
offrent à l’écoute. Sur mon ordi c’est autre
chose. Car il y a le fiston qui télécharge allégrement,
c’est même parfois l’objet de petits conflits entre
nous…
Quel est le dernier CD que vous avez acheté
?
Chopin, Rachmaninoff, par Hélène Grimaud, plus par fascination
pour la personnalité de la pianiste aux loups que pour le programme
musical à priori, cela dit c’est superbe, je viens de
l’écouter pour la première fois et je ne regrette
pas mon achat.
Quelle est la dernière chanson que vous
avez écoutée avant de lire ce message ?
Je ne sais plus exactement, en rentrant de voyage j’ai écouté
quelques disques reçus relativement récemment et dont
je n’ai pas encore épuisé la nouveauté
: il y avait Elegia de Paolo Comte et The living road de Lhasa
Donnez 5 chansons que vous écoutez souvent
ou qui comptent beaucoup pour vous :
Plutôt des disques que des chansons ou des morceaux de musique
séparés, parce qu’à l’époque
antédiluvienne de mes premiers enthousiasmes musicaux, militants
ou amoureux, c’était les 33 tours qu’on écoutait
en continu et pas les Cd et baladeurs où l’on se fait
son programme à la carte. (quoique, il y avait le juke-box
mais je pratiquais peu). Ce ne sont pas des disques que j’écoute
souvent, mais comme ils l’ont tellement été ils
sont présents en moi avec beaucoup de force. Lorsque de temps
en temps je les écoute en vrai alors là l’effet
madeleine est garanti, retour de moments d’adolescence dans
toute leur épaisseur à la clé…
Z et la voix de Théodorakis dans "To elasto pedi"
et "safti gitonia"…
Joan Baez de "House of the rising sun" et "donna-donna".
Léonard Cohen du début: « Suzanne », «
So long Marianne »…et dans « Songs from a room »,
« Tonight will be fine », écoutés combien
de centaines de fois, associés à des souvenirs amoureux
heureux mais aussi à des dépits et c’était
alors les chansons qui tenaient compagnie à mes tristesses.
Un peu plus tard, « Le voyage d’hiver » par Dietrich
Ficher Diskau qui a accompagné mais aussi magnifié et
aider à supporter des moments de déprime.
Kathleen Ferrier, la voix qui toujours me touche le plus, dans Bach
et Haendel mais aussi dans les chants traditionnels anglais.
Des tas d’autres aussi de la fin des années 60 et des
seventies mais enfin ce sont ces cinq là qui me sont venus
spontanément.
Bien sûr j’ai fait heureusement des tas de découvertes
depuis lors, certaines que j’écoute avec récurrences,
beaucoup de world music surtout, beaucoup de choses découvertes
au hasard de cadeaux, certaines aussi dans les musiques qu’écoutent
mes garçons et qu’il m’ont fait découvrir
(mais le hard rock, le métal ça définitivement
ça ne passe pas).
A qui allez-vous passer le relais (3 personnes)
et pourquoi ?
Je vais donner ces trois là, qui si elles évoquent leurs
goûts parlent plutôt littérature ou arts plastiques
dans leur blogs, l’une d’entre elle s’est beaucoup
éloignée ces derniers temps, c’est aussi une façon
peut-être de l’appeler gentiment à revenir, si
elle veut : alors allez-y chères Coumarine,
Pralinette et Eclats
du soleil…
A part ça j’ai fini mon petit compte
rendu de route. Je le met en ligne assorti, grande innovation chez
ce vieux conservateur de Valclair, de quelques petites photos pour
l’ambiance, une révolution presque autant que l’arrivée
des photos dans le Monde il y a déjà lurette…
Tout bouge, tout bouge…
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03/03/05 : Neige mouillée
et cinés:
Temps épouvantable. Il neige. Enfin presque.
Il devrait. Mais la température à Paris intra-muros
a toujours un ou deux degrés de plus ne serait-ce que dans
la proche banlieue, la densité des habitations, le chauffage
urbain, les réseaux souterrains font que la neige a les plus
grandes difficultés à tenir au sol. Se forme alors une
immonde bouillasse glissante qui n’a pas le temps d’ouater
les rues de blanc et qui fond tout aussitôt. La neige est pourtant
tombée sans discontinuer presque toute la journée, une
neige il faut le dire déjà bien humide. Je me plais
à imaginer la même chose un peu plus loin, à la
campagne, avec la neige qui tient, le sol qui blanchit, les arbres
qui se parent, les formes qui s’arrondissent, les angles qui
s’atténuent sous le manteau blanc. J’aime voir
tomber la neige, la vraie…
Temps du cocooning. Temps pour le cinéma
aussi et au plus proche, aucune envie d’arpenter Paris dans
ces conditions. J’ai vu « Quand la mer monte »,
c’est un film magnifique, plein de tendresse, c’est superbe
cet amour de passage entre cette femme si éloignée des
canons classiques de la beauté et ce gars sorti de nulle part.
Il y a le jeu assez extraordinaire de Yolande Moreau sous ses deux
facettes, avec le spectacle dans le spectacle. Et puis il y a cette
chaleur du nord populaire, ce sens de la fête, cette adhésion
immédiate à la vie comme elle passe.
J’ai vu aussi le « Promeneur du Champ
de Mars ». je ne sais pas trop quoi penser de ce film. Mais
je suis progressivement entré dedans, appréciant plus
à mesure que le film avançait. Il faut mettre de côté
le personnage faire-valoir du journaliste, il est transparent et plat
et l’histoire sentimentale racontée en contrepoint ne
présente guère d’intérêt. Mais il
y a quelquechose de très fort dans la façon dont Bouquet
investit Mitterrand. On ne l’a pas grimé pour tenter
d’accentuer les ressemblances avec le Président, on sait
toujours très bien que c’est quelqu'un d’autre
qui joue et pourtant on a le sentiment par moment d’accéder
à une sorte de vérité profonde. C’est très
étrange comme sentiment, c’est lui et ce n’est
pas lui, on est en permanence dans cet entre-deux. Ce qui est fort
et poignant c’est la méditation sur la mort dont le film
est porteur à travers la figure de Bouquet-Mitterrand, l’exactitude
factuelle, les circonstances, la ressemblance physique alors comptent
peu, on est dans un autre ordre, et là cela passe excellemment,
le film acquiert une grande vraisemblance, bien plus forte que dans
des moments d’expression plus directement politiques. Le film
n’est pas hagiographique, n’empêche il fait passer
une sympathie incontestable pour la figure mitterrandienne qui apparaît
tout de même comme d’un autre tonneau que bien d’autres
qui l’ont suivi.
Ce soir c’est l’anniversaire de Bilbo.
(Ce serait un poisson si j’en crois la dernière chronique
de Samantdi, mon ignorance
astrologique est telle que je ne connais même pas les signes
de mes proches). Son frère revient de son école. On
attend aussi ses cousins favoris. Constance est aux fourneaux pour
les gâteaux et je ne vais pas tarder à m’y mettre
moi pour un porc au miel et au gingembre dont je me régale
d’avance…
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06/03/05 : Pharaon
:
Hier j’ai été avec Constance
voir l’expo Pharaon,
à l’ Institut du Monde Arabe. On s’était
levé assez tôt, espérant en arrivant avant l’ouverture
pouvoir bénéficier d’une visite sans trop de foule.
Raté. Quand nous sommes entrés les salles étaient
déjà bondées, occupées par les gens qui
avaient préréservés leurs billets, et par de
nombreux groupes. Il a fallu tenter de voir en naviguant entre les
groupes, allant et venant en profitant d’éclaircies devant
les vitrines. On peut dire ce qu’on veut de la qualité
des œuvres présentées, de la scénographie,
bref tout ce qui a fait le buzz très favorable à cette
exposition et qui nous a poussé à y aller nous aussi
en bons moutons que nous sommes, on ne peut en profiter vraiment dans
de telles conditions.
Il y a quelques très belles pièces
venues de loin que je ne regrette pas d’avoir vues : une statue
de pharaon en pierre jaune magnifique et inhabituelle, le pilier de
Karnak représentant Akhenaton en Osiris, impressionnant de
présence, les pièces d’orfèvrerie du trésor
de Tanis mais quant à tenter de s’approcher de la civilisation
de l’ancienne Egypte, quant à tenter de communiquer un
minimum avec des œuvres, je crois que j’y serais mieux
parvenu en refaisant une visite tranquille des salles égyptiennes
du Louvre qui sont déjà d’une grande richesse.
Comme beaucoup de gamins j’ai eu ma période
Égypte antique, à partir du moment où en 6°
on découvre à la fois le lycée et l’histoire
ancienne, cette période a duré trois-quatre ans chez
moi et a été assez passionnée. J’avais
commencé à apprendre l’écriture hiéroglyphique,
tout seul avec un bouquin austère d’adulte, il n’y
avait pas à l’époque des albums découverte
pour enfants ni des ateliers d’initiation dans les musées.
J’ai avalé quantité de bouquins et documents,
je me suis même senti pendant un temps une vocation d’historien
de l’antiquité et d’archéologue, avant d’être
happé ensuite par l’histoire contemporaine et les militantismes
divers qui m’ont alors fait repousser violemment tous ces intérêts
pour le passé lointain. Peut-être aurais-je dû
persister, peut-être que finalement une carrière tournée
vers l’exhumation du passé m’aurait mieux correspondu
que ce que j’ai fait finalement de ma vie professionnelle mais
bon, passons, ce n’est pas le sujet… J’avais au
lycée un prof qui plutôt que des heures de colle donnait
à ses élèves punis l’obligation d’aller
au Louvre et de ramener un compte-rendu de visite d’une et deux
salles au choix. Je ne sais plus ce qui m’avait valu une punition
moi qui était un petit élève sage et studieux,
toujours est-il que je garde un excellent souvenir de l’excursion
dominicale dans les salles égyptiennes qui en avait résulté,
c’était peut-être la première fois où
j’allais au musée seul, comme un grand, avec mon petit
carnet sur lequel j’avais gratté, gratté…
C’est fou ce que j’ai su sur l’Egypte pendant une
période, et fou ce que j’ai oublié…
Pendant toute cette visite surpeuplée d’hier
j’ai essayé, à peu près vainement d’ailleurs,
de remettre ensemble des bribes de mémoire réactivées
et les pièces exposées et de retrouver quelquechose
de mes anciens enthousiasmes.
On a été voir aussi Aviator, évocation
de la vie de Howard Hugues, de ses passions cinématographico-avionesques
et de ses névroses. Que tout cela est lourd ! C’est du
Hollywood pur jus et pas le meilleur. Certains prétendent qu’il
y a beaucoup de second degré là-dedans. Bof. Il y a
quelques jolis morceaux de bravoure mais tout ça est trop long,
trop appuyé, trop démonstratif. On ne peut avoir aucune
empathie avec les personnages quels qu’ils soient, il n’y
a rien qui touche, tout ça reste du spectacle, bien fait et
brillant certes mais sans plus. Je ne trouve pas les acteurs particulièrement
exceptionnels non plus. Le film en tout cas ne justifie pas l’enthousiasme
de beaucoup de critiques dont je ne sais trop à quoi il est
dû.
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10/03/05 : Grève,
pas grève ?
Ce matin j’étais fermement décidé
à ne pas faire grève. Je ne suis pas du tout d’accord
avec la politique qui est menée, il y a une casse des services
publics qui est réelle alors que les entreprises dont beaucoup
affichent des profits records sont chouchoutées, la marchandisation
croissante de la société est encouragée, la recherche,
l’éducation, la santé, l’aide sociale ne
sont pas les priorités qu’elles devraient être.
Mais je me sens loin d’être en accord avec beaucoup des
mots d’ordre mis en avant par les syndicats, qui oscillent entre
maximalisme et corporatisme quant ils n’associent pas les deux
! Et je ne suis pas d’accord avec la vision le plus souvent
figée et archaïque du service public qu’ils véhiculent.
En plus la grève est-ce la meilleure méthode
? Qui gêne-t-on sinon « les gens » comme on dit,
le vulgum pecus dont nous faisons partie. Je sais bien que ce sont
là les arguments de la droite, mis en avant pour réclamer
l’instauration du service minimum. L’ennui c’est
que tout ça n’est pas si faux.
Et est-ce qu’on ne contribue pas à
se tirer une balle de pied en tout cas pour les services confrontés
déjà à l’existence d’un secteur marchand
dans leur sphère d’activité. Ce matin, j’ai
allumé la radio sur France-inter comme chaque jour : musique
ininterrompue, pas même d’annonce, pas d’information,
rien. Ça m’a agacé. Et qu’ai je fait alors
: j’ai été zapper sur diverses chaînes concurrentes
et commerciales qui, elles, fonctionnaient parfaitement, j’ai
écouté les nouvelles au milieu des océans publicitaires.
Pas génial comme défense du service public ! Et si nous
fermions notre service ce serait pareil, les gens lésés,
ceux du moins qui en en auraient les moyens, pourraient avoir envie
de se tourner vers les services privés équivalents.
Et puis être en grève cela voudrait
dire aller à la manif, et non pas rentrer chez soi pour se
mettre sous la couette avec un bon bouquin ou aller au cinéma.
Mais je n’ai nulle envie de défiler, je n’ai pas
envie de faire semblant, de n’être là que dans
l’adjonction de nos mécontentements divers mais sans
partager beaucoup de ce qui se dira, se criera. Je n’ai pas
envie de défiler bras-dessus, bras-dessous avec des collègues
avec qui je partage peu, sinon un mécontentement diffus.
Le matin j’étais donc au bureau, fidèle
au poste. Il y avait plusieurs autres collègues, le service
était de toute façon ouvert, nous l’avons fait
tourner tout à fait normalement. L’après-midi
c’était différent. Il n’y avait plus que
moi, les autres personnes de service étant grévistes.
Là j’ai commencé à me sentir très
mal à l’aise. Outre que c’était particulièrement
sinistre de se retrouver seul dans les bureaux désertés,
j’avais en restant le sentiment de casser la grève de
mes collègues. Ce que je ne voulais pas faire non plus puisqu’il
y a de très bonnes raisons d’être en colère.
Alors j’ai fini par me déclarer gréviste sans
l’avoir vraiment voulu au départ, j’ai mis un message
sur le répondeur, j’ai collé une affichette d’information
sur la porte, j’ai fermé boutique et suis parti. Cela
me coûtera une journée pleine et entière de salaire
bien que j’ai travaillé ce matin mais bon tant pis, ce
n’est pas ça qui me gêne.
Pas très fier de moi. Gêné à
l’égard de gens qui feront éventuellement le déplacement
pour venir nous consulter cet après-midi. Pas plus fier que
si j’étais resté, assurant une permanence en ayant
le sentiment d’être un jaune.
Je suis remonté à pied, j’ai
traîné un peu mes bottes au départ de la manif
sans tomber sur mes collègues mais sans vraiment d’ailleurs
les avoir farouchement cherchés, puis je suis rentré
et me voici à la maison, allant taquiner mes mots, refuge facile.
Je ne suis pas clair dans ma tête, j’ai l’impression
de n’avoir pas assumé ma position de départ, de
n’avoir pas agi selon mon sentiment et ma réflexion,
j’ai l’impression d’avoir flotté dans l’hésitation,
incapable d’assumer le fait d’être en décalage
et en opposition avec le vulgate majoritaire dans la profession, j’ai
l’impression d’avoir conformé mon comportement
à une espèce de sentiment collectif oh combien flou
et plein de divergences, ne partageant vraiment que ce sentiment d’être
contre ces méchants qui nous gouvernent là-haut…
J’ai remis Chopin par Hélène
Grimaud. J’ai écouté ce disque plusieurs fois
depuis que je l’ai acheté il y a quelques jours, il m’est
devenu familier et du coup il m’est plus facile de l’apprécier
même en dehors d’une écoute vraiment attentive
et continue. Il m’accompagne, avec ce qu’il a d’infiniment
beau et d’infiniment triste. Les marcheurs là-bas doivent
être en train d’achever leur manifestation et moi je suis
seul ici dans ma bulle. Je flotte un peu. Je flotte beaucoup en ce
moment sans savoir exactement où je suis. Je traîne avec
moi un fond de malaise dont je n’arrive pas à me dépatouiller,
qui va bien au-delà de ce malaise politico-social, qui est
lié à des peurs archaïques (je ne cesse de repenser
au violent coup de blues que j’ai eu avant de partir en voyage,
j’ai l’impression qu’il pèse encore sur moi),
à la fatigue de mon quotidien, aux silences de mon couple,
à mes incapacités à me relancer, aux années
qui passent…
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11/03/05 : Finalement…
:
Á l’écoute de la radio, à
la lecture de la presse, je me dis que finalement ce mouvement d’hier
que j’ai fait du bout des lèvres et plus par suivisme
que par volonté claire semble devoir servir à quelquechose.
Je suis un peu honteux de mes continuels doutes et interrogations,
de mon manque d’adhésion. Il est vrai que ce qui ressort
aussi, ce qui semble être l’aliment de la mobilisation
c’est la revendication assez largement partagée et unificatrice
sur le pouvoir d’achat. Ce n’est pas ce qui me mobilise
le plus moi. J’ai toujours le sentiment que globalement dans
nos pays tous ceux qui sont intégrés correctement dans
le monde du travail, qui ne sont pas dans le chômage et la précarité
sont tout de même plus ou moins des nantis, que la consommation
effrénée n’est pas la solution, que changer la
télé ou la voiture n’est pas une priorité.
Mais c’est ma vision, sûrement une vision tronquée,
je parle de là où je suis, en petit bourgeois installé,
nous avons deux salaires à la maison, nous avons eu un peu
d’argent au démarrage, nous vivons à Paris même
où nous sommes propriétaire de notre appartement, nous
allons au travail à pied ou en vélo, nous ne sommes
pas contraints à la double voiture comme bien des gens repoussés
par les prix parisiens en lointaine banlieue, nos enfants ont des
établissements scolaires publics hauts de gamme à portée
de métro et bénéficient d’un héritage
culturel qui est un atout non négligeable… Dans ces conditions
c’est facile de regarder d’un peu haut, avec une pointe
de mépris ceux qui s’accrochent aux revendications salariales
et de tenir de beaux discours teintés de considérations
écolos contre la consommation excessive !
Enfin globalement ce mouvement me fait plaisir et
je me laisse aller à ce sentiment sans trop penser aux contradictions
des discours et aux débouchés improbables, je suis content
qu’ils se fassent chahuter là-haut, toute cette brochette
de ministres suffisants et autistes et le Chirac en surplus, je m’en
veux un peu de ma réserve d’hier.
Aujourd'hui Constance a une crève impressionnante,
la vraie grippe, 39°5, percluse de douleurs et incapable de se
traîner hors de son lit. Le vendredi après-midi c’est
habituellement mon moment de liberté, celui où je me
fais mes petits cinés ou mes petites expos persos. Aujourd'hui
j’ai fait le garde malade sans que ça m’ait coûté.
Finalement j’étais même plutôt content d’être
là près d’elle, c’est cela aussi un couple,
quel que soit tout ce qui ne va pas, les routines, les silences, les
désirs assoupis, je ferais bien quand je me plains ou quand
elle m’exaspère de penser aussi à la chance que
cela constitue. Je lui ai monté des tisanes, je lui ai mis
des musiques en sourdine, j’ai été lui acheter
ses médicaments après la venue du médecin, je
me suis occupé de la lessive, faire tourner la machine, étendre
le linge, regrouper par paires assorties les innombrables chaussettes
des fistons (le linge, lavage, repassage, rangement est la part du
travail ménager à laquelle je ne participe vraiment
pas, oh vilain que je suis !). J’ai fait tout cela avec un cœur
gros de tendresse et cela m’a fait du bien : mais diable pourquoi
cela seulement dans cette situation, pourquoi si rarement dans le
quotidien ou dans les petits plaisirs partagés ?
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12/03/05 : Barbara
et une « Fiancée syrienne » :
Le fait d’avoir répondu au petit questionnaire
musical circulant sur le web il y a quelques jours, le fait d’avoir
lu les réponses des uns et des autres m’a donné
envie de replonger vers quantité de vieux 33 tours qui dorment
sur mes étagères. Las ma vieille platine tourne-disque
qui n’était déjà pas bien flambarde la
dernière fois que je l’ai utilisée il y a quelques
mois semble bien avoir rendu l’âme. Je voulais écouter
de vieux Ferrat, Ogeret chantant Aragon, Montand à l’Olympia
en 1981, rien à faire, je me suis contenté de compulser
les pochettes… J’ai repris aussi Greco et Barbara. Là
j’ai pu écouter, j’ai des CD achetés plus
récemment, des compilations qui égrènent des
années de chansons.
J’ai retrouvé avec une particulière
émotion « ma plus belle histoire d’amour »,
« joyeux Noël », « l’aigle noir »,
« la petite cantate » et peut-être surtout «
Nantes », chanson si belle et si triste, surtout quand on connaît
le contexte affectif particulier fait de haine et d’amour des
rapports de Barbara et de son père. Par contre il y a dans
ce disque quelques chansons très tardives issues de ses derniers
disques comme la « femme piano » et « le jour se
lève encore ». Il y avait un certain courage à
tenter de chanter et à remonter sur scène mais décidément
cette voix épuisée, cassée, ça ne passe
pas, ça ne met que de la tristesse et cela confirme qu’il
faut savoir tourner la page.
Ces chanteuses c’est la génération
avant le mienne. C’était la jeunesse de mes parents,
les cabarets de la rive gauche, "La Rose rouge", "l’Ecluse"
où ils ont été quelquefois et dont ils m’ont
parlé par la suite. Mes parents n’étaient pas
du tout musiciens, il y avait très peu de disques chez nous
mais les premiers à y être entrés, ce sont ceux-là
justement, Greco, Barbara, Brassens, ce sont les premières
choses que j’ai entendus avec quelques disques de chansons pour
enfants, avec "Pierre et le Loup" avec la voix de Gérard
Philippe et avec "Piccolo, Saxo et compagnie".
Constance est toujours au fond de son lit. Elle
ne s’est pas levé, je lui est servi une soupe puis je
l’ai laissé se rendormir, c’est ce qu’elle
a de mieux à faire. Moi je suis parti au cinéma. Quand
je suis monté lui dire au revoir, elle dormait, lèvres
pincées, visage défait, pâle, sur la blancheur
du drap, tout à coup son visage m’a effrayé, j’y
ai vu presque une vieille femme, et je m’y suis vu aussi…
Le temps s’améliore un peu, il fait
plus doux, entre les averses et les gros nuages se sont glissés
quelques rayons de soleil, je suis descendu à pied au cinéma,
cette petite marche m’a fait du bien. J’ai vu «
La fiancée syrienne ». C’est très bien ce
film, c’est très riche, un peu foisonnant peut-être,
l’auteur a multiplié les personnages secondaires cherchant
par volonté pédagogique peut-être, à évoquer
à la fois quantité de problèmes différents.
Mais tous les personnages ont finalement bien leur place, ils expriment
chacun une part d’une situation complexe. Le film est à
la fois gai et triste, il montre bien l’absurdité des
situations humaines créées par cet interminable conflit
du Moyen Orient, par les frontières artificielles plantées
par les différentes guerres. Mais c’est plein d’espoir
aussi, tous ces gens sont proches finalement, on le perçoit
à travers mille petits détails de la vie quotidienne,
il faudra du temps, beaucoup de temps, mais qui aurait dit au début
des années 50 que les français et les allemands pourraient
dépasser en une génération leur haine ancestrale.
Ce sont les femmes et les jeunes qui portent l’espoir, en particulier
Hamal, la sœur aînée de la fiancée, véritable
pivot du film, magnifique Hiam Abbas, tellement forte et tellement
belle malgré son visage fatigué et souvent ravagé
de tristesse, Hamal qui tient tête, qui agit, qui réconcilie
les uns et les autres, Hamal qui sait que si sa propre génération
a été sacrifiée il ne doit pas en être
de même pour celle de sa fille qu’elle incite à
aller de l’avant, à suivre sa voie, Hamal porteuse d’espoir,
le film s’achève sur un long plan magnifique de son visage
où tout s’exprime de cette tristesse et de cet espoir.
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15/03/05 : Déboutonner
son manteau :
Je crois que c’est un de mes bonheurs les
plus grands quoique les plus simples : pouvoir dans la rue déboutonner
mon manteau quand on bascule dans le printemps.
C’est ce qui est arrivé aujourd'hui
et avec une particulière soudaineté puisque le changement
de temps n’a pas été progressif mais très
brusque : ce week-end encore on avait froid, il y avait du vent, il
avait plu et là presque d’un seul coup entre hier et
aujourd’hui c’est le grand beau temps, le soleil à
la douce tièdeur sur un fond d’air encore frais. Alors
oui, lentement, avec gourmandise on déboutonne son manteau,
on écarte le col de sa chemise, on tend le visage aux rayons
du soleil, on marche lentement, très lentement pour rentrer
chez soi sans s’interdire de musarder, on regarde le monde autour
de soi, on constate avec bonheur que ce ressenti est partagé,
les corps des jeunes femmes sont soudain mieux mis en valeur délestés
des épaisseurs qui les enfouissaient, les jupes et robes réapparaissent
et raccourcissent, les visages se détendent et se font plus
avenants, les gens se posent aux terrasses de café qui reprennent
vie, la présence du printemps se fait communicative…
Ce matin quand je suis parti au bureau il faisait
encore froid. Mais la belle journée se sentait déjà,
mais les premiers rayons du soleil étaient promesse. J’aime
cela particulièrement quand il est encore tôt, que la
ville est encore calme, quand l’air paraît nettoyé
pas encore encombré des pollutions qui pèseront plus
tard. J’ai l’impression dans la nouveauté du jour
de me renouveler moi-même et je ressens dans cette marche initiale
qui pourtant ne me mène qu’au bureau une forme vraie
d’allégresse, toute simple, fragile, précaire,
mais bon elle est là sans questions inutiles, dans son simple
ressenti immédiat. Rien n’est perdu tant que je ressentirai
cela !
Mais aussi j’ai la nostalgie du brin d’herbe.
Dans des moments comme celui-là, j’aimerais pouvoir être
en pleine nature, sentir la campagne toute entière m’envelopper,
sentir la poussée des herbes et des arbres, respirer l’air
chargé d’odeurs. La vraie campagne est loin de Paris.
Les parcs et jardins ce n’est pas pareil et même les bois
de Vincennes ou de Boulogne, il faut aller carrément plus loin,
prendre le train ou la voiture, c’est toute une expédition
et une expédition réservée au week-end avec les
inévitables bouchons en rentrant. J’ai beau être
privilégié, habiter un quartier à l’aspect
presque villageois, avoir mon petit bout de terrasse avec sa plate
bande, son forsythia et son lilas, j’ai de plus en plus envie
d’avoir la vraie campagne à ma porte ou pas loin en tout
cas…
Voilà, j’ai joui de cet air neuf. Et
pourtant, non, tout ne va pas bien. Ces moments là sur lesquels
je m’appesantis parce que cela fait du bien n’ont pas
été toute ma journée. J’ai eu des heures
mauvaises aussi. Au bureau il y a eu un sale moment et que j’ai
mal géré. Il y avait une réunion prévue
sur laquelle je comptais beaucoup pour faire avancer le schmilblick,
elle n’a pu se faire du fait de l’absence d’un participant
important, plutôt que de me consacrer à d’autres
tâches, je me suis enfermé en moi-même dans le
temps qui s’est dégagé de façon imprévue,
je me suis mis à écrire je ne sais pas pourquoi, ce
n’était pas le lieu, ce n’était pas le temps,
j’ai gratté là où ça fait mal, je
suis descendu assez loin en moi, j’ai touché des choses
trop noires et puis ces lignes m’ont parues vaines, déplacées,
nullement apaisantes, nullement enrichissantes, trop « intimes
», je ne les transcrirais pas ici…
Quoique je ne veuille pas donner une image aseptisée
de moi je préfère essayer de rester sur les moments
lumineux qui ont été là aussi, oui, essayons
de revenir à eux…