03/09/05 : Répit :
Ouf, voici le week-end. Une première phase
de ma rentrée est faite, celle consacrée à réinstaller
l’ensemble du service et d’abord à vider les cartons
que nous avions remplis juste avant l’été en prévision
de travaux qui n’ont pas été faits ! Agréable
et intéressante activité ! Ça me rappelle l’histoire
du sapeur Camember auquel on faisait creuser des trous pour pouvoir
y mettre la terre dont il était justement occupé à
faire des monticules en creusant des trous ! Tout ça en plus
des activités habituelles de rentrée... Je suis assez
loin des trente-cinq heures en ce moment !
Je rentre un peu pompé et pas vraiment tôt.
Sauf hier où j’ai pris mon après-midi quand même,
je suis revenu à la maison vers 14h après le pot de
rentrée pour accueillir les nouveaux collaborateurs, ah le
plaisir d’une petite dînette tranquille tout seul sur
ma terrasse, et puis ensuite celui d’une sieste, pouvoir en
pleine journée m’étirer comme un chat sur mon
lit, avec le ciel à travers le velux au-dessus de moi, bailler
tout mon soûl, fermer les yeux, me laisser aller à une
douce somnolence...
Sinon mes soirées ont été du
genre passif, je n'ai rien fait qui nécessite de se mobiliser,
pas d’écriture donc, juste des lectures et ce qui n’est
pas courant chez moi, deux soirées affalé devant le
téléviseur.
J’ai visionné les deux DVD de Kill
Bill, films que je n’avais pas vus lors de leur sortie en salle.
Les deux garçons étaient là et Constance aussi.
C’était donc un bon moment de partage familial. Les garçons
sont des fans et pour eux c’était la 3° ou 4°
vision. Je reconnais que c’est brillantissime, bourré
d’inventions visuelles et non dénué d’humour,
esthétiquement superbe, avec une bande son magnifique et excellemment
accordé à l’ambiance, au rythme et aux images
du film. Uma Thurmann est assez impressionnante aussi, dans sa capacité
à passer de la douceur suave à la violence sanguinaire,
de la beauté sereine à la figure ravagée. Certaines
scènes sont des moments d’anthologie, en particulier
la rencontre avec Bill juste avant la cérémonie nuptiale
et le massacre au début du deuxième film : il y a là
une intensité dramatique exceptionnelle, comme un concentré
d’Hitchcock et de Sergio Leone, et en plus dans cette scène
au moins une émotion véritable qui pointe. Car pour
moi c’est là que le bât blesse dans ce genre de
films. Ils ne me touchent pas vraiment, ne déclenchent pas
émotion ou remontées de ressentis personnels, ils ne
me font pas réfléchir sur moi même ou sur le monde,
ils ne sont que des objets à voir qui me restent extérieurs.
On dira évidemment que ce n’est pas leur but, qu’il
ne faut pas leur demander autre chose que ce qu’ils sont et
veulent être, de beaux divertissements. C’est vrai et
je ne boude pas mon plaisir, simplement je ne peux pas m’enthousiasmer
autant que pour des films qui déclenchent en moi un écho
durable.
Á part ça et dans un registre oh combien
différent, je me suis réfugié pendant mes soirées
de ces derniers jours dans la lecture du journal de Julien Green (coucou
Sylvia),
le tome 4 des œuvres en Pléiade. Je me promène
dans les années trente. Je ne lirais pas ça à
haute dose et en continuité mais j’aime bien ce voyage,
par petites brassées de pages dans un autre temps et dans d’autres
mœurs.
Il y a aussi un vrai intérêt documentaire.
L’époque est présente. On sent bien ce basculement
de l’esprit public, la fin des années 20 encore optimistes,
puis après la grande crise, l’arrivée au pouvoir
de Hitler, les années 30 pendant lesquelles croît l’anxiété,
la conscience aigue de la marche vers la guerre et la catastrophe.
Green d’ailleurs, justement peut-être parce qu’il
se tient à l’écart de la politique, fait preuve
d’assez de hauteur de vue et de lucidité.
Mais l’intérêt aussi bien sûr
est dans ce qui est plus intemporel, les réactions de l’homme
Green face aux tensions qui traversent sa personne du fait de ses
aspirations contradictoires, ses attirances sensuelles et ses envies
de détachement et de dépouillement. J’aime les
moments arrachés au temps où il décrit ou tente
de décrire des bonheurs soudain qui le traverse (voir par exemple
p 439). Parfois on est un peu frustré, il s’arrête
aux limites de ses interrogations les plus profondes. Il parle lui-même
de cette difficulté à aller au fond des choses, que
ressentent d’ailleurs bien des diaristes, surtout s’ils
n’écartent pas la publication donc le regard des autres.
« Je n’y retrouve pas grand-chose de cet incessant débat
entre ce qui est vrai – et veut me gouverner - et ce qui est
illusoire – et me fascine » (p 436). « J’étais
quelqu'un qui parlait tout haut dans sa solitude, il ne m’est
pas possible de continuer si je sais qu’on m’écoute
» (p 506). Et cela est encore tellement plus vrai à qui
tente aujourd'hui cette expérience en ligne où l’écoute
et le regard des autres sont immédiats et non différés
!
Il y a quelques jolies formules. Celle-ci que je
trouve très vraie : « L’inspiration est un oiseau
et le travail un piège où cet oiseau se prend quelquefois
» (p 217).
Et d’autres qui font tout à fait écho
en moi « ce profond désir de bonheur qui fait que je
ne puis écouter sans une tristesse inexprimable, le chant d’un
oiseau, par une trop belle journée d’été,
d’où vient cela ? » (p 464), « Je ne me donne
pas à un plaisir que je ne me sente frustré d’un
plaisir différent, voisin et possible » (p 473). Il m’arrive
souvent de ressentir cela, parfois avec une certaine cruauté,
les désirs qui font obstacle au contentement (comme disait
mon prof de yoga), qui empêchent l’adhésion au
moment présent dans sa plénitude. Green donne les raisons
selon lui de ces ressentis, ce ne sont pas tout à fait les
miennes mais les siennes en tout cas me donnent à penser…
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10/09/05 : Silence
:
Décidément je n’arrive pas à
écrire. Je m’étais mis sur l’ordi ce matin,
suite à un réveil intempestivement tôt, j’ai
écrit quelques paragraphes, je ne les sens pas, c’est
moi et ce n’est pas moi, c’est une tentative maladroite
de faire un résumé de la semaine, comme s’il le
fallait…
Je ne publie pas. Non pas parce que c’est
trop intime. Ça ne l’est vraiment pas au contraire. D’ailleurs
je ne les garde même pas. J’efface. Pourtant je ne suis
pas du genre à effacer, j’ai plutôt la religion
des traces mais là j’efface, tant pis pour la petite
heure que j’ai le sentiment d’avoir consacrée à
rien, je vais me recoucher un moment alors que le jour se lève,
peut-être me rendormirais-je…
En ce moment je n’arrive pas à trouver
le bon tempo entre les divers bouts de ma vie. Et c’est le "bout"
écriture qui en pâtit plus que les autres.
Zou, ça y est, j’ai effacé !
Et tout à l’heure viendrais-je mettre
en ligne ces mots qui ne disent rien, ou qui disent, dans leur silence
?
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12/09/05 : Après
le week-end :
Le rythme effréné a repris ce matin,
je reviens tard sans avoir fait tout ce que je devais mais tant pis
je prends le temps qu’il me faut pour m’occuper de mon
petit coin à moi, mon petit jardin secret de mots.
Ce week-end a été à la fois
très occupé et un peu plus paisible parce que le tempo
au moins a décru.
Je me suis décidé à m’acheter
un nouvel ordinateur, ce sera mon petit joujou à moi, rien
qu’à moi. Fini les encombrements autour de la machine,
les sessions multiples qui alourdissent le fonctionnement, les téléchargements
sauvages de la jeune classe. Fini, enfin presque... Encore faut-il
installer tout ça, faire les configurations, les tranferts
de dossiers et de documents, se raccorder au wifi pour avoir des accès
en plusieurs points de la maison. Toutes choses bien sûr parfaitement
évidentes et simples à en croire les pubs des vendeurs
de matériels, un peu moins pour l’utilisateur lambda
non geek, je m’attends donc à quelques heures un peu
dures et à quelques grincements de dents quand les machines
feront de la résistance ce dont je ne doute pas, je commence
à les connaître. Mais bon, je suis décidé
à prendre ça avec calme et à le faire tranquillement,
sans me presser, sans aucun énervement (touchons du bois !).
Et puis le petit Bilbo va bien m’aider un peu, non, c’est
de son âge !
Dimanche on a aidé Taupin à s’installer
dans sa nouvelle chambre à l’Ecole. Ce n’était
pas du tout la même ambiance que l’an dernier, où
tous les nouveaux arrivaient auréolés de leur succès,
avec cet enthousiasme que l’on a à rentrer dans un monde
nouveau, ce sentiment de concrétiser enfin trois années
de dur boulot, accompagné de parents qui, même s’ils
n’en disaient rien, ne pouvaient s’empêcher de prendre
un peu pour eux les succès de leur progéniture. L’an
dernier il y avait grand soleil aussi, cela faisait un peu colo, une
colo de grands dadais, de jeunes adultes certes mais pas si loin de
l’enfance, pas si loin du cocon familial que beaucoup en fait
quittait vraiment pour la première fois. C’était
vraiment une drôle d’ambiance, drôlement tonique,
à laquelle on avait pris plaisir. Hier il faisait tout gris
et triste, les gens arrivaient de façon très dispersée,
le campus est un peu morne, de la chambre on ne perçoit que
l’aspect vieillot, le revêtement mural sinistre. C’est
la deuxième rentrée et déjà presque une
routine ! Il faut dire aussi que l’an dernier Taupin était
avec sa Taupine, ils avaient la joie en plus d’avoir réussi
ensemble le même concours, cette année manifestement
ils se sont éloignés, et Taupin, quoique ils ne nous
en ait rien dit, en est triste et cela se sentait et cela nous attristait
nous aussi…
Rentré à la maison Constance et moi
avons renoncé à nos projets de sorties, on a eu envie
de calme chacun de notre côté, moi je me suis pris le
temps d’une bonne balade en blogoland. Je ne l’avais pas
fait vraiment depuis mon retour. Je l’ai fait avec plaisir,
sans trop de sentiment de dispersion, avec l’impression d’aller
retrouver de déjà vieux amis. Et puis j’ai refait
un saut à l’Hôtel
des Blogueurs mais là, pfou, j’avais dû en
rester à la fin juillet, il s’en est passé des
choses depuis, il faudrait reprendre ces aventures échevelées
là où je les ai laissées. Mais je ne suis pas
sûr que ça résisterait bien à la lecture
en continu. Le charme de l’affaire est vraiment feuilletonesque
impliquant une découverte au jour le jour. En tout cas c’est
une super idée qu’ont eue les initiateurs(trices) de
cette aventure d’écriture.
Tiens j’ai l’impression de commencer
enfin à atterrir un peu…
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14/09/05 : Correspondances
:
Je m’occupe activement de mon transfert d’ordinateur.
Je vais donner l’ancien à Bilbo. Mais cette vieille machine
(enfin… trois ans !) fonctionne désormais très
mal, lenteur, bugs fréquents, elle est remplie de programmes
parasites et sans doute de quelques mauvais virus passés à
travers les mailles des protections : donc avant de la céder
et pour que Bilbo puisse installer ce qu’il veut sur une machine
propre, je vais reformater le disque dur donc détruire toutes
mes données. J’ai déjà presque tout sauvegardé.
Tout sauf les correspondances…
Je ne vois nulle part apparaître dans mon
arborescence des fichiers qui correspondraient aux mails échangés
et que je pourrais sauvegarder collectivement comme tous les autres
documents. Outlook apparemment ne prévoit pas ça, à
moins que j’aie mal cherché. J’en suis donc réduit,
pour ceux des échanges que je veux conserver, à ouvrir
les messages les uns après autres et à enregistrer un
à un leur contenu dans un fichier word. Inutile de dire que
c’est plutôt long ! Bien sûr je ne conserve pas
tout, je n’ai pas la religion du tout garder (les comptes de
blanchisserie dans les œuvres complètes de Baudelaire
en Pléiade, bof !) mais j’ai quand même une légère
névrose de conservation. J’ai toujours eu une tendance
à la collectionnite, ça a été les timbres
quand j’étais enfant, les photos et les livres ensuite,
et les moments aussi. Car l'activité diariste c'est aussi (et
peut-être surtout) une tentative pour retenir le passé
(se donner l’illusion qu’on le retient) en le mettant
en mots. Comment donc pourrais-je vouloir me débarrasser de
mes courriers? Dés lors qu’il y a un échange réel,
une relation qui s’est construite, comment pourrais-je les laisser
de gaîté de cœur disparaître dans cet holocauste
généralisé que je m’apprête à
déclencher sur l’ordinateur ?
Donc je me colle à cette recopie de «
bonnes feuilles » de ma correspondance électronique.
Je fais ça avec des sentiments partagés : à la
fois je me plais à le faire, je relis certains courriels avec
amusement, intérêt ou même émotion, ça
m’amuse de retrouver la courbe des relations, les échanges
distants puis plus intimes, les moments d’échanges intensifs
et les phases de silence. Mais c’est fastidieux aussi.
Et je ne peux m’empêcher de trouver
ça un peu névrotique, il n’y pas là des
correspondances extraordinaires et aurais-je besoin, aurais-je envie
plus tard de m’y reporter ? Très vraisemblablement non.
Je me rassure à conserver, c’est toujours cette même
volonté de retenir, cette peur de la perte, cette peur de la
mort. C’est être tourné vers du passé, c’est
manger mon temps dans les relations passées (ou dans le passé
de relations encore vivantes) plutôt que de l’utiliser
pour faire vivre justement ces relations dans le présent. En
clair ne serait-il pas plus judicieux dans l’instant présent
de lire les entrées du jour de mes amis diaristes, ce que je
n’ai pas eu le temps de faire aujourd'hui, d’y poser des
commentaires, d’écrire des mails plutôt que de
me préoccuper de cette conservation légèrement
pathologique des mails d’hier ?
Le discours tellement répandu sur la mort
de la correspondance avec le développement des nouvelles technologies
en tout cas m’amuse. Peut-être était-ce la tendance
dans la phase d’explosion des communications téléphoniques
mais avec internet les choses s’inversent de nouveau. Á
travers les mails bien sûr mais maintenant aussi à travers
les échanges de commentaires que suscitent les entrées
sur les blogs. La correspondance ne s’est jamais mieux portée,
pour ma part je n’ai jamais écrit autant de lettres,
de vraies lettres construites, même si elles passent par des
voies électroniques et non par le facteur que depuis que je
pratique internet et vous voyez j’ai même envie de les
conserver !
Bon, quand même, si par hasard quelqu'un qui
me lit connaît le truc pour sauvegarder d’un coup les
contenus des mails qu’il me l’écrive,
je lui en serais reconnaissant, je lui répondrais
et tiens, peut-être que ce sera le début d’une
nouvelle correspondance…