LES ÉCHOS DE VALCLAIR

 

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MOIS de JUIN 2003 (2° quinzaine)

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16/06/03 : Ambiance estivale :

Plaisir ce matin de partir à pied au bureau, en chemisette, sous un ciel d'un bleu très pur, rare à Paris. Il fait délicieusement bon, le soleil est déjà chaud mais l'air reste frais agité par une légère brise. Ce n'est pas encore la canicule qui s'annonce pour plus tard dans la journée ainsi que l'inévitable pollution qui pique les yeux et la gorge et à laquelle on n'échappe pas dès qu'il fait trop chaud à Paris.

Matinée tranquille en perspective, seulement quelques affaires courantes à régler avant une suite de la semaine qui s'annonce bien plus chargée professionnellement. Je prends même un moment pour écrire le début de ces lignes au bureau, ce qui n'est vraiment pas dans mes habitudes, je ne m'en sens pas même culpabilisé, je suis parfaitement décontracté, c'est l'été qui approche et avec lui la perspective de vacances d'autant plus bienvenues cette année que ces derniers mois ont été difficiles et chaotiques.

Je ressens encore dans mes jambes notre grande randonnée d'hier, plus de vingt kilomètres en forêt avec quelques amis, on est revenu fourbus mais content. Avec toujours le bémol des retours à Paris, deux heures d'embouteillages hier soir, une partie du bien-être emmagasiné pendant la marche se dissipent dans les interminables files de voitures du retour. Inévitable alors de ressentir de nouveau très fort cette envie d'aller vivre en province ou à la campagne. Quelle folie quand on y pense que cette vie des grandes villes ! Et encore nous avons le privilège insigne de vivre à Paris même, à proximité de nos lieux de travail, presque dans une vraie maison, avec une terrasse et des plantes et pas dans une boîte à sardines étriquée.

En rentrant je me suis affalé devant la télé et j'ai regardé le concert de Johnny, je ne suis pas spécialement un fan mais il est vrai que sa voix est belle qui sait se plier à des rythmes et à des musiques très variées, son spectacle tient la route, bien construit et rythmé, très professionnel en tout cas. Je me suis presque senti l'envie d'être moi aussi sur cette pelouse du Parc des Princes au milieu de ces milliers de fans enthousiastes, l'envie de me sentir adhérer à l'instant, dans une communion simple, au milieu des autres, sans me poser trop de questions. Pourtant à priori ce n'est pas mon truc ce genre de grands rassemblements, je trouve à la foule assemblée qui réagit d'une seule voix quelquechose d'un peu totalitaire qui m'effraie presque (au fond c'est un peu comme pour les manifs, je me sens un peu décalé mais c'est au fond que j'ai besoin d'être un peu à distance, de me protéger, de rester un peu sur mon quand à moi…). Mais les gens présents avaient l'air simplement heureux, l'ambiance paraissait bon enfant, il devait faire bon à être là, tous ensemble, dans la fraîcheur de la nuit tombante après la canicule du jour…

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20/06/03 : Histoire de familles:

Je termine "Tisseuse de mémoire de la Patagonie aux Balkans" de Maria London, j'ai acheté ce livre aux journées de l'Apa à Marly où l'auteur était présente.

Elle raconte son histoire familiale, et la quête qu'elle a effectué pour retrouver cette histoire, depuis la France où elle vit désormais, en passant par le Chili où elle est née et où vit encore la plus grande partie de sa famille, jusqu'à la Russie et la Croatie dont étaient originaires ses arrière-grands-parents qui émigrèrent vers le nouveau monde au tournant du 19° et du 20° siècle. Elle parle du Chili tel qu'elle le retrouve dans ses voyages récents et tel qu'elle l'a connu lorsqu'elle était enfant puis adolescente et évoque en particulier cette pointe extrême du continent, cette Patagonie des pampas désolées, de la Cordillère des Andes, du détroit de Magellan et de l'Océan, cette Patagonie qui fait rêver.

Á la lire cela me donne des envies de voyages lointains et de terres encore sauvages, nous ne voyagerons pas cet été pour diverses raisons, ce n'est pas l'envie qui m'en manque pourtant particulièrement dans cette fin d'année qui s'étire laborieusement, il me semble que j'aurais besoin d'une vraie coupure, d'un vrai dépaysement que ne nous apporterons pas les vacances franco-françaises un peu pépères que nous avons programmées cette année, alors je me contente de rêver à travers les pages de Maria sur la lointaine Patagonie…

Cette lecture réactive aussi des envies que j'ai eu souvent de faire des recherches sur ma propre histoire familiale. Ce n'est pas tant l'aspect généalogique qui m'intéresse que la recherche des histoires de vie de mes parents, grands parents, arrière grands-parents, ceux qui sont assez proches dans le temps pour qu'on puisse espérer retrouver autre chose que des états-civils, pour qu'on puisse deviner des modes de vie, des comportements, des processus psychologiques.

J'ai pensé il y a longtemps déjà faire parler mes grands-parents sur eux-mêmes et sur leurs propres parents mais j'ai attendu, j'ai remis à plus tard, et le temps est passé et ils ne sont plus là. Et voilà que déjà maman est partie aussi, que papa devient un vieux monsieur ! J'ai laissé des trésors se perdre. J'ai une cassette, une seule, d'interview de mon grand-père : j'avais commencé à le faire parler autour de l'alimentation et de la cuisine dans les campagnes du sud-ouest, thème auquel je m'intéressais alors mais n'avais pas poursuivi au-delà d'une première interview. Je l'ai réécouté récemment avec un vrai plaisir, celui d'abord de retrouver mon vieux grand-père à travers sa voix qui s'est tue mais aussi celui de deviner à travers son riche témoignage tout un pan de la vie d'une société disparue. Que n'ai-je poursuivi !

Au-delà de cet intérêt documentaire il y a un riche apport psychologique. Maria London décrit comment elle se construit elle-même à travers la recherche qu'elle entreprend, comment elle conforte sa propre identité en retrouvant de qui elle vient. Dans son cas, avec ce que rajoute de traumatisme sa position d'expatriée à cheval sur deux cultures c'était une recherche presque impérative. Mais je suis sûr qu'une telle recherche peut être enrichissante dans toutes les familles, même en dehors de migrations lointaines ou d'évènements extraordinaires plein de romanesque. Car les non-dits ou les secrets de famille existent partout, en découvrir et tenter de les élucider c'est aussi un moyen de se mieux comprendre, de dépasser des blocages qui ont peut-être des racines enfouies dans un passé plus lointain que la petite enfance.

Maria London insiste beaucoup sur la psychologie transgénérationnelle dont elle a perçue la pertinence en ce qui la concerne à travers sa propre enquête :
" Des comportements irrationnels trouvent leur explication dans la répétition inconsciente d'un drame vécu par un aïeul, ils sont une tragique expression de loyauté à l'égard de l'ancêtre victime d'un drame oublié et surgissent précisément lorsque les descendants cherchent à oublier plutôt qu'à se remémorer." (p 201)

Je suis à priori plutôt sceptique sur la répétitions des faits et des drames même si les adeptes de ce genre d'analyse rapportent parfois des faits vraiment troublants mais je suis certain par contre que des traits psychologiques ou des névroses doivent pouvoir être éclairées et donc dépassées grâce à ce retour vers le passé.

C'est regarder en arrière pour aller de l'avant.

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21/06/03 : Avec elle ou tout seul :

Je discutais tout à l'heure avec Constance de ce que nous allions faire ce soir pour la Fête de la Musique. Le temps s'annonce chaud et beau. Ce sera un plaisir de déambuler dans les rues de Paris. Elle me dit qu'elle souhaite aller chanter avec sa chorale, ils ont prévu d'animer un petit coin de banlieue. Ça ne me dit rien du tout d'aller les écouter d'abord parce que je connais un peu leur répertoire et puis surtout parce que j'ai envie de profiter de Paris. Mais alors tel que ça se présente je vais y aller seul ce qui n'est pas très agréable pour ce genre d'occasion, les garçons, et c'est bien normal, vont y aller chacun avec leur bande, Constance sera en banlieue et moi, moi, je n'ai pas d'amis pour partager ce moment…

Je réalise un peu plus chaque jour à quel point je n'ai pas d'amis/amies qui me soient propres et combien c'est cela plus que tout le reste qui me manque. Depuis des années je fonctionne avec les relations du couple, j'ai laissé les miennes propres s'éteindre sans y faire attention, je n'ai pas cherché à en reconstituer. Je n'en éprouvais tout simplement pas suffisamment le besoin pour faire l'effort nécessaire.

Je repense à mon grand-père qui du jour où il a été veuf s'est retrouvé très solitaire, ses nombreux amis et relations s'effaçant très vite puisqu'en fait ils étaient ceux de ma grand-mère, c'était elle qui dans le couple entretenait la vie relationnelle extérieure.

Je me rends compte que je me suis satisfait de cette situation par facilité, cela m'arrangeait de ne pas avoir à me coltiner à l'effort d'aller de moi-même vers les autres, je me contentais de prendre ce qui arrivait tout prêt, apporté par Constance, comme sur un plateau. Je me dis que sur le plan amoureux et sexuel c'est pareil. Au fond si j'ai été à ce point monogame pendant autant d'années avec Constance, ce n'est pas parce que j'étais convaincu que c'était un impératif pour le couple ni par a-priori moral ni non plus par loyauté, mais par paresse et par facilité. Ce n'est pas très plaisant de prendre conscience de cela, peut-être ai-je valorisé notre couple stable et uni qui croyait se suffire à lui-même pour de bien mauvaises raisons, cela jette une ombre méchante sur les années passées !

Il n'est pas tout à fait vrai que je découvre cela aujourd'hui, il est évident que je me suis déjà fait ce genre de réflexion mais sans vraiment m'y arrêter, c'est très caractéristique de la façon dont les choses qui gênent viennent finalement à la conscience, elle peuvent être là depuis des années mais perçues comme marginales, anodines, sans que les conséquences pourtant apparemment évidentes puissent en être tirées.

La conclusion c'est qu'il faut que je me bouge, que, à travers tout ce que j'entreprends, je garde à l'esprit l'objectif de reconstituer un tissu relationnel qui me soit propre.

Mais cela aussi je crois me l'être dit et l'avoir écrit plusieurs fois ces dernières années !

Se pourrait-il que cette conscience renouvelée me permette cette fois de le faire réellement ?

Et je comprends maintenant que ce choix de mettre mon journal en ligne s'inscrit aussi dans cet objectif même si je n'en étais pas conscient au départ. A lire certains diaristes je me rends compte qu'il se passe de vrais rencontres sur internet, que celles-ci se concrétisent par des relations " en présence " ou qu'elles se maintiennent longtemps exclusivement à distance, sans être pour autant moins intenses. Je réalise seulement aujourd'hui que moi aussi je souhaiterais aller vers de telles rencontres. Peut-être cela implique-t-il d'avoir un autre comportement, peut-être ne dois-je pas me contenter d'écrire de mon côté en observant, peut-être faut-il être plus actif, commenter directement les autres, solliciter, répondre ? Peut-être. Je ne suis pas sûr. Je verrai en avançant, comme pour le reste... Les choses viendront en leur temps…

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22/06/03 : Bof !

Journée et soirée d'hier pas terrible…

Finalement Constance est venue avec moi, non que j'ai insisté le moins du monde mais elle n'avait plus envie elle-même d'aller chanter. Bon début pourtant à l'Opéra Bastille avec le groupe choral de Laurence Equilbey assez exceptionnel sur un répertoire peu connu et plutôt contemporain, une vraie découverte, puis des prestations plus classiques de bons chanteurs sur des airs souvent entendus, le plaisir était d'être très près d'eux, dans une salle relativement petite. Ensuite c'était moins bien. Le concert de world music auquel nous voulions assister avait été annulé, nous avons énormément marché de lieux en lieux par une chaleur lourde avec une impression de pollution très forte, il y a eu des tensions et des agacements entre nous, je sentais Constance fatiguée et déprimée, on est revenu trop vite dans notre quartier où je n'aime plus trop passer la Fête de la Musique, là c'est la cohue, on a du mal à avancer, on ne prend pas plaisir à écouter, il y a trop de petits groupes trop proches les uns des autres qui se parasitent en faisant donner des sonos surdimensionnées, l'air est saturé par l'odeur écoeurante des merguez qui grillent. On est rentré. Et on a eu droit juste sous nos fenêtres pendant une bonne partie de la nuit à un groupe de rap bas de gamme…. On aurait mieux fait de rester à déambuler en bords de Seine…

Bon il y a eu des contretemps qui ne dépendaient pas de nous, il y a eu nos humeurs pas trop joyeuses, il y a eu encore une fois mon agacement trop vite venu dès que les choses ne se déroulent pas comme je les avais envisagées, bref des tas de parasites qui m'ont empêché de profiter comme je l'aurais pu de cette journée...

Mais n'épiloguons pas. Je n'ai pas envie de m'appesantir. Ça aurait pu être mieux, c'est passé, profitons de ce dimanche qui commence…

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23/06/03 : Comme une amie qui se dérobe :

Hier dimanche de quasi farniente, bien vécu au demeurant ce qui n'est pas si courant pour moi qui ai toujours tendance à me trouver ou m'inventer des activités ou des obligations.
Constance était partie chez une amie pour la journée.

Il faisait chaud, je n'ai pas du tout eu envie d'aller trotter dans la canicule parisienne. Je me suis installé dans un transat à l'ombre des lilas et j'ai passé sans aucun scrupule une bonne partie de la journée à rêvasser et à bouquiner du Simenon. La cour était particulièrement calme, tous les voisins étaient partis en week-end, silence inhabituel que seul le pépiement et l'agitation bruyante des merles venaient rompre. Je me suis aperçu qu'il y avait un nid chez les voisins sous le petit toit sous lequel ils rangent leurs vélos, on le voit très bien depuis notre terrasse, les petits sont nés il y a quelques jours sans doute, la merlette vient leur porter la becquée. Nous avons tendance à oublier la nature au cœur des mégalopoles, quelle joie de sentir qu'elle est présente malgré tout, ici, en plein Paris.

Je me suis senti loin de tout, loin du boulot et de ses préoccupations, je me suis senti en vacances, au sens propre du terme, alors même que les deux semaines qui arrivent seront particulièrement chargées.

Je suis sorti tout de même, juste pour aller avec Bilbo jusqu'au ciné le plus proche. C'était sympa d'aller au cinéma avec le fiston, cela faisait un moment que ça ne m'était pas arrivé, on s'est laissé entraîner dans les méandres du Mystère de la Chambre Jaune derrière le rusé et sympathique Rouletabille. On est bien rentré dans le film tous les deux, on s'est bien amusés, on n'a pas boudé notre plaisir…

Sur le soir j'ai été faire le tour de mes diaristes favoris, que je n'avais guère eu le temps d'aller visiter ces derniers jours.
J'ai retrouvé Sylvia et son Bonheur du Jour, cela faisait quelque temps qu'elle n'avait pas fait de mise à jour, je commençais à me demander ce qu'elle devenait. Oui, un diariste cela peut disparaître du jour au lendemain, sans préavis, sans laisser de trace, c'est inévitable, cela arrivera, et je me suis demandé alors ce que je ressentirais à ce que s'efface tout à coup quelqu'un qui justement commencerait tout doucement, par petites touches, à prendre forme à mes yeux…

Et justement c'est ce qui s'est produit quelques minutes après.
J'ai été voir Cassandra et ses Secrets Partagés. Mais Cassandra ne partage plus ses secrets ! Elle s'est retirée. Brusquement. Sans signes annonciateurs. Sans signes que j'ai été capable de percevoir en tout cas. Peut-être est-ce une décision brutale, peut-être s'y préparait-elle sans rien en dire. Je ne sais pas. Plus moyen d'y aller voir de toute façon. Les archives ne sont plus en ligne. C'est un départ radical. Il n'y a plus qu'un court texte qui dit qu'elle ne peut plus partager son écriture et qui remercie ceux qui ont été là pour elle, elle s'efface en laissant planer un certain mystère…

Je ne connaissais pas Cassandra, je n'ai jamais échangé de mails avec elle, simplement je suivais avec régularité et grand intérêt ce qu'elle écrivait, accroché par la qualité de ses textes, par la finesse et souvent la profondeur de ses réflexions, séduit par sa personnalité, par sa détermination à aller de l'avant, à défaire les fantômes mauvais de sa vie.

Il n'y a aucun reproche à lui faire. Elle n'a aucune obligation vis-à-vis de moi, dont elle ignore même que je la lisais, aucune obligation à l'égard de son lectorat en général.

Et pourtant je ressens, au-delà même de ma frustration à ne plus la lire, comme une espèce de petite trahison.

C'est sans doute que j'avais imaginé que se mettre en ligne impliquait d'adhérer à une espèce de contrat moral implicite. Comme s'il y avait à l'instar du " pacte autobiographique " une sorte de pacte du diariste en ligne dont les lignes principales seraient de parler vrai ou du moins de parler authentique, de s'astreindre à un minimum de régularité, de préparer son départ si celui-ci doit avoir lieu, de laisser une trace de son passage…

En fait il ne s'agit là que de l'idée que je me suis fait moi d'emblée de ce qu'impliquait la mise en ligne. Je croyais continuer à écrire mon journal exactement comme avant, je me rends compte maintenant qu'en fait, sans les avoir théorisées ni même explicitement pensées, j'avais certaines idées sur ce qu'impliquait dans mon esprit la mise en ligne.

Mais il n'en est pas de même pour tous et c'est normal.

Je n'ai pas à me sentir frustré du départ de Cassandra.

Et pourtant Cassandra pour moi c'était déjà une amie, une amie encore secrète, une amie qui ne le savait pas encore et c'est comme une amie qui se dérobe...

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25/06/03 : Fantasme :

Hier et avant-hier, à l'autre bout de Paris, deux longues journées de réunion de commission…Nous auditionnions du matin au soir des professeurs, des parents et des élèves et décidions s'il y avait lieu de leur accorder un passage dans la classe supérieure refusé par leur établissement scolaire.

Nous nous efforçons de bien travailler, de rester concentré, d'avoir l'empathie minimale nécessaire avec ceux qui viennent présenter leur situation pour essayer de trancher de la moins mauvaise façon. Il fait chaud. Les " cas " se succèdent sans la moindre pause sinon celle d'un rapide sandwich à midi car, comme d'habitude dans ce genre de procédure, on a pris du retard, les gens attendent impatiemment leur tour dans le couloir.

En face de moi de l'autre côté du rectangle de tables autour desquelles nous sommes réunis, siège une jeune femme brune assez jolie. Elle gardera la même place pendant les deux journées de travail et moi aussi. Le premier jour elle est vêtue d'une robe légère à manches courtes, le second d'un ensemble petit blouson et jupe courte en jean qui dénote un peu dans ce genre d'assemblée. Jeune ? Trente-cinq ans, quarante peut-être si on la regarde bien mais son allure générale, sa façon d'être habillée la rajeunissent.

Je regarde ses jambes sous la table.

Je n'ai pas d'effort à faire, je n'ai pas à contourner mon regard, ses jambes sont directement dans mon champ de vision.

Situation idéale. Je participe à la discussion, ma tête est là-haut, j'écoute, j'interviens, mais mon regard lui, sans y paraître, peut caresser doucement ces jambes nues, se perdre vers elles, autoriser une autre part de moi à une rêverie latente qui m'aide à supporter ce long enfermement dans cette salle surchauffée.

Parfois elle bouge les jambes, les croise, les décroise, change de position. Rien qui pourrait faire penser à un comportement volontairement aguichant, ce sont des mouvements normaux qu'impose notre immobilité forcée. Mais elle est si courtement vêtue et je suis placé de telle façon qu'à l'occasion s'aperçoit le temps d'un instant le mystère d'une entrejambe, parfois même le triangle clair de la culotte.

Cette femme a le type de conformation qui m'attire. Pas très grande, bâtie en finesse, plutôt fluette, un regard décidé, une vivacité de gestes, il y a en elle quelquechose de juvénile, presque d'adolescent, elle dégage une sensualité naturelle, sans apprêt, qui m'accroche…

Ma rêverie ne construit rien. Mon esprit tout de même est occupé ailleurs. Mais cette présence jette simplement une vague aura de sensualité sur ce moment qui autrement en serait singulièrement dépourvu. Ce n'est qu'en sortant le soir du deuxième jour, au moment où nous séparons que je me dis que peut-être j'aurais aimé boire une bière avec elle, sur une terrasse, avant de s'éloigner, juste pour passer un moment d'une autre nature, pour savoir qui elle est, simplement… Et ce n'est que pendant mon retour en métro que je m'autorise à aller encore un peu plus loin, que je me plais à lui imaginer une sexualité intense, à fantasmer une rencontre, à me raconter une histoire…

Du coup cela m'a donné envie, comme je l'avais pratiqué un peu il y a quelques années, de m'essayer à des petits récits érotiques. Histoire de sortir de ce diarisme trop près de mon quotidien, histoire de remettre en branle la machine imagination…

Peut-être en trouverais-je le temps et l'envie pendant ces vacances qui approchent.

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27/06/03 : Fatigue:

Ouf, la semaine se termine, je me sens complètement sur les rotules…

J'ai énormément de travail en cette fin d'année, on paye maintenant les effets de la désorganisation et des retards pris pendant les grèves, en plus il y a ces épuisantes activités conviviales de la fin de l'année, le pot de mutation de X, le départ à la retraite de Y, le repas de l'équipe de bureau, la fête de fin d'année du cours de yoga et j'en passe… Épuisant. Ça n'en finit pas…

Et tout cela a le plus souvent un caractère formel où l'on va sans vrai plaisir, presque par obligation. Faudrait-il y renoncer ? Ce serait me faire encore plus ours que je ne suis. La vie est faite aussi de ces relations un peu superficielles, qui ne sont pas fausses pour autant, qui peuvent même être agréables. Simplement leur concentration dans cette période où tout le monde est fatigué, où tout le monde en a marre et ne rêverait que d'un peu de tranquillité et de repos est mal venue.

Enfin ce soir je suis tranquille, je vais profiter de ma soirée seul à la maison, les garçons sont à des fêtes chacun de leur côté, Constance est partie dormir en banlieue pour s'occuper de sa mère qui sort de l'hôpital après une opération bénigne.
Je souffle un peu. Mais j'ai mille choses à faire. J'ai des bouquins commencés que je n'arrive pas à finir. Je veux visiter les diaristes laissés en plan ces derniers jours, tant à cause du boulot que d'exaspérantes pannes de connexion internet. Et je m'aperçois aussi que j'ai reçu plusieurs mails auxquels j'aimerais répondre. Cela me fait plaisir, je sens que je rentre peu à peu dans la vie internautique.

Mais en même temps je suis un peu effrayé par le temps que cela prend. Je suis un lent dans ma façon d'écrire. Je veux le mot juste, celui qui exprime vraiment ma pensée mais il vient rarement spontanément. Je reste souvent doigt levé devant mon clavier, je tourne longuement les phrases dans ma tête, ce ne sont pas que les mots, ce sont les idées aussi, je devrais être un peu plus spontané, me lâcher plus facilement et tant pis s'il y a des redites à trois lignes de distance, tant pis s'il y a de la confusion ou des contradictions inaperçues. Mais cette lenteur sans doute est-ce aussi une façon de retenir, une peur à se laisser aller, à se dévoiler sans contrôle. La raison organise, calcule, s'interpose. La raison me fatigue…

Tiens, je m'arrête là du coup, j'en ai marre pour ce soir.

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28/06/03 : Gay Pride:

Soirée délicieuse. Encore une fois tous nos voisins ont déserté pour le week-end et nous sommes absolument seuls dans la copropriété. Je me suis installé sur la terrasse après le dîner, là c'est un vrai plaisir d'écrire. Même les merles se sont tus, tout à l'heure encore ils faisaient leur raffut : les petits sortent vraiment du nid maintenant et commencent à voleter.

J'ai dîné en tête à tête avec Taupin, il bosse encore le pauvre, mais il est content il a eu pas mal d'admissibilités, c'est la dernière ligne droite (avant de remettre ça peut-être l'an prochain), Bilbo le courant d'air est parti avec ses copains, qu'il en profite, il risque d'avoir à se mettre à bosser un peu lui aussi l'an prochain en entrant en 2°, quant à Constance elle est à la fête de sa chorale, pour moi merci, assez des fêtes de fin d'année ces derniers jours.

Tout à l'heure j'ai assisté du bord du trottoir au démarrage de la Gay Pride. J'ai du mal à me sentir solidaire de ce genre de rassemblement. Je me sens pourtant une certaine empathie avec les homos et les lesbiennes (avec les lesbiennes surtout, peut-être y a-t-il là-dessous quelque vieux fantasme) mais je n'aime pas trop ces manifestations où s'affirment les communautarismes. Que chacun vive sa vie sexuelle comme il l'entend mais pourquoi en rajouter. Qu'il y ait à s'affirmer pour combattre l'homophobie certes, je comprends le sens de faire apparaître des regroupements en milieu professionnel, les gays de la préfecture, les gays du Ministère machin, etc… Par contre s'afficher en tant que sportif ou randonneur ou théatreux gay je comprends moins, pourquoi pas tant qu'on y est philatéliste ou cruciverbiste gay. Il y a aussi une présence affirmée des boîtes ou clubs qui donnent un petit côté promotion commerciale qui me déplait. Et l'affichage trop ostensible de la chair par certains me met à l'aise, c'est une chair qui, malgré les manifestations festives, ne me parait pas gaie, parce qu'elle n'est pas simple, spontanée, directe, qu'elle parait au contraire encombrée d'artifices, par trop mise en scène, quelque peu dénaturée.

Á part ça j'ai préparé pour demain notre participation au vide-greniers du quartier. Que d'accumulations dans une maison ! Et quelle difficulté à se séparer des choses ! J'ai pris des piles entières de bouquins, déterminé à essayer de les faire partir et puis en les regardant un à un, non celui-ci je vais le garder quand même et puis celui-là aussi, bref mes piles se sont réduites comme peau de chagrin. On a fait quelques caisses quand même mais beaucoup de choses sans grand intérêt et qui risquent de nous rester sur les bras. J'ai fait le tri aussi dans mes vieux disques vynil. Il parait que ça redevient à la mode. J'en ai profité pour écouter quelques vieilleries. C'était la séquence nostalgie. C'est vrai que ce n'est pas désagréable le son qui gratte un peu, il y a parfois un relief, une présence plus intense que dans les CD. Ah non, je ne me transformerais pas en collectionneur de vynil ! Allez, osons nous alléger…

Tiens, moi qui croyait que les merles dormaient voilà que ça repépie de plus belle. Il y a même une certaine excitation dans la gent ailée, je ne sais pas trop ce qui se passe, j'ai l'impression qu'il y a du conflit dans l'air.

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30/06/03 : Vide-greniers:

C'était sympa cette expérience de vide-greniers, c'était la première fois que je participais à ce genre de choses et ça m'a bien amusé.

On s'est relayé pour tenir le stand. Les quatre membres de la famille s'y sont mis même si Taupin, concours obligent, n'est pas resté très longtemps. Des amis qui nous avaient donné quelques objets à vendre pour eux sont venus aussi nous aider. D'autres amis tenaient le stand mitoyen. Tout cela faisait une bonne bande joyeuse.

Il faisait vraiment chaud, c'était un peu abrutissant mais cela rajoutait à l'ambiance estivale, vacancière et festive. Notre maison était toute proche, juste de l'autre côté de la rue, très accueillante, les copains venaient s'y rafraîchir et faire la pause. On a mangé sur notre terrasse en deux groupes successifs, charcuterie, salades, rosé bien frais,"buffet campagnard" comme disait l'autre, ça aussi ça a contribué à l'ambiance.

Et puis vendre, ce qui n'est pas du tout, mais alors pas du tout une activité dont on est coutumier se révèle bien amusant, dans ce contexte en tout cas. On discute avec les gens qui s'arrêtent, on leur fait l'article, on négocie les prix. Certains objets ou bouquins sont partis très vite, trop vite, dans la première demi-heure, on se rend compte qu'on a trop bradé, d'autres au contraire se révèlent invendables. Notre évaluation du marché a encore des progrès à faire ! Au départ on s'était inscrit surtout pour se débarrasser, pour lutter contre l'engorgement croissant de la maison mais petit à petit on se prend au jeu, on se réjouit de sentir la pochette avec les sous qui gonfle sur le ventre, le soir à la maison on étale et on compte nos billets triomphalement comme des gamins après une bonne partie de Monopoly en discutant de ce qu'on va en faire, sans doute se sera un nouveau vélo pour Bilbo puisque aussi bien c'est son vieux vélo qui a amorcé nos ventes en tout début de matinée.

C'était une journée plutôt fatigante mais bien remplie, loin des stress et préoccupations habituels, on n'a pas vu passer le temps, ce n'était pas un de ces dimanches où l'on se traîne, où l'on hésite sur ce que l'on veut faire, où finalement on a trop de temps pour penser….

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