01/05/03
: 1° Mai :
J'ai été
à la manif du 1° Mai. Cela faisait quelques années que ça
ne m'était pas arrivé (si l'on excepte l'an dernier, mais c'était
une situation très particulière, il s'agissait avant tout de manifester
contre Le Pen, en piste pour le second tour de la présidentielle, là,
oui, je savais vraiment pourquoi j'étais dans la rue, et puis j'avais avec
moi Bilbo, mon plus jeune fils dont c'était la première manif et
j'étais heureux de partager ce moment avec lui). Cette année c'était
plus classique, une manif pour les revendications sociales du moment.
J'étais
là pour la défense de ma profession, très menacée
par les actuels projets du gouvernement. Cette profession, et ce statut de fonctionnaire
qui est le notre, que ne les ai-je critiqué ! Maintenant que cela bouge
vraiment, je me raidis avec tous les autres, dans un réflexe de défense.
Il y a les retraites aussi : je ne peux m'empêcher
de penser que le rééquilibrage entre la situation du public et du
privé n'est que justice et que l'évolution démographique
impose en effet une réforme des durées de cotisation et des modes
de financement : mais je vois aussi qu'il va falloir que je travaille plus longtemps,
plutôt (parce que je crois que j'aime le travail) que je poursuive plus
longtemps un travail contraint, qui me pèse de plus en plus.
La
vraie question peut-être ce serait plutôt la mobilité, avoir
la capacité à changer de travail, à faire à chaque
moment de sa vie ce dans quoi l'on s'épanouirait : le système sans
doute ne favorise pas cette mobilité mais il y en a tout de même
qui trouvent en eux cette capacité de relance vers d'autres horizons. Ce
n'est pas tant le système, c'est moi qui suis en cause. Ou, et c'est une
autre façon de le dire, ce n'est pas un hasard si j'ai précisément
choisi de devenir fonctionnaire, un statut qui, par la sécurité
qu'il offre, conforte les tendances que l'on peut avoir à l'immobilisme.
Donc,
je marche avec les autres mais sans vraie conviction, avec une vague sensation
d'étrangeté, où suis-je vraiment
Je
me suis mis sous une banderole syndicale sans me sentir pour autant en accord
avec tous ces militants pour qui tout cela est simple, il y a d'un côté
les méchants du gouvernement avec leurs réformes qui cassent le
service public, de l'autre les braves fonctionnaires dévoués, je
marche en silence, comme la majorité des gens d'ailleurs, on laisse les
pros et les sonos faire le boulot, il y a quelques collègues, on papote,
on échange des nouvelles, je sens que je suis là pour y être,
parce que je me serais senti gêné de ne rien faire, d'être
complètement à côté du mouvement, je marche donc plus
peut-être par instinct grégaire que par conviction profonde.
Je
reste un moment dans le cortège puis je m'éloigne discrètement,
je longe la manif sur les trottoirs, je regarde, cela me convient mieux. Voici
les troupes des bastions CGT, ou de ce qu'il en reste, les gars des transports,
pas vraiment des miséreux, voici les drapeaux rouges en vague des organisations
d'extrême-gauche, voici des collectifs de sans-papiers avec femmes et enfants,
voici les groupes colorés des militants étrangers, des latinos,
des palestiniens, des kurdes, des irakiens, le 1° mai c'est une fête
internationaliste
Ici on s'époumone avec plus d'énergie que
dans le défilé syndical classique, les slogans claquent avec plus
de force, il y a des chants repris en cur
Je
ne me sens pas tellement plus à l'aise dans cette position d'observateur.
C'est que je ne suis pas un observateur détaché. J'ai la nostalgie
de cette ardeur militante, de ces ferveurs partagées, j'ai la nostalgie
du temps où j'en étais, que c'est bon d'avoir des certitudes, que
c'est bon de se sentir en communion. Je ne peux plus. Derrière la parole
militante, derrière l'affirmation des groupes et des foules, je devine
et je sens très concrètement dans la violence même du cri,
l'intolérance qui menace, le déni des individus, les dérapages
autoritaires
Mais je sais aussi qu'il y a des
militants qui font la part des choses, qui continuent tout en sachant bien les
limites de ce qu'ils font, chez qui la lucidité n'a pas remis en cause
l'ouverture aux autres et l'énergie d'agir. Mon malaise n'est pas seulement
le regret des ferveurs perdues, c'est aussi une pointe de culpabilité,
de m'être refermé sur moi-même, sur ma petite vie et mon petit
confort
Retour au haut de page
03/05/03
: Le site ou la fête ?
Je
me suis attelé à la refonte de mon site. Je voudrais lui donner
un look un peu moins austère, introduire des systèmes de référence
pour rendre le repérage et la navigation plus facile, je voudrai aussi
concevoir un cadre suffisamment souple pour qu'il puisse être évolutif,
pour qu'il puisse accueillir facilement d'éventuelles sections nouvelles.
Je cherche aussi à faire en sorte qu'il soit le plus facile à actualiser
pour éviter de perdre du temps à chaque mise à jour. Tout
cela m'oblige à réfléchir à comment je voudrais voir
ce site évoluer. Je ne maîtrise pas très bien le logiciel
ce qui fait que je ne travaille pas très rationnellement, je progresse
plutôt par essais-erreurs ce qui est horriblement long. Mais j'apprends
aussi par la même occasion, je finis par comprendre un peu mieux le logiciel
et c'est toujours satisfaisant de sentir que l'on acquiert de nouvelles compétences.
J'ai un peu avancé hier soir, je comptais
sur ce week-end pour aller plus loin, d'autant que j'avais un bon laps de temps
de solitude et de tranquillité en perspective. En effet nous sommes invité
à une fête à la campagne, qui commence dans l'après-midi
et doit durer toute la nuit à laquelle j'avais décidé de
ne pas aller. Je ne cours pas personnellement après ce genre de festivités.
Je trouve ça trop long, souvent je m'y ennuie assez vite, je m'y sens même
souvent mal à l'aise parce que plus profondément cela me confronte
à mes difficultés à rentrer vraiment dans la fête,
à m'y sentir spontané, à lier facilement contact avec des
inconnus, à m'exprimer par le corps à travers la danse. Il n'est
pas facile de s'échapper dès que l'on en ressent l'envie. On est
otage des conducteurs, et plus particulièrement des conducteurs sobres.
Moi je sais que je bois toujours un peu trop dans ce genre de situation, d'abord
parce que j'aime bien ça mais aussi parce que c'est une façon de
se donner une contenance quand on n'est pas très à l'aise. Je ne
bois pas à m'en rendre malade mais suffisamment en tout cas pour risquer
de ne pas être fiable au volant et pour avoir à craindre les petits
Sarkozys des bords de route (de tout l'arsenal répressif de notre fougueux
ministre, ces contrôles routiers renforcés sont bien les seules mesures
que j'approuve des deux mains
). Constance m'a dit qu'elle avait envie de
rester tard et qu'elle n'avait pas envie de subir mes : " Bon, si on y allait
maintenant "
Mais finalement je vais y
aller quand même. C'est organisé par Clémence une grande amie
de Constance qui est aussi devenue la mienne. C'est quelqu'un que j'aime bien,
je trouve que ce ne serait pas très sympa de me défiler d'une occasion
qu'elle prépare depuis plusieurs mois et à laquelle elle attache
une grande importance. Elle a demandé à chacun des participants
de préparer un objet drôle qui s'inscrive dans le thème de
sa fête qui sera présenté et exposé puis qu'elle conservera
en souvenir. Je trouve ça plutôt sympathique, il s'agit que chacun
donne un peu de soi, participe vraiment de lui-même et non simplement en
achetant un cadeau passe partout ou en apportant une bouteille de vin. Constance
bien sûr a déjà préparé son objet, moi puisque
je me décide à y aller il faut que je fasse mes préparatifs,
j'ai une petite idée heureusement mais encore faut-il réaliser l'objet
: et je ne suis pas spécialement artiste et doué en travaux manuels
(euphémisme !) ! Donc au travail, la refonte de mon site attendra.
Je
dois prendre garde à ce que le diarisme ne contribue pas à me donner
des prétextes à être encore plus ours dans la vie réelle
que j'ai déjà tendance à l'être.
Retour
au haut de page
04/05/03
: Dimanche paisible :
Bon,
cette soirée s'est bien passée, j'y ai pris du plaisir pour moi-même,
je n'ai pas eu l'impression de n'être là qu'en réponse à
une invitation, que par suivisme ou pour faire plaisir à Clémence.
J'y
ai vu pas mal de gens que j'aime bien. Il y a eu divers temps dans la soirée
qui ont permis à chacun de s'y retrouver. Les objets remis exposés
sur un grand présentoir exprimaient les personnalités de tous, chacun
y a été de son petit commentaire pour présenter sa réalisation,
certains objets étaient esthétiquement très réussis,
souvent plein d'inventivité, parfois très drôles. Mon petit
cadre avec des photos chargées sur internet était plutôt modeste
à côté mais je crois que ça a fait plaisir. En tout
cas on a senti pendant cette partie de la soirée une vraie communion autour
de Clémence entre la plupart des gens qui étaient là et cela
suffisait à donner à la fête un caractère vraiment
sympathique.
Bien sûr comme chaque fois j'ai
un été un peu frustré spécialement vis à vis
des gens que je ne connais pas : quelques mots échangés, discussions
à peine amorcées ou très formelles, impossibilité
à vraiment communiquer par les mots, par les regards ou par les gestes,
incapacités à laisser effleurer de moi que je trouve belles certaines
jeunes femmes croisées et que je pourrais, pourquoi pas, avoir du désir
pour elles
Nous ne nous sommes pas trop éternisés.
Je n'ai pas été jusqu'à ce moment ou, pour moi c'est l'ennui
et la frustration qui dominent, lorsqu'il n'y a plus que la danse ou, pour certains,
des regards plus complices qui s'échangent, des rapprochements qui se nouent,
des confessions chuchotées. Nous ne sommes pas restés jusqu'aux
petites heures de l'aube, Constance d'elle-même a eu envie de ne pas rentrer
trop tard, on s'est retrouvés avec l'envie de partir à peu près
au même moment.
Malgré tout la nuit a
été courte. Le temps est superbe aujourd'hui, je me suis installé
sur la terrasse pour essayer d'avancer dans la refonte de mon site. Mais je n'ai
pas persisté très longtemps. Je ne sais pourquoi mon logiciel s'est
mis à planter chaque fois que je tentais d'insérer un tableau dans
la page. Mystère insondable de l'informatique ! Il me semble que je procédais
de la même façon les autres fois sans qu'il y ait problème.
Du coup je me suis arrêté avant de trop m'agacer, je verrais cela
plus tard et j'en ai profité pour aller me promener chez quelques diaristes.
Je découvre un peu plus Lou et ses
Insomnies Chroniques. Bien sûr j'avais déjà croisé
cette diariste qui est je crois un peu une référence dans ce petit
monde mais je n'avais fait que survoler des passages de-ci, de-là. Là
j'ai pris le temps de lire en continuité les trois derniers mois. Je découvre
quelqu'un qui me parait attachant et avec laquelle je partage il me semble certaines
façons de réagir.
" Quête
de sens ou fil de l'eau ? Je me pose continuellement la question. J'avance habituellement
dans un équilibre instable et, disons-le, inconfortable, entre l'idée
de prendre chaque jour comme il vient et celle de chercher la direction à
adopter, le sens de ma vie. Ça finit par être épuisant "(
le 19/4). C'est tout à fait moi, ça !
Ou
bien: "C'est de l'orgueil démesuré que de croire qu'on a
quelque chose à dire de si important qu'il faut le mettre bien en vue.
Comme le fait de penser qu'on a quelque chose à contribuer, une marque
à laisser. En fait, on est si peu de choses, un accident de la nature,
la collision puis la fusion de deux cellules unies par la hasard. On naît,
on grandit, on essaie de comprendre. On cherche sa voie, le sentier qui nous est
réservé. Parfois on cherche si longtemps qu'on en oublie de vivre.
Pendant ce temps la terre tourne alors que nous on guette toujours le prochain
bus. C'est futile." (le 9/4).
Et puis cette
phrase qui me plait bien : " Elle n'avait vraiment plus l'âge de
rêver ces folies. Il était plus que temps qu'elle les vivent "(le
8/4)
Je suis tombé aussi par pur hasard
sur le site d'un jeune gars en train de passer les concours des écoles
d'ingénieurs (chapeau d'ailleurs de trouver encore le temps et l'envie
d'aller écrire son petit commentaire en sortant d'heures passés
à gratter à haute dose !). Il se trouve que mon grand fils Taupin
est précisément jusqu'au cou là-dedans ces jours-ci. Et j'ai
trouvé chez Shaka des commentaires
tout à fait proches de ce que Taupin a pu me raconter en sortant des épreuves,
y compris certaines petites anecdotes. Ils ont donc composé dans le même
lieu, peut-être à quelques tables l'un de l'autre: Tout à
coup le vie diariste et la vie sur terre (comme dirait Lou) se collisionnent l'une
l'autre sur des aspects très concrets. Ces êtres que l'on croise
le temps d'une lecture sont donc bien réels, on le sait évidemment,
mais d'en avoir tout à coup la confirmation tangible cela m'a fait drôle.
Et je me dis que cette diariste avec laquelle j'ai échangé un commentaire
peut-être le hasard a-t-il fait que j'ai l'ai croisée l'autre jour
ou que ce soit cette femme inconnue et rêveuse qui était assise à
côté de moi dans le métro
Retour
au haut de page
06/05/03
: Me recentrer :
Je
me sens complètement dispersé et j'en souffre, je me sens flottant,
je ne sais pas où je suis. Il faut que je me rapproche de mon centre.
Paradoxalement
mon travail d'écriture ne m'y aide pas depuis que je suis passé
à cette version en ligne. L'écriture sur le site devient une espèce
d'excroissance de moi-même qui par moments peut devenir parasite. Le temps
que j'y consacre parfois m'éloigne de moi-même : car il ne s'agit
pas seulement de l'écriture qui finalement n'est pas ce qui prend le plus
de temps, il s'agit aussi de l'exploration des diaristes, il y a de bonnes lectures
mais il y a aussi des expéditions hasardeuses dans lesquelles je me perds.
Hier soir par exemple je me suis laissé emporter par un zapping effréné
de sites en sites qui ne m'a rien apporté sinon de la frustration. Il y
a le temps matériel aussi consacré au site, à sa maintenance,
aux tentatives que je fais pour l'améliorer : je n'avance pas, j'y passe
beaucoup de temps, maintenant que j'ai commencé j'ai envie d'aller au bout.
Ces logiciels fonctionnent comme des drogues : lorsqu'on a commencé, qu'on
est face à une difficulté on est immanquablement poussé à
y retourner, parfois toutes affaires cessantes, pour trouver la solution, des
idées me traversent l'esprit la nuit ou au bureau, dès que je peux
je me colle sur la machine pour essayer et voir ce que ça donne : ça
me rappelle le tonton bombineur de Boris Vian : " Y'a quelquechose qui cloche
là-dedans, j'y retourne immédiatement
"
Pendant
tout ce temps sur l'ordinateur je me déconnecte aussi de ma vie terrestre
de ce qui fait le quotidien prosaïque de la vie, des relations avec les êtres
présents en chair et en os autour de moi, avec Constance tout particulièrement
que j'exclus de fait de cette aventure diaristique, avec mon activité professionnelle
aussi que je perçois de plus en plus comme décalée de moi
et qui pourtant elle aussi occupe un nombre considérable d'heures
Au
sein même du boulot ma position n'est pas claire, je ne sais pas exactement
où je suis, c'est comme ça depuis longtemps en fait mais les turbulences
actuelles, qui me sortent des façons de fonctionner un peu mécaniques
que j'avais acquises peu à peu, renforcent en moi cette impression pénible
d'identité clivée : ce matin j'étais dans mon service pour
organiser son fonctionnement en tenant compte des personnels grévistes,
l'après-midi je défilais avec certains de mes collègues non
sans regarder tout cela avec un léger scepticisme et tout en pensant à
ce que j'aurais envie d'écrire de ma journée sur mon site !
En
quittant la manif j'ai eu envie d'aller au cinéma, histoire de partir vraiment
ailleurs pour un moment, de m'éloigner de tous ces nuds de contradiction.
Mais partir ailleurs, curieusement, cela m'est apparu comme une façon de
faire un retour à moi, de me recentrer. Simplement peut-être parce
qu'il s'agissait de s'installer dans l'hic et nunc, dans le bonheur tout simple
d'un plaisir immédiat. Le centre de soi peut-être que ça n'existe
pas, peut-être que c'est simplement l'adhésion au présent.
Manque
de chance je suis arrivé un peu tard, le film que je voulais voir venais
de commencer, je déteste prendre les films en cours, je me suis donc abstenu
et je suis rentré à la maison très agacé de ce contre-temps,
j'avais vraiment envie de cette petite séance impromptue. A la maison,
devinez quoi, en attendant le retour du reste de la famille je me suis installé
devant mon ordinateur et j'ai écris ces lignes que voici !
Et j'y
ai pris plaisir. Et je me sens mieux. C'est bien la magie de l'écriture
!
Retour au haut de page
08/05/03
: Besoin de reconnaissance :
Encore
une fois j'ai constaté chez moi les effets du besoin de reconnaissance.
J'étais
hier dans une réunion professionnelle, de celles que l'on a coutume d'appeler
des " grands messes " où les " autorités " s'adressent
à quelques centaines d'entre nous dans un amphi puis sollicitent questions,
réactions et commentaires de notre part. J'avais cette fois ci quelquechose
à dire. Je l'ai dit. Je ne cours pas en général après
ce genre d'intervention, je les redoute plutôt et les évite, parfois
d'ailleurs en regrettant à la sortie de ne pas avoir dit ce que je pensais,
parce que j'ai eu peur de mal le dire ou d'être mal perçu, parce
que j'ai laissé passer le bon moment. Mais cette fois-ci je me suis lancé,
les mots sont venus facilement, mon intervention semble-t-il a été
claire et bien comprise, nombre de collègues m'ont félicité
à la sortie.
Et bien tout l'après-midi
je me suis senti porté, regonflé par ce si modeste événement.
Tout comme, je le sais, j'aurais ruminé mon malaise si j'avais renoncé
à intervenir ou si, l'ayant fait, j'avais jugé mon intervention
maladroite, donnant de moi une mauvaise image. J'ai continué à savourer
intérieurement tout en m'adonnant à mes tâches de l'après-midi,
les mots bien sentis que j'ai prononcés, les regards d'approbation ou en
tout cas d'écoute qui m'ont été adressés.
C'est
tout de même incroyable d'être à ce point sensible à
l'image que l'on donne de soi !
Cela révèle
une vraie fragilité dont ceux qui me côtoient ne se doutent sans
doute pas. Je donne l'un dans l'autre l'image de quelqu'un qui assure. Je fais
en général ce que j'ai à faire. Mais non sans tremblements
intérieurs, sans anxiété préalable et ensuite, lorsque
je l'ai fait, avec des réactions démesurées de satisfaction
ou de malaise en fonction de la façon dont cela s'est passé.
L'assurance
n'est pas en moi, elle est dans le regard des autres.
Parfois
je me dis que je suis encore un petit garçon qui a toujours besoin de se
sentir autorisé par un regard de père !
Mais
peut-être sont-ils plus nombreux qu'on ne le pense ceux qui n'ont pas réglé
la question du père
Retour
au haut de page
09/05/03
: Rêve :
J'aime bien
rêver. Hélas ça ne m'arrive pas si souvent ou plutôt
je me souviens rarement de mes rêves au réveil.
Cette
nuit j'ai rêvé que je faisais l'amour avec une ancienne collègue
de travail qui n'est plus dans le même service que moi mais que je croise
encore à l'occasion. C'est une fille assez pimpante et vive, plutôt
jolie mais à l'égard de laquelle je n'ai jamais eu de particulière
attirance. C'est une fille sympathique mais très péremptoire dans
ses jugements et ses appréciations et avec laquelle j'ai eu professionnellement
plus d'une occasion de m'affronter. Nous nous trouvions dans une propriété
à la campagne, ce genre de lieu où peuvent se tenir des stages ou
des séminaires professionnels. Nous étions dehors attendant la reprise
de la réunion, des gens allaient et venaient autour de nous. Nous nous
rapprochions, commencions à nous toucher puis à nous embrasser sans
une parole, avec le sentiment d'une évidence longtemps attendue qui s'accomplissait
enfin. Nous roulions sur le sol et nous enlacions dans l'herbe puis je disais
qu'il me semblait qu'il y avait trop de monde, qu'on serait mieux ailleurs. Nous
nous retrouvions dans une chambre, une grande chambre nue de vieille maison bourgeoise
à demi à l'abandon. Il y avait seulement à même le
sol carrelé un matelas recouvert d'un drap bleu pâle, je me penchais
sur le lit, lissais le drap, en effaçais les plis. Puis nous nous couchions,
reprenions nos caresses et commencions à faire l'amour, elle me disait
qu'elle appréciait ma lenteur, ma douceur. Et de fait le tempo était
lent, je me sentais tendre plutôt que très excité, d'ailleurs
le rêve ne s'est pas terminé comme habituellement ce genre de rêve
sur des visions de pénétration et sur une bien réelle éjaculation.
Je me voyais la tenant par la main, nous sortions de la chambre heureux mais pas
encore comblés, il n'y avait pas en nous de sentiment d'échec ou
d'incomplétude, simplement il n'y avait nulle impatience, nous nous disions
en nous regardant tendrement, nous allons reprendre tout à l'heure, nous
allons finir... Et je m'éveillais paisiblement sur cette vision sereine
Plus
forte que l'image de la personne avec qui j'étais, pourtant bien individualisée
et repérable, est celle du lieu, de la chambre, surtout, de ce matelas
sur lequel je me penche, de ce couchage que j'apprête. La vision il me semble
était parée de biens anciens souvenirs, celui d'une vaste maison
communautaire quelquepart dans les Cévennes ou j'avais fait étape
au cours d'un voyage, la maison était presque vide, les gens que je venais
voir n'étaient pas là, mais on nous avait hébergé
quand même, je m'étais retrouvé, moi jeune ado aux expériences
sexuelles encore assez limitées sur un même matelas avec la jeune
femme avec qui je remontais de Marseille vers Paris, nous ne nous connaissions
pas plus que cela mais nous avons vécu une belle nuit
Retour
au haut de page
11/05/03
: Nettoyage de printemps :
Hier
avec Constance nous nous sommes attaqués à la mise en ordre de la
cave. Nous avons trié, rangé, jeté ou mis à donner
une quantité de choses, des planches ou des montants de bois conservés
pour d'hypothétiques bricolages que nous ne ferons jamais, des emballages
de toute sorte gardés " au cas où ", des bouquins qui
commençaient à moisir, de vieilles paires de chaussures, des jouets
d'enfants qui ne servent plus
On a été efficace. On a réussi
à se séparer des choses sans trop d'états d'âme. Cela
fait plaisir de retrouver une cave dans laquelle on peut se mouvoir et dans laquelle
au moins on retrouvera ce que l'on recherche. Sentiment de satisfaction. Impression
de s'être allégé
Mais, car
il y a un mais, tout ceci n'était qu'un préalable à la suite.
Le but de la manoeuvre et la raison même qui nous a poussé à
mettre de l'ordre dans la cave, c'est d'alléger la maison elle-même,
de débarrasser nos pièces de vie trop encombrées de certains
objets en jetant ou donnant là aussi ou bien en stockant dans une cave
offrant désormais un peu plus de place des choses dont on est pas tout
à fait prêt à se séparer.
C'est
Sisyphe !
Se voir en train de remplir à nouveau
cette cave que l'on vient à grand'peine d'essayer de vider n'est pas particulièrement
agréable.
En plus, une fois que nous avons
eu fini avec Constance, je me suis lancé dans un tri de mes propres papiers
qui ont aussi une sérieuse tendance à devenir envahissants. Aïe,
aïe, aïe ! Là c'était beaucoup plus dur. J'ai commencé
à me perdre dans chaque dossier que j'ouvrais, j'ai hésité
à n'en plus finir et ne suis parvenu finalement à dégager
guère qu'une demi étagère.
Ces
activités de rangement commencées dans l'énergie et la bonne
humeur m'ont conduit à l'agacement puis à l'exaspération.
Constance l'a bien vu qui ne cessait de me dire : " mais arrête-toi
donc, on en a assez fait pour aujourd'hui ". J'ai continué stupidement
selon un processus récurrent chez moi. Je ne sais pas m'arrêter.
Comme si je ne pouvais m'empêcher dans chaque activité de ce type,
d'aller, poussé par un étrange masochisme, un tout petit peu trop
loin, juste pour pouvoir me faire souffrir.
L'après-midi
touchait presque à sa fin lorsque je me suis enfin arrêté
de très mauvaise humeur. Je suis sorti seul un moment, histoire de me dégourdir
les jambes et de me défouler. Le temps était particulièrement
superbe. Un temps à se poser simplement à une terrasse de café,
à siroter une bière en profitant du soleil et en regardant passer
le monde et j'en ai d'autant plus regretté de m'être enfermé
trop longuement dans mes dérisoires rangements.
Á
la sortie de chez moi, il y avait, placardée sur un mur, une affiche étrange
qui disait simplement " Le temps n'a aucun intérêt : désoeuvrement
productif ". Je me suis dit: " Mon gars, tu devrais en prendre de la
graine ".
Mais le dire n'est rien, se débarrasser
de vieilles façons de fonctionner débiles, même si elles sont
parfaitement perçues comme telles c'est une autre paire de manche, il est
bien plus difficile de faire un grand ménage de printemps dans sa tête
que dans sa cave !
Retour au haut
de page
12/05/03
: Le silence :
Décidément,
ça ne va pas très bien.
Je viens de
m'éveiller au milieu de la nuit avec un sale sentiment d'angoisse, avec
l'impression que rien n'avance, que je tourne en rond, que je me heurte toujours
à des portes que je tiens moi-même fermées.
Le
week-end me laisse un goût amer : les bons moments, - un dîner agréable
chez des amis samedi soir, une promenade dimanche matin avec Constance en bords
de Seine et dans le Parc de Bercy- ne pèsent pas lourd face à tout
le reste. J'ai déployé au long du week-end des tas d'activités,
rangements, tris, classements, lecture des diaristes, préparation d'une
refonte de mon site, qui en fait m'ont permis d'éviter l'essentiel.
J'étouffe,
je ne sais par quel bout secouer cette chape de plomb qui m'immobilise, je ne
sais comment briser le silence.
Le silence, je n'entends
plus que lui ! Il est installé depuis longtemps mais il me semble que jusque
là nous nous en accommodions, portés par la mécanique des
habitudes, par les routines installées et, tout de même, par les
bons moments et les plaisirs du quotidien. Comme nos parents s'en sont accommodés
et combien d'autres dans les générations qui nous précédent.
Seulement aujourd'hui ça ne passe plus. On ne peut plus se contenter
de cela. L'évolution des murs et des mentalités, le culte
de l'individu que développent nos sociétés, l'importance
accordée à la parole individuelle, rend ce silence de plus en plus
difficile à vivre pour ceux qui s'y trouvent enfermés par leur personnalité
ou leur histoire. Tout s'étale à la télévision chez
Mireille Dumas ou chez Delarue, Catherine Millet met son sexe à la devanture
des librairies, les écrivains autofictionnent à tout va,, les diaristes
et moi-même parmi eux, nous nous dévoilons à des inconnus
sur notre petit coin de toile. Et avec tout cela je suis incapable de parler à
la personne avec qui je vis depuis vingt ans et des poussières ! Il y a
là une sacrée contradiction. Ma mise en ligne, tout ce que j'ai
été butiner à droite et à gauche chez les diaristes
dont j'attendais des effets positifs, ne fait, pour le moment en tout cas, dans
la phase où j'en suis rendu, qu'accentuer les contradictions, les rendre
plus évidentes, plus visibles, plus douloureuses à vivre.
Et
ce silence je n'ai pas la force ni même l'envie de tenter de le briser.
Dimanche après-midi, pendant que je m'occupais à m'en abrutir sur
mon ordinateur, je voyais Constance traîner sa langueur, incapable quant
à elle de se mettre à rien, attendant vaguement un coup de fil qui
n'est pas venu d'une copine avec qui elle était censé aller chanter,
passant d'une sieste trop longue, malsaine, à un avachissement devant la
télé, à des lectures rapidement abandonnées, à
une tentative vite interrompue de se mettre à la taille des lilas sur la
terrasse. Je la regardais de loin, depuis ma propre petite bulle flottant ici
ou là au gré de mes divagations sur internet. Nulle envie d'aller
vers elle. Deux silences côte à côte ! Il faudrait oser les
briser. Peut-être ai-je trop peur. Le système est bien huilé.
Je me réfugie dans mes activités, elle dans son apathie. C'est bien
pareil.
Comment en sortir ? J'ai fait des tentatives déjà. L'an
dernier j'avais réussi à me décider à lui donner à
lire la plus grande partie de mon journal papier, en ne laissant de côté
que quelques entrées qui me gênaient trop, dans lesquelles je craignais
de trop blesser. Elle l'avait lu avec empressement et intérêt, je
lui avais demandé ses réactions, elle n'avait pratiquement rien
dit, je n'avais pas insisté, j'aurais dû, j'avais le sentiment moi
d'avoir fait un effort et donc je me suis senti dédouané, mission
accomplie, à toi maintenant, la balle est dans ton camp, mais j'ai laissé
couler le temps, soulagé au fond que la discussion, souhaitée mais
redoutée, finalement ne s'engage pas. J'avais oublié que le but
ce n'était pas l'effort de montrer mes textes mais bien celui d'engager
vraiment la discussion, de renouer le dialogue, au pire de parvenir à se
dire l'un à l'autre que c'était peine perdue, que la parole était
impossible.
Il faudrait y aller plus franchement.
Ne pas dire : " ça ne va pas très bien en ce moment, il y a
ceci ou cela au boulot, on vieillit, on est un peu déprimé l'un
et l'autre
". Il faudrait que je dise, que j'ose dire ces simples mots
: " ça ne va pas entre nous, parlons-en, parlons-en vraiment
"
Oser prendre le risque de la parole.
Le
pourrais-je ?
Retour au haut de page
14/05/03
: Contrastes :
Un ciel partagé
où alternent de grandes plages d'un bleu très lumineux mais un ciel
encombré aussi de cumulus chahutés par le vent et qui parfois deviennent
menaçants, s'assemblent en une masse très noire
La chaleur
des rayons d'un soleil déjà fort mais un vent coulis qui glace,
spécialement lorsque le soleil disparaît derrière les nuages
En
franchissant le Pont d'Austerlitz hier, une Seine irisée par le vent, une
lumière étonnante à la fois très vive et très
noire, les arbres du quai secoué par un vent tourbillonnant puis l'éclatement
brutal d'une pluie violente...
J'ai été
à la manif. Cela me semblait s'imposer. Dès lors que j'étais
gréviste, il fallait bien aller au bout de la démarche. J'ai voulu
rejoindre le cortège en cours de route. Je me suis posté au débouché
du Pont d'Austerlitz pensant accrocher mes collègues lorsqu'ils passeraient.
Mais la manifestation était si importante que, alors que la tête
était passée depuis un long moment, eux n'étaient pas encore
partis de République. J'ai remonté un peu à contre manif
vers la Bastille, puis, trempé de pluie, j'ai renoncé et je suis
reparti, cette fois dans le sens du flot, à moitié dans la rue au
milieu du cortège, à moitié sur les trottoirs, cinq minutes
avec un groupe, cinq minutes avec un autre. Comme d'habitude, j'étais dedans,
j'étais dehors !
Le gouvernement nous malmène
sans vergogne sur de multiples terrains, pas seulement celui des retraites, la
réforme qu'il cherche à imposer ne va pas mais que proposer d'autre,
il n'y a pas me semble-t-il de proposition alternative vraiment crédible.
Que faut-il souhaiter ? Que le mouvement prenne de l'ampleur, qu'il perdure comme
semble le laisser présager les grèves qui continuent dans de nombreux
secteurs? Ce serait la seule façon de faire céder le gouvernement,
comme Juppé avait fini par céder face à la rue en 95.
J'observe
tout cela avec ambivalence et avec sentiment d'inquiétude.
Sale
coup si le gouvernement gagne mais où ira-t-on s'il perd ?
Et
puis, là-bas, si loin, si proche, l'Irak instable et l'attentat de Ryad
qui montre que rien n'est réglé, l'Amérique a vaincu Saddam
finalement assez facilement mais, comme prévu, construire la paix c'est
tout autre chose.
Et puis, le Festival de Cannes qui
commence avec son glamour et ses sourires, j'ai envie de me réfugier dans
les salles obscures, de m'enfuir à la suite des belles actrices, j'ai devant
moi, pendant que j'écris, le Télérama de cette semaine avec
en couverture la merveilleuse Nicole Kidman et elle me fait de l'il
Mon état d'esprit est à l'image du
ciel, changeant, entre vague déprime et si précieux bonheur de vivre,
entre pesanteur de mes impasses intimes, angoisse de l'avenir et, malgré
tout, beauté du monde et des femmes
Je
suis revenu du bureau tôt, abruti, avec mal de crâne, mal de dos et
me sentant légèrement fiévreux, je me demande si je n'ai
pas chopé la crève dans la manif hier.
Je crois que je vais aller
m'affaler devant la télé, regarder l'ouverture du Festival, la montée
des marches, strass, paillettes et rêve, c'est ce qu'il me faut pour ce
soir
Retour au haut de page