LES ÉCHOS DE VALCLAIR

 

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MOIS DE MAI 2003 (1°quinzaine)

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01/05/03 : 1° Mai :

J'ai été à la manif du 1° Mai. Cela faisait quelques années que ça ne m'était pas arrivé (si l'on excepte l'an dernier, mais c'était une situation très particulière, il s'agissait avant tout de manifester contre Le Pen, en piste pour le second tour de la présidentielle, là, oui, je savais vraiment pourquoi j'étais dans la rue, et puis j'avais avec moi Bilbo, mon plus jeune fils dont c'était la première manif et j'étais heureux de partager ce moment avec lui). Cette année c'était plus classique, une manif pour les revendications sociales du moment.

J'étais là pour la défense de ma profession, très menacée par les actuels projets du gouvernement. Cette profession, et ce statut de fonctionnaire qui est le notre, que ne les ai-je critiqué ! Maintenant que cela bouge vraiment, je me raidis avec tous les autres, dans un réflexe de défense.

Il y a les retraites aussi : je ne peux m'empêcher de penser que le rééquilibrage entre la situation du public et du privé n'est que justice et que l'évolution démographique impose en effet une réforme des durées de cotisation et des modes de financement : mais je vois aussi qu'il va falloir que je travaille plus longtemps, plutôt (parce que je crois que j'aime le travail) que je poursuive plus longtemps un travail contraint, qui me pèse de plus en plus.

La vraie question peut-être ce serait plutôt la mobilité, avoir la capacité à changer de travail, à faire à chaque moment de sa vie ce dans quoi l'on s'épanouirait : le système sans doute ne favorise pas cette mobilité mais il y en a tout de même qui trouvent en eux cette capacité de relance vers d'autres horizons. Ce n'est pas tant le système, c'est moi qui suis en cause. Ou, et c'est une autre façon de le dire, ce n'est pas un hasard si j'ai précisément choisi de devenir fonctionnaire, un statut qui, par la sécurité qu'il offre, conforte les tendances que l'on peut avoir à l'immobilisme.

Donc, je marche avec les autres mais sans vraie conviction, avec une vague sensation d'étrangeté, où suis-je vraiment…

Je me suis mis sous une banderole syndicale sans me sentir pour autant en accord avec tous ces militants pour qui tout cela est simple, il y a d'un côté les méchants du gouvernement avec leurs réformes qui cassent le service public, de l'autre les braves fonctionnaires dévoués, je marche en silence, comme la majorité des gens d'ailleurs, on laisse les pros et les sonos faire le boulot, il y a quelques collègues, on papote, on échange des nouvelles, je sens que je suis là pour y être, parce que je me serais senti gêné de ne rien faire, d'être complètement à côté du mouvement, je marche donc plus peut-être par instinct grégaire que par conviction profonde.

Je reste un moment dans le cortège puis je m'éloigne discrètement, je longe la manif sur les trottoirs, je regarde, cela me convient mieux. Voici les troupes des bastions CGT, ou de ce qu'il en reste, les gars des transports, pas vraiment des miséreux, voici les drapeaux rouges en vague des organisations d'extrême-gauche, voici des collectifs de sans-papiers avec femmes et enfants, voici les groupes colorés des militants étrangers, des latinos, des palestiniens, des kurdes, des irakiens, le 1° mai c'est une fête internationaliste… Ici on s'époumone avec plus d'énergie que dans le défilé syndical classique, les slogans claquent avec plus de force, il y a des chants repris en cœur…

Je ne me sens pas tellement plus à l'aise dans cette position d'observateur. C'est que je ne suis pas un observateur détaché. J'ai la nostalgie de cette ardeur militante, de ces ferveurs partagées, j'ai la nostalgie du temps où j'en étais, que c'est bon d'avoir des certitudes, que c'est bon de se sentir en communion. Je ne peux plus. Derrière la parole militante, derrière l'affirmation des groupes et des foules, je devine et je sens très concrètement dans la violence même du cri, l'intolérance qui menace, le déni des individus, les dérapages autoritaires…

Mais je sais aussi qu'il y a des militants qui font la part des choses, qui continuent tout en sachant bien les limites de ce qu'ils font, chez qui la lucidité n'a pas remis en cause l'ouverture aux autres et l'énergie d'agir. Mon malaise n'est pas seulement le regret des ferveurs perdues, c'est aussi une pointe de culpabilité, de m'être refermé sur moi-même, sur ma petite vie et mon petit confort…

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03/05/03 : Le site ou la fête ?

Je me suis attelé à la refonte de mon site. Je voudrais lui donner un look un peu moins austère, introduire des systèmes de référence pour rendre le repérage et la navigation plus facile, je voudrai aussi concevoir un cadre suffisamment souple pour qu'il puisse être évolutif, pour qu'il puisse accueillir facilement d'éventuelles sections nouvelles. Je cherche aussi à faire en sorte qu'il soit le plus facile à actualiser pour éviter de perdre du temps à chaque mise à jour. Tout cela m'oblige à réfléchir à comment je voudrais voir ce site évoluer. Je ne maîtrise pas très bien le logiciel ce qui fait que je ne travaille pas très rationnellement, je progresse plutôt par essais-erreurs ce qui est horriblement long. Mais j'apprends aussi par la même occasion, je finis par comprendre un peu mieux le logiciel et c'est toujours satisfaisant de sentir que l'on acquiert de nouvelles compétences.

J'ai un peu avancé hier soir, je comptais sur ce week-end pour aller plus loin, d'autant que j'avais un bon laps de temps de solitude et de tranquillité en perspective. En effet nous sommes invité à une fête à la campagne, qui commence dans l'après-midi et doit durer toute la nuit à laquelle j'avais décidé de ne pas aller. Je ne cours pas personnellement après ce genre de festivités. Je trouve ça trop long, souvent je m'y ennuie assez vite, je m'y sens même souvent mal à l'aise parce que plus profondément cela me confronte à mes difficultés à rentrer vraiment dans la fête, à m'y sentir spontané, à lier facilement contact avec des inconnus, à m'exprimer par le corps à travers la danse. Il n'est pas facile de s'échapper dès que l'on en ressent l'envie. On est otage des conducteurs, et plus particulièrement des conducteurs sobres. Moi je sais que je bois toujours un peu trop dans ce genre de situation, d'abord parce que j'aime bien ça mais aussi parce que c'est une façon de se donner une contenance quand on n'est pas très à l'aise. Je ne bois pas à m'en rendre malade mais suffisamment en tout cas pour risquer de ne pas être fiable au volant et pour avoir à craindre les petits Sarkozys des bords de route (de tout l'arsenal répressif de notre fougueux ministre, ces contrôles routiers renforcés sont bien les seules mesures que j'approuve des deux mains…). Constance m'a dit qu'elle avait envie de rester tard et qu'elle n'avait pas envie de subir mes : " Bon, si on y allait maintenant "…

Mais finalement je vais y aller quand même. C'est organisé par Clémence une grande amie de Constance qui est aussi devenue la mienne. C'est quelqu'un que j'aime bien, je trouve que ce ne serait pas très sympa de me défiler d'une occasion qu'elle prépare depuis plusieurs mois et à laquelle elle attache une grande importance. Elle a demandé à chacun des participants de préparer un objet drôle qui s'inscrive dans le thème de sa fête qui sera présenté et exposé puis qu'elle conservera en souvenir. Je trouve ça plutôt sympathique, il s'agit que chacun donne un peu de soi, participe vraiment de lui-même et non simplement en achetant un cadeau passe partout ou en apportant une bouteille de vin. Constance bien sûr a déjà préparé son objet, moi puisque je me décide à y aller il faut que je fasse mes préparatifs, j'ai une petite idée heureusement mais encore faut-il réaliser l'objet : et je ne suis pas spécialement artiste et doué en travaux manuels (euphémisme !) ! Donc au travail, la refonte de mon site attendra.

Je dois prendre garde à ce que le diarisme ne contribue pas à me donner des prétextes à être encore plus ours dans la vie réelle que j'ai déjà tendance à l'être.

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04/05/03 : Dimanche paisible :

Bon, cette soirée s'est bien passée, j'y ai pris du plaisir pour moi-même, je n'ai pas eu l'impression de n'être là qu'en réponse à une invitation, que par suivisme ou pour faire plaisir à Clémence.

J'y ai vu pas mal de gens que j'aime bien. Il y a eu divers temps dans la soirée qui ont permis à chacun de s'y retrouver. Les objets remis exposés sur un grand présentoir exprimaient les personnalités de tous, chacun y a été de son petit commentaire pour présenter sa réalisation, certains objets étaient esthétiquement très réussis, souvent plein d'inventivité, parfois très drôles. Mon petit cadre avec des photos chargées sur internet était plutôt modeste à côté mais je crois que ça a fait plaisir. En tout cas on a senti pendant cette partie de la soirée une vraie communion autour de Clémence entre la plupart des gens qui étaient là et cela suffisait à donner à la fête un caractère vraiment sympathique.

Bien sûr comme chaque fois j'ai un été un peu frustré spécialement vis à vis des gens que je ne connais pas : quelques mots échangés, discussions à peine amorcées ou très formelles, impossibilité à vraiment communiquer par les mots, par les regards ou par les gestes, incapacités à laisser effleurer de moi que je trouve belles certaines jeunes femmes croisées et que je pourrais, pourquoi pas, avoir du désir pour elles…

Nous ne nous sommes pas trop éternisés. Je n'ai pas été jusqu'à ce moment ou, pour moi c'est l'ennui et la frustration qui dominent, lorsqu'il n'y a plus que la danse ou, pour certains, des regards plus complices qui s'échangent, des rapprochements qui se nouent, des confessions chuchotées. Nous ne sommes pas restés jusqu'aux petites heures de l'aube, Constance d'elle-même a eu envie de ne pas rentrer trop tard, on s'est retrouvés avec l'envie de partir à peu près au même moment.

Malgré tout la nuit a été courte. Le temps est superbe aujourd'hui, je me suis installé sur la terrasse pour essayer d'avancer dans la refonte de mon site. Mais je n'ai pas persisté très longtemps. Je ne sais pourquoi mon logiciel s'est mis à planter chaque fois que je tentais d'insérer un tableau dans la page. Mystère insondable de l'informatique ! Il me semble que je procédais de la même façon les autres fois sans qu'il y ait problème. Du coup je me suis arrêté avant de trop m'agacer, je verrais cela plus tard et j'en ai profité pour aller me promener chez quelques diaristes.

Je découvre un peu plus Lou et ses Insomnies Chroniques. Bien sûr j'avais déjà croisé cette diariste qui est je crois un peu une référence dans ce petit monde mais je n'avais fait que survoler des passages de-ci, de-là. Là j'ai pris le temps de lire en continuité les trois derniers mois. Je découvre quelqu'un qui me parait attachant et avec laquelle je partage il me semble certaines façons de réagir.

" Quête de sens ou fil de l'eau ? Je me pose continuellement la question. J'avance habituellement dans un équilibre instable et, disons-le, inconfortable, entre l'idée de prendre chaque jour comme il vient et celle de chercher la direction à adopter, le sens de ma vie. Ça finit par être épuisant "( le 19/4). C'est tout à fait moi, ça !

Ou bien: "C'est de l'orgueil démesuré que de croire qu'on a quelque chose à dire de si important qu'il faut le mettre bien en vue. Comme le fait de penser qu'on a quelque chose à contribuer, une marque à laisser. En fait, on est si peu de choses, un accident de la nature, la collision puis la fusion de deux cellules unies par la hasard. On naît, on grandit, on essaie de comprendre. On cherche sa voie, le sentier qui nous est réservé. Parfois on cherche si longtemps qu'on en oublie de vivre. Pendant ce temps la terre tourne alors que nous on guette toujours le prochain bus. C'est futile." (le 9/4).

Et puis cette phrase qui me plait bien : " Elle n'avait vraiment plus l'âge de rêver ces folies. Il était plus que temps qu'elle les vivent "(le 8/4)

Je suis tombé aussi par pur hasard sur le site d'un jeune gars en train de passer les concours des écoles d'ingénieurs (chapeau d'ailleurs de trouver encore le temps et l'envie d'aller écrire son petit commentaire en sortant d'heures passés à gratter à haute dose !). Il se trouve que mon grand fils Taupin est précisément jusqu'au cou là-dedans ces jours-ci. Et j'ai trouvé chez Shaka des commentaires tout à fait proches de ce que Taupin a pu me raconter en sortant des épreuves, y compris certaines petites anecdotes. Ils ont donc composé dans le même lieu, peut-être à quelques tables l'un de l'autre: Tout à coup le vie diariste et la vie sur terre (comme dirait Lou) se collisionnent l'une l'autre sur des aspects très concrets. Ces êtres que l'on croise le temps d'une lecture sont donc bien réels, on le sait évidemment, mais d'en avoir tout à coup la confirmation tangible cela m'a fait drôle. Et je me dis que cette diariste avec laquelle j'ai échangé un commentaire peut-être le hasard a-t-il fait que j'ai l'ai croisée l'autre jour ou que ce soit cette femme inconnue et rêveuse qui était assise à côté de moi dans le métro

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06/05/03 : Me recentrer :

Je me sens complètement dispersé et j'en souffre, je me sens flottant, je ne sais pas où je suis. Il faut que je me rapproche de mon centre.

Paradoxalement mon travail d'écriture ne m'y aide pas depuis que je suis passé à cette version en ligne. L'écriture sur le site devient une espèce d'excroissance de moi-même qui par moments peut devenir parasite. Le temps que j'y consacre parfois m'éloigne de moi-même : car il ne s'agit pas seulement de l'écriture qui finalement n'est pas ce qui prend le plus de temps, il s'agit aussi de l'exploration des diaristes, il y a de bonnes lectures mais il y a aussi des expéditions hasardeuses dans lesquelles je me perds. Hier soir par exemple je me suis laissé emporter par un zapping effréné de sites en sites qui ne m'a rien apporté sinon de la frustration. Il y a le temps matériel aussi consacré au site, à sa maintenance, aux tentatives que je fais pour l'améliorer : je n'avance pas, j'y passe beaucoup de temps, maintenant que j'ai commencé j'ai envie d'aller au bout. Ces logiciels fonctionnent comme des drogues : lorsqu'on a commencé, qu'on est face à une difficulté on est immanquablement poussé à y retourner, parfois toutes affaires cessantes, pour trouver la solution, des idées me traversent l'esprit la nuit ou au bureau, dès que je peux je me colle sur la machine pour essayer et voir ce que ça donne : ça me rappelle le tonton bombineur de Boris Vian : " Y'a quelquechose qui cloche là-dedans, j'y retourne immédiatement… "

Pendant tout ce temps sur l'ordinateur je me déconnecte aussi de ma vie terrestre de ce qui fait le quotidien prosaïque de la vie, des relations avec les êtres présents en chair et en os autour de moi, avec Constance tout particulièrement que j'exclus de fait de cette aventure diaristique, avec mon activité professionnelle aussi que je perçois de plus en plus comme décalée de moi et qui pourtant elle aussi occupe un nombre considérable d'heures…

Au sein même du boulot ma position n'est pas claire, je ne sais pas exactement où je suis, c'est comme ça depuis longtemps en fait mais les turbulences actuelles, qui me sortent des façons de fonctionner un peu mécaniques que j'avais acquises peu à peu, renforcent en moi cette impression pénible d'identité clivée : ce matin j'étais dans mon service pour organiser son fonctionnement en tenant compte des personnels grévistes, l'après-midi je défilais avec certains de mes collègues non sans regarder tout cela avec un léger scepticisme et tout en pensant à ce que j'aurais envie d'écrire de ma journée sur mon site !

En quittant la manif j'ai eu envie d'aller au cinéma, histoire de partir vraiment ailleurs pour un moment, de m'éloigner de tous ces nœuds de contradiction. Mais partir ailleurs, curieusement, cela m'est apparu comme une façon de faire un retour à moi, de me recentrer. Simplement peut-être parce qu'il s'agissait de s'installer dans l'hic et nunc, dans le bonheur tout simple d'un plaisir immédiat. Le centre de soi peut-être que ça n'existe pas, peut-être que c'est simplement l'adhésion au présent.

Manque de chance je suis arrivé un peu tard, le film que je voulais voir venais de commencer, je déteste prendre les films en cours, je me suis donc abstenu et je suis rentré à la maison très agacé de ce contre-temps, j'avais vraiment envie de cette petite séance impromptue. A la maison, devinez quoi, en attendant le retour du reste de la famille je me suis installé devant mon ordinateur et j'ai écris ces lignes que voici !

Et j'y ai pris plaisir. Et je me sens mieux. C'est bien la magie de l'écriture !

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08/05/03 : Besoin de reconnaissance :

Encore une fois j'ai constaté chez moi les effets du besoin de reconnaissance.

J'étais hier dans une réunion professionnelle, de celles que l'on a coutume d'appeler des " grands messes " où les " autorités " s'adressent à quelques centaines d'entre nous dans un amphi puis sollicitent questions, réactions et commentaires de notre part. J'avais cette fois ci quelquechose à dire. Je l'ai dit. Je ne cours pas en général après ce genre d'intervention, je les redoute plutôt et les évite, parfois d'ailleurs en regrettant à la sortie de ne pas avoir dit ce que je pensais, parce que j'ai eu peur de mal le dire ou d'être mal perçu, parce que j'ai laissé passer le bon moment. Mais cette fois-ci je me suis lancé, les mots sont venus facilement, mon intervention semble-t-il a été claire et bien comprise, nombre de collègues m'ont félicité à la sortie.

Et bien tout l'après-midi je me suis senti porté, regonflé par ce si modeste événement. Tout comme, je le sais, j'aurais ruminé mon malaise si j'avais renoncé à intervenir ou si, l'ayant fait, j'avais jugé mon intervention maladroite, donnant de moi une mauvaise image. J'ai continué à savourer intérieurement tout en m'adonnant à mes tâches de l'après-midi, les mots bien sentis que j'ai prononcés, les regards d'approbation ou en tout cas d'écoute qui m'ont été adressés.
C'est tout de même incroyable d'être à ce point sensible à l'image que l'on donne de soi !

Cela révèle une vraie fragilité dont ceux qui me côtoient ne se doutent sans doute pas. Je donne l'un dans l'autre l'image de quelqu'un qui assure. Je fais en général ce que j'ai à faire. Mais non sans tremblements intérieurs, sans anxiété préalable et ensuite, lorsque je l'ai fait, avec des réactions démesurées de satisfaction ou de malaise en fonction de la façon dont cela s'est passé.
L'assurance n'est pas en moi, elle est dans le regard des autres.

Parfois je me dis que je suis encore un petit garçon qui a toujours besoin de se sentir autorisé par un regard de père !

Mais peut-être sont-ils plus nombreux qu'on ne le pense ceux qui n'ont pas réglé la question du père…

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09/05/03 : Rêve :

J'aime bien rêver. Hélas ça ne m'arrive pas si souvent ou plutôt je me souviens rarement de mes rêves au réveil.

Cette nuit j'ai rêvé que je faisais l'amour avec une ancienne collègue de travail qui n'est plus dans le même service que moi mais que je croise encore à l'occasion. C'est une fille assez pimpante et vive, plutôt jolie mais à l'égard de laquelle je n'ai jamais eu de particulière attirance. C'est une fille sympathique mais très péremptoire dans ses jugements et ses appréciations et avec laquelle j'ai eu professionnellement plus d'une occasion de m'affronter. Nous nous trouvions dans une propriété à la campagne, ce genre de lieu où peuvent se tenir des stages ou des séminaires professionnels. Nous étions dehors attendant la reprise de la réunion, des gens allaient et venaient autour de nous. Nous nous rapprochions, commencions à nous toucher puis à nous embrasser sans une parole, avec le sentiment d'une évidence longtemps attendue qui s'accomplissait enfin. Nous roulions sur le sol et nous enlacions dans l'herbe puis je disais qu'il me semblait qu'il y avait trop de monde, qu'on serait mieux ailleurs. Nous nous retrouvions dans une chambre, une grande chambre nue de vieille maison bourgeoise à demi à l'abandon. Il y avait seulement à même le sol carrelé un matelas recouvert d'un drap bleu pâle, je me penchais sur le lit, lissais le drap, en effaçais les plis. Puis nous nous couchions, reprenions nos caresses et commencions à faire l'amour, elle me disait qu'elle appréciait ma lenteur, ma douceur. Et de fait le tempo était lent, je me sentais tendre plutôt que très excité, d'ailleurs le rêve ne s'est pas terminé comme habituellement ce genre de rêve sur des visions de pénétration et sur une bien réelle éjaculation. Je me voyais la tenant par la main, nous sortions de la chambre heureux mais pas encore comblés, il n'y avait pas en nous de sentiment d'échec ou d'incomplétude, simplement il n'y avait nulle impatience, nous nous disions en nous regardant tendrement, nous allons reprendre tout à l'heure, nous allons finir... Et je m'éveillais paisiblement sur cette vision sereine…

Plus forte que l'image de la personne avec qui j'étais, pourtant bien individualisée et repérable, est celle du lieu, de la chambre, surtout, de ce matelas sur lequel je me penche, de ce couchage que j'apprête. La vision il me semble était parée de biens anciens souvenirs, celui d'une vaste maison communautaire quelquepart dans les Cévennes ou j'avais fait étape au cours d'un voyage, la maison était presque vide, les gens que je venais voir n'étaient pas là, mais on nous avait hébergé quand même, je m'étais retrouvé, moi jeune ado aux expériences sexuelles encore assez limitées sur un même matelas avec la jeune femme avec qui je remontais de Marseille vers Paris, nous ne nous connaissions pas plus que cela mais nous avons vécu une belle nuit…

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11/05/03 : Nettoyage de printemps :

Hier avec Constance nous nous sommes attaqués à la mise en ordre de la cave. Nous avons trié, rangé, jeté ou mis à donner une quantité de choses, des planches ou des montants de bois conservés pour d'hypothétiques bricolages que nous ne ferons jamais, des emballages de toute sorte gardés " au cas où ", des bouquins qui commençaient à moisir, de vieilles paires de chaussures, des jouets d'enfants qui ne servent plus… On a été efficace. On a réussi à se séparer des choses sans trop d'états d'âme. Cela fait plaisir de retrouver une cave dans laquelle on peut se mouvoir et dans laquelle au moins on retrouvera ce que l'on recherche. Sentiment de satisfaction. Impression de s'être allégé…

Mais, car il y a un mais, tout ceci n'était qu'un préalable à la suite. Le but de la manoeuvre et la raison même qui nous a poussé à mettre de l'ordre dans la cave, c'est d'alléger la maison elle-même, de débarrasser nos pièces de vie trop encombrées de certains objets en jetant ou donnant là aussi ou bien en stockant dans une cave offrant désormais un peu plus de place des choses dont on est pas tout à fait prêt à se séparer.

C'est Sisyphe !

Se voir en train de remplir à nouveau cette cave que l'on vient à grand'peine d'essayer de vider n'est pas particulièrement agréable.

En plus, une fois que nous avons eu fini avec Constance, je me suis lancé dans un tri de mes propres papiers qui ont aussi une sérieuse tendance à devenir envahissants. Aïe, aïe, aïe ! Là c'était beaucoup plus dur. J'ai commencé à me perdre dans chaque dossier que j'ouvrais, j'ai hésité à n'en plus finir et ne suis parvenu finalement à dégager guère qu'une demi étagère.

Ces activités de rangement commencées dans l'énergie et la bonne humeur m'ont conduit à l'agacement puis à l'exaspération. Constance l'a bien vu qui ne cessait de me dire : " mais arrête-toi donc, on en a assez fait pour aujourd'hui ". J'ai continué stupidement selon un processus récurrent chez moi. Je ne sais pas m'arrêter. Comme si je ne pouvais m'empêcher dans chaque activité de ce type, d'aller, poussé par un étrange masochisme, un tout petit peu trop loin, juste pour pouvoir me faire souffrir.

L'après-midi touchait presque à sa fin lorsque je me suis enfin arrêté de très mauvaise humeur. Je suis sorti seul un moment, histoire de me dégourdir les jambes et de me défouler. Le temps était particulièrement superbe. Un temps à se poser simplement à une terrasse de café, à siroter une bière en profitant du soleil et en regardant passer le monde et j'en ai d'autant plus regretté de m'être enfermé trop longuement dans mes dérisoires rangements.

Á la sortie de chez moi, il y avait, placardée sur un mur, une affiche étrange qui disait simplement " Le temps n'a aucun intérêt : désoeuvrement productif ". Je me suis dit: " Mon gars, tu devrais en prendre de la graine ".

Mais le dire n'est rien, se débarrasser de vieilles façons de fonctionner débiles, même si elles sont parfaitement perçues comme telles c'est une autre paire de manche, il est bien plus difficile de faire un grand ménage de printemps dans sa tête que dans sa cave !

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12/05/03 : Le silence :

Décidément, ça ne va pas très bien.

Je viens de m'éveiller au milieu de la nuit avec un sale sentiment d'angoisse, avec l'impression que rien n'avance, que je tourne en rond, que je me heurte toujours à des portes que je tiens moi-même fermées.

Le week-end me laisse un goût amer : les bons moments, - un dîner agréable chez des amis samedi soir, une promenade dimanche matin avec Constance en bords de Seine et dans le Parc de Bercy- ne pèsent pas lourd face à tout le reste. J'ai déployé au long du week-end des tas d'activités, rangements, tris, classements, lecture des diaristes, préparation d'une refonte de mon site, qui en fait m'ont permis d'éviter l'essentiel.

J'étouffe, je ne sais par quel bout secouer cette chape de plomb qui m'immobilise, je ne sais comment briser le silence.

Le silence, je n'entends plus que lui ! Il est installé depuis longtemps mais il me semble que jusque là nous nous en accommodions, portés par la mécanique des habitudes, par les routines installées et, tout de même, par les bons moments et les plaisirs du quotidien. Comme nos parents s'en sont accommodés et combien d'autres dans les générations qui nous précédent.
Seulement aujourd'hui ça ne passe plus. On ne peut plus se contenter de cela. L'évolution des mœurs et des mentalités, le culte de l'individu que développent nos sociétés, l'importance accordée à la parole individuelle, rend ce silence de plus en plus difficile à vivre pour ceux qui s'y trouvent enfermés par leur personnalité ou leur histoire. Tout s'étale à la télévision chez Mireille Dumas ou chez Delarue, Catherine Millet met son sexe à la devanture des librairies, les écrivains autofictionnent à tout va,, les diaristes et moi-même parmi eux, nous nous dévoilons à des inconnus sur notre petit coin de toile. Et avec tout cela je suis incapable de parler à la personne avec qui je vis depuis vingt ans et des poussières ! Il y a là une sacrée contradiction. Ma mise en ligne, tout ce que j'ai été butiner à droite et à gauche chez les diaristes dont j'attendais des effets positifs, ne fait, pour le moment en tout cas, dans la phase où j'en suis rendu, qu'accentuer les contradictions, les rendre plus évidentes, plus visibles, plus douloureuses à vivre.

Et ce silence je n'ai pas la force ni même l'envie de tenter de le briser. Dimanche après-midi, pendant que je m'occupais à m'en abrutir sur mon ordinateur, je voyais Constance traîner sa langueur, incapable quant à elle de se mettre à rien, attendant vaguement un coup de fil qui n'est pas venu d'une copine avec qui elle était censé aller chanter, passant d'une sieste trop longue, malsaine, à un avachissement devant la télé, à des lectures rapidement abandonnées, à une tentative vite interrompue de se mettre à la taille des lilas sur la terrasse. Je la regardais de loin, depuis ma propre petite bulle flottant ici ou là au gré de mes divagations sur internet. Nulle envie d'aller vers elle. Deux silences côte à côte ! Il faudrait oser les briser. Peut-être ai-je trop peur. Le système est bien huilé. Je me réfugie dans mes activités, elle dans son apathie. C'est bien pareil.
Comment en sortir ? J'ai fait des tentatives déjà. L'an dernier j'avais réussi à me décider à lui donner à lire la plus grande partie de mon journal papier, en ne laissant de côté que quelques entrées qui me gênaient trop, dans lesquelles je craignais de trop blesser. Elle l'avait lu avec empressement et intérêt, je lui avais demandé ses réactions, elle n'avait pratiquement rien dit, je n'avais pas insisté, j'aurais dû, j'avais le sentiment moi d'avoir fait un effort et donc je me suis senti dédouané, mission accomplie, à toi maintenant, la balle est dans ton camp, mais j'ai laissé couler le temps, soulagé au fond que la discussion, souhaitée mais redoutée, finalement ne s'engage pas. J'avais oublié que le but ce n'était pas l'effort de montrer mes textes mais bien celui d'engager vraiment la discussion, de renouer le dialogue, au pire de parvenir à se dire l'un à l'autre que c'était peine perdue, que la parole était impossible.

Il faudrait y aller plus franchement. Ne pas dire : " ça ne va pas très bien en ce moment, il y a ceci ou cela au boulot, on vieillit, on est un peu déprimé l'un et l'autre… ". Il faudrait que je dise, que j'ose dire ces simples mots : " ça ne va pas entre nous, parlons-en, parlons-en vraiment… "

Oser prendre le risque de la parole.
Le pourrais-je ?

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14/05/03 : Contrastes :

Un ciel partagé où alternent de grandes plages d'un bleu très lumineux mais un ciel encombré aussi de cumulus chahutés par le vent et qui parfois deviennent menaçants, s'assemblent en une masse très noire…
La chaleur des rayons d'un soleil déjà fort mais un vent coulis qui glace, spécialement lorsque le soleil disparaît derrière les nuages…
En franchissant le Pont d'Austerlitz hier, une Seine irisée par le vent, une lumière étonnante à la fois très vive et très noire, les arbres du quai secoué par un vent tourbillonnant puis l'éclatement brutal d'une pluie violente...

J'ai été à la manif. Cela me semblait s'imposer. Dès lors que j'étais gréviste, il fallait bien aller au bout de la démarche. J'ai voulu rejoindre le cortège en cours de route. Je me suis posté au débouché du Pont d'Austerlitz pensant accrocher mes collègues lorsqu'ils passeraient. Mais la manifestation était si importante que, alors que la tête était passée depuis un long moment, eux n'étaient pas encore partis de République. J'ai remonté un peu à contre manif vers la Bastille, puis, trempé de pluie, j'ai renoncé et je suis reparti, cette fois dans le sens du flot, à moitié dans la rue au milieu du cortège, à moitié sur les trottoirs, cinq minutes avec un groupe, cinq minutes avec un autre. Comme d'habitude, j'étais dedans, j'étais dehors !

Le gouvernement nous malmène sans vergogne sur de multiples terrains, pas seulement celui des retraites, la réforme qu'il cherche à imposer ne va pas mais que proposer d'autre, il n'y a pas me semble-t-il de proposition alternative vraiment crédible. Que faut-il souhaiter ? Que le mouvement prenne de l'ampleur, qu'il perdure comme semble le laisser présager les grèves qui continuent dans de nombreux secteurs? Ce serait la seule façon de faire céder le gouvernement, comme Juppé avait fini par céder face à la rue en 95.

J'observe tout cela avec ambivalence et avec sentiment d'inquiétude.

Sale coup si le gouvernement gagne mais où ira-t-on s'il perd ?

Et puis, là-bas, si loin, si proche, l'Irak instable et l'attentat de Ryad qui montre que rien n'est réglé, l'Amérique a vaincu Saddam finalement assez facilement mais, comme prévu, construire la paix c'est tout autre chose.

Et puis, le Festival de Cannes qui commence avec son glamour et ses sourires, j'ai envie de me réfugier dans les salles obscures, de m'enfuir à la suite des belles actrices, j'ai devant moi, pendant que j'écris, le Télérama de cette semaine avec en couverture la merveilleuse Nicole Kidman et elle me fait de l'œil…

Mon état d'esprit est à l'image du ciel, changeant, entre vague déprime et si précieux bonheur de vivre, entre pesanteur de mes impasses intimes, angoisse de l'avenir et, malgré tout, beauté du monde et des femmes…

Je suis revenu du bureau tôt, abruti, avec mal de crâne, mal de dos et me sentant légèrement fiévreux, je me demande si je n'ai pas chopé la crève dans la manif hier.
Je crois que je vais aller m'affaler devant la télé, regarder l'ouverture du Festival, la montée des marches, strass, paillettes et rêve, c'est ce qu'il me faut pour ce soir…

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