02/02/03
: "Le voile noir" :(14)
J'ai terminé
ma lecture des beaux livres d'Anny Duperrey, " Le voile noir " et "
Je vous écris ".
Le
" voile noir " c'est cette forme d'amnésie qui recouvre en elle
l'image de ses parents avant ce moment tragique où, petite fille, elle
les a retrouvés tous deux morts asphyxiés dans la salle de bain
de leur petit pavillon. Elle raconte comment, pour survivre, elle a tenté
d'effacer, de se réfugier dans la légèreté. ("
Pourquoi es-tu si inhumainement légère ? " lui disait-t-on)(I,
p 124). Mais son " petit moi noir " remonte fugitivement à la
surface à certains moments, dans son " cauchemar fidèle (I,
p 50), lorsque sa grand'mère la met brusquement devant une photo (I, p
67), lorsqu'elle se laisse aller à une " inadvertance suicidaire "
(I, p 98)
Et " le chagrin cadenassé ne s'assèche pas
de lui-même
Faites pleurer les enfants " (I, p 73).
L'écriture
du livre intervient au moment où, bien des années plus tard, elle
éprouve le besoin, de recoller les morceaux de son enfance à partir
des photos de son père qu'elle se décide enfin à exhumer,
à observer. Elle cherche, derrière les images, à sonder,
à révéler ces êtres qui lui ont si radicalement et
brutalement échappés. Et l'on assiste alors, au long des deux livres,
à un douloureux dévoilement, issu du processus d'écriture
mais aussi de ses suites, ponctué de rêves, d'actes manqués,
de rencontres et de ce que lui apportent les lettres de celles et ceux qui réagissent.
Une
image de la mère se met en place progressivement ainsi qu'une interprétation
de l'accident fondateur et du rôle qu'ont pu y tenir aussi bien la mère
que la petite fille. C'est un puzzle qui se construit, non sans rebondissement.
Le dévoilement psychologique a quelquechose d'une enquête policière.
Tout au long du processus A.D. décrit ses
émotions et même ses sensations au plus près, avec une sincérité
qui ne fait pas de doute, c'est cela qui donne son plus grand prix au bouquin
et c'est pourquoi les lecteurs ont pu être émus à ce point.
On perçoit très bien son ressenti y compris physique dans les diverses
phases de ce travail de mise à jour:
"
Cette nuit là j'ai enfin localisé mon regret enkysté à
l'intérieur de moi, cette crypte obscure et secrète où mon
chagrin avait figé mes morts
immuables entités pétrifiées
dans cet espace clos, comme dans une chambre sacrée et interdite, même
à moi, jusqu'à ce jour
c'était là, je les portais,
tristes momies ftales enfermées
Votre mort m'a rendu à
jamais enceinte de vous (II, p 20) ".
Les pages
où elle décrit le séjour qu'elle fait au Portugal pendant
le tournage qui suit la publication du livre sont particulièrement fortes
:
Elle se donne enfin le temps d'éprouver : " une perception décuplée
dans le sens de la paix
éprouver d'une manière plus forte,
plus vivante et sensible
impression de baigner dans l'univers qui m'entourait
mais d'être aussi lui
libre circulation entre l'intérieur de
moi et l'extérieur
cette communion du dedans et du dehors " (II,
p 41)
Elle se laisse aller, " je me sens désembuée. Je sens
l'intérieur de moi comme un espace clos qui a enfin été ouvert
", elle s'abandonne, elle devient disponible, elle est alors prête
à " accueillir " ce rêve de sa mère qui sera d'une
intensité et d'une présence stupéfiante et la laissera bouleversée.
(II, p 51 à 57).
Elle éprouve soudain un impérieux besoin
de se baigner dans la mer mais une série d'actes manqués et de circonstances
de hasard (?) l'en empêchent, l'empêchent peut-être de s'y perdre.
(II, p 75 à 85) Se perdre dans la mer, rejoindre la mère
Psychologie
de bazar ? Peut-être mais le récit qu'elle fait émeut et c'est
ainsi de toute façon qu'elle a vécu le moment.
Au
cours du travail psychologique qu'elle mène à travers l'écriture
de son livre et en fonction de certains éléments objectifs se construisent
diverses lectures de l'évènement, éventuellement contradictoires
: y a-t-il une coupable ? Est-ce l'enfant désobéissant qui n'a pas
ouvert la porte fatale, est-ce cette mère, à demi dépressive,
peureuse et lasse, qui a grossi un peu, qui s'est enlisée dans le tricot,
cette mère qu'une photo montre légèrement distante, avec
un regard triste, " nimbée d'absence " (I, p 168) qui a "
laissé la brèche ouverte à l'accident " (I, p 225) ?
Ou bien est-ce l'oxyde de carbone déjà dégagé qui
explique l'apathie de la petite fille, l'impuissance de la mère ? Il n'y
aurait plus de coupable alors ? Pourquoi faut-il à tout prix qu'il y ait
un coupable ? (II, p 158, p 167) Et même cette mère n'a-t-elle pas,
de ses dernières forces, retenu la porte pour que son enfant soit protégée
de l'asphyxie ? Un autre rêve le suggère en tout cas (II, p 139).
Et
A.D. nous dit qu'au final c'est sa propre envie de partage qui lui a permis d'aller
mieux (II, p 205)
Alors il lui est enfin devenu possible de dire : " j'ai
réussi à faire que mes parents deviennent de VRAIS morts. A les
sortir de moi, de la crypte sacrée où je les avais enfermés
à l'intérieur de mon être" (II, p 226).
Mais
il y a aussi les photos. Elles sont magnifiques !
Qualité
du noir et blanc. Puissance d'expression. La couleur ne donne pas cela, elle gomme
les contrastes, paradoxalement elle affadit.
Ces
photos parlent. Elles parlent d'une société d'abord. Elles laissent
deviner la France des petites gens dans l'après-guerre. Tout ça
n'est pas si vieux. 50 ans seulement. Mais quel contraste déjà.
Les rues pavées, les galoches, les vêtements tricotés dans
les familles, la devanture de l'épicier
Ces
photos parlent parce qu'A .D. sait les fait parler. Derrière chaque image
elle traque l'histoire, sa propre histoire.
Ainsi
par exemple cette photo de la famille dans le pré et tout ce que dit le
sourire de la grand'mère " très doux, comme incertain, avec
un pli un peu douloureux au coin des lèvres " (p 34), ainsi cette
photo de l'autre grand'mère, la forte femme, la lionne au travail sur sa
machine à coudre (p 56), et celle de la tablée de mariage, où
l'on glisse par zooms successifs des verres et des bouteilles, symbole de l'abondance
retrouvée, vers les visages des convives, vers les deux jeunes mariés
puis jusqu'à ce regard pas si gai, énigmatique, distant, "
nimbée d'absence " de la jeune épousée (p 165).
Et
puis il y a ce portrait d'enfant, ce portrait d'elle, " le portrait intemporel
", " mon père m'a saisie dans une de ces secondes où l'être
est rassemblé " (p 75).
Ce sont des photos
que l'on regarde alors, que l'on regarde vraiment.
Et ça me donne envie
d'aller farfouiller dans les photos anciennes de mes grands parents et de mes
parents, dans mes propres photos aussi, de chercher à traquer sur certaines
d'entre elles ce qui y est peut-être et que le plus souvent on ne cherche
pas même à voir.
03/02/2003
: Inscription:(15)
Bon, ce soir
je m'inscris à la CEV
Je voulais le faire
hier mais nous sommes rentrés un peu tard et puis j'ai terminé mon
texte sur le voile noir, j'ai fait ça lentement, avec difficulté,
cela ne venait pas.
Il n'y a aura guère qu'un
mois que j'ai décidé de me lancer dans le diarisme en ligne !!!
C'est
tout moi ça, ces hésitations, ces délais, ces remises au
lendemain !
Cela fait au moins deux ans que j'ai mis le nez dans le monde du
diarisme, que j'ai découvert à partir du site de Michèle
Senay, " l'Intimiste ", désormais hors service.
Tout de suite
je me suis dit que cette forme d'expression était sans doute bien adaptée
pour moi.
J'ai observé quelques diaristes canadiens puis français,
me tâtant toujours, avançant puis reculant au fil des mois.
Je
me suis décidé enfin cet automne, j'ai commencé à
me préoccuper de l'aspect technique, à m'intéresser aux logiciels
utilisables, j'ai essayé de construire laborieusement mes premières
pages
Le 1° janvier j'ai abandonné
mon journal traditionnel et j'ai commencé à basculer désormais
mes textes dans " les Echos de Valclair ".
J'ai testé cette
nouvelle forme d'écriture d'abord sur mon ordinateur, en local.
Le 20
janvier j'ai mis enfin mon site sur un serveur distant. Et, presque incrédule,
j'ai été vérifier depuis un ordinateur du bureau, que tout
était bien là, accessible pour tous, accessible de partout, dans
cet océan du web. Oui, c'était bien là
Et puis je
me suis manifesté, j'ai adressé des commentaires, des encouragements
à quelques-uns de mes diaristes favoris
Bref,
petit à petit mon être virtuel sort des limbes, commence tout doucement
à exister pour les autres.
Quelle révolution
! Mes petits carnets, tenus pendant l'adolescence, cachés sous des piles
de livres ou enfermés secrètement
Puis, après de longues
années d'interruption, une tradition reprise, des fichiers écrits
sur mon ordinateur mais camouflés sous des noms peu évocateurs et
même protégés par des mots de passe
Des extraits seulement
transmis à mes proches et encore non sans réticences
Et maintenant
des textes donnés en partage, des textes qui pourraient vivre, même
infiniment modestement, mais hors de moi.
Des textes
maintenant qui seraient jetés au loin
Au
loin. Peut-être est-ce cela la clé. Il est infiniment plus facile,
plus confortable, moins impliquant de balancer ses élucubrations et ses
ridicules, ses doutes et ses angoisses dans l'anonymat du web, vers des gens que
l'on ne connaît pas que vers ceux que l'on côtoie
Mais tout
de même. Même cela. L'animal résiste. Il lui a fallu quelques
jours encore. Ce sera fait à la fin de la semaine, au début de l'autre
Cochon qui s'en dédit
Tu parles
La semaine entière est
passée puis un nouveau week-end, tous les prétextes sont bons, je
ne me suis toujours pas inscrit !
Allez, ce soir ce
sera fait
Sauf imprévisibles difficultés
techniques !!!
05/02/03
: Pas facile !(16)
Après
une journée presque constamment dans le stress (et dans le mauvais stress)
qui me laisse plutôt déprimé, je me retrouve devant mon ordinateur,
moment paisible, je voudrais rendre compte de cette journée. Pas facile
!
Parler de ma lecture d'hier soir et de ce à
quoi elle a conduit (ou plutôt n'a pas conduit) au rebord du lit ? Trop
intime. Mais c'est un journal intime pourtant, je devrais pouvoir aborder cela
mais ne m'y résout pas encore.
Parler de ma
matinée, de cette réunion ce matin au Quartier Latin? Temps splendide.
En grimpant sur la Montagne, vivacité du ciel, éclat doré
de la lumière sur la coupole du Panthéon, sur la Tour Clovis. J'ai
habité par là quand j'étais ado, j'ai fréquenté
ce lycée célèbre, je ne repasse jamais par ici sans beaucoup
de plaisir et sans une pointe de nostalgie, surtout quand le temps est glorieux
comme ce matin. Puis la réunion elle-même, telle qu'en elle-même,
ni pire, ni meilleure que ce que je pouvais en attendre. Elle s'est prolongée
plus que prévu et j'ai dû me dépêcher de rentrer au
bureau, frustré du retour tranquille, à pied, que j'avais imaginé.
Parler
du reste de ma journée, des ennuis que j'ai trouvés en rentrant
au bureau ? Des difficultés en cours dans le service, de l'équipe
du secrétariat en plein conflit et de moi-même là dedans pas
à l'aise, désarçonné par l'ambiance détestable
qui règne ? De mes propres doutes, de mes interrogations sur ma capacité
à faire face à ces difficultés, sur la part qui me revient
dans ces dysfonctionnements ? C'est cela qui atteint bien sûr, bien plus
que les dysfonctionnements en eux-mêmes, bien plus que ce que l'on peut
attribuer sans hésitation aux incompétences des autres.
Je
ne sais sur chaque point jusqu'où je peux aller. Ma plume s'arrête,
elle a des pudeurs que je ne lui connaissais pas.
Je
me rends compte d'emblée qu'il n'est pas facile de tenir mon projet d'origine,
d'écrire tout à fait de la même façon que lorsque ce
journal n'était pas en ligne.
C'est un autre
texte qui s'écrit. A vrai dire je m'en doutais un peu, c'est inévitable.
Mais je flotte un peu, je n'ai pas encore trouvé mes marques.
Et
j'en suis un peu mal à l'aise. Il y a déjà quelquechose d'assez
schizo à vivre sa vie d'un côté, à l'écrire
de l'autre, c'est encore plus net si je dois faire dialoguer en moi ce que j'écrirai
peut-être si j'écrivais pour moi seul et ce que j'écris en
fait parce que je ne peux, quoique j'en dise, m'empêcher d'orienter ce que
je dis parce que je sais que vais être lu.
J'évite
de partir dans certaines directions, d'aller là où je risque de
menacer l'anonymat, le mien ou celui de personnes que j'implique dans ces écritures
sans leur en avoir jamais parlé. Et, sans doute aussi ne vais-je pas gratter
certains aspects de ma personnalité dont je sais qu'elle m'amènerait
à donner de moi une image déplaisante ou simplement qui risquerait
d'être mal interprétée
Et pourtant c'est en grattant
là où ça fait mal et où ce n'est pas rose, c'est en
se laissant aller au bout de ce qui vient sous la plume que l'on découvre
parfois des éléments qui ensuite travaillent en nous et nous font
avancer. L'écriture en ligne gomme les aspérités, affadit
ce que j'aurais dit pour moi seul.
Il faut que je
m'y résolve et que j'en trouve le bon usage.
D'autant
que maintenant ma mise en ligne n'est plus seulement virtuelle. J'y suis pour
de bon. La validation par la CEV est en cours, certains déjà sont
venus sur mes pages, quelqu'un même m'a déjà passé
un petit mail gentil.
Je pars pour quelques jours
de vacances vendredi. Ouf ! C'est bienvenu. Un peu de repos. Un peu de distance.
Par rapport aux stress de l'activité professionnelle mais aussi par rapport
à toutes ces questions sur l'écriture. Pas d'ordinateur. Cela va
faire du bien. Une petite diète. A peine arrivé voici que je me
mets déjà en retrait. Quelques jours seulement.
Scrib
is back ! Hier je suis tombé sur un lien vers son nouveau site. Elle
se met moins en avant, elle ne s'est pas réinscrite à la CEV, on
ne la retrouve que grâce aux liens que d'autres mettent vers elle. Elle
a repris depuis octobre, la pétulante scrib, son écriture est toujours
pleine de vigueur, d'énergie, de drôlerie, ça file à
toute allure. Ça fait plutôt plaisir de la retrouver d'autant que
j'ai eu l'occasion de croiser en vrai, en chair et en os, ce sacré bout
de femme. Elle était venue parler du diarisme en ligne à une réunion
de l'Association pour l'Autobiographie
à laquelle j'avais participé en juin dernier et venait de fermer
son précédent journal. Elle avait contribué alors à
me donner envie d'essayer moi aussi cette forme d'écriture malgré
ou à cause des différences considérables qu'il y a entre
sa façon d'être, sa façon d'écrire et les miennes.
10/02/03
: La montagne au couchant :(17)
Ecrirais-je
ou n'écrirais-je pas ?
Je profite d'un moment
paisible. Je suis rentré du ski, les garçons sont encore sur les
pistes et C. n'est pas revenue de sa promenade en raquette. Je me suis installé
sur le balcon du petit appartement où nous logeons. J'ai sorti mon cahier,
je regarde le paysage en face de moi, des mots se pressent dans ma tête,
ma main hésite à les tracer
Regarder
et l'écrire ?
Ou bien simplement être et regarder ?
Mettre
en mots c'est s'obliger à l'observation donc cela accroît l'acuité
de la vision.
Mais mettre en mots c'est aussi séparer de l'impression
première, de la perception pure.
Je repense à ce texte de
Khalil Gibran que j'ai cité il y a quelques jours.
Enfin, malgré
tout, j'écris
Fin d'une journée
somptueuse. Pas un nuage sur les sommets, ciel parfaitement bleu, la neige, tombée
en grosse quantité ces derniers jours, est partout, éclatante
Nous sommes dans l'un des derniers immeubles du village, tout en haut de la station,
juste après nous la route cesse d'être déneigée, nous
sommes à l'orée des neiges immaculées.
En
face de moi les pentes débonnaires occupées par les pistes. Les
remontées mécaniques viennent de s'arrêter, les derniers skieurs
descendent de la montagne en un ballet désordonné, petites fourmis
noires sur la blancheur de la neige.
A droite de
la vallée monte une brume qui noie les fonds mais se colore des tons du
couchant.
A gauche au contraire, tout reste clair, net, étincelant,
la ligne des cols et le roc altier de la Pointe Percée se détachent
sur le ciel très pur.
Il n'y a plus personne
sur les pistes, les ombres s'allongent, le soleil, là où il persiste
perd de son éclat, les engins de damage viennent de se mettre en marche
et s'élancent à l'assaut de la montagne.
Une
troupe de gamins passent sous le balcon, rejoignant leur centre de vacances un
peu plus haut, martèlement de leurs pas sur la route, dans leurs lourdes
chaussures de skis, comme une petite armée qui passe.
Les
garçons rentrent puis C. Un autre rythme s'installe. Je vais ranger mon
cahier.
Dehors l'ombre a gagné encore et grimpé
aux flancs de la montagne, seuls les sommets restent au soleil et arborent les
splendides teintes rougeoyantes du couchant.
13/02/03
: Ski :(18)
Je n'étais
pas très sûr d'avoir envie de ces vacances à la montagne,
en station. J'y allais plus pour suivre le mouvement que par envie très
personnelle. Envie de vacances, de rupture, ça oui. Mais, il n'y aurait
eu que moi, j'aurais préféré à coup sûr une
marche dans un pays du sud ou à la rigueur une rando en ski de fond mais
loin des pistes
Je n'aime pas trop toute la
lourdeur qui accompagne inévitablement le ski de piste: le matériel
encombrant, les skis à porter jusqu'au pied des pistes, ces chaussures
surtout, blocs rigides qui enserrent le pied comme une gangue, qui font perdre
toute sensation de contact avec le sol. La foule envahissante, les bousculades
dans les boutiques, les encombrements de voitures, les attentes aux caisses puis
au pied des remontées mécaniques
Puis le ski lui-même
ensuite, dans sa répétitivité, monter, descendre, monter,
descendre, une succession de pistes qui se ressemblent.
Pourtant
j'ai pris tout de même beaucoup de plaisir, presque à ma surprise:
les conditions excellentes y sont sans doute pour beaucoup : ensoleillement permanent,
abondance de la neige, station relativement modeste disposant cependant d'un domaine
skiable assez vaste, pas surfréquenté et permettant sur quelques
jours de découvrir de nouveaux espaces et de nouveaux paysages. J'ai été
heureux, alors que je n'avais pas skié depuis plusieurs années,
de retrouver intacts les mouvements nécessaires, heureux de sentir mon
corps fonctionner avec harmonie, heureux de cette sensation de glisse aisée
sur la neige facile des pistes très entretenues.
15/02/03
: Mauvais point :(19)
Pourquoi
suis-je comme cela ? L'art de me faire du mal !
Hier
pourtant excellente journée dont je suis rentré ravi. J'avais troqué
les skis contre une paire de raquettes et je suis allé avec C. faire une
rando organisée par l'école de ski de fond à quelques kilomètres
de la station, sur le plateau des Glières.
Aujourd'hui
c'était le dernier jour. Temps splendide encore. Matinée sans hâte,
achats et promenade dans le village, repas de midi au soleil sur notre petite
terrasse face au splendide paysage, pour l'après-midi nous avons décidé
de faire une longue promenade paisible avec ma belle-mère qui séjourne
également dans la station.
Nous la rejoignons
au chalet qu'elle occupe et partons avec elle par le vieux village. C., sa mère
et l'un des garçons qui est resté avec nous aujourd'hui s'engagent
sur un chemin parfaitement damé. Je préfère mettre les raquettes,
envisageant de marcher parallèlement au chemin afin de profiter moi de
la belle neige épaisse. Le temps que je m'équipe les autres se sont
éloignés. Je cherche à les rejoindre mais je marche moins
vite avec les raquettes. Je décide de couper pour les rattraper, des replis
du terrain les cachent bientôt à ma vue mais je suis convaincu que
nous nous retrouverons au premier hameau tout proche. Arrivé là
je ne trouve pas. Je m'avance un peu plus loin vers un promontoire qui domine
la suite de la promenade. Je crois les apercevoir en arrière et revient
sur mes pas. Je m'agace, je m'énerve, je peste intérieurement, je
sens mon exaspération qui croît. J'essaie de marcher du plus vite
que je peux, je m'épuise, j'ai de la neige plein mes chaussures, trop hâtivement
lacées tout à l'heure. Je ne vois plus rien du superbe paysage qui
m'entoure, il n'y a plus aucun plaisir, juste de la rage, je suis tout à
ma colère
Finalement plus tard nous nous
retrouvons enfin. Ils redescendent sans avoir été non plus jusqu'au
but de la promenade. Nous nous engueulons copieusement, chacun faisant peser sur
l'autre la responsabilité de l'incident. Je n'ai plus envie de continuer.
Nous revenons ensemble plutôt silencieusement. J'essaie de me détendre,
de me remettre dans un état d'esprit positif. Je n'y parviens pas. Je rumine
mes mauvaises impulsions et me lamente intérieurement sur ma dernière
journée perdue: Pourquoi diable ai-je éprouvé le besoin de
mettre ces raquettes alors qu'elles n'étaient manifestement pas nécessaires
? Pourquoi ai-je voulu emprunter un raccourci ? Pourquoi n'ai-je pas pu jouir
néanmoins du moment et me suis-je installé dans la colère
?
Et cela a duré. Nous nous sommes retrouvés
en fin d'après-midi dans le chalet qu'occupe ma belle mère pour
prendre l'apéritif avec belles-surs, beaux frères et cousins,
mon agacement masqué par la facile convivialité du moment est resté
présent au fond de moi.
Et maintenant, m'éveillant
dans la nuit, je prends mon petit carnet, j'écris et je tente de conjurer,
de dépasser ces réactions imbéciles.
J'ai
réussi en tout cas à faire en sorte que l'incident, minuscule en
lui-même, jette un voile sur toute ma journée.
Je
déteste être comme cela.
Mais je suis
comme cela !